31 août 2013

Atlas Shrugged 1


A la fin des années cinquante, une bonne partie de la planète subissait sous une forme ou sous une autre, la dévastation du socialisme. Et dans le reste du monde dit "libre", malgré l'impossibilité pour toute personne un peu curieuse, de méconnaitre la nature perverse de ce système politique, il était l'objet d'une étrange fascination dans laquelle une inexplicable sympathie l'emportait sur la répulsion. Parce que le socialisme masquait son immonde réalité derrière une nuée de belles et généreuses chimères, nombreux étaient ceux qui préféraient se nourrir d'illusions plutôt que d'évidences. Chaque nouvelle application du modèle, chaque variante, s'avérait un échec pour ne pas dire plus, mais quantité de gens continuaient étrangement de croire à l'avènement du paradigme idéal, fondé peu ou prou sur les postulats fallacieux du marxisme.

C'est à cette époque qu'un énorme roman entreprenant de démolir méthodiquement cette idéologie vit le jour aux Etats-Unis. Ayn Rand (1905-1982), exilée russe d'origine juive, en était l'auteur aussi inspirée que déchainée. Disons tout de suite que cet ouvrage torrentueux, relevait en effet autant de l'imprécation que du récit. Ce haussement d’épaule titanesque (Atlas Shrugged) secouait rudement les canons du conformisme bien-pensant. Mais comment pouvait-il en être autrement pour cette femme passionnée, qui avait connu de près le communisme, qu'elle vit naître, croître et enlaidir, dans sa patrie d'origine ? Les Bolchéviques avaient spolié la pharmacie paternelle, ruiné les espérances prométhéennes que jeune fille, elle nourrissait en un monde meilleur, et tenté de détruire sans le moindre état d'âme, tout ce qui représentait pour elle la force et la liberté de l'esprit humain. Autant dire qu’elle fut vaccinée très tôt et définitivement contre cette calamité.

En 1926, lorsqu'elle eut la chance de pouvoir émigrer vers le Nouveau Monde et qu'elle en découvrit l'aspiration pour la liberté et le goût pour l'initiative individuelle, elle se prit de passion pour ce pays dont elle ne fut pas peu fière d'acquérir la nationalité en 1931.

Non contente d'épouser avec enthousiasme le modèle de cette société ouverte, il fallut bientôt qu'elle consacra toutes ses forces à tenter de démonter la monstrueuse idéologie qui craignait-elle, risquait d'en dépraver l'essence, si ce n'est par la révolution, au moins par son poison idéologique.
Chose étonnante, elle réalisa le tour de force d'évoquer sur près de 1200 pages ce fléau sans en écrire une seule fois le nom !

Pourtant il n'y a pas de doute. Ce mal qui de la première à la dernière page, gagne insidieusement tous les étages d'une société florissante, et qui a la prétention, tout en la pourrissant peu à peu, d'apporter davantage de justice, d'égalité et de progrès social fait soi-disant de fraternité et d'amour, ce tissu d’âneries sournoises, ce ne peut être que le socialisme !

L'erreur est d'autant moins permise que le funeste corollaire de ces vœux pieux, est décrit sans ambigüité. A savoir le sinistre échafaudage intellectuel qui sous couvert de solidarité et de bonnes intentions, n’aboutit qu’à dresser les gens les uns contre les autres au nom de la lutte des classes et à démolir progressivement tout ce qui fait la cohésion sociale. En clouant notamment au pilori les riches et les nantis, offerts en pâture, par pure démagogie, au populisme revanchard le plus primaire qui soit. En invoquant dans le même temps le principe de redistribution sous contrainte étatique des richesses, tout en en planifiant la production par un imbroglio contradictoire de réglementations, de seuils et de quotas. Et bien sûr, en taxant toujours plus ceux qui réussissent, afin soi-disant de réduire les inégalités et surtout de séduire ceux qui sont assez niais pour croire qu'ils peuvent avoir des droits acquis sur les fortunes construites grâce à l'audace et à l'esprit d'initiative... (à suivre)

26 août 2013

Blue Mood


Lorsque le spleen s'appesantit sur l'âme en proie à cette langueur étrange dont parlait Verlaine, lorsque les dernières gouttes tièdes de soleil signent la fin prochaine d'un bel été, lorsque l'esprit cherche en vain le moyen d'échapper à un destin trop navrant, lorsque le temps présent se fait l'écho, tout à la fois de joies finies et de tortures en devenir, quoi de plus réconfortant que quelques notes de jazz virevoltant dans l'air ?

C'est exactement ce qui m'arriva aux oreilles, ce soir d'août, tandis que je flânais, cahin-caha dans Royan, au bras rassurant de ma chère et tendre, que les vacanciers rassasiés de sel, de sable et de chaleur, remontaient nonchalamment de la plage, et que d'autres commençaient leur soirée en s'adonnant en rangs serrés au lèche-vitrine.

Nous tombâmes en arrêt, sur une place tranquille, d'où venait le flot plein de gaieté d'un trio musical boppant avec maestria sous un petit chapiteau tendu de blanc. Trois jeunes gens sapés comme des étudiants de quelque grande école, se déchaînaient sur le fameux standard de Stevie Wonder : You are the sunshine of my life !
On apprit par la voix du pianiste qu'ils avaient pour nom Thomas Mayeras (au piano justement), Julien Daude (à la contrebasse) et Germain Cornet (à la batterie).

Si le Blues est dit-on, la musique du diable, ce petit quart d'heure avait quant à lui quelque chose d'angélique. Elégance, classe et swing était les maîtres-mots de ce moment enchanteur. Quel miracle qu'on puisse encore dans notre époque épuisée, déployer tant de grâce et tant d'optimisme ! Et avec ça une jeunesse éclatante !

Je ne me souviens plus hélas du titre suivant, mais j'ai retenu qu'il s'agissait d'un hommage au superbe pianiste McCoy Tyner, hélas aujourd'hui un peu rangé des voitures, mais qui magnifia des années durant, le hard bop aux côtés de John Coltrane. Ni une ni deux, j'ai saisi mon appareil photo que j'ai toujours sous la main et je me suis mis à filmer goulûment (cf ce clip posté sur Youtube) ...

Il y avait également ce soir là dans ces mélodies savoureuses, un peu de Wynton Kelly, de Hampton Hawes, de Red Garland, de Phineas Newborn...
Au clavier Thomas Mayeras semblait narguer malicieusement, mais non sans un vrai et original talent de mélodiste, ses aînés. La basse était quant à elle épatante, simple et bien carrée, et la batterie particulièrement fringante, libre et débordante de breaks délicieux et de brosses veloutées. 
Décidément, ceux qui ont la faculté de pouvoir tromper de cette manière, "les ennuis et les vastes chagrins qui chargent de leur poids l'existence brumeuse"  sont bénis des dieux !

Encore bravo et merci !

18 août 2013

Rendez-vous en terre inconnue


Vu récemment une rediffusion de cette gentille émission, animée sur France 2 par Frédéric Lopez, qui met en scène de gentilles stars du show biz, dans des contrées lointaines, de préférence très décalées par rapport aux standards de la société de confort matériel que nous connaissons.
Cette fois c’était au tour du rugbyman Frédéric Michalak d’être confronté à de sympathiques représentants des peuplades de Lolos noirs, vivant dans la région montagneuse de Cao-Bang située à l’extrême Nord Est du Vietnam.

Délicieux spectacle de ces agriculteurs d’une autre époque, à la simplicité rustique mais à l’allure très soignée et polie. Charme dépaysant de leurs silhouettes bucoliques ornées de leurs chapeaux pointus. De leur tenue légère, toute noire pour les hommes, égayée de broderies délicatement colorées pour les femmes, au port élégant et distingué. Même les pieds dans la boue et même en plantant le riz à mains nues, ou par le biais d’outils rudimentaires, ces gens gardent un sourire éclatant, juste un peu terni pour les plus âgés, par le bétel qu’ils mâchent pour se donner du cœur à l’ouvrage. Magnifiques paysages de rizières en terrasses, avides des chaudes pluies tropicales. Cieux plombés et végétation luxuriante où les verts tantôt tendres, tantôt profonds se conjuguent avec volupté…
Qu’ils paraissaient patauds nos deux compères urbains, contraints de jouer pour un moment le jeu si touchant et écologique du retour à la nature !

Tout cela serait idyllique si l’on ne se souvenait pas de la tragédie vécue par ce pays, il y a quelques décennies, et dont il n’est, pas encore vraiment libéré, en dépit d’apparences un tantinet trompeuses.
Rien n’aurait d’ailleurs rappelé ces évènements à la mémoire des téléspectateurs, sauf le récit « spontané et impromptu » d’un vieil homme surgi de nulle part.
 
Hélas, à cette occasion, on eut droit à l'inévitable couplet présentant de manière partisane le terrible conflit qui opposa le Vietnam aux Etats-Unis dans les années soixante. On put « apprendre » ainsi de la bouche de ce vétéran Viêt-Cong, que la guerre aurait saisi ce paisible peuple champêtre, du jour au lendemain. Que de méchants Américains, venus d’on ne sait où, et on ne sait pourquoi, bombardèrent férocement ces campagnes innocentes, en ciblant de préférence les populations civiles, et qu'ils firent ainsi à coup de napalm et d'agent Orange, plus de 3 millions de morts, sans raison apparente... Entre autres détails accablants, on nous révéla même que ces odieux agresseurs, lorsqu’ils faisaient des prisonniers, avaient pour habitude de leur couper les tendons situés derrière les genoux, pour les empêcher de nuire à nouveau !

Les deux Frédéric, semblant saisis par ce récit édifiant, en étaient comme deux ronds de flancs, se contentant d’acquiescer vaguement. Pas un mot, pas une remarque de leur part.

Il faut croire qu’ils ignoraient l’agression permanente à laquelle se livrèrent des années durant les gens du Nord contre ceux du Sud, dans les années cinquante, juste avant l’intervention américaine. Sans doute n’avaient-ils aucune idée de la détermination fanatique des partisans d'Ho-Chi-Minh, d'installer par la force sur l'ensemble de la péninsule, une dictature communiste. Probablement n’avaient-ils jamais entendu parler de la manière délibérée qu'ils avaient de mêler leurs combattants aux populations civiles pour pousser leurs ennemis à la faute et donner aux yeux d'une opinion publique occidentale très crédule, l'illusion que leur cause était la victime de l'impérialisme yankee.

Avaient-ils seulement à l’esprit l'instauration en définitive par la terreur, et en totale violation des accords de paix de Paris, du socialisme communiste encore en vigueur aujourd’hui, malgré des concessions croissantes au capitalisme si honni ? Avaient-ils connaissance que plusieurs dizaines de milliers de Sud-Vietnamiens furent exécutés sommairement après la chute de Saïgon en 1975, que plus d’un million furent déportés dans d’infâmes camps de concentration, que 4 millions furent contraints à l’exil, dont au moins 250.000 boat people périrent dans des circonstances atroces, alors que les Américains s'étaient retirés depuis longtemps du pays... Avaient-ils enfin quelque notion de l'épisode de la colonisation française, qui explique pourtant en partie la tragédie indochinoise… Le fait est que la terre, mais aussi l’histoire gagneraient parfois à être mieux connues…

16 août 2013

Songe d'un soir d'été

Lorsque la journée s'éternise
Au creux du soir ensoleillé
Je rêve un peu ensommeillé
Dans la clarté qui s'amenuise


Hélas, cette tiédeur exquise
S'empreint d'une sourde anxiété
Qui distille au sein de l'été
De froides vapeurs de banquise


L'heure n'est en somme, qu'un désert
Où mon indolence extatique
Côtoie sans cesse le tragique


Ce paradis est un enfer,
Je n'ai pas d'autre alternative:
Je garde espoir ou je dérive....