18 novembre 2009

Drôle de bilan (1)


Aux Etats-Unis à mi mandat, la légitimité du Président de la République est soumise à l'épreuve des élections du mid-term, qui conduisent à renouveler rien moins que l'ensemble de la Chambre des Représentants (435 députés) et un tiers du Sénat (33 des 100 sièges).
Rien de tel en France. Pour jauger l'opinion publique, il faut se contenter des sondages dont on connait la fiabilité assez médiocre.
Si l'on en croit l'étude LH2 récemment publiée par le Nouvel Observateur, 58% des Français seraient déçus par l'action du Président.

L'idée me vient de tenter une petite rétrospective personnelle, que certains trouveront sans doute subjective mais qui veut s'inspirer de faits tangibles. Le débat en France est si souvent passionnel ou idéologique qu'il néglige souvent la réalité ou bien au contraire l'exagère, ce qui confine au manichéisme. La moindre petite phrase devient sujet de polémique stérile. Et en matière de réflexion, il est difficile d'y trouver quelque substance, autant dans les rangs de la majorité présidentielle, que dans ceux de l'Opposition. Exemple, le Chef de l'Etat parvient à maintenir une assez forte cohésion dans les rangs de sa propre majorité, ce qui s'apparente parfois à une sorte de navrant monolithisme. Mais lorsqu'un sujet fait question, c'est au détour de mésaventures foireuses qu'on apprend les dissidences (votes sur la loi Hadopi, sur la taxation des banques, coups de gueule stériles d'Alain Juppé, de Rama Yade... ) Pendant ce temps dans l'opposition, on se répand en controverses qui tiennent davantage de l'a priori ou de l'invective que de la critique constructive.

Il est difficile de nier que le Président soit un homme actif. En deux ans et demi c'est même un peu l'impression de tournis qui domine. Peut-être est-ce du à la multiplicité des chantiers entrepris, mais aussi probablement à la ligne stratégique un peu confuse qui les sous-tend, et à certains revirements ou reculades.

SUR LA FORME
La présidence de Nicolas Sarkozy est marquée par une vraie rupture avec les manières de ses prédécesseurs. La gestuelle débridée et dénuée de protocole, l'expression directe et sans fioriture, particulièrement en début de mandat, n'était pas personnellement pour me déplaire, même si elle révélait une tendance hâbleuse voire parfois un certain mauvais goût. On avait tant vu par le passé, d'hypocrisies, de lâchetés, d'incurie dissimulées derrière le rite amidonné du Pouvoir !
Hélas, l'incompréhension et la violence des réactions manifestées par celles et ceux qu'il faut bien qualifier de vieilles cocottes républicaines, a eu raison de cette liberté de ton. On a vu à cette occasion avec effarement, comment la plupart des médias, des partis politiques, de l'opinion publique, et même des humoristes, restaient en définitive très largement attachés aux traditions compassées de l'ancien régime...

S'agissant de l'action elle-même, sa caractéristique principale et assez inattendue, fut d'emblée de s'inscrire dans une franche et large ouverture à des anciens adversaires politiques. Elle surprit par son ampleur, surtout qu'on avait catalogué un peu vite sans doute, Nicolas Sarkozy comme l'homme d'un clan. Loin d'être réduite à une médiocre manœuvre politicienne sans lendemain, l'ouverture révéla une indéniable largesse d'esprit en même temps qu'une belle habileté politique. La voie de la réforme étant en France tellement étroite et pavée de chausses-trappes, c'était en somme une nécessité que de faire appel à des bonnes volontés d'horizons divers. Encore fallait-il oser, et l'intelligence du Chef de l'Etat a consisté à ne pas lésiner, et à confier aux personnes sollicitées, de vraies responsabilités. Rien à voir avec les éphémères combines de Mitterand dans les années 80 (Tapie, Soisson, Schwartzenberg...), ni avec la simagrée des « juppettes » de Chirac.
En la matière, l'option la plus culottée fut l'appel à Eric Besson. Cet homme qui faisait figure d'obscur apparatchik, partisan jusqu'à la caricature, s'est mué en un vrai homme d'Etat, s'attelant à des tâches ingrates avec détermination et apparente conviction.

Pour autant, l'ouverture aussi audacieuse soit-elle, ne suffit pas à faire une vraie politique. Aussi faut-il juger aux actes concrets. Il n'en manque pas assurément depuis deux ans et demi, même s'ils n'emportent pas tous la conviction. On peut voir de vraies avancées, mais on peut également s'interroger sur le bien fondé ou la logique de certaines mesures. Le principal reproche d'ensemble qu'on pourrait faire à Nicolas Sarkozy, est de pratiquer une stratégie plus velléitaire et ambitieuse que déterminée et pragmatique.

POLITIQUE ETRANGERE
Une des meilleures initiatives fut sans conteste à mon sens, de relancer la dynamique européenne. On peut certes émettre de sérieuses réserves sur la nature du traité de Lisbonne, guère moins absconse que celle du Projet de Constitution, mais le fait est là : on est sorti de l'impasse. L'Europe reste à l'évidence encore bien floue et beaucoup trop technocratique mais elle se remet à bouger, c'est là l'essentiel.
Dans le même ordre d'idées, le rapprochement avec les Etats-Unis fut une saine décision. Là encore, eu égard à l'ahurissant consensus hostile qui sévissait en France, Nicolas Sarkozy a fait preuve d'un certain courage dès le début de son mandat, et notamment sans attendre le changement de président aux Etats-Unis.
Le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN relève de la même politique et il faut vraiment avoir une idée étroite et artificielle de notre pays pour regretter le superbe et tragique isolement dans lequel Jacques Chirac et ses prédécesseurs le maintenaient. Cette alliance n'empêche pas l'actuel président de dire sans détour son fait à son homologue américain, à propos de l'Iran par exemple. Sans acrimonie, sans mépris, mais avec sincérité.
Les gesticulations sarkoziennes lors de l'intervention russe en Georgie, furent moins convaincantes, même s'il faut bien reconnaître qu'il était difficile d'opposer davantage que des mots à la force de frappe de Moscou.
Enfin, le projet d'Union de la Méditerranée, pour intéressant qu'il soit, révèle bien des lacunes, et une bonne dose de naïveté. S'agissant du Proche Orient, l'attitude du chef de l'Etat reste ambiguë. Il cherche astucieusement à resserrer les liens avec certains pays (Arabie, Emirats) mais reste farouchement opposé à le faire avec la Turquie. Dans le conflit israelo-palestinien, il reste prudent ce qui est sans doute sage. Enfin son discours fort vis à vis de l'Iran est assez convaincant, mais sa portée paraît affaiblie par l'indulgence qu'il manifeste à l'égard de la Libye, voire de la Syrie..


A suivre...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

"Eric Besson (....) s'est mué en un vrai homme d'Etat, s'attelant à des tâches ingrates avec détermination et apparente conviction".

S'attelant à des tâches ignobles qui font honte à notre pays par leur manque d'humanité serait plus adéquat.
Par contre la France peut être fière du "splendide isolement" (sic) de l'ère Chirac, qui nous aura évité des pertes inutiles dans une guerre qui n'est pas la nôtre.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci de l'attention que vous portez à ce que j'écris même si manifestement votre appréciation des évènements est diamétralement opposée à la mienne...

Anonyme a dit…

Excusez-moi si je ne vous apparais pas "de taille" à débattre avec vous, mais dans ce cas je ne vois pas l'utilité des sous-commentaires et de ce blog, qui tente bien maladroitement de cacher sous une forme cherchant à ménager "la chèvre et le choux" ("même si", "parfois", "mais") un parti pris effarant.
Cela dit, effectivement, vous aurez du mal à me convaincre :

1) que la France était isolée sur la question de la guerre en Irak, dans la mesure où la plupart des opinions publiques mondiales la soutenaient et que l'Allemagne a également refusé ce conflit stupide ;

2) que M. Besson a des convictions, lui qui, tel l'inénarrable Séguéla, a "tourné casaque" entre les deux tours de la présidentielle de 2007 ;

3) que la fermeture de la "jungle" (quelle drôle d'appelation !) de Calais corresponde à autre chose qu'une opération médiatique destinée à sonner le rappel des "troupes", au moment où pointent les élections régionales et où une partie de l'électorat de droite est tentée de revenir dans le giron du FN (on pourrait aussi citer l'expulsion des trois Afghans, le débat sur "l'identité nationale" ou la polémique Raoult/N'Diaye).

Je conviens donc que cela serait une perte de temps.

Cordialement

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Sachez que je ne dédaigne pas le débat et respecte toutes les opinions, même anonymes. Cela dit, vous me taxez de « parti pris effarant », c'est bien votre droit, mais vous n'êtes pas mal non plus en matière d'affirmations tranchées...
1) S'agissant de l'Irak, si vous pouvez me démontrer que les Irakiens sont plus malheureux aujourd'hui que sous Saddam, qu'ils sont moins libres, et qu'ils souhaitent en majorité revenir au « bon vieux temps », alors j'admettrais bien volontiers que la guerre était inutile. J'ajoute que j'aimerais que vous précisiez ce qu'il fallait faire face à cette dictature épouvantable qui narguait le monde depuis 10 ans et qui menaçait outre son peuple, tous ses voisins. Pour une fois que la Communauté Internationale pouvait faire quelque chose, choisir précisément de ne rien faire en prétextant que ce n'était pas « notre guerre », ne me convainc pas.
2) Personnellement je ne compare pas Séguela à Besson. Le premier est bien dans la lignée creuse des opportunistes qui tournent comme les girouettes dès que le vent dominant change. Le second a choisi une voie beaucoup plus difficile. Que vous ne soyez pas d'accord avec sa politique, là encore c'est votre droit. Admettez quand même qu'il fait un travail beaucoup plus ardu et digne d'intérêt, que celui du vendeur de camelote qui s'écoute parler dans les salons.
3) Quant à la « jungle » comme vous dites (pour ma part je n'ai pas mémoire d'avoir utilisé ce terme), on pouvait effectivement se voiler pudiquement la face pour ne pas la voir, et laisser se pérenniser ce désastre humain, ou bien s'atteler à la tâche, laquelle est par nature particulièrement délicate et impopulaire. La critique même drapée dans les bons sentiments, est évidemment beaucoup plus aisée, mais elle ne donne guère de solution pratique...
4) Pour finir sur les manipulations médiatiques à propos du FN, elles me laissent de marbre. On a tellement agité de tous bords et de manière intéressée, ce spectre depuis plus de 20 ans, que personne ne peut donner de leçon sur le sujet. Le débat sur l'identité nationale, personnellement, je n'en attends rien. L'affaire N'diaye/Raoult est assez emblématique de l'état d'esprit actuel : à mon sens, la lauréate du Goncourt s'est exprimée comme une idiote, et le politicien comme un nigaud...
Voilà, j'ai répondu sur tous les points que vous évoquiez, tout en sachant bien que je ne vous ai pas fait changer d'avis. Tant pis. Mon blog n'est pas neutre c'est un fait, puisque j'essaie précisément d'y exprimer des idées...

Anonyme a dit…

Merci Monsieur d'avoir précisé votre point de vue sur les sujets que j'ai soulevé. Et en effet vous ne m'avez pas convaincu et j'interviendrais une dernère fois. Vous semblez avoir une vision du monde assez réductrice et manichéenne, où les Etats-Unis, tels des chevaliers blancs, joueraient le rôle de "gendarme du Monde" et qu'on devrait suivre ou bien être taxé "d'isolement" ou pire ennemis de ces derniers. Si je suis votre raisonnement, les USA devraient prochainement "libérer" l'Iran, la Corée du Nord, Cuba, la Chine, les 3/4 des pays africains, voire la Bolivie et le Vénézuéla... A moins que cela ne soit pas.... dans leurs intérêts ? Quand à la "menace" Saddam Hussein, elle était tout bonnement nulle (le mensonge des armes de destruction massive). Heureusement M. Obama semble avoir une vision plus multipolaire du Monde, même s'il demeure impuissant face à l'intransigence israëlienne par exemple. Je viens de voir que vous avez publié un nouveau billet....