28 juillet 2008

Du libéralisme et des blogs...

En parcourant les blogs, deux parmi ceux que je fréquente régulièrement, attirent mon attention. L'un porté sur l'intelligence artificielle et l'astrophysique qui s'attaque tout à coup véhémentement au libéralisme, l'autre dont le sujet principal était justement l'économie, et qui annonce avec dépit sa fermeture définitive. Cela me suggère quelques commentaires :

Au sujet du libéralisme. Dès qu'un ralentissement ou une panne économique survient, bon nombre d'observateurs jugent opportun de relancer l'idéologie du « Gros Gouvernement » (Big Government) bienfaiteur et de son pendant protectionniste. C'est classique. L'ennui c'est qu'ils ont rarement les mêmes interrogations et états d'âme face aux gâchis et échecs permanents de la quasi totalité des gouvernements qui sévissent dans ce monde sublunaire...
Surtout, s'agissant du libéralisme et du libre échange, on ne voit pas vraiment les raisons nouvelles qu'il y aurait d'en faire le procès. En dépit de crises, il faut être aveugle pour ne pas voir, depuis la fin du dernier conflit mondial, la transfiguration du niveau de vie de tous les pays qui furent un tant soit peu touchés par le libéralisme. Et a contrario, la déconfiture générale de ceux qui sont restés à l'écart ou bien qui délibérément ont pris une autre voie...
En réalité, il n'y a rien de bien nouveau sous le soleil depuis Jean-Baptiste Say, ou Frédéric Bastiat.
Je prends à dessein ces exemples bien de chez nous, car ils n'ont pas la tare rédhibitoire d'être « anglo-saxons » et ont pourtant analysé de manière tellement claire et pénétrante les ressorts de base de l'économie, que leurs leçons libérales pourraient s'imposer avec autant de prégnance que celle de Newton en physique...
Pour Bastiat, l'Etat n'était qu'une « grande fiction sociale à travers laquelle chacun essaie de vivre au dépens de tous les autres ». Après plusieurs décennies d'étatisme et de soi-disant justice sociale, rien n'a vraiment changé dans notre pays plus que jamais sur-administré, réglementé et pourtant endetté jusqu'au cou et socialement fragilisé (car il semble difficile de prétendre que la France, au moins depuis 1981 et jusqu'en 2007, soit un pays appliquant à la lettre le libéralisme). Ce n'est donc pas un « monstrueux bloc ce certitudes » imposé par les pays anglo-saxons au monde occidental, mais la simple évidence...

C'est une lapalissade également que d'affirmer que plus une nation (et a fortiori une planète) est développée et responsable, moins elle a besoin de gouvernement, de règlementations et de contraintes. Quant au libre échange qui s'impose par voie de conséquence, ses avantages paraissent non moins évidents, en dépit du fait qu'il fourmille d'inconvénients. Il n'est pas besoin de sortir de Polytechnique pour percevoir qu'il en a infiniment moins que les doctrines protectionnistes. Il suffit d'imaginer autour de soi ce qui disparaîtrait de la vie quotidienne si tous les pays avec lesquels nous entretenons des relations commerciales cessaient de le faire en rétorsion de la protection de nos petites frontières...
S'agissant enfin des États-Unis, qu'on critique habituellement dès qu'on aborde le sujet du libéralisme, ils pourraient comme l'avait déjà constaté Tocqueville, quasi se gouverner seuls. C'est une force extraordinaire, et ça leur donne une capacité réactive formidable (attention, ça ne veut pas dire qu'il s'agisse d'un monde merveilleux qui ne fasse jamais d'erreur).
En matière d'économie comme en matière scientifique, et probablement comme en toute matière, il est vain de raisonner à la seule lumière de principes immanents ou de dogmes. La force du libéralisme c'est précisément de ne pas trop en avoir et d'être capable de s'adapter avec souplesse et pragmatisme aux circonstances, sans idéologie et sans s'interdire a priori aucune solution. Si l’État peut être utile, il est souhaitable qu'il agisse en ce sens, dans la mesure de ses moyens.
Mais quand on a plusieurs milliers de milliards d'euros de dettes, un taux de chômage des plus élevés, et un tissu social paraît-il au bord de la « fracture », on est quand même assez mal placé pour servir de modèle ou de recours... Et s'agissant enfin du gaspillage des ressources naturelles, dont seraient systématiquement responsables ceux que certains n'hésitent pas à qualifier sans nuance « d'entrepreneurs capitalistes à la recherche du profit immédiat », je ne sache pas qu'il y ait la moindre preuve permettant d'affirmer qu'un « gouvernement fort » et omnipotent, soit une garantie d'efficacité...

Au sujet des blogs qui cessent leur activité. Mr Caccomo annonce la fin de ses "Chroniques en Liberté". J'ai trouvé un peu égoïste sa décision, car manifestement il avait des lecteurs (plus de 70 commentaires pour son dernier billet). Je comprends sa lassitude, sa déception et son amertume puisque je tiens moi-même depuis plus de 2 ans un blog et connais les affres de l'écriture, le « vide vertigineux » de l'internet, et le "secret espoir d'être repéré par un éditeur"...
Mais voilà, la vie est dure comme disait Nicolas de Staël, et réserve beaucoup de désillusions. Beaucoup de blogs s'usent prématurément faute d'y avoir placé de trop hautes espérances, où d'y avoir trop donné d'emblée, ou bien encore faute d'opiniâtreté tout simplement. Car en réalité c'est un marathon. Et qui veut aller loin...
Lorsque j'ai le blues (et les lecteurs qui passent par ici savent que ça m'arrive assez souvent), je pense très humblement à Spinoza qui écrivit son œuvre monumentale dans la solitude, en gagnant sa vie modestement en polissant des lentilles optiques. Je pense à Kant qui fut largement incompris de son vivant, mais qui continua d'écrire en dépit de l'insuccès, tout en prodiguant ses cours à l'université. Je pense à Van Gogh qui n'a vendu qu'un seul tableau dans sa vie et mit fin à cette dernière juste quand la célébrité peut-être allait venir (comme Nicolas de Staël au demeurant)... Autant d'exemples qui montrent qu'il ne faut pas désespérer et s'efforcer de suivre son petit chemin vaille que vaille...

26 juillet 2008

Rêveries estivales


Le bleu du ciel est zébré de grandes trainées blanches laissées par le sillage des avions. Signe des temps. La civilisation technique a même envahi l'univers immaculé des airs. Pourtant sa marque est des plus délébiles...
Au dessous, le paysage par contraste, semble inchangé depuis des siècles. La nature est paisiblement assoupie dans la chaleur de l'été. Les vaches paissent comme si elles faisaient partie d'un tableau de Constable. Le Monde s'agite certes, mais très loin, si loin qu'on peut en douter.
Dans ces moments de détente j'ai parfois l'esprit qui se met à flotter. Il vibre doucement dans la moiteur de l'air, au gré du vol aléatoire des papillons et du crissement chaud des grillons.
En fin de journée, avant que l'horizon figurant la proue d'un immense navire, vienne en montant, cueillir doucement le soleil, je me laisse gagner par un délicieux songe hypnotique. Ce jour mourant, irradiant toute chose de ses rayons couchés, suggère mille réflexions insaisissables sur le sens de la vie.
Je me demande en premier lieu pourquoi l'Homme serait le seul assujetti à la Logique dans un monde qui en serait totalement dénué ? Comment aurait-il seul le privilège d'avoir un sens si tout autour de lui rien n'en a ?
Car l'Humanité a un sens c'est certain, tous ses représentants, même les simples d'esprit et les fous en sont persuadés. Seuls les anarchistes les plus fanatiques et les athées les plus résolus prétendent le contraire. Encore faut-il souligner qu'ils mettent en général un grand empressement à s'inscrire tout entier dans un fatum froidement déterminé, dont le sens irrémédiable et tragique paraît pourtant totalement leur échapper !
Et la preuve que l'Homme est doué de sens, c'est qu'il le sait et le conçoit. Cogito ergo sum. Non seulement cette conscience le touche, mais elle transfigure le Monde autour de lui. En son absence en effet, comment déterminer par exemple, si l'organisation d'une société de fourmis a un sens, puisque personne et pas même elles ne serait à même de le percevoir ?
L'Homme a donc un sens et le confère au Monde.
Et pour preuve que ce qu'on nomme sens, a du sens, c'est qu'il n'y a qu'en s'appuyant dessus que nous faisons de belles et grandes choses. Celles qui nous procurent les plus intenses et durables satisfactions. La plus indicible, la plus empreinte de certitude, est la création d'oeuvres d'art. Car elle ne répond à aucun objectif pragmatique, n'a aucune utilité évidente, mais possède un sens immanent. Je suis même enclin à penser que celui-ci est d'autant plus prégnant qu'il émane de sociétés qui en sont elles-mêmes largement pourvues... Autrement dit, une société incapable de production artistique digne de ce nom, a-t-elle encore un sens ?

A propos de sens de l'Art, une des meilleures illustrations en est la musique de Jean-Sébastien Bach. Après avoir savouré l'excellent DVD que l'Ostrogoth du violon Nigel Kennedy lui a consacré, j'en suis plus que jamais convaincu. Bach est universel, et quelque soit l'angle sous lequel on le considère il est empli de signification. Dans ce disque Nigel Kennedy confirme que sous ses aspects savamment débraillé et fantasque, il est un violoniste hors pair, tout en nuances et en finesse. Au delà des merveilleux concertos, j'ai été submergé par l'infinie tendresse des inventions à deux voix, qu'il a transcrites avec la violoncelliste Juliet Welchman et dont il interprète quelques extraits.
Nigel Kennedy fait beaucoup pour pérenniser dans notre civilisation technique la musique de Bach. Qu'il en soit remercié car rien ne serait plus inquiétant pour une société humaine, qu'un lent désintérêt pour ce qui a tant de sens...

08 juillet 2008

A la recherche du Paradis Perdu


Il est paradoxal qu'il faille parfois aller sur la chaine de télévision la plus commerciale qui soit dans notre pays, la plus vilipendée par les gardiens du temple du « Service Public » et de l'Exception Culturelle, pour y trouver les sujets de réflexion les plus excitants. Et les mieux mis en images.
Chaque numéro de l'émission USHUAIA Nature diffusé par TF1 est de ce point de vue un petit chef d'oeuvre. Prises de vues stupéfiantes, paysages extatiques, lumières paradisiaques, un vrai régal pour les yeux et l'esprit. Certes on sent que tout est travaillé et retravaillé, les couleurs et les contrastes savamment magnifiés. N'empêche le résultat est à la hauteur des moyens et procure un superbe spectacle.
Malheureusement les commentaires du présentateur ne s'avèrent pas toujours à la hauteur, Nicolas Hulot se laissant bien souvent aller à une sorte de philosophie angélique et un tantinet nigaude sur la Nature. Par exemple, le dernier épisode (3/07/08) qui raconte l'Amazonie et focalise l'attention sur une tribu d'indiens perdus dans la forêt, est le prétexte à ressortir le vieux mythe opposant le bon sauvage à la société moderne, prétendument corrompue.
Les Zo'és, dont la population excède à peine 250 âmes, et qui coulent une existence paisible dans un microcosme préservé, deviennent sous l'oeil émerveillé du présentateur écologiste, les survivants du Paradis perdu : « Les Zo'és, comme les derniers témoins de l'origine de l'homme, sont aussi les témoins de notre perte d'humanité, de notre avidité et de notre frénésie constructrice particulièrement… destructrice ». Et en voyant ces gentils hommes nus gambader joyeusement dans la jungle, consacrant « la plus grande partie de leur journée au sommeil, aux jeux, à la baignade ou à de précieux moments de discussion, d'échange et de partage » on ne peut selon lui que se lamenter sur notre triste sort et réaliser « combien de liens nous avons sacrifiés à la notion de possession ». On mesure « l'outrance de notre société standardisée, basée sur le pouvoir, la compétition, le rendement ».

Qu'il est doux de se bercer d'illusions séraphiques, donnant l'impression de redécouvrir le sens des vérités premières...
Seul problème : comment diable, décalquer sur le monde, avec sa complexité et sa diversité, une expérience aussi ponctuelle, aussi exceptionnelle ? Même si elle invite à réfléchir sur le mystère de la nature humaine, est-ce à croire qu'il suffise d'avoir été oublié par la civilisation pour être pur et n'avoir d'autre besoin que d'amour et d'eau fraîche ?
Ces gens quoique fort sympathiques, n'ont pas évolué d'un iota au cours des millénaires. Pour un peu, ils feraient mentir Darwin ! Ils n'ont en apparence aucun désir, aucune passion et ignorent la notion même de progrès. Il n'ont jamais cherché à dépasser les limites de la Forêt. A quoi bon ? La Nature généreuse leur procure à portée de main tout ce qu'il faut pour vivre et un climat assez clément pour se passer de tout habillement.
Sont-ils pour autant les derniers hommes libres comme le prétend Nicolas Hulot ? Difficile à dire. Ils se satisfont d'un monde irrémédiablement fermé sur lui-même, semblent n'avoir aucune angoisse existentielle et leur vie est entièrement conditionnée par l'instant. Le ciel et ses mystères paraît les indifférer et leur culture est des plus rudimentaires, se limitant à un artisanat basique et quelques rites animistes. L'écriture leur est inconnue, comme toute forme d'expression élaborée.
A bien y réfléchir, ils constituent sans doute une des innombrables facettes du génie humain. Leur destin est en soi une énigme tout comme celui de chacun d'entre nous et comme toute société, petite ou grande peuplant l'univers ici bas.

Qu'on les protège comme une espèce en voie de disparition est touchant et somme toute louable. Mais c'est aussi les maintenir dans l'ignorance de l'univers qui les entoure et dans une semi-captivité. Par le biais de caméras bien intentionnées, nous les observons avec nostalgie et tendresse, mais combien de temps joueront-ils avec autant de naturel sous nos yeux le rôle de bons sauvages, avant de chercher à passer de l'autre côté de l'écran ? Car en dépit d'espoirs chimériques, ils est peu probable que beaucoup d'entre nous soient un jour tentés de faire le chemin inverse...

06 juillet 2008

Un mystère colombien

L'intense battage qui accompagne la libération d'Ingrid Bétancourt fait naître une certaine perplexité. Après la révolte, la compassion, l'émotion, puis enfin le soulagement, un étrange sentiment se fait jour. Ou plutôt une interrogation. Pourquoi un tel débordement médiatique ? Qui l'orchestre vraiment ? La Presse ? Les Politiques ? A quelle fin ?
Comme lors des tragiques attentats du 11 septembre 2001, les images diffusées en boucle finissent par être assommantes, donnant l'impression d'une distorsion soudaine et artificielle de l'actualité. Une nouvelle fois, les journalistes en font trop, braquant de manière inconsidérée leurs micros et projecteurs sur tout ce qui brille, sans une once de réflexion et pas le moindre recul. Résultat ils disent n'importe quoi. Un flot de rumeurs non fondées, de suppositions hasardeuses, et de gloriole clinquante submerge l'évènement.
Est-il normal qu'une personne, aussi sympathique soit-elle, devienne en quelques jours
par le truchement des médias, le centre du monde ? D'où tient elle la grâce qui fait qu'elle soit soudain parée de toutes les vertus ?
Certains la voient déjà Présidente de la République Colombienne par le seul mérite d'avoir été otage durant six longues années. Nicolas Sarkozy l'inscrit d'autorité sur la liste des prochains promus à la Légion d'Honneur. Etrange consécration. On finit par avoir des doutes.
Est-elle héroïne malgré elle ou bien s'agit-il d'une mise en scène habile ?
On est interloqué par sa bonne forme apparente, lorsqu'on la compare à l'image de pauvresse résignée, ressassée il y a quelques mois. On la disait mourante de maladies et de mauvais traitements, la voici pimpante et volubile comme si elle sortait d'une cure de thalassothérapie.
On la présente comme la figure emblématique de la politique colombienne, mais son premier geste est de s'envoler pour la France. A-t-elle seulement rencontré le président Uribe, artisan de sa libération, a-t-elle rencontré le Peuple Colombien qu'elle affirme vouloir servir ? On n'en a rien vu. Etrange, si l'on se rappelle que les sondages ne la créditaient pas de plus de 2% d'intentions de vote lorsqu'elle envisageait de se présenter il y a quelques années à la Présidence de la République,...
Vraiment cela fait beaucoup de mystères autour de cette histoire. Ajoutés au discrédit dans lequel on tient, on ne sait trop pourquoi, en France le président Uribe (parce qu'il n'est pas de gauche ?), aux conditions bizarres de la capture d'Ingrid Bétancourt par les FARC, et à la complaisance avec laquelle on les a trop longtemps considérés, nimbés qu'ils sont par l'aura guevaresque de justiciers du peuple, au rôle guignolesque joué par Chavez, ça fait tout de même un peu beaucoup de ficelles qui s'agitent sans qu'on voie clairement qui les tient...
Ne pas oublier que derrière ces torrents de liesses, il reste encore au bas mot 800 otages en captivité...