12 juin 2009

Un printemps américain (10)


Mardi 14 Avril. Après la visite de grandes métropoles, nous partons cette fois pour une petite station du bord de mer, à quelques dizaines de kilomètres de Baltimore : Annapolis.
On se souvient qu'elle eut brièvement les honneurs des médias en 2007 lorsqu'elle fut le théâtre de négociations entre Palestiniens et Israéliens sous l'égide du président Bush. Bien que cette initiative s'inscrivit dans la tradition chargée d'histoire de la ville, force est de reconnaître que ce ne fut pas un gage de succès...

Le temps est aujourd'hui au crachin, ce qui ne fait pas trop nos affaires. Dès l'arrivée c'est pourtant le coup de cœur pour cette aimable cité de quelques 8000 habitants, qui malgré son apparente modestie et son charme désuet, reste envers et contre tout la capitale du Maryland.

Autrefois Annapolis fut un port prospère, et devint même durant quelques mois, la capitale des Etats-Unis après la signature du traité de Paris en 1783. En matière de commerce tout ne fut malheureusement pas idyllique puisqu'on sait que l'endroit fut longtemps une porte d'entrée forcée pour les esclaves arrivant d'Afrique.
Sur le quai une curieuse sculpture montrant l'écrivain et journaliste Alex Haley discutant avec des enfants, évoque sa fameuse et controversée saga « Racines » sur le sujet. Mais la scène insiste surtout sur l'importance des liens familiaux pour conjurer la fatalité, et sur la fierté qu'il faut avoir de ses origines...
De nos jours heureusement, l'activité maritime se résume essentiellement aux fruits de mers (crabes et huitres) et aux régates de voiliers.
Le port de plaisance prend un faux air de lagune avec ses grands pieux en bois émergeant de l'eau, ses pontons qui semblent dessiner des canaux, sur fond de ciel gris légèrement brumeux. Au loin le dôme bleuté de la Naval Academy Chapel a des allures de Salute...

Nous déjeunons dans une charmante auberge, la Middleton Tavern. Cette grande maison toute simple en briques revendique un glorieux passé. Elle accueillit en effet comme clients réguliers des gens aussi célèbres que Washington, Jefferson et Franklin... A l'intérieur, beaucoup de bois vernis et de cuivre. Et de nombreuses affichettes publicitaires et d'écrans de TV égayant une grande salle un peu sombre. Nous avons ici la première occasion de goûter le fameux Crab Cake, une des spécialités du Maryland. Il s'agit de grosses croquettes à base de chair de crabe fraiche, assaisonnée avec de la mayonnaise ou différentes sauces rehaussées d'oignons, d'épices plus ou moins pimentées ou de tabasco. L'ensemble est enrobé de chapelure, doré dans du beurre ou de l'huile, et servi avec de la salade. Mieux vaut sans doute ne pas en abuser pour la santé, mais c'est diablement savoureux...
J'essaie également les huitres, qui ressemblent beaucoup aux classiques creuses de Bretagne. On dirait qu'elles ont été lavées tant elles paraissent nettement moins salées et peut-être un peu moins goûtues qu'à Cancale. C'est sans doute pourquoi elles sont assorties ici de sauces piquantes bienvenues.

Après ce plantureux repas nous nous promenons dans les petites rues adorables du bourg, dont les maisons impeccablement briquées entretiennent avec amour le style colonial de l'époque des Pères Fondateurs. Nous entrons dans la McBride Gallery qui se vante d'être une des plus anciennes demeures de la rue principale, ayant appartenu à William Paca, un des signataires pour le Maryland, de la déclaration d'Indépendance. Nous discutons quelque instants avec la charmante propriétaire des lieux. Elle dispose de pas moins de 7 salles d'exposition au charme rustique, contenant un certain nombre d'œuvres de facture néoclassique ou naturaliste. Nous repérons notamment des peintures de Louis Escobedo et des aquarelles de Bruce Handford.
En remontant nous débouchons sur le State Circle, la place principale de la ville, centrée par la très élégante et vénérable Maryland State House. En parfait état, elle date de 1772 et se caractérise par un joli dôme en bois peint de style typiquement georgien.

A côté de cette petite bourgade délicieusement confite dans ses traditions, siège une gigantesque institution sans commune mesure : la US Naval Academy. Cette école prestigieuse qui forme l'élite de la marine de guerre américaine est une vraie ville à elle seule. On n'y pénètre qu'après avoir montré patte blanche, mais le spectacle en vaut la peine. Sur le vaste campus, de grands bâtiments en pierre très classiques hébergent les quelques 4000 étudiants.
Nous entrons dans le Halsey Field House qui est un énorme hangar destiné sans doute à toutes sortes de manifestations honorifiques ou sportives et qui ne laisse pas d'impressionner par ses proportions. Elles permettent en effet sans peine de le décorer avec d'antiques avions suspendus au plafond. Au fond la grande cafeteria aux allures de pub.

Nous nous promenons ensuite dans le parc immense. Je repère un petit canon en bronze, 75mm Howitzer., d'origine allemande La pancarte indique qu'il fut pris ainsi que ses artilleurs le 16 août 1944 sur les côtes de Provence au niveau de Saint-Raphaël...
Derrière cette silhouette quelque peu désuète on devine le dôme de la Chapelle. Il s'agit en réalité d'une église aux proportions imposantes. L'intérieur est très lumineux, grâce à de nombreuses ouvertures et à plusieurs grands vitraux dans le style art-déco. L'un d'entre eux représente Galahad, le chevalier de la Table Ronde vainqueur de la quête du Graal. On remarque également de magnifiques grandes orgues, malheureusement silencieuses ce jour.
Nous terminons la visite par le quartier des officiers, composé de demeures cossues avec vérandas blanches alignées avec une belle unité le long d'une allée. Sur chacune les noms des habitants. Enfin, celle du Superintendant.

Cette journée s'inscrit donc comme un nouveau jalon dans notre parcours historique de la côte Est des Etats-Unis. Bien que cette découverte nous enchante, nous espérons avoir l'occasion de revenir un jour de beau temps où Annapolis doit dégager un charme fou...


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo Pierre Henri,Je n'ai pas eu le temps de tout lire,mais visiblement,ton écrit est très documenté et riche en commentaires .la visite du magasin de jouets m'a beaucoup plu
Nous le regarderons en famille ,c'est sur.
A bientôt et bravo encore.
Marie Christine

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Je vous souhaite de faire un jour un tel voyage. Une provision de souvenirs pour une vie entière ! Je pensais déjà connaître New York, je pensais qu'il s'agissait d'une ville un peu effrayante. Pas du tout, on s'y sent la fois comme si on était chez soi, mais aussi ébloui, sous le charme. Encore n'en avons nous qu'une vue très partielle, ainsi que de ce pays extraordinaire...