19 mai 2009

Un printemps américain (7)


11 Avril. Cette escapade new-yorkaise me suggère des réflexions en cascade.
New York n'est qu'une infime parcelle d'Amérique mais elle la caractérise si bien ! En vivant à son rythme ces quelques jours je ressens plus que jamais son rôle de trait d'union entre l'Europe et les Etats-Unis; une sorte de point de fusion de l'Ancien Monde qui s'y évanouit, et le creuset du Nouveau qui explose à la manière d'un univers, dans une apothéose de lumière.
New York porte en son sein toute l'exaltation tumultueuse de ces mondes en collision. Peuplée de vibrants vestiges et nourrie par de puissantes racines, elle constitue le raccourci fabuleux de l'Histoire moderne.

Après des débuts chaotiques, dès qu'elle put se délivrer de la tutelle britannique et des affres de la guerre civile, elle eut tôt fait de conquérir une position dominante en s'élevant de toutes ses forces vers le ciel.
De fait, New York occupa une place impériale tout au long de la première moitié du XXè siècle. Porte ouverte au sang neuf de l'immigration, puissance commerciale sans égale, berceau des innovations architecturales, bouillon de culture pour les arts, tout se conjugua pour lui donner la force d'un symbole.
Presque indifférente aux deux conflits internationaux, New York faillit pourtant périr dans les convulsions de l'après-guerre, rongée par les plaies du racisme, défigurée par celles des mafias, et d'une manière générale altérée par la chute des valeurs et la mauvaise conscience du monde occidental. Pourtant, celle que tout le monde donnait perdue, sortit subitement du cauchemar en renaissant de ses cendres, plus belle et forte que jamais.
Le destin cruel voulut que la ville fusse frappée, cette fois en plein cœur, alors qu'elle était redevenue toute puissante. Alors qu'elle avait apporté la preuve éclatante que rien n'est irrémédiable, que même les pires difficultés peuvent être surmontées à force de volonté, elle vacilla sous un choc d'une brutalité inouïe, absurde, insensée, ce funeste jour de septembre 2001.
Si elle montra à cette occasion sa terrible fragilité, une fois encore elle fit la preuve de son incroyable énergie et de la grandeur de son âme.

Après avoir pansé ses terribles blessures, aujourd'hui New York a retrouvé une certaine sérénité. Mais que peut-elle démontrer encore au Monde ? L'Amérique est à son apogée. Elle semble avoir tout inventé, il n'y a plus trop de grandes aventures à vivre, l'art se perd en digressions oiseuses, et la science patine entre bureaucratie et manque d'idéal. Les bons sentiments semblent même instiller à nouveau leur poison lénifiant. L'éducation, contaminée par cette médiocre inspiration n'est plus tout à fait ce qu'elle était.

Pourtant si l'Amérique change, en même temps elle continue de faire preuve d'une remarquable constance. Drapeau, institutions, religion constituent encore des piliers solides.
De ce point de vue, l'élection d'Obama est une divine surprise. Elle permet de ramener à la raison ceux qui engloutissaient sous les injures tout un pays en même temps que son président honni. Elle montre aussi que le visage de l'Amérique sait changer d'expression sans perdre la tête et qu'il est quoiqu'on en dise, un peu celui du leader qu'elle se choisit en connaissance de cause, et c'est bien le moins pour une démocratie.
L'avenir est ouvert : en dépit des épreuves, la ville vit et se renouvelle; sous le sol le feu sacré vibre encore. Que sortira-t-il de cette époque ? La fin de la croissance et le malthusianisme écologique sont-ils des horizons dépassables ?

Ce 11 avril, nous reprenons le fil de la vie familiale américaine. Nos hôtes nous emmènent découvrir un grand Mall dans la petite ville de Columbia entre Baltimore et Washington.
Les centres commerciaux que nous voyons ne sont pas de simples et horribles verrues en forme de hangars édifiés à la hâte en périphérie des villes. Ils affichent une architecture soignée, souvent élégante et sont de vrais petits univers intégrés à la campagne qui les entoure, parfois à deux pas de quartiers résidentiels dont ils reprennent le style général.
C'est le cas de ce mall, situé à proximité du village et du lac Kittamaqundi. A l'intérieur, de vastes et lumineuses galeries égayées de palmiers et de fleurs. On retrouve des enseignes prestigieuses : Abercrombie & Fitch, Macy's, Apple, Nordstrom, Bose... Il y a même un pianiste en chair et en os qui joue une musique d'ambiance et le cas échéant à la demande des visiteurs ! Nous flânons chez Williams Sonoma, superbe magasin de décoration intérieure et achetons un lot de charmantes petites casseroles-mesures en inox. La vendeuse est inquiète car il s'agit de mesures anglaises. Nous la rassurons. Nous ne nous en servirons que pour le fun...

Dans une boutique de DVD je déniche un enregistrement live du groupe de blues Gov't Mule. Je le cherchais depuis plusieurs semaines et même sur Internet je n'étais pas parvenu à mettre la main dessus ! A l'écran, il s'avérera excellent, et chose rare, affichant les paroles en sous-titres.
A cette occasion, je pense que le potentiel des DVD est assez largement sous-utilisé. Avant de partir, j'avais cherché des DVD français pour mon ami, comportant les sous-titres dans la même langue. Hélas à part un film de Sacha Guitry disposant de cette option à l'usage des sourds, ma quête fut vaine. Au surplus, j'avais oublié que les DVD étaient cryptés par zone. Au total, il ne put en lire sur son lecteur, aucun des trois que je lui ai amenés ! Il ne s'agissait pourtant que de films assez ou même très anciens. Ce système de zonage, rempli de bonnes intentions ("Protégeons la Culture Nationale !") mais d'essence protectionniste et purement technocratique, est donc en pratique d'une effrayante stupidité. On voudrait freiner le rayonnement de notre cinéma à l'étranger qu'on ne s'y prendrait pas autrement !

Après cette sympathique petite virée, nos hôtes ont prévu de délicieuses spécialités tex-mex. Ce petit diner à base d'enchiladas est le bienvenu et une opportune mise en bouche à la soirée à suivre.
Mon ami nous entraine dans un pub de Fells Point, le Bertha's. Atmosphère typique et chaleureuse. L'endroit n'est pas grand, tout en longueur et plongé dans une semi obscurité, à peine rompue par les lumières de guirlandes colorées et de lumignons au charme suranné. Le plafond est fait de vieilles poutres en bois noircies. Il paraît qu'autrefois l'endroit a un peu brûlé... Il est resté dans son jus. L'ambiance est déjà animée. Les uns se racontent en riant leur journée autour de belles platées de moules (les meilleures de Baltimore paraît-il...), les autres au bar sirotent une bière. Pour ma part j'essaie la Budweiser, plutôt agréable.

Au fond de la salle, des musiciens se préparent. Chance, ils se mettent à jouer un blues très root. Une guitare sèche, un bottleneck, une batterie et une voix au timbre un rien écorché suffisent à produire une musique qui me ravit. Le guitariste et chanteur s'appelle Christopher James. Je n'avais jamais entendu parler de lui mais durant une bonne heure et demie, nous sommes sous le charme. En sortant j'échange quelques mots avec lui et je fais l'acquisition de son disque, que je n'aurais trouvé, c'est sûr, nulle part ailleurs... A l'écoute, il se révèlera excellent et je prendrai la peine de le lui dire par mail, ce à quoi il me répondra très gentiment. La musique abolit les frontières...

15 mai 2009

Un printemps américain (6)

10 Avril. Dernier jour à New York. Nous aimerions faire quelques achats avant notre départ et visiter au moins un musée.
Le choix s'est porté sur le Modern Museum of Art (MOMA); c'est le moins éloigné et un des plus riches notamment en peinture moderne. D'extérieur il n'attire guère l'attention, n'offrant au regard qu'une massive façade de verre anthracite.
Nous n'aurons hélas pas l'occasion d'en voir plus, découragés que nous sommes par la longue file d'attente à l'entrée et le peu de temps qui nous reste avant le départ. Faute de mieux nous nous contentons de visiter le MOMA store, juste en face, très attrayant et dans lequel nous ferons quelques sympathiques emplettes.

Après cela, comme mus par un étrange magnétisme, nous repartons vers la 5è rue. Mon fils voulait absolument découvrir l'Apple Store qui se trouve à son extrémité, près de Central Park. Ce grand cube de verre n'est que la partie émergée d'un curieux magasin-atelier disposé dans l'entresol. Sur de grandes tables toutes simples on peut s'amuser à tester les derniers chefs-d'oeuvres de la technique micro-informatique. J'ai toujours eu un faible pour cette marque qui symbolise merveilleusement l'alliance de la science et du plaisir. Tout ce qui fait l'attrait de ces petits objets magiques, du micro-ordinateur au téléphone mobile en passant par les célèbrissimes iPod a été inventé par la marque à la pomme et je voue une grande admiration au charismatique leader Steve Jobs. Hélas par obligation professionnelle j'ai du me convertir au monde du PC et de Windows mais je suis toujours ébahi par le génie inventif d'Apple.
C'est aussi ça l'Amérique selon moi, l'innovation perpétuelle au service de l'esprit pratique et du divertissement. Comment donc pouvions nous vivre autrefois sans les micro-ordinateurs, sans Internet, sans Google ?
Nous ressortons avec le dernier né des casques HiFi, estampillé de la griffe du rappeur Dr Dre...


En redescendant l'avenue, je sors l'appareil de photo et je mitraille à nouveau avec frénésie tout ce que je vois.
St-Thomas Church belle église anglicane de style néo-gothique dont l'originalité vient de son élégante silhouette asymétrique. Un charme vraiment décalé, un rien kitsch entre les buildings...

Beaux immeubles à l'angle des 52è rue et 5th Avenue abritant les maisons Cartier et Versace, avec leurs fenêtres égayées de stores colorés.



Plus bas, je ne sais quel bâtiment pour je ne sais quelle raison, arbore une forêt de drapeaux nationaux qui rappellent les fêtes des peintres impressionnistes. On croise à nouveau le Rockefeller Center et sa plaza joliment décorée de vasques débordant de magnifiques lys blancs fraichement éclos.


En continuant notre descente, nous faisons un crochet vers Grand Central Terminal, la gare principale sur Park Avenue. Comme à Washington, je suis ébloui par la propreté et la grâce de ce gigantesque hall illuminé par de grandes verrières comme les vitraux d'une cathédrale. De l'extérieur l'édifice ne manque pas non plus de panache avec ses grands aigles en fonte prêts à prendre leur envol à partir des balustres de pierre.

Nous empruntons la 42è rue et longeons la New York Public Library puis Bryant Park. J'aimerais m'y trouver une fin d'après-midi d'été lorsque des musiciens de Jazz viennent improviser dans ce petit ilot de verdure pour détendre les amateurs à la sortie du travail.

A défaut, nous cherchons le magasin de disques que j'ai repéré dans un guide : le Jazz Records Center. Il paraît qu'il offre le plus grand choix possible à New York en la matière.
On est supposé le trouver au 236 West 26th Street, mais rendu sur place, il n'y a pas le moindre commerce en vue. Je commence à penser qu'il y a une erreur, mais un jeune homme voyant sans doute notre perplexité s'arrête à notre hauteur et nous demande si nous cherchons quelque chose. Lui même semble un peu dubitatif. Il finit par nous indiquer l'endroit qui n'a aucune vitrine et ressemble plutôt à un immeuble de bureaux, en nous faisant remarquer que le magasin devrait en fait se situer au second étage. Devant la porte un autre gars confirme la présence dudit commerce et nous précise qu'il est ouvert. Nous entrons. A l'intérieur c'est le chantier. L'immeuble est en travaux. Par terre trainent des gravats et des fils électriques. Nous prenons l'ascenseur qui évoque plutôt un monte-charge. Au second étage, une porte indiquant le siège commercial d'un négociant en vins ! Alors que nous sommes sur le point de ressortir un peu dépités, je prends à nouveau le guide et m'aperçoit qu'il est en fait mentionné le huitième étage. Nous tentons à nouveau notre chance. Cette fois-ci, nous y sommes enfin ! Nous poussons la porte et nous retrouvons dans une sorte d'appartement assez vétuste bourré de présentoirs et de rayonnages désuets. A un bureau un homme en bras de chemise à carreaux et pantalon de velours côtelé, manipule des fiches, lunettes sur le front. A côté de lui une grosse calculette antique. On se croirait dans un film noir et blanc des années cinquante.
Je me mets à fureter dans ce savant désordre. Il y a quantité de vieux disques vinyls soigneusement protégés par des pochettes en plastique transparentes, mais également des CD et même des DVD. Je vais trouver quelques perles. Notamment un somptueux enregistrement datant des années cinquante justement, de Warne Marsh. Ce moelleux représentant du style West Coast, est accompagné en petit comité par des pointures telles que Paul Chambers, Philly Joe Jones, Red Mitchell, Stan Levey, Paul Motian...
J'aime l'ambiance de cet endroit pittoresque mais après vérification, j'aurais pu trouver sur Amazon tous les disques acquis ce jour. Toutefois, je me demande si je les aurais repérés sans pouvoir palper la marchandise autrement que par le biais d'un moteur de recherche un peu abstrait ?

Notre dernier regard sera pour le grand magasin de jouets Toys R Us sur Broadway. Ce royaume pour enfants mérite le détour. Un choix extravagant et des animations en pagaille créent un décor fantasmagorique. Superman est suspendu au plafond arrêtant à la force des poignets un énorme truck tombant dans le vide, Jurassic Park et ses dinosaures quasi grandeur nature voisinent avec l'Empire State, le Chrysler building, la statue de la Liberté en Lego...

Le retour se fera aussi facilement que l'aller mais le bus confirme ses horaires assez élastiques. Nous attendons dans une foule compacte au pied de Penn Station. Le temps est couvert, et il se met même à pleuvoir. C'est un peu la cohue, plusieurs bus passent mais ce n'est jamais le bon. Le marchand ambulant de hamburgers installé juste à côté nous déverse sa fumée dans la figure. Après plus d'une heure d'attente, nous nous engouffrons enfin dans le bus qui était manifestement coincé dans les embouteillages. La nuit tombe au moment où nous quittons New York. Heureusement grâce à la connexion internet, nous pouvons prévenir nos ami du retard.
Voyage de retour sans histoire mais nous sommes heureux de les retrouver à l'arrêt de Baltimore où ils sont gentiment venus nous attendre. Et nous terminons la soirée dans leur sympathique cuisine à leur raconter notre virée tout en grignotant avec plaisir des crevettes accompagnées de sauces épicées et d'œufs brouillés ...

13 mai 2009

Un printemps américain (5)


9 Avril. Début d'une seconde journée à New York. L'hôtel est agréable et confortable mais assez bruyant la nuit. La rue n'est pas très passante mais les fenêtres à guillotine ne procurent qu'une isolation phonique assez médiocre. Il faut dire qu'à part l'obscurité, pas grand chose ne différencie la nuit du jour à New York. La vie est aussi trépidante.
Notre sommeil fut donc des plus légers et au petit matin nous avons envie d'un bon café pour nous revigorer. L'hôtel ne servant pas de petit déjeuner il va nous falloir dénicher un endroit approprié. Mais c'est une des particularités un peu déroutantes ici, en dehors des Starbucks, on trouve peu de cafés du genre de ceux qui pullulent à Paris.
Faute de mieux, nous entrons dans un Cosi où nous achevons de nous réveiller autour de grands cafés servis en gobelets plastiques et de Scones en guise de baguette fraiche et de croissants.
Dehors le temps est frais mais magnifique. Pas un nuage dans le ciel qui se découpe entre les gratte-ciels J'ai l'idée de prendre le Ferry pour Staten Island. J'ai vu dans un guide qu'il s'agit d'un service municipal gratuit.
Nous décidons donc de descendre droit vers l'extrémité sud de Manhattan, direction Battery Park. Pour cela le plus simple est le métro, ligne 1 Même système qu'à Washington. La metrocard rechargeable est un substitut pratique aux traditionnels tickets.

L'embarcadère est une immense salle. La foule s'y presse déjà mais durant le bon quart d'heure d'attente, elle va continuer de grossir nous faisant craindre quelques difficultés d'embarquement. Heureusement le ferry est très vaste et tout le monde trouvera aisément sa place.
Au moment de pénétrer sur le navire, je vois avec amusement son nom : Spirit of America ! Le titre même de mon bouquin, écrit il y a quelques années déjà...
Alors que le ferry quitte le rivage, la majorité des passagers semblent partis vers la proue. Tant mieux, nous restons quant à nous à l'arrière ce qui nous permet de voir au bout du sillage, la ville peu à peu s'éloigner. Derrière les buildings apparaît à l'Est, le Brooklyn Bridge. Puis c'est l'ensemble de la pointe de Manhattan qui se dégage sur l'horizon. On devine en arrière plan le sommet de l'Empire State. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il manque deux géants à l'Ouest pour faire contrepoids à cette imposante muraille d'immeubles ultra-modernes, qui semblent en ce matin ensoleillé, se baigner les pieds dans les eaux tranquilles de l'Hudson.

Très vite apparaît à tribord la Statue of Liberty.

A ses pieds, on devine une foule d'êtres lilliputiens. Cette œuvre si connue, si mythique, si galvaudée aussi sans doute, m'inspire un flot de réflexions confuses. Je suis profondément ému de me trouver si près de ce Titan d'airain dont la pose olympienne n'est pas sans évoquer l'antique géant de Rhodes. New York n'est-elle pas en définitive la Nouvelle Athènes ?
Tant de gens sont passés ici avec un rêve fabuleux en tête... Et elle symbolise si bien l'idéal dont elle tire son nom, auquel elle confère modernité, puissance et lyrisme. Elle est aussi un vibrant témoignage de l'amitié franco-américaine, si profonde, bien trop souvent brocardée sans vraie raison.
Plus d'un siècle après son érection elle est là impassible mais toujours vaillante, et elle est toujours porteuse d'espoir.

Il y a quelques jours à peine, à l'occasion des 120 ans de la Tour Eiffel, je voyais un reportage télévisé rappelant précisément l'histoire de ce colosse de cuivre, dessiné par Bartholdi mais dont l'audacieuse charpente métallique est due au génie de Gustave Eiffel et de Maurice Koechlin. La statue elle-même est haute de 46m mais grâce au piédestal, sa célèbre torche s'élève à plus de 100 m au dessus de la mer. Hélas, depuis le 11 septembre 2001, il n'est plus possible d'en visiter les entrailles métalliques.

La traversée s'achève déjà. Manhattan est estompé au loin par un léger brouillard. Staten Island n'a d'île que le nom. Cette langue de terre est certes entourée d'eau mais à l'Ouest ce n'est qu'un bras de mer qui la sépare du New Jersey et de toute manière elle est reliée au continent par plusieurs ponts dont le Verrazano Bridge vers Brooklyn. Ce secteur résidentiel est surtout l'un des 5 boroughs constitutifs de New York avec Manhattan, Brooklyn, Le Bronx et le Queens.
Nous ne nous attardons pas et comme la majorité des touristes, nous reprenons le premier ferry en sens inverse pour regagner l'endroit d'où nous venons...
Sitôt revenus sur la terre ferme, nous partons à la découverte du Financial District. La Quartier est plutôt calme et rien n'évoque la crise dans laquelle est plongé ce petit monde. Le fameux taureau de bronze du Bowling Green, qui semble se ruer à l'assaut de Broadway n'est pas si imposant que ça. Surtout, il est assailli en permanence par une nuée de touristes se faisant prendre en photo devant lui. Il paraît que passer sa main sur ses parties génitales porte chance aux traders...
Un peu plus loin, c'est Wall Street et surtout, donnant sur Broad Street, la belle façade à colonnes et chapiteau orné de bas-reliefs du Stock Exchange, barrée d'une gigantesque bannière étoilée. Il n'y a pas à dire, le temple du lucre a quand même de la gueule...

Nous bifurquons ensuite pour gagner South Street Seaport à l'embouchure de l'East River. Il s'agit d'un des plus vieux quartiers de New York qui n'est pas sans rappeler Fell's Point à Baltimore, avec ses vieux gréements, remorqueurs et diverses antiquités marines amarrées à demeure. Une grande esplanade en bois riches de bars à terrasses fait office de trait d'union entre cette joyeuse ouverture maritime faisant face à Brooklyn, et de l'autre côté, les immeubles ultra-modernes du quartier financier et les ruelles pittoresques où alternent boutiques et pubs. A un carrefour, un petit monument en forme de phare miniature rappelle la tragédie du Titanic.


En poursuivant notre route nous rencontrons le parc abritant le monumental City Hall qui héberge une bonne partie de l'administration municipale et le gouvernement de l'Etat. Il s'agit d'un bâtiment datant du tout début du XIXè siécle, construit dans le plus pur american federal style, intégrant notamment des clichés architecturaux évoquant la renaissance, le style néoclassique italien de Palladio et des proportions vertigineuses surtout pour l'époque. L'élégance troublante de cet édifice est magnifiée par les branches fleuries des arbres balançant leurs légers pompons roses devant la façade éblouissante de blancheur.

Plus loin nous gagnons des quartiers populaires très animés et bariolés jouxtant China Town et Little Italy. Ici les immeubles sont de taille plus classique. Tous arborent les traditionnelles échelles extérieures de sécurité qui dessinent de grands Z sombres sur les façades le plus souvent rouge brique ou fuchsia. Partout des banderoles multicolores, des guirlandes et des enseignes bigarrées tentent manifestement de rameuter les chalands.

Chemin faisant nous faisons une incursion dans Soho, par Lafayette street, puis dans Greenwich Village que nous abordons au niveau du campus de l'université de New York (NYU). Nous longeons un massif cube rouge, l'Elmer Holmes Bobst Library avant de déboucher sur Washington Square Park.
Lorsqu'un qu'un édifice porte un nom propre aux Etats-unis, c'est bien souvent pour honorer la mémoire d'un donateur privé qui contribua à sa réalisation. J'apprendrai par la suite qu'il s'agit ici d'un magnat de l'industrie pharmaceutique qui légua plus de 11 millions de dollars au début des années 70 pour permettre la construction de cette imposante bibliothèque universitaire, œuvre des architectes Philip Johnson et Richard Foster.

Après nous être restaurés dans un petit restaurant italien, nous passons la fin de l'après midi autour de Columbus Circle et du Lincoln Center, à l'angle sud est de Central Park que nous gagnons en métro. Je souhaitais rendre visite à la grande librairie Barnes & Noble. J'avoue avoir été un peu déçu. Ni au rayon DVD, ni aux livres je n'ai déniché d'objet attrayant, en dehors d'un petit casse-tête chinois acheté à titre de souvenir ! Je me demande vraiment comment ces commerces pourront longtemps tenir tête à leurs concurrents immatériels établis sur Internet (parfois eux-mêmes...). Ce constat est assez triste, mais l'évolution semble inéluctable. Au mieux ils sont condamnés à vendre les blockbusters et best-sellers pour les gens pressés ou peu exigeants. Pour les fouineurs rien n'égale désormais la puissance des vendeurs en ligne.

Le jour tombe déjà. Après avoir diné de spécialités tex-mex et sea-food, dans un sympathique restaurant en contre-bas de la 51è rue, face à notre hotel, le Sweet Emily's, nous terminons la soirée en flânant à nouveau dans Times Square dont nous ne nous lassons pas de l'animation. Je pense aux films 8 mm noir et blanc pris par mon père au début des années 50, qui faisaient mon ébahissement lors j'étais tout gosse. En somme, toutes ces lumières sont consubstantielles au quartier depuis de décennies. Tout change et rien ne change vraiment.
Les commerces ne sont certes pas très variés. Beaucoup de vendeurs de souvenirs, de tee-shirts, de gadgets électroniques en tout genre, mais surtout répétitif.. Une place de choix pour le fabricant de bonbons chocolatés M&M's et dans un genre plus raffiné un superbe magasin Hershey's. Ici le cacao se décline sous toutes les formes et produits dérivés. Et sur les trottoirs d'innombrables hommes-sandwiches cherchent à alpaguer les passants pour leur vendre qui des spectacles, qui des promenades sur l'Hudson...

07 mai 2009

Un printemps américain (4)


8 Avril. Aujourd'hui, voyage dans le voyage, nous entreprenons une virée de trois petits jours à New York. Ce n'est pas vraiment la porte à côté (189 miles soit environ 300 kms). J'imaginais y aller en train. Hélas, une seule compagnie dessert cette destination à partir de Baltimore : Amtrak. Les tarifs sont assez élevés et le trajet n'a rien de particulièrement attrayant.
Heureusement nos amis qui ont déjà été confrontés au problème, nous proposent une solution beaucoup plus économique et de surcroît plus originale : le bus !
Pas les fameux GreyHound, mais une entreprise moins connue, jouissant ici d'une meilleure réputation en terme de confort et d'agrément : megabus.com.

Nous avons pu ainsi trouver le meilleur horaire et réserver nos billets sur le net, ce qui s'est avéré des plus faciles. Le plus délicat est de se rendre à l'arrêt de bus, curieusement situé à plus de 20 km du centre de Baltimore, dans le parking d'un grand centre commercial, le White Marsh Park and Ride. Grâce à l'inlassable dévouement de nos hôtes, nous nous y rendons avec armes et bagages en profitant une fois encore du standing douillet de leur Mercury Grand Marquis.
Le bus n'est pas vraiment à l'heure. Il arrive avec près d'une demi-heure de retard. Mais il va s'avérer très confortable, disposant de toutes les commodités et même d'une connexion internet wifi !

Le trajet est un peu monotone. Nous longeons dans un premier temps la rive ouest de la baie de Chesapeake. De l'autre côté de l'eau, s'étend la péninsule Delmarva qui comme son nom le suggère, appartient à trois états différents. La moitié occidentale est dans le Maryland, l'autre moitié faisant face à l'Atlantique, constitue la plus grande partie du Delaware, enfin la pointe au sud est en Virginie.
Juste avant d'abandonner la baie, au moment où elle se termine en donnant naissance au fleuve Susquehanna, nous apercevons une pancarte au nom évocateur : Havre de Grace. Nous ne verrons pas plus hélas de ce petit bourg prometteur...
Nous traversons un petit bout du Delaware, en croisant notamment Wilmington, port industriel que nous apercevons au loin. Le Delaware est un minuscule état sans beaucoup de charme. Il est surtout réputé pour ses élevages de poulets et pour sa fiscalité très avantageuse qui lui vaut d'attirer un grand nombre d'entreprises offshore.
Nous abordons brièvement la Pennsylvanie, en passant non loin de Philadelphie, et enfin le New Jersey.
Le but n'est pas loin. Tout à coup nous voyons surgir au loin la ligne crénelée des buildings de New York ! Encore quelques grands noeuds routiers puis le Lincoln tunnel, et nous arrivons à Manhattan après 3 bonnes heures de route.

Le bus nous dépose auprès du Madison Square Garden.
On a beau être prévenu et quelque peu déniaisé par les photos, films et séries télévisées, la fameuse grosse pomme s'impose à nous dans toute sa splendeur. Première impression, les immeubles gigantesques ne sont ni écrasants, ni rebutants. Ils s'inscrivent dans une perspective majestueuse. De l'endroit où nous débarquons, c'est à dire le carrefour entre Seventh Avenue et West 33rd st, nous apercevons d'emblée l'Empire State Building sans même y prêter vraiment attention. C'est en regardant le plan que j'en fait le constat. Cette flèche élancée qui perce le ciel me disait bien quelque chose mais je la trouve presque petite par rapport à l'idée que je m'en faisais.
Nous faisons une halte dans un McDonald's pour étancher une petite faim et faire un peu le point. Nous devons paraître vraiment empotés devant le panneau du comptoir, à ne pas trop savoir quoi choisir. Nous nous excusons en baragouinant que nous sommes Français. Le gars de l'autre côté très patient, sourit : « you're welcome ». Double sens peut-être...
Mon fils cherche désespérément les énormes Big Mac qu'il était sûr de trouver ici en pagaille. Quant à moi, ce doit être la seconde fois que je pénètre dans cet antre de la prétendue malbouffe américaine. Non décidément, il n'y a guère de différence avec les hamburgers trouvés chez nous, et ils se laissent bien manger ma foi...

Une fois rassasiés, nous nous dirigeons vers Broadway, que nous allons remonter ébahis, jusqu'à Times Square. Je dois dire que c'est un véritable enchantement. J'aime le contraste des arbres fleuris qui détachent délicatement leurs contours graciles sur les façades en se reflétant dans les vitres. J'aime les drapeaux et longues banderoles accrochés un peu partout qui apportent de subtiles touches colorées à ces grandes masses grises. La rue et les trottoirs vibrionnent d'une foule débonnaire. Encore une fois je suis naïvement, spontanément, indiciblement heureux...
Plus nous remontons, plus l'ambiance s'égaie. Les enseignes multicolores, même en plein jour sont éblouissantes. Dans la rue, taxi jaunes et bus rouges se fondent avec les affiches, les néons, les diodes colorées, dessinant des images en perpétuel renouvellement et nous nous abandonnons à ce délicieux tourbillon.
Nous rejoignons notre hôtel, le Washington Jefferson dans West 51st st. D'apparence discrète, il s'avère de très bon standing. Hélas nous ne comprenons pas tout ce que nous dit l'hôtesse en nous accueillant. Il paraît qu'une chambre ne serait pas tout à fait prête et qu'on nous en aurait donné une autre.... Je me lamente sur mon si médiocre niveau en anglais.
Nous découvrons les chambres avec plaisir. Elles sont très belles et confortables. Celle des enfants comporte deux lits jumeaux et s'avère un meilleur choix que la nôtre, plus petite...

Après avoir pris connaissance des lieux, nous redescendons bien vite pour profiter de la fin de l'après-midi. Direction Fifth Avenue. Nous croisons le Rockefeller Center et sa fameuse patinoire, surplombée par une représentation dorée de Prométhée attaché à sa montagne. De l'autre côté, une colossale statue d'Atlas portant le Monde fait face à travers l'avenue, à la cathédrale Saint-Patrick. Cette église, érigée il y a un siècle et demi dans le style gothique flamboyant, la plus grande de tous les Etats-Unis, paraît en dépit de sa taille , un peu à l'étroit entre les immenses buildings qui l'entourent.
Plus loin c'est la Trump Tower qui attire notre attention. Sa base est découpée en terrasses carrées dont chaque niveau est planté d'arbustes fragiles qui semblent monter à l'assaut de la sombre façade vitrée.

En remontant l'avenue, les belles vitrines se succèdent : Celles de Colehaan et de Kenneth Cole, avec leurs lourdes portes couvertes de dorures et de bas-reliefs, puis Vuitton, Cartier, Rolex, Alfred Dunhill, Gucci, Abercrombie et Fitch, Prada...

Puis nous débouchons sur Central Park, au pied du Plazza Hotel. Le long du parc les taxis voisinent avec une nuée de vélos triporteurs cherchant à alpaguer d'éventuels clients, tandis que de rutilantes calèches colorées, menées par des chevaux placides, se fraient tranquillement leur chemin ponctué du son sec et régulier des sabots heurtant la chaussée.
Nous passons devant une grande statue représentant un homme à cheval. A ma grande surprise, il s'agit du poète et homme politique cubain José Marti (1953-1898), héros de l'indépendance de son pays. Il ne parvint toutefois pas à l'obtenir de son vivant par l'insurrection.
Ironie de l'Histoire, ce cavalier représenté dans un style quelque peu emphatique, rappelle indirectement que les Etats-Unis furent en définitive les artisans de cette libération, obtenue par les armes contre l'Espagne en 1898...
Nous descendons dans le parc et flânons autour de l'étang d'où nous pouvons jouir d'un magnifique spectacle Les immeubles vus en contre plongée affirment leur puissance et leur modernité dans les rayons obliques du soleil. On dirait une armée de géants bienveillants autour de ce grand parc qui s'assoupit dans les derniers feux du jour. Nous repérons ça et là quelques oiseaux inhabituels : notamment quelques red-wing blackbird que je retrouverai plus tard dans Google sous la référence française de carouge à épaulettes et un joli cardinal bariolé.
Mais le jour qui tombe assez rapidement ne nous donne pas l'occasion de poursuivre plus avant la découverte de cette agréable « campagne » new yorkaise. Nous remontons vers les lumières et empruntons la 6è avenue ou Avenue of the Americas. Nous passons devant le célèbre Radio City Music Hall qui occupe une partie du Rockefeller Center.

En croisant la 42è rue au niveau de Bryant Park, nous apercevons au loin le Chrysler Building et son élégante flèche faites d'écailles lumineuses. La crise est là, Chrysler est en quasi faillite mais la tour brille encore et à ses pieds les New Yorkais s'affairent comme si de rien n'était. Juste devant nous l'étoile rouge géante de Macy's, « le plus grand magasin du monde », celui qui ne ferme jamais ses portes, est comme un étonnant pied de nez à la morosité et aux idéologies.
Nous entrons. Une foule s'y presse mais l'ambiance est feutrée, parfumée. Partout des fleurs. En bouquets, en pots, en arbustes savamment arrangés, c'est une féerie marchande. Combien d'étages y a-t-il, je ne me souviens plus bien mais nous ne verrons qu'une petite partie de cet empire qui s'étend sur tout un quartier.
Avant de rentrer fourbus à l'hôtel il nous reste encore à découvrir Times Square by night. Deux soirées ne seront pas de trop pour s'emplir de cette fête permanente...

04 mai 2009

Un printemps américain (3)


Le 7 avril, nous retournons à Washington DC !

Cette fois-ci par le train. Deux compagnies se partagent la ligne : Amtrak et Marc Train. Bizarrement les tarifs vont du simple à plus du double. Le calcul est vite fait, ce sera le Marc (14$ aller et retour par personne) pour faire les 38,5 miles soit 60 kms environ, qui séparent Washington de Baltimore.

Le trajet est sans grand intérêt, le train n'est pas de toute jeunesse et le paysage est répétitif, faisant alterner sur le bas côté des forêts de troncs maigres et dégarnis. Je suis frappé par le nombre d'arbres tombés, gisant à terre sans ordre ni entretien apparent. De ci de là, à l'occasion de trouées sur la campagne, on aperçoit de belles maisons en bois peint, sur de grandes propriétés impeccablement entretenues. La crise immobilière ne semble pas avoir trop fait de ravages par ici.

Arrivée à la gare de Washington: l'Union Station. Splendide édifice datant du tout début du XXè siècle. Elle fut un temps la plus grande gare du monde. J'apprends qu'elle faillit être détruite il y a près de trente ans, avant d'être en définitive entièrement rénovée en 1981.
Aujourd'hui encore elle paraît vaste, mais surtout affiche un luxe inhabituel pour un tel endroit. Le plafond est tout en voutes alvéolées soulignées de dorures, et largement ajourées par de lumineuses verrières. Les grandes arcades sont barrées par des linteaux sur lesquels trônent d'augustes statues en pied, de divinités antiques. Le hall immense, au sol marbré et carrelé, compte de nombreuses boutiques, et sa monotonie est interrompue par la présence d'un étonnant stand où siège un café restaurant sur deux niveaux, faits de boiseries vernies et de cuivre qui participent à la richesse du lieu. Un vrai petit village cozy. Il paraît qu'on trouve même une morgue, une salle de bowling, une crèche, des bains turcs...
Le tout est éclatant de propreté, et ce jusqu'aux toilettes, qui sont d'ailleurs aux USA d'après ce qu'on a pu en juger, toujours impeccables quelque soit l'endroit.


Nous prenons à pied Massachusett Avenue, et passons devant le Postal Museum, puis empruntons quelques belles artères, larges et dégagées, avant de tomber sur la Maison Blanche dont nous découvrons la façade nord avec son majestueux péristyle reposant sur dix colonnes.
Aucune présence policière apparente. L'endroit dégage à la fois quiétude et majesté.
Posté dans Lafayette square, on jouit d'une belle perspective, avec au premier plan la statue équestre d'Andrew Jackson (7è président), entouré de canons datant de la guerre de sécession (ou peut-être même de 1812). Au second plan, le bâtiment présidentiel et au fond, légèrement décalé, l'obélisque de Washington.
En longeant la Pennsylvania Avenue on tombe sur une statue de Rochambeau qui rappelle le rôle de la France dans l'Histoire américaine.
Enfin, la façade sud apparaît au loin, au fond de l'immense parc, masquée par de vénérables magnolias et un bassin centré par un jet d'eau. Au bord de la clôture des écureuils vont et viennent, attirés par les enfants. Contraste saisissant : la demeure du personnage le plus puissant du monde héberge ces hôtes lilliputiens qui se jouent des barrières, des frontières et du temps...

En nous dirigeant maintenant vers le memorial de Lincoln, nous rencontrons celui qui rend hommage aux morts du Vietnam. Il s'agit d'une simple excavation formant un angle descendant dans le sol en pente douce, et structurée par un mur de marbre anthracite sur lequel sont gravés par ordre chronologique les noms des quelques 50.000 gars tombés entre 1959 et 1975. Le brillant de la pierre renvoie le reflet fantomatique des visiteurs parcourant ce poignant sanctuaire. Aucun mot ne saurait vraiment rendre la tragique et humble beauté de ce miroir empli de tant de vains sacrifices...

Nous arrivons enfin au pied du Lincoln Memorial.

Autant celui de Jefferson était gracile et tout en rondeurs, autant ici on est frappé par l'aspect massif, intangible de la pierre blanche, traitée à la manière d'une acropole. Comme si sa vocation était avant tout de suggérer le caractère invincible et irréversible de l'Union.
Du haut des marches, on découvre un panorama magnifique. Le regard vole au dessus de longs bassins, est arrêté par l'obélisque et cherche à deviner au loin la silhouette du Capitole. J'ai l'impression d'avoir sous les yeux tout ce qui fait la grandeur de l'esprit de l'Amérique et je ressens une sorte d'exaltation magique.

Nous retournons sur nos pas et faisons un halte dans un fast food où nous apprécions les roboratifs sandwiches assaisonnés d'épices qu'on y sert quasi à toute heure. En Amérique on mange bien, mais sans vraie discipline de repas. En réalité on s'arrête lorsqu'on a faim. Pas de protocole, pas de succession définie de plats. On se poste simplement devant un panneau descriptif des menus pour choisir sa commande. En deux temps trois mouvements elle est exécutée sous vos yeux et après avoir réglé l'addition, vous n'avez plus qu'à trouver une table libre, les bras chargés de victuailles appétissantes, de cornets de frites et de larges gobelets remplis de soda. La nourriture n'est pas si déséquilibrée qu'on le dit à condition de savoir faire des choix raisonnables; les salades sont délicieuses et la viande – souvent du poulet – est servie avec des légumes, des sauces épicées et divers pains des plus sympathiques. Rien de mieux pour faire une pause agréable sans se ruiner.

L'après-midi, nos pas nous mènent vers le Capitole. Comme tous les bâtiments officiels, il est d'une blancheur éclatante et dévoile ses proportions impressionnantes à mesure que l'on s'approche. Depuis le 11 septembre 2001, il est hélas devenu plus difficile de visiter ce temple du pouvoir législatif. Seuls les parcours guidés à heure programmée, sont désormais autorisés. Dans ce parlement bicaméral, les élus se répartissent en deux groupes, celui des représentants qui compte 435 élus (au prorata de la population de chaque état) et le Sénat qui n'en totalise que 100 (2 par états). Les premiers ne jouissent que d'un mandat de deux ans tandis que les seconds disposent de 6 ans et sont renouvelés par tiers tous les 2 ans.

Enfin, la visite ne serait pas complète si l'on ne poussait jusqu'à la Cour Suprême située quelques centaines de mètres derrière. Elle aussi est bâtie dans le style néoclassique qu'on affectionne ici. Neuf juges nommés à vie veillent au strict respect de la Constitution.