24 octobre 2008

Montaigne libéral


Grâce à Pierre Assouline qui signale l'initiative, et à Guy Jacquesson qui en est l'auteur, il est facile désormais à tout un chacun d'aborder l'oeuvre dense de Michel de Montaigne (1533-1592), en lisant la belle transcription en Français moderne.
Certes l'idée n'est pas complètement nouvelle, puisque Claude Pinganaud l'avait déjà eue pour le compte des éditions Arlea, il y a quelques années. L'originalité ici est d'offrir en plus de l'édition « papier » classique, un accès libre au texte électronique.
Et à ce jour, la plus grande partie des Essais est dores et déjà disponible sur internet.

En me plongeant dans l'oeuvre, je redécouvre avec délectation dans le chapitre 13 du Livre III les réflexions que faisait le grand humaniste, à propos des lois, et notamment de la nécessité de ne pas les faire en trop grand nombre. Je ne résiste pas au plaisir de les reproduire ici, tant elles paraissent actuelles.
Je suis souvent étonné d'entendre tant de gens se référer à Montaigne sans manifestement bien mesurer la portée de sa parole. Débarrassée des délicieuses vieilleries qui lui conféraient un caractère sibyllin, elle semble plus que jamais limpide...
« Je n'ai guère de sympathie pour l'opinion de celui qui pensait, par la multiplicité des lois, parvenir a brider l'autorité des juges en leur taillant la-dedans les morceaux qu'il leur faudrait [pour chaque cas].
Il ne se rendait pas compte du fait qu'il y a autant de liberté et de latitude dans l'interprétation des lois que dans leur rédaction.
Et ils ne sont pas sérieux, ceux qui s'imaginent affaiblir nos débats et y mettre un terme en nous ramenant à la lettre de la Bible : le champ qui s'offre a notre esprit pour examiner la pensée d'autrui n'est pas moins vaste que celui dans lequel il expose la sienne ; et pourquoi y aurait-il moins d'animosité et de méchanceté à commenter qu'à inventer?
Nous voyons donc a quel point ce législateur se trompait : nous avons en France plus de lois que n'en a le reste du monde tout entier, et plus qu'il n'en faudrait pour réglementer tous les mondes d'Epicure « si autrefois on souffrait, des scandales, maintenant c'est des lois que nous souffrons », et nous avons pourtant si bien laissé nos juges discuter et décider qu'il n'y eut jamais autant de liberté ni de licence. Qu'ont donc gagné nos législateurs a distinguer cent mille espèces de faits particuliers et à y associer cent mille lois? Ce nombre est sans commune mesure avec l'infinie diversité des actions humaines. La multiplication de nos inventions ne parviendra pas à égaler la variété des exemples.
Ajoutez-y encore cent fois autant : vous ne pourrez pas faire que dans les évènements a venir, il s'en trouve un seul qui, dans ces milliers d'évènements repérés et répertoriés, en rencontre un autre auquel il puisse se joindre et s'apparier si exactement qu'il ne reste plus entre eux la moindre particularité et différence, et qui ne requiert de ce fait un jugement particulier. Il y a peu de rapport entre nos actions, qui sont en perpétuelle évolution, et des lois fixes et immobiles.
Les plus souhaitables sont les plus rares, les plus simples, et les plus générales : et je crois même qu'il vaudrait mieux ne pas en avoir du tout, plutôt que d'en avoir autant que nous en avons. »
Et un peu plus loin dans le même chapitre :
« Il n'est rien qui soit si souvent, si lourdement et largement faillible que les lois. Celui qui leur obéit parce qu'elles sont justes ne leur obéit pas vraiment par ou il le devrait. Nos lois françaises prêtent en quelque sorte la main, par leurs imperfections et leur incohérence, au désordre et a la corruption que l'on peut observer dans leur application et leur exécution. Leurs injonctions sont si troubles et si peu fermes qu'elles excusent en quelque sorte la désobéissance et la mauvaise interprétation dans leur administration et leur observance. »

16 octobre 2008

Vive l'Etat !


Le 12/10 au micro de France Inter, François Hollande évoquant la crise financière, brocardait les libéraux qui crient « Vive l'Etat ».
En disant ça, non seulement il prend ses désirs pour des réalités, mais il utilise pour appuyer son raisonnement, un sophisme douteux. Décrétant ex cathedra que la crise actuelle est celle du libéralisme, donc de la dérégulation, il embouche la trompette de l'Etatisation généralisée et affirme que tout le monde désormais se rallie à cette caricature de politique.


A la vérité, les Libéraux ne souhaitent pas plus aujourd'hui un renforcement de l'Etat, qu'ils ne voulaient hier sa disparition. De même, à la différence des Anarchistes, ils n'ont jamais exigé la suppression des règles organisant la société. Au contraire, ils en font un pré requis indispensable au « contrat social » cher à John Locke. Leur seul objectif, à l'instar de Montaigne ou de Montesquieu, est que l'Etat n'abuse pas de ses prérogatives et que les lois soient aussi simples et utiles que possible.
Or que voit-on depuis des années dans presque toutes les nations même réputées libérales, si ce n'est un accroissement vertigineux de la place de l'Etat et l'inflation sans fin des réglementations ?

En France, même s'il a cédé un peu de terrain après la funeste époque des nationalisations d'entreprises, l'Etat reste en effet omniprésent dans tous les rouages de la société. Si on évalue son poids en terme d'impôts, charges et taxes, cela représente plus de 44% du PIB. Et le résultat de sa gestion n'est guère brillant : Dette colossale, quasi impossible à chiffrer, entre 1200 et 3000 milliards d'euros, équivalent à une vraie faillite aux dires même du premier ministre(1.) De cause structurelle, elle n'a cessé de progresser depuis le début des années 80. Elle s'accompagne d'un grave déficit de la balance commerciale et d'une diminution inexorable de la compétitivité industrielle. Enfin la croissance reste vissée au plancher.
En dépit de plusieurs décennies de socialisme, ce naufrage économique n'est gagé quoiqu'on en dise, par aucun vrai progrès social. On a les 35 heures et le RMI mais des salaires de misère et du chômage autant qu’avant; on a la Sécu et la CMU mais la qualité du système de santé se détériore tandis que son déficit ne cesse de croître; on a un système soi-disant "solidaire" de financement des retraites par répartition, mais il rétrécit comme peu de chagrin faute d'avoir tenu compte de l’évolution démographique; on a l’abolition de la peine de mort, mais un taux record de suicides dans les prisons... Le malaise est dans quasi tous les domaines où s'exerce la responsabilité du gouvernement : Education, Recherche, Justice, Prisons et même Culture !

Parallèlement, le nombre des lois et des réglementations n'a cessé de croître, asphyxiant littéralement l'initiative privée. Le Conseil d'Etat(2) constatait lui-même en 2006 sans pouvoir hélas rien y faire " qu'il y a trop de lois, des lois trop complexes, des lois qui changent tout le temps !"
De fait, l'inflation législative n'a cessé de s'accélérer. En 1973, le Parlement produisait 430 pages de lois. Dix ans après, plus de 1000. Aujourd'hui, presque 4000. Les textes sont plus nombreux, mais surtout, ils sont plus longs et plus compliqués. Selon le journal Le Monde(3), le Bulletin des lois est passé de 912 grammes en 1970 à 3,266 kilogrammes en 2004. Il comportait 380 pages en 1964, 620 en 1970, 1055 en 1990 et 2566 en 2004. La loi sur les communications électroniques du 9 juillet 2004 comprend 101 pages, celle du 13 août de la même année sur les responsabilités locales en faisait 231, et celle sur la santé publique du 9 août, 218. Cela ne semble jamais suffire. A peine l'ubuesque loi sur la « Nouvelle Gouvernance Hospitalière » s'applique-t-elle, qu'elle est détrônée par une autre, encore plus délirante (Loi « Patients, Santé et Territoires »), en passe d'être votée ! En matière fiscale, le gouvernement en est désormais réduit à proposer un « bouclier fiscal » pour protéger les contribuables de ses propres attaques. On croit rêver...

Les Etats-Unis, pays réputé libéral, ne sont pas épargnés par cette frénésie d'Etat. Même en retranchant la part consacrée à l'armée, les dépenses fédérales ont progressé durant le mandat de George W. Bush de plus de 11% conduisant à un déficit de 5 000 milliards de dollars sur la décennie 2000(4). Pendant ce temps le dollar se dévaluait de 40% par rapport à l'euro. Même si l'Amérique conserve un taux de croissance honorable, le chômage s'accroit rapidement, dépassant ces derniers mois les 6%. Pourtant, selon le magazine the Economist(5), jamais les dépenses sociales n'ont été aussi importantes depuis la Grande Société du président Johnson (SIDA, programme No Child Left Behind, modernisation du réseau autoroutier, amélioration de la prise en charge des prescriptions pharmaceutiques...)
S'agissant de la production de réglementations et de textes administratifs en provenance des agences fédérales, on peut l'évaluer par la quantité de pages ajoutées chaque année au Federal Register(6) : d'un volume de 15.000 en 1960, on est passé à 50.000 en 1975, et 80.000 en 2007...

Au total, il est vraiment surprenant qu'on invoque le manque d'Etat et de régulation dans la survenue de la crise économique actuelle. Ce serait plutôt l'inverse. D'ailleurs des économistes(7) relèvent la responsabilité gouvernementale dans la faillite du système des subprime, à cause d'incitations certes bien intentionnées, mais se révélant à l'usage perverses (taux d'intérêt bas, garanties illusoires des organismes para-gouvernementaux Fannie Mae et Freddy Mac, règles comptables trop complexes...). De l'autre côté ils évoquent l'enchevêtrement inextricable des réglementations à l'origine des diaboliques inventions censées les contourner (titrisation des créances, ventes à découvert...)
En définitive, c'est l'ensemble de la société qui a dérapé sur la pente glissante des bonnes intentions et les responsabilités sont largement partagées, de l'Etat aux citoyens, en passant par les banques et les entreprises. A l'évidence, il ne s'agit pas dans un tel contexte de renforcer encore l'arsenal législatif mais de l'assainir et de s'assurer sans tabou idéologique de l'utilité réelle de toutes les lois, car comme l'affirmait Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »
Quant à renforcer le rôle de l'Etat à la manière souhaitée par François Hollande et ses amis, ce serait le pompon : à savoir se retrouver avec des entreprises nationalisées du type d'Elf ou du Crédit lyonnais, dont l'incurie fut manifeste et qui ont coûté si cher aux citoyens !

Soyons toutefois optimiste : si l'Etat parvient à redonner confiance à un système déboussolé en garantissant les fameuses liquidités évaporées, il aura fait oeuvre utile, ce qui est bien le moins qu'on puisse attendre de lui...

1 François Fillon Septembre 2007
2 Bulletin annuel 2006 du Conseil d'Etat
3 Le Monde 3/12/05
4 André Cotta, Le Figaro, 23/02/04
5 The Economist : 29/05/08.
6 Federal register
7 The Wall Street journal 19/09/2008, Johan Norberg.net 22/09/08, Guy Milliere 1/10/08

12 octobre 2008

Le Clézio, un Nobel insulaire


La France est à l'honneur, avec 2 prix Nobel cette année. On s'étonne évidemment du quart de siècle nécessaire à l'Académie Suédoise pour se décider à attribuer celui de Médecine à Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi, qui découvrirent le virus du SIDA... au début des années 80 ! On peut également s'étonner de l'hommage inattendu rendu à J.M.G. Le Clezio, si discret, si classique, surtout qu'il est qualifié à cette occasion par le jury « d'écrivain de la rupture ». Ce qui a plu c'est peut-être cette aura étrange qui nimbe le personnage et en fait « un cas », en quelque sorte...
Je ne connais Le Clézio que par un petit ouvrage paru à la fin des années 80, Voyage à Rodrigues. Il y raconte à peu près la même histoire que dans son roman Le Chercheur d'Or, à savoir celle de son grand-père, juge à Port-Louis de l'Ile Maurice, ruiné, exproprié de sa maison de famille et parti, seul, dans l'espoir de « se refaire », vers Rodrigues, à la recherche du mythique trésor du pirate Olivier Levasseur dit « la Buse ».
Le Clézio raconte en réalité sa propre équipée vers ce petit bout de terre perdu dans l'Océan Indien, quelques soixante ans après son grand-père.
Qu'est-il allé y faire, il ne le sait lui-même : « Ai-je vraiment cherché quelque chose ? ».
Il faut bien dire qu'on s'en doute dès le début : pas plus que son aïeul qui s'y est éreinté durant une bonne vingtaine d'années, il ne trouvera le fameux butin.
Par moment surgit une sorte d'éclair : « Je vois ce que je suis venu chercher réellement à Rodrigues : les traces visibles de cet homme, restées apparentes par le miracle de la solitude... ». Mais le lecteur reste sur sa faim car en définitive il ne s'agit que de « coups sur les parois, vers le fond du ravin, qui ont ouvert des blessures dans le schiste, détachant les blocs de lave ».
Peut-être alors l'illusion étrange, à travers cette aventure vaine, « de ne faire qu'un » avec son grand-père, « comme deux hommes qui auraient la même ombre ». Mais, de son propre aveu, il s'agit d'un rêve et, « Comme tous les rêves, il s'achève sur rien... »
Au bout du compte, on est donc un tantinet frustré par ce récit erratique, écrit dans un style limpide mais un peu répétitif. La personnalité sûrement originale du grand-père ne ressort pas vraiment : il est comme une silhouette ahanant silencieusement sur fond de cailloux et de basalte. Quant au paysage, il inspire manifestement des sentiments contradictoires. Tantôt il est « d'une pureté extraordinaire, minéral, métallique, avec les arbres rares d'un vert profond, debout au-dessus de leurs flaques d'ombre, et les arbustes aux feuilles piquantes, palmiers nains, aloés, cactus, d'un vert plus aigu, pleins de force et de lumière », tantôt c'est un « paysage de pierre noire, où blesse la lumière et brûle le vent. Paysage d'éternel refus... », une « Terre brûlée, noire, dure qui refuse l'homme. Terre indifférente à la vie, rocs, montagnes, sable, poussières de lave ».

Le Clézio est un personnage atypique. Sûrement s'agit-il d'un authentique écrivain, mais la substance de son oeuvre paraît quelque peu évanescente, nébuleuse. Et son style est si fluide et lointain, qu'on se demande si le nom même de cet auteur évoque quelque chose de précis à quelqu'un. Une sorte d'île mystérieuse, peu accessible, sans doute...

05 octobre 2008

Je sème à tout vent


La crise financière qui secoue le monde donne lieu à beaucoup d'interprétations. Il est curieux d'entendre colportées, rabâchées, ânonnées, beaucoup d'affirmations à l'emporte-pièce et d'excès en tous genres, ne reposant bien souvent sur aucun substratum rationnel.
Passons, sur quelques superlatifs auxquels nous sommes habitués à force de les entendre répétés à tout bout de champ : « c'est la plus grande crise depuis... ». Que ce soit la météo, l'économie, l'insécurité, le moral des ménages ou je ne sais quel paramètre, il est toujours au plus haut ou au plus bas depuis... la dernière fois !

« Le capitalisme ne sera plus jamais comme avant ». Évidemment, personne n'en sait rien mais la plus grande probabilité est que tôt ou tard, « le naturel revienne au galop ». Les temps à venir seront peut-être durs mais, pas plus qu'après 1929 la société ne changera fondamentalement, à moins d'une révolution violente, qui n'arrangerait rien...

« Les dogmes de l'idéologie libérale sont remis en cause ». Les personnes qui me font l'honneur de leur visite sur ce blog, savent que la conception du libéralisme que je défends est tout simplement l'amour « raisonné » de la liberté, hérité en droite ligne du précepte tocquevillien. Par conséquent, hormis cet attachement fondamental, il ne peut y avoir ni dogme, ni idéologie. A contrario, l'Histoire des Peuples montre et démontre que plus le gouvernement des hommes est régi par des dogmes ou des idéologies, moins il y a de liberté. CQFD.

« Le libéralisme a besoin d'être régulé ». Monsieur de La Palisse n'aurait pas dit mieux. Autant affirmer que pour faire des phrases, il faille des mots ! Encore faut-il qu'ils soient cohérents, en bon ordre, et qu'on soit corrigé si l'on commet des fautes. En l'occurrence, le rôle de l'Etat est ici évident, par l'intermédiaire de ses bras législatif, exécutif et judiciaire. A condition que les règles qu'il édicte soient nécessaires, utiles, applicables... et appliquées !
Trop souvent les lois sont promulguées sans qu'on ait soupesé leur utilité réelle, sans qu'on se préoccupe de leur application sur le terrain, et sans qu'on évalue objectivement leur impact. Les limitations de vitesse sur les routes, n'ont montré vraiment leur pertinence, qu'à dater du moment où elles ont été respectées. Pour cela, il a fallu la mise en place de radars pour repérer et sanctionner les excès.. et l'analyse des statistiques pour prouver a posteriori que la loi était utile Cette démarche devrait être requise systématiquement.

« L'Amérique redécouvre les nationalisations ». Le plan Paulson qui devrait disperser 700 milliards de dollars, vise à reconstituer les « liquidités » évanouies, afin de rétablir la confiance et enrayer le jeu fatal de dominos inter-bancaire. Cette opération est ponctuelle, et hormis la mise provisoire sous tutelle des AIG, Freddie Mac et Fanny Mae, il n'a jamais été question de nationaliser les banques. Les chances de succès du nouveau plan sont assez aléatoires, mais ne rien faire serait sans doute pire. Ce plan a rencontré des réticences, car il y a beaucoup de gens aux USA pour vouloir limiter l'intervention étatique qui va endetter le pays tout entier, et surtout exiger des garanties quant au retour de la manne exceptionnelle.
Quant à nationaliser "par principe", rappelons qu'en France, la dernière expérience remonte à celle du Crédit Lyonnais en 1982 et qu'elle a conduit à « l'une des plus grosses faillites qu'ait connu le pays », quelques années ans plus tard
(130 milliards de francs évaporés)...

« On privatise les profits et on socialise les pertes ». Rien de plus faux. Affirmer cela c'est ignorer que l'Etat vit par nature au dépends des contributions des entreprises et des particuliers. Plus ceux-ci sont riches et plus celui-là engrange de recettes.
Pour autant l'impôt n'est pas un fin en soi, pas plus que l'enrichissement de l'Etat. Car si ce dernier peut faire oeuvre utile en rendant ou en prêtant un peu de ce qu'il a ponctionné, sa fonction redistributrice, chère aux socialistes est un leurre, car elle consiste, après avoir englouti une bonne part de l'oseille en frais de fonctionnement, à arroser en pure perte du sable ou à remplir le tonneau des Danaïdes. Le risque est toujours le même : celui de favoriser l'irresponsabilité par un interventionnisme, assimilé à une rassurante providence, et in fine, ruiner l'Etat...

Tout ça pour dire que ces leitmotiv qui plaident triomphalement pour le retour de l'Etat, confondent joyeusement les rôles dans lesquels ce dernier est susceptible d'intervenir. L'Etat régulateur est à l'évidence une nécessité, à condition d'éprouver l'efficacité des règles. Quant à l'Etat redistributeur, ou l'Etat nationalisateur, ça reste envers et contre tout, une hérésie contre le simple bon sens.

02 octobre 2008

When you got a good friend


Ce joli titre d'une chanson de Robert Johnson (1911-1938), donne à merveille à mon sens, la mesure de ce que représente dans le coeur de beaucoup d'amoureux du Blues, un musicien hors norme, d'une sensibilité exceptionnelle : Peter Green.

Natif de Londres, en 1946 pour être précis, il pinça ses premières cordes auprès de John Mayall, notamment au sein de son mythique groupe The Bluesbreakers. Sorti brillamment de cette excellente école, il fut le guitariste fondateur et compositeur de Fleetwood Mac à la fin des années soixante. On lui doit notamment les superbes Albatross et Black Magic Woman.
Mais, anti-star caractérisée, il ne supporta pas le succès fulgurant du groupe et sombra dans une sorte de terrible dépression arrosée de quantité de substances toxiques. Cette affreuse descente aux enfers le maintint hors des sunlights pendant de longues années. Alors qu'il errait dans un état second, Il fut en quelque sorte repêché par une bande de copains, musiciens chevronnés et amateurs invétérés de Blues. Bien décidés à le remettre en selle, ils formèrent autour de lui en 1996 le Splinter Group. Le résultat fut d'emblée éblouissant, donnant naissance à de merveilleux enregistrements, une ribambelle de nouvelles compositions, et une nouvelle vie sur la route des salles de concerts à travers le monde.


Peter Green est un remarquable représentant du blues anglais, courant très original, illustré par une pléiade de grands noms (qui outre Mayall, compte Mick Taylor, Eric Clapton, Alvin Lee, Jeff Beck et dans une certaine mesure Rory Gallagher, Gary Moore, Jimmy Page...) Comme beaucoup de ses compatriotes, il fut toutefois saisi par le charme ensorcelé des chansons de Robert Johnson.
Grâce à son jeu fluide, un peu décalé, superbement mélodique, et à la douceur nostalgique de sa voix écorchée, il parvient à donner une intonation sublime à cette musique au charme rustique mais à l'inspiration céleste.

L'histoire de cet artiste à nul autre pareil, est donc celle d'une chaude amitié. Celle avant tout qui le lie à travers l'éternité au grand pionnier du Delta, et lui fit consacrer un vibrant hommage en 1998 sous forme d'un CD avec le Splinter Group : The Robert Johnson Songbook, et un autre deux ans plus tard : Hot Foot Powder.
Bien sûr Peter Green revient de loin. Il est marqué, et sa voix est parfois un brin chevrotante. Mais ça fait vraiment chaud au coeur de voir sa bonne bouille ronde s'illuminer de joie lorsqu'il joue avec ses amis (dans un superbe DVD tiré de sa tournée 2003). En acoustique aussi bien qu'en électrique, on est littéralement sous le charme. Ses interventions à la guitare gardent un feeling incomparable et lorsqu'il chante on est envahi par l'émotion, malgré ou peut-être à cause du timbre usé de sa voix et de sa diction hésitante. De toute manière, Nigel Watson, qui lui prodigue manifestement une affection gigantesque, se révèle à ses côtés, un guitariste hors pair doublé d'un chanteur exceptionnel. Enfin Roger Cotton au piano et la section rythmique parfaitement réglée (Neil Murray, basse, Larry Tolfree batterie), complètent admirablement cet ensemble très homogène.

De vrais petits bijoux, à posséder si l'on est amateur de travail bien fait et d'émotion. Et qui donnent un deuxième sens à l'amitié : celui du lien mystérieux entre cet archange du blues et tous ceux qui éprouvent parfois la dureté de la vie et qui trouvent auprès de lui une intense et chaude consolation...

When you got a good friend, that will stay right by your side
When you got a good friend, that will stay right by your side

Give her all of your spare time, love and treat her right


I mistreated my baby, but I can’t see no reason why
I mistreated my baby, but I can’t see no reason why
Anytime I think about it, I just wring my hands and cry

Wonder, could I bear apologize, or would she sympathize with me
Mmm, or would she sympathize with me
She's a brownskin woman, just as sweet as a girlfriend can be

Mmm, baby I may be right or wrong
Tell me your feeling, I may be right or wrong
Watch your close friend, baby, then you enemies can't do you no harm

When you got a good friend that will stay right by your side
When you got a good friend that will stay right by your side
Give her all of your spare time, love and treat her right.....