23 novembre 2008

Les nouveaux Faustiens


« Il y a 80 chances sur 100 pour que la première personne qui vivra mille ans soit née. Et il y en à 50 sur 100 pour qu'elle soit déjà âgée à ce jour de 40 ou 50 ans. » Ainsi s'exprime l'excentrique savant anglais Aubrey de Grey dans un reportage diffusé récemment par Arte (16/11) à propos des progrès de la science dans le domaine de la biologie du vieillissement et dans celui des nanotechnologies.
Partant du principe que le corps humain n'est qu'une machine, même si elle est très complexe, il se dit convaincu qu'il sera possible sous peu d'en connaître suffisamment le fonctionnement pour pouvoir l'entretenir et le rénover quasi indéfiniment. Pour stimuler les recherches dans cette direction, et en hommage à Mathusalem, il a même créé une fondation qui récompense chaque année par le Methuselah Mouse Prize, les meilleurs travaux... sur les souris !
Ces prévisions sont sans doute un tantinet excessives ou provocatrices, mais elles sont le révélateur d'un courant de pensée résolument optimiste, qui voit l'avenir en rose.
Le Massachusets Institute of Technology (MIT) semble être un vivier de ces hommes de science bien décidés à percer le mystère de l'immortalité. Certains comme Leonard P. Guarente, fondent leur raisonnement sur l'étude du génome. Il a isolé, d'abord chez certaines levures puis chez plusieurs mammifères rongeurs, une série de gènes, dénommé sirtuins dont l'activation conduit à allonger significativement la durée de vie. Plus fort, à l'origine de l'activation de ces gènes il évoque preuves à l'appui, tout simplement des causes nutritionnelles, faisant observer que pour faire vivre plus longtemps des souris, il suffit de les soumettre à un régime alimentaire hypocalorique, pauvre notamment en graisses et en sucre.
Robert S. Langer dirige quant à lui un laboratoire qui tente de mettre au point des traitements révolutionnaires, enfermant ou véhiculant les molécules médicamenteuses par le biais de polymères biodégradables. Grâce à ce type de procédé, il espère propulser les thérapeutiques au coeur même de l'action, et au plus près des sites cibles. Cela pourrait permettre notamment de diffuser l'insuline dans la circulation avec une très grande précision et régularité. Cela offrirait également la possibilité d'emmener les chimiothérapies au sein même des tumeurs, afin de les ronger en douceur sans provoquer d'effets indésirables. Des techniques similaires promettent le piégeage et l'évacuation de substances toxiques ou de déchets endogènes.
D'un autre côté, les avancées dans la connaissance du développement cellulaire notamment des lignées souches, laisse envisager dans un futur pas trop éloigné, par des techniques de différenciation dirigée et de culture, la possibilité de régénérer en partie ou même entièrement des organes: muscles, téguments, os, coeur, vaisseaux...
Parallèlement la miniaturisation des techniques conduit à fabriquer des robots de plus en plus petits voire microscopiques, de vraies nanomachines de la taille des cellules vivantes voire inférieure. Ainsi partant des propriétés de fournisseur d'énergie de la molécule d'adénosine tri-phosphate (ATP), l'équipe du Pr Carlo Montemagno, à l'UCLA puis à l'université de Cincinnati est parvenue à mettre au point une sorte de « nanocopter », c'est à dire une hélice tournant toute seule autour d'un axe animé d'un mouvement perpétuel. Des robots conçus sur de tels principes font littéralement corps avec la matière vivante et pourraient participer activement à l'amélioration de son fonctionnement à l'échelon infinitésimal.
Enfin, le développement rapide de la micro-informatique laisse entrevoir des perspectives fascinantes. L'astrophyscien Stephen Hawking estime que dans quelques années tout au plus les ordinateurs auront dépassé les capacités de l'intelligence humaine. Il pense que bientôt des puces très performantes pourraient suppléer ou amplifier les fonctions défaillantes ou les insuffisances du cerveau. Associées à la neurochirurgie stéréotaxique, ces techniques mettant en oeuvre de véritables prothèses mémorielles, seraient en mesure d'ici une quinzaine d'années, de s'opposer aux ravages de certaines affections terribles comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson ou même la simple sénescence.
Ray Kurzweil dont le nom est associé à de nombreuses inventions, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle, de la reconnaissance vocale ou dans celui des synthétiseurs utilisés par de nombreux musiciens,fréquente lui aussi le MIT. Il est ardemment convaincu que l'homme est à la veille d'un bond de géant, qui pourrait le conduire à maitriser sa vie, son environnement, voire l'univers entier.
En 1991, il avait prédit l'année exacte où un ordinateur battrait un champion d'échec à son propre jeu (l'ordinateur Deep Blue capable d'effectuer 3. 108 d'opérations à la seconde, eut raison de Gary Kasparov en 1997). Aujourd'hui, il prévoit qu'en 2040 la partie « non biologique » de l'intelligence humaine sera un milliard de fois plus puissante que celle émanant de nos cerveaux. Les ordinateurs pourront faire alors selon lui 1035 opérations par seconde, tandis qu'il évalue les capacités de l'ensemble des cerveaux humains de la planète autour de 1026 opérations par seconde.
Il imagine que doté d'aussi fantastiques performances, l'homme sera capable non seulement d'abolir le vieillissement, mais de faire communiquer directement les cerveaux entre eux. Il aura également conçu des machines douées de conscience avec lesquelles il travaillera en symbiose parfaite.
Lorsque la somme totale de l'intelligence humaine et artificielle aura atteint le chiffre vertigineux de 10100 opérations par seconde (un googol), il serait possible selon Kurzweil de maitriser la totalité de notre univers voire d'en concevoir de nouveaux ! D'ailleurs il suggère que notre monde pourrait n'être lui-même que le fruit d'une super intelligence émanant d'un autre (par exemple l'objet d'un travail expérimental fait par un super-étudiant d'un autre univers...)
A ce stade, tout peut être dit, mais on peut tout de même avoir quelques doutes. Certes les progrès sont spectaculaires depuis quelques décennies. Le volume et le coût des ordinateurs ont diminué de manière prodigieuse tandis que leurs performances croissaient dans des proportions tout aussi phénoménales. Les télécommunications ont réduit la planète à l'état de village global. Pourtant les êtres humains ne sont guère plus intelligents. Nous avons désormais dans presque chaque foyer des ordinateurs fantastiques (bien supérieurs à ceux que la NASA employait lorsqu'elle envoyait des hommes sur la Lune) mais leurs formidables capacités sont le plus souvent dédiées à des jeux vidéos vains et même parfois stupides. Nous disposons de téléphones cellulaires, de GPS, de WIFI et de Bluetooth tous azimuts mais nous n'avons quasi rien à communiquer, que des fadaises...
Fasciné par le développement de l'Intelligence Artificielle, j'ai moi-même bien modestement travaillé sur les systèmes experts en médecine et certains langages ayant pour but la modélisation de raisonnements logiques (LISP). J'ai pu constater que ces systèmes réalisaient parfois des prouesses étonnantes, supérieures à celles d'étudiants voire de praticiens chevronnés sur des problèmes très ponctuels. En aucun cas je n'ai vu toutefois qu'ils soient en mesure d'apporter autre chose qu'une aide limitée, guère supérieure à celle que fournit une calculette à un comptable. D'ailleurs l'enthousiasme des chercheurs est vite retombé et plus de vingt ans après les premières réalisations, le champ d'application de ces logiciels reste très limité en pratique.
Au plan de la santé, il est indéniable que l'espérance de vie ne cesse de s'allonger dans les pays développés. La médecine dispose de moyens d'imagerie sensationnels. La miniaturisation permet désormais d'aller récurer en toute sécurité les artères coronaires. Là où il fallait souvent une intervention à thorax ouvert, l'arrêt temporaire du coeur et l'établissement d'une circulation extra-corporelle, les médecins se contentent aujourd'hui de monter une sonde dans les vaisseaux qui permet d'aplanir les sténoses artérielles et d'y laisser de petits ressorts empêchant la récidive, le tout en quelques minutes sous anesthésie locale. Les gastro-entérologues disposent de leur côté de micro-capsules dotées d'une caméra et d'un micro-émetteur, qui une fois avalées, parcourent toute la longueur du tube digestif en envoyant régulièrement des images à un récepteur externe.
En matière de prévention, on a établi sans ambiguïté le rôle de mesures hygiéno-diététiques simples, basées sur le fameux régime méditerranéen, pour empêcher la survenue les maladies vasculaires et on commence à entrevoir certains bénéfices sur les maladies tumorales.

Il y aurait mille exemples d'améliorations spectaculaires dans le domaine médical. Pour autant, même si l'espérance de vie des populations s'allonge, on n'a encore pas vu beaucoup de gens dépasser en durée de vie, le siècle. Pour l'heure, Jeanne Calment et ses 122 printemps constituent un horizon exceptionnel et indépassable. Et paradoxalement, la médecine semble actuellement plus préoccupée de savoir comment abréger la vie que de la maintenir indéfiniment. Les revendications portant sur l'euthanasie et les soins palliatifs sont omniprésentes dans les médias. Même dans les services de Réanimation on s'interroge de plus en plus souvent sur la nécessité de réanimer...
Si l'on excepte ces contradictions apparentes entre le fatalisme de la réalité quotidienne et l'enthousiasme des théories et des prédictions, le gros problème de ces dernières à mon sens, c'est leur excès de déterminisme. En dépit de leur optimisme, elles inscrivent l'avenir dans des chiffres fermés ou des prédictions formelles mais elles ne répondent pas aux questions fondamentales de l'existence humaine. L'homme est-il assimilable à une machine dont l'intelligence serait le software et le corps le hardware, et qui pourrait en quelque sorte s'upgrader elle-même ? Quel est le sens de l'immortalité dans une telle conception alors qu'on sait que les machines élaborées par l'homme tombent en obsolescence de plus en plus rapidement sans qu'on ait le moindre état d'âme à les remplacer ? Est-il sensé de prétendre qu'une machine puisse totalement comprendre le monde dont elle n'est qu'un sous produit dérisoire ? Et pour paraphraser Albert Camus à l'endroit de Sisyphe, faut-il imaginer qu'un superordinateur puisse être heureux ?
Quand bien même maitriserions nous totalement l'univers et notre destinée que nous nous retrouverions face au même dilemme, quant à la signification de notre existence.
J'aime le théorème d'incomplétude de Gödel qui tend à suggérer qu'il nous manquera toujours au moins une clé pour expliquer la totalité du Monde. C'est un peu démoralisant de prime abord mais en réalité ça ménage un espace pour l'espoir. L'être humain a besoin de mystères, et c'est une illusion de croire qu'il saura un jour par exemple ce qu'est le néant et l'infini.
A moins d'imaginer dans une vision prométhéenne, que l'Homme soit en mesure de devenir Dieu ou tout au moins de regagner par ses propres moyens le jardin d'Eden, il faut bien se résoudre à un peu de modestie.
La science a fait des progrès gigantesques et en fera sans doute encore, mais comme le rappelait Jean Rostand en 1958, l'Homme lui-même n'a pas changé depuis 100.000 ans et ne changera sans doute plus. Il lui importe d'inscrire sa science dans un minimum de sérénité. L'essentiel reste invisible pour les yeux, aussi performants et clairvoyants soient-ils...
La science doit incliner à l'humilité et non à l'arrogance. Lorsque Jean-Pierre Changeux prétend que le cerveau est « intégralement descriptible en termes moléculaires ou physico-chimiques », il dit une évidence de base mais il n'éclaire en rien sur l'essence de la conscience. Et s'il croit pouvoir l'expliquer avec l'aide de ses électrodes, il ne fait que reprendre le refrain des scientistes du XIXè siècle, qui pensaient rencontrer l'âme au bout de leur scalpel. Gardons au moins l'illusion que la conscience n'est pas une illusion. De toute manière on sait depuis Rabelais que sans elle, la science n'est que ruine de l'âme.
Elevons s'il est possible le débat. L'enjeu le mérite. Rien ne serait pire que de rester comme l'âne de Buridan, coincé entre deux conceptions exclusives, l'une réduisant l'alpha et l'omega du monde à un matérialisme hédoniste sans but, l'autre les interprétant avec des considérations immanentes souvent teintées d'archaïsmes religieux...
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Merci à Namaki de m'avoir fait l'honneur d'associer mon blog au prix Premio Dardos, attribué à son magnifique travail, consacré précisément à la compréhension du monde, par le regard et par la réflexion...

19 novembre 2008

j'aime les roses...fanées


Ce trait sarcastique chanté autrefois par Jacques Dutronc, évoque aujourd'hui irrésistiblement les mésaventures tragico-comiques du Parti Socialiste. Je sais bien que ce n'est pas très gentil de tirer sur les ambulances mais il faut reconnaître que ces gens ont bien cherché ce qui leur arrive aujourd'hui.

En premier lieu, force est de constater que les personnalités en lice ne brillent guère par leur charisme et que leur aspiration au renouveau n'est pas vraiment convaincante. Sur les 4 prétendants du 6 Novembre au poste de premier secrétaire, trois paraissaient pour le moins amortis. Comme le fait remarquer Benoît Hamon, leur cadet, ils appartiennent à la génération Mitterrand et leur discours autant que leur image sont usés. Ségolène, qui a l'âge auquel la plupart des femmes aspirent à partir en retraite, voudrait faire oublier qu'elle gravite dans les sphères ministérielles depuis plus de 25 ans. En dépit de son look pimpant, façonné par son nouveau mentor Dominique Besnehard, elle appartient à la génération de ceux qu'elle qualifie sans les nommer de « sages », et à qui elle demande de prendre du recul... Au surplus elle incarne l'archétype du politicien de carrière, moulé par l'ENA et ancré dans les sphères feutrées et peu pragmatiques de la haute fonction publique.

Le plus navrant toutefois est le caractère sclérosé de son discours. Depuis des décennies, il reste envers et contre tout inscrit dans une dialectique néo-marxiste. Ce matin encore par exemple, sur l'antenne de France Inter, elle affirmait être la mieux placée pour prendre la défense « des victimes du libéralisme féroce et du capitalisme acharné ». Ces invectives, dignes de vieux militants bornés, sont tellement caricaturales qu'elles prêtent à sourire. Comment peut-on encore avoir une vision aussi simpliste et négative du monde ? Et surtout que peut-on espérer d'un programme de gouvernement fondé sur des a priori aussi grotesques ?

Ici réside le vrai problème du PS. Il s'est enferré dans une impasse idéologique dont personne ne semble pouvoir le sortir avant un bail. On vit certes Ségolène revendiquer timidement l'héritage de Tocqueville ou même certaines actions de Tony Blair, mais ce fut de manière confuse et sans lendemain. Il y eut bien également une tentative de la part de Bertrand Delanoé de revendiquer pendant quelque temps une certaine forme de libéralisme, mais elle ne convainquit personne tellement elle était alambiquée et sujette aux oxymores. De toute manière il a fini par se rallier à Martine Aubry qui incarne une conception particulièrement radicale de la Gauche.

Globalement les Socialistes restent plus que jamais accrochés aux vieilles lunes de la bureaucratie étatique, aux mirages de la justice sociale administrée, et au leurre de la redistribution autoritaire des richesses. Les plus jeunes ne laissent hélas guère d'espoir. Tous revendiquent une politique encore plus à gauche. En définitive, le paysage politique est si morne à ce jour en France, et le débat si pauvre en idées novatrices, qu'il ne reste à ceux qui veulent échapper à cette désespérante ornière, qu'à passer en désespoir de "cause", avec armes et bagages chez Sarkozy... les plus obtus allant planter leur tente à côté de celle de Besancenot !

Si le libéralisme (dont la France n'a jamais connu l'application) est très loin d'être parfait et sujet à des crises, il reste infiniment supérieur au socialisme qui a démontré son échec quasi universel. Les seuls modèles qui n'ont pas trop mal réussi sont le fait d'hommes ayant vraiment rénové leur parti et abandonné les tabous doctrinaires. Ceux qui ont accepté en quelque sorte le jeu de la "concurrence non faussée", du "libre échange" et de "l'économie de marché". Hélas, les Socialistes français qui a un moment ou un autre ont pourtant reconnu que c'était la seule manière de produire vraiment des richesses, proposent aujourd'hui à la faveur de la Crise, le modèle le plus ringard qui soit. Celui qui assura notamment la faillite du système éducatif français.

Les personnes qui ont regardé le dernier numéro de Capital sur M6 ont été témoins d'un constat accablant, et pourtant non partisan. L'Education Nationale, fleuron du modèle social à la française, premier poste de dépenses de l'Etat, fait de notre pays l'une des nations les plus dépensières en matière d'éducation de l'OCDE. Pourtant, nous sommes placés en 17è position en terme de résultats objectifs ! Non seulement le système aujourd'hui est inefficace, mais il est scandaleusement inégalitaire. Le fameux ascenseur social n'a jamais aussi mal marché dans ce pays. Parallèlement les enseignants sont démotivés par une logique qui fait fi de leurs vraies compétences et se révèle incapable de récompenser leurs efforts de manière pragmatique. C'est ce désastre que les Socialistes toutes tendances confondues, veulent pérenniser et encore aggraver en renforçant encore le rôle de l'Etat, et en réclamant toujours plus de moyens... à fonds perdus !

18 novembre 2008

La création en pleine évolution


Vieux débat que celui qui oppose les tenants de la théorie de la création du monde dits créationnistes à ceux qui préfèrent celle de l'évolution darwinienne, dits évolutionnistes. Et plus que jamais d'actualité. Ce jour même par exemple, la controverse fait la une du site internet du journal le Monde. Avec un titre suggestif, voire inquiétant : « Le créationnisme étend son influence en Europe ».
La controverse prend en réalité un tour de plus en plus extrême et mêle désormais de plus en plus souvent des considérations religieuses ou à l'inverse antireligieuses et plus généralement subjectives.
En France notamment, si les créationnistes sont souvent du genre prosélyte, les évolutionnistes manifestent un radicalisme matérialiste croissant, qui confine à l'intolérance. Au point qu'on serait parfois tenté de réduire le débat à une querelle moyenâgeuse entre Illuminés et Hérétiques.
En définitive, telle qu'on voit la problématique ainsi exposée, elle ne peut apparaître que vaine aux gens dénués de parti pris. La plus élémentaire humilité oblige en effet à reconnaître qu'à ce jour et sans doute encore pour longtemps, l'origine du monde et sa signification resteront mystérieuses aux êtres humains.
Pourquoi donc tant d'esprit partisan ?
Aucune des deux théories n'est en mesure d'apporter la moindre explication objective à ce processus vertigineux, qui hante qu'on le veuille ou non notre conscience. Et d'ailleurs, les deux concepts ne sont pas si contradictoires qu'il n'y paraît. Sauf à considérer que s'excluant l'un l'autre ils sont tous deux ineptes, on pourrait envisager, vu leur incomplétude respective, une intéressante complémentarité.
Même si l'hypothèse du Big-Bang suggère un début à l'univers et donc une création ex nihilo, il ne s'agit que d'une hypothèse tant il est difficile d'imaginer la notion de singularité de laquelle serait issu l'ensemble du cosmos. Nulle part de toute manière on n'a jamais aperçu au bout des lorgnettes les plus performantes, la barbe de Dieu.
Parallèlement la théorie darwinienne, qui apporte indéniablement quelques explications au processus de l'évolution du vivant, reste très fragmentaire et ne peut s'exonérer du fait que pour évoluer il faut d'abord exister...
Il n'est donc pas choquant d'enseigner le processus de l'évolution, à condition de ne pas prétendre qu'il explique tout. Le hasard et la nécessité sont de piètres arguments pour rendre compte de l'infinie diversité de la vie.
Il n'est pas non plus extravagant d'évoquer à la lumière de cette évolution, l'existence d'un dessein intelligent (Intelligent Design). De la bactérie à l'être humain, qui ne serait tenté de voir un progrès, difficile à attribuer au seul hasard ? Sous réserve naturellement qu'on n'en fasse pas automatiquement une preuve de l'existence de Dieu tel qu'il est représenté dans les principales religions.
L'attitude scientifique raisonnable consiste à ne rejeter aucune hypothèse sauf à avoir un argument formel incontestable ruinant les fondements de la construction intellectuelle. Même si on trouve mille raisons de conforter une théorie, cela ne suffira pas pour autant à affirmer qu'elle soit vraie. Une seule réfutation suffit en revanche à l'invalider.
S'il sous-tend un objectif religieux, le créationnisme porte la marque indélébile de toutes les croyances non prouvées voire de tous les fanatismes, et ne peut prétendre à la moindre véracité scientifique. Et, s'il veut s'imposer comme vérité ultime, l'évolutionnisme rejoint la myriade de dérives qu'a connu la Science et ne mérite pas d'autre qualificatif que celui de scientisme arrogant.
En définitive, plus que jamais : To be or not to be, that is the question...

08 novembre 2008

Au dessous du Volcan


Il y a quelques semaines sortait enfin en DVD un titre très attendu. Rarement en effet, on ne vit oeuvre littéraire portée à l'écran avec autant de bonheur et de pertinence, que ce parcours halluciné tiré du roman de Malcolm Lowry (1909-1957).
John Huston
(1906-1987) parvint à le sublimer sans en dénaturer l'esprit, grâce à une mise en scène parfaitement maîtrisée, à la fois rigoureuse et profondément poétique.
Il faut préciser qu'il fut aidé par des acteurs littéralement habités par leurs personnages, en particulier Albert Finney et Jacqueline Bisset.
A la veille de la seconde guerre mondiale, au Mexique, à Cuernavaca, non loin du monumental Popocatepetl, on suit le combat aristocratique mais désespéré, livré par un consul britannique désabusé, à la fin d'une carrière chaotique, contre tous les démons existentiels « qui chargent de leur poids l'existence brumeuse ». Autant dire qu'incommunicabilité et impossibilité d'être constituent les ressorts principaux de ce sombre récit...
En resserrant l'intrigue sur trois personnages principaux et en lui conférant une implacable chronologie, le cinéaste magnifie tout en la disciplinant, la forêt de symboles que forme le livre de l'écrivain anglais.
Cette luxuriante descente aux enfers prend en effet une signification aigüe, tout en conservant l'exubérance et la magie originelles. Le Mexique est omniprésent dans ses excès, ses arcanes, et sa magnificence, à la fois mystique (la fête des morts), brutal (les sinarquistes), indicible (une veille femme jouant aux dominos avec un coq), et vulgaire (le nain cupide et libidineux).

Dans ce monde qui s'écroule et qui chatoie, imitant les frondaisons illuminées d'une jungle baignée de soleil, Geoffrey Firmin porte sa solitude et ses remords comme une tunique de Nessus, tissée des aléas de la vie. Le poison est dans toutes ses fibres, au sens propre comme au figuré : l'alcool ronge son corps, l'incurable spleen dévore son intellect et jusqu'à son énergie amoureuse.
Toutes les tentatives que fera Yvonne, son admirable épouse, pour le comprendre et le reconquérir, se briseront sur cet irrémédiable fatum. Yvonne est résignée. Elle se sait entrainée sans retour mais elle essaie de trouver la force de remonter le courant. Jusqu'au bout elle veut croire que quelque chose peut encore contrarier le destin et lui redonner l'espoir de jours apaisés. Quand elle comprend qu'il n'y a rien à faire c'est déjà trop tard... La vie est tragique, l'amour est désespéré, c'est bien là le fin mot de cette histoire à l'envoûtant parfum de déchéance mortifère.

Autour de ce sombre karma, Hugh le troisième larron, le frère et peut-être un peu l'amant, vibrionne comme les désirs, illusions, et petits soucis qui peuplent la vanité de l'existence. Il résonne de l'actualité du monde, il est en mouvement, passe le plus clair de son temps en voyages et croit se passionner pour les grands problèmes de son temps. Il est pétri de bonnes intentions mais son âme est pâle et inconsistante. Même s'il semble percevoir par instant le drame qui se noue, il lui reste extérieur.
Revisité par Huston, au crépuscule de sa vie, ce récit est d'une limpidité biblique et d'une force tragique digne du théâtre antique. Il illustre parfaitement l'adage qui veut que les chants les plus désespérés soient aussi les plus beaux.
A ceux qui auraient été rebutés ou désarmés par la touffeur du livre, il est recommandé d'aborder un tel chef d'oeuvre par le biais de ce film exceptionnel. Ils en sortiront profondément et durablement bouleversés.

06 novembre 2008

L'instant magique


Ainsi l'Amérique en élisant Barack Obama a choisi la solution la plus audacieuse. Elle démontre à nouveau au monde son inépuisable capacité à évoluer et à surmonter les préjugés.
Surprenant encore une fois tous ceux qui s'acharnent à prévoir son déclin et qui ne voient en elle qu'un bloc monolithique, elle prend tout à coup la figure de cet homme étonnant, au large sourire, débordant d'un charisme à facettes, nourri par des origines qui le placent au confluent des races, des religions et des continents.
Elle lui donne de surcroît les pleins pouvoirs avec un Congrès à sa couleur, bleu horizon.
Nul doute qu'elle saura aussi lui demander bien vite des comptes sur sa manière d'accomplir le job. La mission qui lui est confiée est écrasante, alourdie encore par les espoirs gigantesques d'une opinion publique internationale euphorique mais aussi exigeante que versatile.
Mais les Américains savent par nature qu'avec de la foi, du courage et du sens pratique, on peut déplacer les montagnes et donner un vrai sens à la Liberté. Il faut espérer que le nouveau président réussisse à redorer l'aura qui fait de son pays une nation à part, et que le reste du monde se refuse à voir aujourd'hui.
En attendant, savourons cet instant magique. Au moins pendant quelques semaines, la fanfare anti-américaine cessera son vacarme assourdissant. On va enfin respirer un peu...

04 novembre 2008

Il est jeune, il est beau, il est noir...


Voici en 3 petits mots la substance de ce qui cause l'engouement actuel en France pour la personne de Barack Obama (on sait qu'il serait élu chez nous avec plus de 80% des suffrages...).
Autant dire que l'esprit critique n'a plus de raison d'être dans cette logique.I l est toutefois impressionnant de constater à quel point les critères de choix restent envers et contre tout superficiels, basés sur l'apparence et la démagogie.
Obama a une silhouette super cool, c'est certain. Pour jouer les « gravures de mode », ça serait un atout indéniable, mais pour être président ? Quant au discours, qui le connaît vraiment en France ? A travers l'interprétation des médias, on n'en perçoit que les notions idylliques de « rêve », et de « changement ». Est-ce vraiment un programme ?
Evidemment tout ça rappelle furieusement le délire pro-Kerry en 2004 (quatre ans après, qui se souvient encore aujourd'hui de cet homme présenté comme providentiel à l'époque ?)
Les artistes, ce doit être dans leur nature, embouchent mécaniquement la trompette du candidat le plus séduisant, le plus « à gauche », et glorifient sans réserve les plus lénifiants programmes. Ce n'est pas très grave, on ne demande pas aux stars d'avoir du jugement, et on n'a jamais vu leur talent grandir en fonction de leurs idées politiques. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment...
Mais la Presse ? On reste songeur au sujet de son objectivité, eu égard au déferlement quasi unanime en faveur du candidat démocrate, depuis des mois. Sur France Inter ce matin on nous affirmait tranquillement que plus de 80% des journalistes qui ont couvert la campagne américaine « votent » Obama, et que d'une manière générale, 70% de la presse américaine avait clairement pris position pour ce dernier.
Le pompon c'est évidemment notre cher BHL national, qui s'émerveille depuis des lustres et inonde ceux qui le lisent, des plus beaux et clinquants clichés. C'est bien simple, pour lui « Obama c'est Kennedy »...
Certes il persiste dans ce tumulte quelques exceptions remarquables, comme Alexandre Adler, qui ne se fait guère d'illusion et fait une analyse pondérée et réaliste de la situation, mais qui l'entend ?
Un seul exemple, l'Irak. C'est curieux, plus personne n'en parle et si l'on en croit France-Inter, seuls 7% des Américains en font un enjeu essentiel au moment de la campagne électorale. Est-ce parce que le pays est en voie de pacification comme on peut le penser (en allant chercher l'information), ou bien est-ce parce qu'entre les 2 candidats, la différence est désormais plus fine que l'épaisseur d'un papier à cigarettes ?
Et qui peut penser que face à l'actuelle crise économique les stratégies des 2 candidats pourraient être radicalement différentes l'une de l'autre ?
Au point où nous sommes rendus, de toute manière, le programme d'Obama, manifestement tout le monde s'en moque. Il suffit de savoir qu'il porte un "espoir historique", qu'il sera la « solution à tout » et qu'il mettra fin à « huit ans de cauchemar » !
Le fait qu'il disposera probablement des pleins pouvoirs, avec une confortable majorité à la Chambre des représentants aussi bien qu'au Sénat, cela n'émeut personne et surtout pas ceux qui vociféraient au nom du nécessaire partage des pouvoirs, quand Bush était dans une situation analogue... A entendre les dithyrambes de certains, on peut même penser qu'ils donneraient volontiers au sénateur de l'Illinois, les clés du Monde si c'était possible...


Pour ma part, peu importe en réalité. L'essentiel sera de voir l'élu à l'oeuvre. De toute manière la suite sera sans nul doute jubilatoire. J'imagine la stupeur et le désespoir qui s'emparerait des foules si John McCain devenait malgré tout président ! Mais je me délecte à l'avance de la désillusion inévitable de ces mêmes foules lorsqu'elles s'éveilleront de leur transe imbécile, alimentée par un manichéisme désarmant.
On dit souvent que les Républicains sont bellicistes mais ce furent 2 présidents démocrates qui engagèrent les Etats-Unis dans les deux conflits mondiaux du XXè siècle, ce futTruman qui fulgura sous le feu atomique Hiroshima et Nagasaki, ce fut Kennedy qui lança son pays dans le vrai bourbier vietnamien (avec des arguments plus fallacieux encore que ceux de Bush en Irak..), ce fut Clinton qui ensevelit la Serbie sous un tapis de bombes...
Quant à être "social", paradoxalement Bush le fut infiniment plus que Clinton. Hors coûts militaires, les dépenses de l'Etat furent beaucoup moins importantes avec le second qu'avec le premier. Clinton ne fit à peu près rien de son programme annoncé, notamment en matière de "Couverture Médicale universelle", et il limita drastiquement les aides aux personnes sans emploi. Bush, de son côté, réputé "ultra-libéral", dépensa beaucoup avec ses programmes de lutte contre le SIDA, d'amélioration de l'éducation des enfants défavorisés, d'élargissement de la couverture médicale medicare...
Bref, pas mal de raisons en somme de penser comme Adler : "McCain ou Obama ? Bonnet blanc et blanc bonnet..."