09 juin 2007

Instants fragiles


J'ai commencé ce blog il y a exactement un an.
Je m'interroge parfois sur l'utilité d'une telle entreprise. J'ai l'impression de jeter des bouteilles à la mer. Mais les mots, les phrases disparaissent emportés par l'immédiateté de l'instant. L'océan de l'internet engloutit tout dans son insondable magma vermiculaire.
La France est un des pays où les blogueurs sont les plus nombreux. Tout ça pour quoi ? Une sorte de vacarme informe. Quelques propos aussi délébiles que les traces sur le sable, balayées par la marée montante. Et chaque jour présente une nouvelle page blanche...
Je pense aux quelques lecteurs qui me font l'honneur de venir flâner ici. Ils me font à la fois une sorte d'obligation et sont en même temps un encouragement très fort. J'aimerais ne pas les décevoir. Évidemment je suis un peu dubitatif. Si l'on juge un blog au nombre de commentaires, le mien n'a pas grande valeur...
J’écoute les variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach, qui glissent délicieusement sous les doigts inspirés d'Andras Schiff. Le temps se resserre autour de ce cycle fermé de 32 brefs mais inépuisables moments musicaux. Durant ces instants d’intense émotion intérieure me reviennent des fragments de vie passée, soudainement révélés à la manière de clichés photographiques, ou de séquences sautillantes comme celles d'un vieux film. Les évènements y apparaissent parfois avec une troublante précision, mais l’ensemble baigne dans une irradiation confuse : les objets, les êtres, l’atmosphère même des situations.
Je pense à mon père disparu il y a presque vingt ans déjà et je ressens avec acuité la pudeur de cet homme que j’ai connu, sans doute sans vraiment le connaître ; sa réserve, presque sa gaucherie parfois pour exprimer ses sentiments. Et pourtant je reconnais nombre de mes attitudes dans les souvenirs que j'ai des siennes. Etrange sentiment.
Sont-ce des matins ou de soirs, des jours, des mois, des saisons ou des années qui traversent ainsi mon esprit ?
Les souvenirs filent comme de lointains paysages à l'horizon du navigateur. Ils existent assurément mais sont enveloppés dans une aura irréelle. Les fragments épars ou imbriqués de notre vie se succèdent ainsi, bruissant de mille préoccupations lorsqu'ils caractérisent l'instant présent et mystérieusement muets dès qu'ils lui échappent, irrémédiablement figés pour l'éternité.
Ai-je vécu ces instants qui nimbés du voile du passé semblent si doux ? Pourquoi faut-il que le sens des choses apparaisse si clairement par instant, puis se dérobe si vite en laissant le goût d’un regret inexplicable ? Ou encore, pour reprendre une interrogation de Montherlant qui servit de titre à l'un de ses ouvrages : aimons nous vraiment ceux que nous aimons ?
Le temps d'écrire ces quelques lignes, elles appartiennent déjà au passé...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

quel est ce spleen qui envahit votre âme?,
pensez vous que ce que vous exprimez n'et pas précieux pour tous vos lecteurs silencieux ?
vos réflexions, vos humeurs vos choix musicaux, littéraires , picturaux, sont autant de cadeaux et de portes ouvertes pour ceux qui vous suivent fidèlement
Ils sont plus nombreux et attentifs que vous n'imaginez

Anonyme a dit…

Ne lâchez pas! Ne tombez pas dans le "défaitisme"! C'est toujours très agréable de vous lire!

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci de tout coeur pour ces encouragements.
La vie n'est pas un long blog tranquille !

Anonyme a dit…

En tout cas de mon côté, je prends toujours plaisir à lire ces courts articles; revenir sur des livres que tu viens de lire mais qui n'ont pas été publié récemment m'intéresse; c'est le contraire du zapping et contribue à faire vivre la pensée libérale que l'on peine à entendre malgré les apparences de l'actualité...

A bientôt