28 août 2011

La foire aux taxes, et aux dinosaures...

La France, dans un monde secoué par une crise qui dure, démontre une fois encore sa singularité, et une étonnante propension à l'incohérence et aux chimères.

La publication récente d'une supplique signée par 16 personnalités fortunées appelant à payer plus d'impôts est le signe irréfutable de cette curieuse inconstance (Nouvel Obs).
Il est impossible que ces gens ignorent la vanité d'un tel appel, et surtout l'inefficacité qu'aurait l'alourdissement de la fiscalité "raisonnable" qu'ils proposent. Proposition d'autant plus absurde d'ailleurs que certains d'entre eux demandèrent à bénéficier du bouclier fiscal, et même furent accusés d'évasion fiscale... D'ailleurs on peut s'interroger sur la raison qui pousse ces gens à exprimer aussi bruyamment leur envie d'être davantage ponctionnés. Pourquoi ne donnent-ils pas spontanément l'argent qui leur est manifestement superflu et qui ferait tant de bien au pays selon eux ?
Est-ce le souci puéril d'obtenir la garantie que les autres seront également mis à contribution ?
Ou bien, à la manière des aristocrates de la nuit du 4 août votant l'abolition des privilèges, espèrent-ils se donner une image avant-gardiste en anticipant la fatalité, et en montrant leur empathie avec le peuple ?

Peu importe après tout. Ce qui devait arriver arriva. Le gouvernement s'est empressé d'exaucer leur vœu. Les "Riches" (plus de 500.000€ de revenus annuels) qu'on venait à peine d'exonérer en partie de l'ISF, viennent de récolter un prélèvement "exceptionnel" de 3% qui va les réjouir. A moins qu'à l'instar des bourgeois rassis du PS, ils ne trouvent pas cela suffisant...

Avec la suppression de l'insane et volatile bouclier fiscal, avec l'augmentation des taxes sur les plus-values immobilières, sur les revenus du capital et de l'épargne, et la remise au goût du jour de la vieille lune représentée par la taxe sur les transactions financières, c'est un vrai festival !
Ainsi Nicolas Sarkozy aura consciencieusement détricoté la quasi totalité de son fameux "paquet fiscal", dit encore loi TEPA.
Pour un revirement, c'est un revirement !
Mais ce n'est pas tout. Comme s'il en était réduit à faire les fonds de tiroirs, le gouvernement continue de raboter opiniâtrement les niches fiscales qu'il avait lui-même savamment élaborées. Sur les heures supplémentaires, avec une logique de savant Cosinus, il reprend d'une main ce qu'il avait donné d'une autre. Et tous azimuts, il ajoute des taxes aux taxes : sur les Mutuelles de santé, sur l'alcool, le tabac, et même les billets d'entrée dans les parcs de loisir, ou les sodas "avec ajout de sucre" (sic) !
Résultat sur deux ans, 12 milliards d'euros grappillés sur la richesse nationale (et non économisés comme on voudrait le faire croire). Face aux 1600 milliards de la dette, ça laisse encore de belles perspectives. D'autant qu'elle s'est récemment alourdie de 15 milliards supplémentaires pour sauver la Grèce, et qu'il faudra sans doute y ajouter les conséquences de l'augmentation du chômage, de l'inertie durable de la croissance, elle-même sans doute aggravée par le poids de ces nouvelles contributions.

Pendant ce temps, avec des taux de prélèvements obligatoires inférieurs de 10 points par rapport à la France, et sans ISF ni taxation exotique, l'Allemagne a presque totalement résorbé son déficit (moins de 1,5% du PIB prévu en 2011 contre au moins 6% pour la France).
Et pendant ce temps les "dinosaures" du Parti Socialiste tiennent leur université d'été. Rescapés de la préhistoire, c'est en tout cas comme ça que les voit le magazine The Economist cette semaine. Il faut dire que la crispation idéologique dont ils font preuve en chœur (en dépit de féroces haines mutuelles) illustre bien l'adage qui veut qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas. C'est le grand soir fiscal qui est promis aux derniers ci-devant riches, par François Hollande, le retour à la retraite à 60 ans et davantage de fonctionnaires par Martine Aubry, l'interdiction des stock-options, de la "spéculation sur la dette" par Ségolène, et pour finir, la dé-mondialisation claironnée par Montebourg, En résumé, "Plus de taxes mais pas moins de dépenses est leur credo". Seul Manuel Valls échappe à ce jugement. Mais il lui manque le charisme...

Face à la crise et à quelques mois de l'élection présidentielle la richesse du débat et l'originalité des projets a donc de quoi rasséréner. D'autant qu'en France, c'est maintenant devenu une tradition que de faire une fois élu, le contraire de ce qu'on avait annoncé...
Comme dirait l'autre le Progrès fait rage, et le futur ne manque pas d'avenir.


Illustration : Les diplodocus par Mathurin Meheut

25 août 2011

Réflexions sur la beauté

Le mystère de la beauté est un des plus excitants qui soient. Y a-t-il seulement un être doué de conscience qui puisse y rester totalement insensible ? Imprimé au plus profond des fibres de l'être humain, il ne cesse de l'interroger, tout en provoquant son émerveillement. Pourtant, toute tentative d'analyse objective ou de démonstration logique se brise sur ce mystère, comme la houle acharnée sur les rochers impassibles. La beauté s'éprouve, elle ne se prouve pas disait le vénérable Kant.

Qu'est-ce donc que la beauté ?
Un vers du poète anglais John Keats fournit à mon sens une réponse magnifique, dans son évidente simplicité : "A thing of beauty is a joy for ever..."
Ainsi la beauté, tirée du réel (a thing), est conçue comme une source de joie, révélant par là même, l'expression de l'harmonie liant l'être humain au Monde. Quelque chose entre le Tao des Chinois, le Nirvana des Hindous, ou bien la béatitude chrétienne, ou encore la sérénité du sage. En d'autres termes, la beauté est au cœur de la problématique existentialiste, qu'on ne saurait mieux exprimer que par les mots du philosophe Schelling : "à travers l'Homme la nature ouvre les yeux et s'aperçoit qu'elle existe..."
Car sans nul doute, la beauté a besoin du regard de l'Homme pour avoir un sens. A quoi rimeraient de belles choses s'il n'y avait aucune intelligence capable de les apprécier ? On pourrait même aller plus loin, en affirmant qu'ici bas, seul l'Homme est en mesure de conférer à la beauté sa plénitude, en l'élevant au sublime. L'Homme donne son sens au monde et la Beauté donne son sens à l'Homme...

Pourquoi la Beauté est-elle si bouleversante ?
Kant encore lui, avait longuement porté son attention sur cette question et sur la double problématique du beau et du sublime qui la sous-tend, en précisant d'emblée ce qui les distingue : "Le beau charme, le sublime émeut" (Observations sur la nature du Beau et du Sublime). Le beau, isolé, ne serait en définitive qu'une aimable sensation, tandis que le sublime pourrait dans certaines circonstances n'être que de l'effroi. "Le jour est beau, la nuit est sublime" écrivait-il pour préciser sa pensée. Autrement dit, si les deux se renforcent mutuellement, tout ce qui est beau n'est pas sublime, et tout ce qui est sublime n'est pas nécessairement beau.
Une grande solitude a quelque chose de sublime sans être à proprement parler, belle. Un doux paysage champêtre dégage une indéniable beauté sans être sublime.
D'une manière générale, le plus fabuleux des spectacles donnés par la Nature n'est au mieux qu'une belle image : c'est la sensibilité du spectateur qui lui apporte la note sublime.
Seule l'association du beau et du sublime est donc vraiment bouleversante. Et c'est le propre du génie humain que de pouvoir catalyser cette alchimie, en donnant à ce qui est naturellement beau, la force du sublime.
Ainsi des notes de musique vont s'ordonner sous la volonté de Jean-Sébastien Bach pour donner le chef-d'oeuvre représenté par les variations Goldberg. Ainsi des pierres extraites laborieusement d'une carrière vont être sculptées et assemblées pour former une cathédrale. Ce qui peut faire dire à Saint-Exupéry qu'une telle construction "est bien autre chose qu'une somme de pierres. Elle est géométrie et architecture. Ce ne sont pas les pierres qui la définissent, c'est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification". Le travail humain et la magie de l'inspiration transforment la beauté naturelle de la matière en quelque chose de sublime, auquel ils donnent une dimension tragique : "On meurt pour une cathédrale, non pour des pierres " (Pilote de Guerre)

Cette dernière réflexion est révélatrice de l'essence du sublime. C'est ce par quoi la conscience mesure sa fragilité et sa finitude, et ce par quoi elle tente de s'élever au dessus de sa condition, de voir au delà du réel. C'est aussi le terrible vertige qui effrayait tant Blaise Pascal face au "silence éternel des espaces infinis". De fait, lorsque le terme de sublime est évoqué la mort n'est pas loin, ou en tout cas on sent la prégnance de l'indicible.

Ce frisson transcendant explique sans doute pourquoi on est souvent tenté de voir dans la beauté la manifestation de Dieu. Voire d'en faire une preuve de son existence.
Hélas, pas plus que le Bien, la Beauté ne révèle véritablement Dieu.
Car comme le Bien, et comme tant de choses ici bas, le Beau ne peut s'apprécier qu'au sein d'antinomies. Il est en effet impossible de l'imaginer sans son triste envers, la laideur. Et si Dieu était dans la beauté il serait également dans la laideur ce qui serait une aporie.
Et a contrario, ne pourrait-on alors gloser sur la beauté du diable ? Plus fort encore, ne dit-on pas non sans raison, que l'enfer est pavé de bonnes intentions ?

Nous ne pouvons exciper du beau pour attester du divin, et pas davantage statuer sur l'existence de Dieu car nous ne savons en définitive pas de quoi il s'agit, ni de quoi il pourrait être fait. "Dites moi comment vous définissez Dieu et je vous dirai s'il existe" expliquait Einstein ... "Donnez moi la matière, j'en ferai sortir un monde" avait de son côté affirmé Kant… Ces deux savants amènent non sans malice, le raisonnement à son point de rupture : personne ne peut définir Dieu, personne ne peut expliquer par quel sortilège se crée la matière.

Le mystère originel reste donc entier et la Beauté, au mieux, n'est qu'une voie, un passage. En y ajoutant le sublime, l'homme lui donne une direction, et en fait une espérance. Depuis l'antiquité, on sait bien que c'est le seul trésor laissé aux humains pour faire face aux fléaux, calamités, et misères dont ils ont hérité après que Pandore a laissé s'échapper le contenu de sa boite...


illustration : Pandore

17 août 2011

Ontologie florale



















Le long des grandes avenues
Les marronniers pleurent des fleurs
Tandis que des oiseaux piailleurs
S'ébrouent en tous sens dans les nues.

Les pétales jonchant les rues
Indiffèrent ces persifleurs
Alors qu'ils vibrent dans nos cœurs
Tel l'écho de vies disparues.

C'est un air de fatalité
Qu'a cette averse de pluie blanche
Où plane la mortalité

Mais pour le thyrse sur sa branche,
Qu'y a-t-il de plus important :
Être, ou fondre dans l'air du temps ?

16 août 2011

Promenons-nous dans les bois

C'est un fait, l'été n'est pas vraiment beau. Les experts, qui trop souvent voudraient plier la réalité du monde à leurs fantasmes, nous l'avaient pourtant annoncé caniculaire et particulièrement sec.
Résultat, les températures sont vraiment fraîches et le soleil bien timide. Il pleut souvent, et rarement on aura vu la campagne aussi verte en plein mois d'août ! En Charente Maritime notamment, ou la période estivale transforme habituellement l'herbe en aride paillasson, les prairies sont grasses et denses et on sent la terre imprégnée d'humidité. A quelque chose malheur est bon, l'année s'avère faste pour les champignons. Quelques journées ensoleillées alternant avec de fréquentes ondées ont fait sortir dans les bois des myriades de ces curieux végétaux chapeautés.
A défaut de pouvoir aller à la plage, des bataillons d'amateurs en goguette ont investi le moindre bosquet, à la recherche des rois du genre: les cèpes.
Très gourmet en la matière, mais peu intéressé par la cueillette, j'ai cédé à cet engouement qui a pourtant dit la Presse, causé pas mal d'intoxications et fourni une clientèle imprévue aux hôpitaux...
Émoustillés par l'abondante récolte de voisins aguerris, qui fort aimablement nous ont permis d'y goûter, et déniaisés par leurs explications rassurantes, nous nous sommes peu à peu enhardis à aller nous mêmes en quête de ces excellents comestibles.

Il est assez aisé de différencier les bolets, dont les cèpes font partie, de tous les autres champignons. Un simple coup d'oeil sous le chapeau permet de distinguer deux grands types de structure : l'une est faite de tubes verticaux qui donnent un aspect spongieux à la chair, l'autre est composée de lamelles radiées.
Dans le premier cas, il ne peut s'agir que de bolets, dont aucune variété n'est vraiment dangereuse. Tout au plus immangeable lorsqu'il s'agit de bolets amers, ou bien responsable de troubles gastro-intestinaux passagers lorsqu'il s'agit du fameux bolet de Satan. Aspect, couleur, odeur et bleuissement au contact permettent en théorie de faire la différence entre le bon grain et l'ivraie, mais ce n'est pas chose aisée, surtout si le suspect a déjà un peu vécu. Tout se confond plus ou moins dans un brunissement général et une vague odeur de tourbe. Par prudence, nous écartons les trop vieux individus surtout lorsque nous y distinguons des teintes rouges ou rosées, une odeur peu plaisante et un virage sombre de la chair à la pression du doigt.
Restent normalement les bons cèpes dont le paradigme le plus recherché est celui dit "de Bordeaux" : couvercle arrondi d'un beau brun régulier, chair serrée, ferme et bien blanche, parfum délicat de sous-bois. Dans la poêle, avec un peu d'ail, ils donnent des fricassées savoureuses dont on ne lasse pas, surtout si on les accompagne d'une bonne viande et d'un vin un peu capiteux...

Les promenades en forêts sont donc un recours assez excitant lorsque la météo reste maussade. Attention toutefois. Les champignons vénéneux ne constituent pas le seul danger de ces asiles ombragés. Non pas qu'il faille craindre quelque bête agressive. Sangliers, biches et gibiers de toutes sortes ont tôt fait de fuir à l'approche des bipèdes fouineurs que nous sommes. Tout au plus rencontre-t-on d'inoffensives araignées dans les toiles desquelles la tête a une fâcheuse tendance à s'emberlificoter.
Il faut compter en revanche avec les branches pointues dont sont hérissés les taillis. Avec les piquants des aubépines et ceux des ronces, ils écorchent les imprudents court vêtus et risquent de blesser douloureusement les yeux non protégés par des lunettes.
Ah si, j'oubliais, de microscopiques ennemis menacent réellement les promeneurs. Il s'agit des tiques qui ont la curieuse habitude de se laisser tomber des feuillus et de s'accrocher à toute peau rencontrée durant leur chute. C'est à peine si l'on prête attention à ces parasites minuscules qui vous piquent à la manière de moustiques et qu'on prend facilement pour une croûte de grattage au centre d'une éruption prurigineuse. A bien y regarder ce petit point noir de la taille d'une tête d'épingle constitue une excroissance mobile sur le point de se détacher mais qui ne s'en va jamais...
Le problème est que cet animalcule tenace, en plus des démangeaisons qu'il provoque en vous suçant le sang, est capable d'injecter une bactérie assez malfaisante répondant au nom barbare de Borrelia Burgdorferi. Celle-ci est responsable de symptômes variés allant du simple syndrome grippal à la méningo-radiculite (heureusement sensible en général aux antibiotiques) !
De retour de notre dernière promenade, je m'en suis trouvé deux que je n'ai réussi à identifier qu'en les prenant en macro photo après les avoir extirpées à l'aide d'une pince à épiler. Je n'ai plus qu'à espérer que celles-ci étaient saines sans quoi je suis bon pour la maladie de Lyme. . .

13 août 2011

Plus d'Europe, ou plus d'Europe ?

A mesure que l'Europe s'enfonce dans la crise, et que les uns après les autres en cèdent les maillons, on perçoit de mieux en mieux la fragilité de cette chaîne, sans vraie homogénéité ni cohésion.
Si l'on fait le compte des pays encore en mesure de secourir les autres, on ne trouvera plus guère que l'Allemagne et la France ! Encore faut-il garder à l'esprit que la situation de cette dernière semble de plus en plus précaire. La croissance y est léthargique, le chômage élevé, la dette colossale. Facteur aggravant, aucun véritable effort pour réduire les dépenses publiques n'a été produit et malgré une fiscalité parmi les plus lourdes du monde, le déficit budgétaire est devenu une affligeante habitude depuis plus de 30 ans, atteignant une profondeur inquiétante. Pire, on ne voit guère le moyen d'inverser la tendance eu égard aux discours irresponsables, démagogues ou franchement utopistes de la plupart des dirigeants politiques.
L'Allemagne quant à elle, fait penser à une fourmi au milieu de cigales. Elle a consenti beaucoup de sacrifices pour réunir ses deux moitiés séparées par le communisme (sans demander la participation d'autres pays). Grâce à sa rigueur et à une conscience aigue des réalités, elle bénéficie aujourd'hui d'une forte croissance et d'une réduction significative de ses déficits. Elle reste malgré tout très endettée et ne pourra accepter sans contrepartie sérieuse de risquer d'altérer sa bonne santé actuelle.

C'est le mérite de Nicolas Sarkozy il faut le reconnaître, d'avoir réussi, en dépit de la faiblesse de sa position, à maintenir un axe fort Paris-Berlin. Et même de donner l'apparence d'un jeu égal avec le voisin d'outre Rhin.
Il serait pourtant illusoire d'imaginer que cette situation puisse perdurer très longtemps. Ni les coûteux plans de relance, ni les récents plans de sauvetage n'ont eu l'effet escompté et les ressources mobilisables deviennent de plus en plus virtuelles. Le dernier renflouement de la Grèce a alourdi la dette publique française de 15 milliards d'euros. Le comblement des dettes par la création d'autres s'apparente de plus en plus à de la cavalerie.

Au moment présent, plus que jamais l'Europe est au pied du mur.
La preuve est faite qu'elle ne peut plus affronter les périls en ordre dispersé. Elle ne peut plus s'abandonner à cette tiède cacophonie d'intérêts divergents, régie par une froide et tatillonne bureaucratie normative, dont le seul but semble être de distribuer des subventions.
Si le concept a un sens, il est grand temps que la Nation Européenne devienne autre chose qu'une simple façade. Et qu'elle réponde enfin a un dessein ambitieux, cohérent et solidaire.
Laissons de côté les oiseaux de malheurs qui réclament ou prophétisent la fin de l'euro et le retour des nations souveraines. Il est certain que cette issue ferait beaucoup plus de mal que de bien à la grande majorité des pays "libérés". Hormis l'Allemagne, la plupart se retrouveraient aussitôt appauvris et le passé nous a appris les dangers représentés par l'hégémonie d'une nation au sein d'un tel chaos.
Méprisons les gens qui vitupèrent contre les marchés, et qui exigent toujours davantage de dépenses et d'impôts (pour les autres qu'eux...) Ce sont soit des nostalgiques du Grand Soir, soit des nigauds qui imaginent sans doute qu'on leur cache une corne d'abondance quelque part.
Mais ne soyons pas dupes de ceux qui préconisent comme remède miracle la mutualisation des dettes accumulées en une seule, mesurable en euros-bonds. Cet artifice très "tendance" évoque furieusement les mirifiques rachats de crédits proposés aux personnes surendettées. Mais voilà : l'économie ne ment pas, comme le soutient Guy Sorman. La dette reste là, rendue juste un peu moins douloureuse parce qu'étalée sur plus longtemps ou bien répartie sur plus de débiteurs. Cet allègement apparent est même pervers car il pousse à pérenniser l'incurie budgétaire.
Au point où nous sommes rendus, la priorité est donc d'apurer la dette et de résorber les déficits qui l'entretiennent et pire, ne cessent de la faire enfler.
La mutualisation, pour avoir une chance de réussir, implique de resserrer une fois pour toute, les boulons de cette machine un peu déglinguée qu'est d'Europe. C'est à dire de faire enfin un pas décisif vers une vraie fédération. E pluribus unum...
Cela suppose d'accepter une perte significative des souverainetés nationales, une harmonisation des politiques économiques et fiscales, et in fine, la contrainte de devoir passer sous les fourches caudines d'une autorité de réglementation et de régulation dominée par l'Allemagne.
Il est évident que cette stratégie aurait dû être mise en œuvre bien avant la crise précisément pour en prévenir la survenue autant que possible.
Est-il encore temps de procéder à cette union sacrée, c'est la seule vraie question qui vaille par les temps qui courent.
Si le défi peut être relevé, au prix, n'en doutons pas, de gros efforts et de beaucoup d'humilité, alors nous aurons plus d'Europe, sur la voie laborieuse d'une prospérité retrouvée. Si c'est un échec, alors le risque est grand qu'il n'y ait plus d'Europe du tout...

09 août 2011

Pathétique

Pathétiques les efforts de Nicolas Sarkozy pour tenter de faire croire qu'il a encore un semblant de maîtrise sur les événements qui font la crise financière actuelle.
Pathétique le sérieux quasi pontifical avec lequel il martèle au fil de ses discours sa volonté inflexible de mettre absolument tout en œuvre pour conserver la confiance des marchés et garantir la pérennité de l'euro, tout autant que la cohésion européenne.
Pathétiques ses efforts pour faire adopter la fameuse "règle d'or" supposée graver dans le marbre constitutionnel la rigueur budgétaire, alors que son propre gouvernement s'avère incapable de respecter les impératifs du traité de Maastricht.
Pathétique la BCE qui rachète à tour de bras des obligations d'état pour tenter d'endiguer l'inexorable progression du glissement de terrain économique.
Pathétique enfin, le Président Obama lorsqu'il affirme, contre l'avis de l'Agence Standard & Poor's que "les Etats-Unis resteront toujours un pays triple A" (Nouvel Obs).

On pourrait certes avoir quelque indulgence pour ces chefs d'état désemparés devant une situation qui se dérobe de plus en plus à leur bonne volonté...La méthode Coué est un moindre mal...
Ce qui est navrant en la circonstance, c'est le peu d'imagination dont ils font preuve et surtout l'opiniâtre refus d'appréhender les réalités.
Niant ou occultant l'inefficacité des coûteux plans de relance déjà entrepris, ils continuent sur la même voie. Sans doute par peur de voir éclater des désordres sociaux, ils rechignent à réduire vraiment les dépenses publiques. Ils en sont donc réduits aux expédients classiques consistant à augmenter toujours plus la pression fiscale, et par voie de conséquence, à pérenniser le problème.
Le président américain est dans son rôle, lorsqu'il évoque "des augmentations d'impôts pour les Américains les plus riches" (Le Parisien). C'est en effet peu ou prou son programme, même s'il se heurte à une opposition grandissante de ses concitoyens qui sont avant tout des gens pragmatiques. On ne la leur fait pas. L'action politique pour eux n'a pas pour but de satisfaire des principes mais de produire des résultats. Or depuis bientôt trois ans, ces derniers sont bien maigres au regard du fameux "Yes We Can"...
Le problème est différent pour Nicolas Sarkozy. Lui revient sur tout ce qui faisait soi-disant ses convictions. Incapable de supprimer l'absurde ISF, il n'a même pas eu le cran d'imposer durant plus de quatre ans le fameux bouclier fiscal auquel il semblait si attaché. Aujourd'hui, comme s'il faisait sien le projet de M. Mélenchon, il n'a de cesse de vouloir augmenter les impôts des personnes les plus fortunées, et voudrait plafonner les salaires des grands patrons.
En plus de l'inefficacité de ce genre de mesures sur la crise actuelle, il y a fort à parier qu'elles soient de nature à miner ce qui reste de confiance parmi les décideurs de ce pays. Probablement le Chef de l'Etat espère-t-il un retour favorable en terme de popularité. Pari plutôt risqué et loin d'être gagné si l'on en juge sur les sondages...
On sait que sur sa gauche, il n'a pourtant guère à craindre. L'inspiration y manque en effet cruellement pour trouver une solution à l'équation financière qui désespère en ce moment le monde occidental. Alors que la conjoncture est paraît-il propice à un renouveau de l'idéologie socialiste, elle s'effondre un peu partout, ou bien se désagrège en de sordides histoires de mœurs et d'affligeantes guerres de coteries.
Quant à M. Borloo, président du parti radical et candidat putatif à la présidence de la république en 2012, il détient le pompon ! Alors que les principales places boursières ont le moral en berne et que le krach menace, il en est à invoquer la bonne vieille taxe Tobin comme panacée. Et pourquoi pas le sirop Typhon tant qu'on y est, dans le genre euthanasie évidemment...

Dans ce déferlement de mauvaises nouvelles, il y a pourtant des occasions de sourire un peu, ou tout au moins d'être dubitatif.
Dans le même temps où l'obscure agence Standard & Poor's dégrade la note de confiance des Etats-Unis, on apprend que la société Apple, formidable fabrique de rêves et de désirs, dispose d'une meilleure trésorerie que l'Etat Fédéral US (76 milliards de dollars vs 74) ! Mais différence de taille : une entreprise privée sait que rien n'est jamais acquis, elle travaille sans relâche pour faire rentrer l'argent dans les caisses. L'Etat quant à lui, ne semble avoir qu'un souci, celui de dépenser l'oseille qu'il sait pouvoir puiser impunément, et croit-il indéfiniment, dans les poches des contribuables......