04 septembre 2008

Des souris et des hommes, et de l'Irak...


Les grands écrivains savent avec peu de mots dépeindre dans toute leur plénitude et leur complexité les passions humaines, et leur propos s'élève parfois jusqu'aux cimes de la plus haute philosophie. John Steinbeck (1902-1968) fait partie de ces élus qui possèdent ce talent. Avec un langage rustique et des histoires sans détour, il donne une dimension tragique inégalée à ses romans.
Des souris et des hommes
est un récit simple. Trop simple peut-être pour les amateurs d'intrigues alambiquées ou de métaphysique en forme de jus de cervelle. Pourtant, l'histoire de George et de Lennie est de celles qui s'impriment en profondeur dans la conscience du lecteur et qui ne le quittent plus de sa vie.
L'itinéraire rustique, plein de sueur et de poussière de ces deux cul-terreux est exemplaire. Il est fait de presque rien en apparence, tout au plus une amitié dérisoire dans l'Amérique profonde des immensités agricoles au début de l'ère industrielle, entre un géant débile et un raté astucieux que tout oppose a priori et qu'un fil mystérieux relie pourtant à la vie à la mort.. Il n'est pas difficile de voir en filigrane à travers leur destinée, quelques unes des plus poignantes problématiques humaines.
Il y a tout d'abord l'espoir. Pas celui de grandes perspectives ou d'ascension sociale grandiose. Non tout juste celui de posséder un jour un petit lopin de terre, une petite maison bien à soi et quelques animaux domestiques...C'est cette espérance qu'on voit luire merveilleusement dans les yeux naïfs de Lennie quand il s'imagine donner à manger à ses lapins. Pauvre Lennie ! Si gentil et en même temps si gauche, si maladroit, si inconscient de sa force, qu'il casse tout ce que la vie lui donne. C'est toute la symbolique du désir qui s'exprime dans ses mésaventures. Combien de fois dans la vie, la réalisation même du désir se solde par une profonde déception...
Evidemment, là réside la cause du drame, qui s'avère aussi inéluctable que celui qui sous-tend une tragédie antique. Malgré toute la tendresse que George porte à son compagnon d'infortune, malgré tous les efforts qu'il fait pour le maintenir à peu près droit dans le chemin de la vie, le malheur viendra briser leur rêve trop inaccessible.
A travers cette histoire édifiante, on perçoit ce qu'est le sens du devoir et comment il surpasse même les sentiments d'amitié et de pitié. Car en dépit de ses échecs, George est un gars bien. Confronté au terribles bévues de Lennie, il ira jusqu'au bout de ses engagements et de ce qu'il considère comme étant son devoir. Sa détermination et son courage son impressionnants. Il n'agit pas tant par amitié que parce qu'il est convaincu qu'il s'agit de la seule alternative humainement possible. C'est la mission la plus difficile de sa vie, mais il ne peut la confier à personne d'autre. Il a bien vu comme le vieux Candy a regretté de n'avoir eu le cran de faire lui-même ce que les circonstances lui imposaient.
Au surplus, si justice doit être rendue, George veut qu'elle soit absolument dénuée de tout sentiment de vengeance, de toute passion, de toute méchanceté. Et lui seul peut en être garant. Ce drame est aussi celui de la solitude. Solitude terrible du héros de western...
J'ai trouvé pour ma part dans ce récit, un formidable gisement de réflexions, applicables à quantité de situations. Au fil de l'eau, j'ai pensé à des sujets très actuels, sur lesquels le raisonnement est parfois lacunaire ou caricatural : vieillesse, solidarité, discrimination, self-government, euthanasie, peine de mort...


C'est tout le mérite de Gary Sinise d'avoir réussi en 1992, à transcrire de manière crédible à l'écran cette oeuvre si dense. Le ton est remarquablement juste, sans fioriture, mais d'une belle authenticité. John Malkovich est d'une vérité saisissante dans le rôle de Lennie. Sinise un peu lisse, est tout de même très convaincant dans celui de George. Les personnages secondaires, en particulier celui de Candy sont épatants. Et l'ensemble est filmé sobrement, mais magnifiquement.
Gary Sinise est un personnage plutôt discret. Des souris et des hommes est sa seule réalisation significative. Il s'est illustré comme acteur dans nombre de films et dans la fameuse série « les Experts ». Dans les coulisses de sa carrière d'acteur, il s'implique avec modestie et humilité dans des actions caritatives. Lui qui paraît-il était opposé à l'intervention américaine en Irak, s'est investi avec Laura Hillenbrand, pour créer une association destinée à porter secours aux enfants irakiens et aux soldats qui les assistent sur le terrain (Operation Iraqi Children). Cette action a été saluée et soutenue par le président Bush, auquel l'acteur a finalement rendu hommage après avoir été reçu à la Maison Blanche : "The president was very, very grateful to everyone here. It boosts the morale for everyone here. Some have lost sons and husbands, and just knowing that he's aware of the program and wants to do everything he can to support the program and get the word out -- that's the important thing."

2 commentaires:

namaki a dit…

Voici un joli hasard ! Avec ma collègue de français, nous allons étudier ce roman avec nos élèves de 3ème. J'enseigne l'anglais et je me limiterai donc à leur niveau à quelques courts passages et la biographie de l'auteur.
Je trouve Bush un peu cynique tout de même, ou bien totalement idiot.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Très heureux de ce hasard ! je vous conseille vraiment le pack qui propose à la fois le DVD et le bouquin. Il est à un prix très abordable, et le film fournit la version en anglais, avec les sous-titres en français ou en anglais au choix. le rêve !