29 janvier 2012

Pincemi et Pincemoi sont en bateau...


Quelle étrange époque où malgré la tourmente qui sévit, malgré les défis qui s'imposent à notre pays, aucun vrai leader ne fait surface, à quelques 100 jours de l'élection présidentielle ! Aucune vraie « pointure », aucun projet d'envergure, n'émerge du marasme où pullulent les démagogues et les impuissants.

C'est un fait, Nicolas Sarkozy, eu égard à l'état du pays et de l'opinion publique, a largement échoué dans son ambition (« je ne vous décevrai pas, je ne vous trahirai pas » martelait-il pourtant le soir de son élection, il y a presque 5 ans...)
A sa décharge, il eut à affronter « la crise ». Il a donc des circonstances atténuantes. Mais cela n'excuse pas les incroyables erreurs de communication qu'il fit à plusieurs reprises, dans un pays où il était payé pour savoir qu'on est sourcilleux sur le formalisme, qu'on cultive à la fois le mythe de la révolution permanente et la pompe des circonstances...
Mais là n'est pas le plus grave.
Il a trop changé de discours, trop louvoyé dans l'action, trop voué aux gémonies ce qu'il présentait hier comme désirable ou simplement comme nécessaire. Ces pirouettes et ces volte-faces n'ont converti personne chez ceux qui semblent n'éprouver que détestation à son égard, mais elles l'ont conduit à mener une politique chaotique, et à déstabiliser nombre de personnes qui avaient de la sympathie pour lui et pour l'énergie qu'il est capable de déployer.
Enfin, à l'approche d'un scrutin essentiel, il semble ne pas avoir résolu le problème récurrent du Front National qui empoisonne le débat politique en France depuis des années, et qui revient plus fort que jamais en travers de ses ambitions. Même s'il n'est pas seul en cause, l'ostracisme manifesté à l'encontre d'un parti qui représente qu'on le veuille ou non 15 à 20% de l'électorat, est une faute qui traduit le peu de maturité de notre démocratie. Et l'exercice auquel lui et ses proches se livrent, consistant à tenter de séduire par des paroles les sympathisants de l'extrême droite tout en vilipendant ceux qui les représentent est périlleux, si ce n'est absurde.

Face à ces faiblesses désespérantes, l'adversaire principal ne vaut certes pas mieux. François Hollande a plusieurs avantages sur le président de la république. Il est dans la posture confortable d'opposant, il peut se permettre sans vergogne de s'acoquiner avec les extrêmes, et surtout, ayant compris, lui, que la forme primait sur le fond, il a tout misé sur la présentation. Les gens y sont manifestement sensibles, si l'on en croit les sondages flatteurs qui pour l'heure propulsent sa molle silhouette de bourgeois pommadé, au firmament médiatique.
Le discours quant à lui, reste des plus convenus, des plus archaïques, des plus contradictoires, obéissant à tous les canons de la démagogie et s'accrochant aux vieilles lunes idéologiques au mépris de la réalité. A cela il ajoute l'indécrottable cuistrerie des gens de gauche. Ce petit air supérieur avec lequel on dénigre l'autre, tout en lui infligeant des leçons mal placées de morale. Mitterrand était maître dans cet art et le petit François est un apprenti assez doué.
Même s'il n'a pas la rhétorique aussi machiavélique que son modèle, il ne manque pas de sournoiserie. Foin des turpitudes qui gangrènent son propre parti, foin de l'échec constant du socialisme, foin des slogans éculés auxquels il reste accroché, le nouvel ersatz de petit père des peuples, se targue d'incarner « le changement », assure qu'il va réenchanter la société, et vend du rêve à tous vents...
Avec cette incorrigible suffisance des socialistes, et au mépris des règles élémentaires de la démocratie, il se croit déjà arrivé, et se refuse à évoquer ne serait-ce que le nom du chef de l'Etat en exercice, le qualifiant de « président sortant », faisant table rase du passé qu'il représente selon lui, et ironisant stupidement sur le fait que face à l'actuel locataire de l'Elysée, lui serait normal...
Le sommet du ridicule est représenté par la nuée d'artistes enrichis dans le commerce des bluettes et de l'humour suppôt, qui plastronnent en affichant leur « engagement » aux côtés des diafoirus de la politique politicienne. Le champion toute catégorie de ces tartufes à bouche d'or, est le chanteur « exilé » Yannick Noah, qui refuse obstinément de payer les quelques 580000 euros d'impôts que lui réclame le fisc, et qui parade sans gêne aucune dans des meetings où l'on réclame à grand cris « plus de taxation pour les riches ».

Evidemment, même si d'aucuns veulent déjà croire le contraire, rien n'est encore joué. Les scrutins révèlent parfois des surprises. Le plus beau jour politique de ma vie fut en 2004 lors de la réélection de George W. Bush. Quelle joie ce fut, non pas tant que soit renouvelé dans ses fonctions le candidat républicain, que de voir refluer les hordes de charognards qui glapissaient depuis des années leur haine irrationnelle, et qui, tellement sûr des effets de leur propagande incessante, avaient déjà vendu la peau de l'ours !

De toute manière hélas, le vrai malheur aujourd'hui, est que quelque puisse être le résultat des prochaines élections, rien ne semble pouvoir s'opposer au lent déclin de notre pays. Tout porte au pessimisme : esprit moutonnier, culte des lubies, démission citoyenne, inflation désastreuse de l'Etat soi-disant providence et irrémédiable descente le long de la spirale du déficit, de l'endettement, de la précarité, du chômage, de la désagrégation sociale... Quant à la Finance et au Capitalisme, pointés du doigt de manière hystérique par les imbéciles à courte vue, ils continueront d'avoir de beaux jours... même si c'est ailleurs qu'en France !
En dépit de son prétendu modèle social, la France est le pays parait-il, où l'on est le plus pessimiste. Davantage même qu'en Irak ou en Afghanistan ! Ceci explique peut-être cela...

Illustration: d'après Morchoisne

23 janvier 2012

A la recherche d'un monde meilleur

Quel plus bel objectif en ces temps troublés, que ce titre, donné à un ouvrage récemment réédité, de Karl Popper (1902-1994) ?
Il s'agit d'un recueil d'essais et de conférences, qui couvrent l'univers intellectuel luxuriant  de ce philosophe si attachant, résolument optimiste, et l'un des plus inspirés défenseurs du modèle de la « Société Ouverte ».
Pour celles et ceux qui craignent l'avenir, qui manifestent une certaine défiance à l'encontre du libéralisme (compris comme l'extension du domaine de la liberté) et qui doutent des vertus du modèle démocratique dans lequel nous vivons, l'enseignement de Popper est vivifiant.
Il est avant tout chose, humble. Par voie de conséquence, il est profond.

Popper qui fut un épistémologue distingué, fut sa vie durant, hanté par la difficulté qu'il y a de prétendre à l'objectivité, en matière scientifique. Car s'il est possible de démontrer qu'une proposition est fausse, il s'avère impossible de faire de même pour affirmer la véracité d'une autre. La vérité ne peut être établie avec certitude en ce bas monde. « Même nos théories physiques les mieux vérifiées et les mieux confirmées ne sont que des conjectures, des hypothèses fécondes, et elles sont condamnées à jamais à demeurer des conjectures ou des hypothèses. »
Ce simple constat montre combien, en dépit des progrès de la connaissance humaine, reste grande notre ignorance, d'où il découle que « la recherche scientifique est de fait la meilleure méthode pour nous éclairer sur nous-mêmes et sur notre ignorance. »
Cette méthode devrait s'appliquer au domaine philosophique et plus généralement au champ des idées, surtout lorsqu'elles ont pour but de régir nos existences et l'organisation de la société. On éviterait bien des calamités, bien des errements, bien des retards...

Parmi les nombreux sujets abordés dans cet ouvrage, évoquons l'interprétation que donne Popper du darwinisme. Selon lui, deux conceptions s'opposent. L'une est pessimiste. Inspirée par Malthus, elle définit le principe de la sélection naturelle, comme l'expression « d'une Nature rouge sang, tous crocs dehors et griffes dehors (Nature, red, in tooth and claw) ». Selon cette conception déterministe et fermée, qu'on entend souvent par les temps qui courent, la croissance démographique, liée à la rareté progressive des ressources alimentaires, mène à une impitoyable sélection des plus forts. Dans ce processus, même les plus forts subissent la pression de la concurrence et sont contraints de bander toutes leurs forces, jusqu'à l'épuisement. Au terme de cette interprétation, la concurrence débouche donc sur une restriction de la liberté.

Il y a toutefois une seconde vision des choses beaucoup plus optimiste, basée sur le fait que les hommes cherchent par nature à accroître leur liberté.
Par voie de conséquence, ils utilisent la concurrence non pas exclusivement pour se détruire mutuellement, mais "pour développer des initiatives conduisant à de nouvelles possibilités vitales, de nouvelles libertés, et cette pression endogène peut s'avérer plus efficace que la pression exogène qui mène à l'élimination des individus les plus faibles et à la restriction de la liberté même des plus forts."
Cette conception, qui conduit à l'extension de la liberté, est à l'évidence préférable à la première, et constitue la pierre de touche de la philosophie popperienne. Le philosophe voit dans « le franc succès connu par la société de concurrence et l'extension considérable de la liberté à laquelle elle a mené » la vérification expérimentale de son bien fondé.
L'idée fondamentale de cette interprétation, est d'introduire dans la mécanique darwinienne, la notion d'initiative, indissociable celle de liberté. De ce point de vue, l'évolution n'est plus un phénomène passif, subi par les individus. Elle n'est que le moteur sur lequel leur volonté agit librement, en vue du progrès.
Dans cette perspective, à l'inverse de la thèse historiciste hégélienne, l'histoire des hommes devient quelque chose d'ouvert. Et c'est par des conjectures et des réfutations, des essais prudents et des erreurs acceptées et corrigées, que l'avenir s'écrit.

Il y aurait des foules de choses à dire encore à propos du message popperien, tel qu'il apparaît dans ces pages lumineuses et passionnantes, et qui montreraient qu'il se situe résolument à la convergence des grandes philosophies pragmatiques, de Socrate à William James en passant par Locke, Hume, Kant...
Pour conclure cet aperçu, je me contenterai d'évoquer la division schématique, a priori étrange, que fait Popper du monde, en distinguant trois catégories :
Le Monde 1, celui des choses, des objets, des êtres de la Nature
Le Monde 2, celui des concepts, des pensées, de l'intellect aussi bien scientifique, philosophique, artistique. Le monde de la conscience en quelque sorte.
Le Monde 3 enfin, qui définit les objets créés par le génie humain. On y trouve aussi bien les livres, que les maisons, les usines ou les bombes nucléaires, les ordinateurs...

Tout cela procède du même univers naturellement, mais il y a un lien entre le monde 1 et le monde 3. Ce lien qui se situe dans le Monde 2, est la clé de voûte de l'ensemble. Le troisième monde découle du premier par l'interaction du second. Et c'est lui qui donne tout son sens au darwinisme, sa signification au Monde, à la destinée humaine, et in fine à l'espoir...
Si l'expression n'avait pas déjà été usitée bien mal à propos dans un autre contexte, on serait tenté de faire de l'approche poppérienne, un libéralisme à visage humain. Le plus raisonnable est de la qualifier d'humanisme...

Karl Popper : A la recherche d'un monde meilleur, Les Belles Lettres 2011
A voir également, un précédent billet

13 janvier 2012

Paris


Paris n'en finit pas de révéler ses charmes
Et le long de la Seine, à pied, en rêvassant
On devine que l'eau qui doucement descend
Est bien plus qu'un liquide affleurant les vacarmes.

Le fleuve a eu raison de la fureur des armes
Il s'écoule éternel et sans bruit en glissant
Sous plus de trente ponts. Il est la vie, le sang
Et la ville en extrait vigueur ivresse et larmes.

Dans les grands parcs on songe à un passé glorieux
Que les beaux monuments bordant les avenues
Remplissent du profil solennel des statues.

On entre à deux amis dans un café très vieux
On siffle bien au chaud quelques moelleuses bières
En parlant d'Amérique et d'émois littéraires...

05 janvier 2012

Happy New Year Mr Taxman !

Ainsi le Chef de l'Etat pour ses vœux à la Nation s'est fait plus déterminé dans l'action et plus protecteur en matière sociale que jamais.
Soulignant à maintes reprises la gravité « inouïe » de la crise, il a repris l'antienne bien éprouvée consistant à en rejeter la faute sur nombre d'acteurs, mais jamais sur l'Etat ! Selon lui, « elle sanctionne trente années de désordre planétaire dans l'économie, le commerce, la finance, la monnaie... », mais apparemment pas l'abyssal endettement public !
Avec un brin d'autosatisfaction, il affirma même benoîtement que son gouvernement avait fait ce qu'il fallait pour apurer les finances publiques et donc, que le problème actuel n'était pas de proposer « un nouveau train de réduction des dépenses ».

En revanche, il a annoncé au titre de la relance de l'emploi et de la croissance,  une déferlante de nouveaux impôts, et de nouvelles taxes, tous mieux intentionnés les uns que les autres...
Rien de bien nouveau en somme.
La fameuse TVA sociale apparaît en filigrane de son discours, au chapitre des mesures destinées à «alléger la pression sur le travail et à faire contribuer financièrement les importations qui font concurrence à nos produits avec de la main d’œuvre à bon marché». Et de manière plus explicite, est réaffirmée sa détermination à mettre en place la fameuse taxe sur les transactions censée « faire participer la finance à la réparation des dégâts qu'elle a provoqués ».

Décidément les politiciens, quelque soit leur tendance politique, semblent toujours aussi enclins à se délester de leurs responsabilités et  de moins en moins aptes à laisser courir leur imagination en dehors du consensus lénifiant mais frelaté et cloisonné des idées reçues. Surtout, la ponction du contribuable, reste à l'évidence leur thérapeutique préférée...
Par quelle magie, dans un pays endetté jusqu'au cou et croulant sous les prélèvements obligatoires, des taxes supplémentaires pourraient libérer les forces vives de la nation et doper l'emploi et la croissance ?
Comment peut-on laisser entendre que l'Etat soit parvenu à enrayer ses dépenses, à l'heure où le déficit budgétaire prévu pour 2011 reste proche de 6% du PIB ! Au moment où l'on apprend qu'il faudra emprunter 180 milliards d'euros pour tenter de boucler le budget 2012 !               

Quant à cette inénarrable TVA sociale, par quel sortilège serait-elle en mesure de combler les folles espérances qu'on place en elle ? Qui peut imaginer qu'il suffise d'ajouter le mot « social » pour transformer une taxe en panacée ?
Une chose est sûre, elle commencera par s'ajouter aux prix des biens que devront débourser les consommateurs-contribuables. On fait bien miroiter une baisse concomitante des charges sociales sur les entreprises implantées en France, mais comment être certain que cet allègement sera effectif et automatiquement traduit en baisse des prix, hors taxes. Qui dit que les syndicats n'argueront pas de ce « cadeau fiscal » fait aux entreprises pour exiger des hausses salariales et donc engendrer de l'inflation ?
Ce dispositif de vase communicant promet de toute manière d'être très compliqué à mettre en oeuvre, rappelant quelque peu l'usine à gaz du bouclier fiscal. A l'instar des gros contribuables expatriés, doutant à juste titre des mérites et de la pérennité de ce dernier, il est assez peu probable que les entreprises prennent le risque de rapatrier beaucoup d'emplois délocalisés. Surtout en sachant que les Socialistes, opposés à la mesure pourraient l'abroger, et qu'ils lorgnent sur une augmentation de la CSG, et quantité d'autres prélèvements...
L'accroissement de la compétitivité des produits français sur le marché international paraît lui aussi illusoire, car il n'est pas démontré que la faiblesse de nos exportations tienne principalement aux prix des biens. L'exemple de l'Allemagne, et la bonne santé de l'industrie du luxe prouveraient plutôt le contraire...
En revanche, la hausse de la TVA frappera de plein fouet les produits fabriqués à l'étranger, qui seront quant à eux plus chers, diminuant d'autant le pouvoir d'achat de marchandises courantes, pour lesquelles il n'existe guère d'alternative sur le marché intérieur.

Au total cette TVA sociale reste avant tout une taxe, avec tous ses vices. Ni au Danemark, ni en Allemagne où elle a été plus ou moins expérimentée, ses résultats ne furent probants, notamment en terme d'emploi. S'agissant de l'Allemagne, il faut se souvenir au surplus, que même après une hausse conséquente, la TVA est restée à un taux inférieur au nôtre (19% vs 19,6%). On peut également rappeler que la dernière hausse de la TVA en France date de 1995, juste après l'élection de Jacques Chirac, qui avait fait une bonne partie de sa campagne sur le slogan « Trop d'impôts tue l'impôt ». A l'époque, il avait toutefois « promis » que cette hausse serait temporaire. Seize ans après on attend toujours...

Comme le chantaient les Beatles qui dans les années soixante, après avoir fait fortune, découvraient les bienfaits de l'impôt :
If you drive a car I'll tax the street
Si tu conduis une voiture je taxe la rue
If you try to sit I'll tax your seat
Si tu essaies de t'asseoir je taxe ta chaise
If you get too cold I'll tax the heat
Si tu as trop froid je taxe ton chauffage
If you take a walk I'll tax your feet
Si tu marches je taxe tes pieds...

Bonne Année !