16 septembre 2010

Si vis pacem para bellum

Il arrive parfois qu'avec le recul du temps, certaines idées reçues, même solidement ancrées dans l'opinion publique, finissent par vaciller, voire par tomber en poussière. A en juger par une émission diffusée hier soir sur Arte, c'est peut-être ce qui est enfin en train d'arriver au sujet d'un personnage très controversé, abondamment vilipendé, voire méprisé en Europe, tout particulièrement en France : Ronald Reagan (1911-2004).
Ce document signé Antoine Vitkine s'attache en effet à montrer sous un jour vraiment nouveau la personnalité et la politique audacieuse et habile du président américain, qui contribua grandement dans les années 80, à provoquer l'effondrement de l'Union Soviétique et permit de gagner sans effusion de sang, la guerre froide, si menaçante depuis si longtemps pour la paix du Monde.
Alors qu'il était communément admis qu'il fallait jouer l'apaisement, la détente, et la coexistence pacifique avec l'ours communiste, Reagan fut le premier à penser et à proclamer sans vergogne, que cette politique n'était qu'un aveu de faiblesse et qu'elle ne pouvait que pérenniser les dangers. Persuadé que les dirigeants du Kremlin ne comprenaient que les démonstrations de force, il plaida pour un réarmement massif des Etats-Unis et pour l'affichage d'une détermination implacable face à ce qu'il fallait bien considérer comme un ennemi.

Le film montre bien le déploiement très patient d'une stratégie parfaitement maitrisée, depuis la fin des années cinquante jusqu'à l'orée des années quatre-vingt dix.
Conscient que le conflit entre le monde communiste et capitaliste n'était pas soluble dans des traités, Reagan martela que la seule solution était de refuser tout compromis et de gagner ce qui n'était rien moins qu'une guerre. Il s'opposa ainsi frontalement à des politiciens de son propre camp tels Richard Nixon et Gerald Ford, aussi bien qu'à des adversaires comme Jimmy Carter.
Alors que le géant communiste était surarmé, mais ruiné, Reagan pensait qu'il y avait un risque énorme que l'Armée Rouge soit tentée un jour de déferler sur les démocraties occidentales qui nageaient dans l'opulence mais étaient incapables d'opposer une résistance militaire significative. Peu écoutée, sa théorie pourtant fondée sur des évidences criantes, était généralement considérée comme inutilement agressive, voire insensée. L'invasion de l'Afghanistan en 1979 fut sans doute une sorte d'électro-choc tirant brutalement le peuple américain de sa naïveté angélique.

L'heure de Reagan était venue. Il fut brillamment élu président en 1980 (puis réélu quatre ans plus tard).
Comme ce film le suggère, l'histoire retiendra qu'avec une volonté tranquille mais inflexible, un grand sang froid, et en alternant subtilement menaces et offres de conciliation, il parvint à mettre à genoux l'une des plus puissantes et terribles armées que le monde ait porté.
Parti d'une condamnation sans appel de l'impérialisme soviétique (à l'ONU devant Gromyko), et du constat volontairement exagéré de la faiblesse de la force de frappe américaine, il redonna l'énergie et l'envie de se battre à son pays. Parallèlement, il convainquit Moscou de sa détermination et contraignit les gérontes du Kremlin à une surenchère épuisante. Le fameux projet de guerre des étoiles et l'installation des missiles Pershing en Europe firent beaucoup pour les persuader (en se gardant habilement de les humilier) qu'ils avaient définitivement perdu la partie.
Jamais il ne faiblit devant les conseils de prudence de ses conseillers, et pas davantage face à la très puissante rébellion prétendument pacifiste en Europe. On se souvient des foules ânonnant le slogan stupide: "Plutôt rouges que morts"...
Résultat, le Mur de Berlin tomba en 1989 (un an après une rencontre historique de Reagan et de Gorbatchev dans la capitale allemande). En 1991, après l'intermède de la Perestroïka, c'est l'URSS qui s'effondra pour de bon.
Pour achever ce propos, je  cite deux phrases révélatrices du contexte de cette époque et qui ne sont pas sans évoquer d'autres évènements plus récents :
D'abord cette réflexion d'un ancien conseiller du président américain, Richard Allen : "Ronald Reagan a été sous-estimé par tout le monde et, au fond, il considérait ça comme un énorme avantage"
Et ce commentaire fait en voix off au début du documentaire : "En 1991 l'URSS explose, L'histoire se souviendra de Gorbatchev, mais qui se souvient de Reagan l'homme clé qui dans l'ombre a tiré les ficelles de toute cette affaire..."

Puisse l'opinion Publique, et les Médias qui la font si versatile, si crédule, et parfois si niaise dans le consensus, changer un peu après une aussi édifiante aventure...

2 commentaires:

BLOmiG a dit…

Merci pour ce compte-rendu : je n'ai pas pu regarder hier soir, et j'étais assez déçu. Ton article me permet de me plonger là-dedans. J'ai envie, de toute façon, de connaitre mieux Reagan : a-t-il écrit des mémoires ?

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci.
il y a 2 rediffusions, les Samedi, 18. septembre 2010, à 15h55 et Mardi, 21. septembre 2010, 10h30
En plus de l'accès web par le lien que j'ai fait dans le texte.
Reagan n'a pas écrit de mémoire (le malheureux a plutôt eu tendance à la perdre dans ses vieux jours..) EN revanche ses écrits ont été publiés il y a quelques années, notamment les textes qu'il préparait pour des émissions radiophoniques pendant plusieurs années avant l'élection présidentielle. C'est épatant, facile à lire et tellement juste : http://www.amazon.fr/Ecrits-personnels-Ronald-Reagan/dp/2268041794/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1284635062&sr=1-1