30 avril 2014

Turgot, lumineux (3)

Le chef-d’œuvre impérissable et vraiment novateur de Turgot fut son étude relative à la Formation et distribution des richesses, datée de 1766.
Dans cet ouvrage d'à peine 70 pages, il se révèle le génial précurseur d'une vision libérale pragmatique novatrice, qui sera développée par Adams Smith quelques dix ans plus tard en Angleterre.
Surtout, avec un siècle d'avance sur Marx, il théorise le capitalisme naissant. Mais à l'inverse de ce dernier qui y voyait une machine infernale destinée par essence, à exploiter et asservir l’homme, Turgot en fait le moteur même de l'économie moderne et un formidable instrument de progrès.

Son analyse est particulièrement visionnaire si l'on pense qu'à son époque, la société était régulée de manière tellement rigide que le destin de chaque être humain était quasi prédéterminé en fonction de la position sociale du berceau familial et du rang de naissance dans la fratrie !


Si Turgot s'éleva contre les privilèges liés à la naissance et les rentes de situations, il ne prôna pas pour autant l'égalité, bien au contraire.
Le primum movens de toute économie est pour Turgot, comme pour les physiocrates, situé dans les ressources tirées de la terre : “Le laboureur peut, absolument parlant, se passer du travail des autres ouvriers, mais aucun ouvrier ne peut travailler si le laboureur ne le fait vivre…”.
Dans le même temps, il affirme qu’une répartition égalitaire des terres est une illusion car force est de reconnaître que celles-ci “ont été cultivées avant d’être partagées.”
De toute manière, même si cela avait été possible, le monde serait désespérément statique puisque tout commerce, tout échange aurait été impossible “dans la supposition d’un partage égal des terres, où chaque homme n’aurait que ce qu’il lui faudrait pour se nourrir.”
Plutôt que de tenter de reconstruire un monde idéal, mais théorique, Turgot se fonde sur la réalité des faits et constate que dans l’histoire de l’humanité, les sources d’inégalités furent nombreuses à se faire jour et sont en définitive consubstantielles au monde. La première relève de l’évidence : “Les premiers propriétaires occupèrent autant de terrain que leurs forces leur permettaient d’en cultiver : plus ils étaient forts ou dotés d’une nombreuse famille plus leur domaine était étendu.” Mais il y a bien d’autres raisons aux inégalités : “Tous les terrains n’avaient pas la même fertilité”, “Les successions remodelèrent les domaines en les agrandissant ou en les divisant”, enfin “L’intelligence, l’aptitude à l’action le courage furent la quatrième source d’inégalité.”

Partant de la mise en valeur de la terre et du commerce de ses produits, Turgot définit les principales classes dont la société est naturellement amenée à se doter.
“En premier lieu quand un cultivateur devient suffisamment riche, il peut cesser de travailler la terre pour se consacrer à la gestion et à d’autres tâches.” Il représente la classe des propriétaires ou encore "classe disponible". Initialement c’est la seule classe détentrice de capitaux et susceptible de rentabiliser une entreprise.
Les propriétaires, grâce au rapport de leurs biens peuvent rémunérer des ouvriers pour travailler, des artisans pour fournir des outils ou d’autres prestations, ces derniers incarnant la classe salariée ou, pour reprendre les termes de Turgot, “stipendiée.” De cette manière, la classe stipendiée, industrieuse, est amenée à se subdiviser en entrepreneurs, capitalistes, artisans et simples ouvriers. Dès lors, le moteur du capitalisme est lancé, rebattant en permanence les cartes du jeu économique dans lequel chacun peut, en fonction de ses aptitudes, de son travail, et d’un peu de chance, créer ou perdre des fortunes.
Turgot fut ainsi le premier économiste à énoncer cet axiome toujours pertinent : "Ce sont les capitaux seuls qui forment et soutiennent les grandes entreprises [d’agriculture]."

Dans le cours de l’histoire, la rémunération accordée par les propriétaires aux stipendiés, prit toutefois des formes variées, pas toujours honorables. Turgot en décrit cinq.
La plus ancienne fut la “culture par des salariés” dans laquelle le propriétaire prenait toute la récolte mais fournissait aux ouvriers les moyens de travailler (outils, semences) et un salaire. La rentabilité n’était pas optimale puisque les ouvriers n’avaient aucun intérêt à produire, et le propriétaire était incité à exercer une tutelle souvent très contraignante. Paradoxalement cette technique ancestrale est resté le substratum de l’économie étatisée nivelée, caractérisant les régimes socialistes...
La seconde technique fut plus calamiteuse encore. Ce fut, selon les propres mots de Turgot, “cette abominable coutume de l’esclavage.”
Alors que la pénurie de main d’oeuvre locale pouvait se faire sentir, tandis que par le biais de la colonisation des populations entières étaient asservies, “des hommes violents ont alors imaginé de contraindre d’autres hommes à travailler pour eux. Ils ont eu des esclaves dont le seul salaire était le gîte et la nourriture.” Inutile de s’appesantir sur le caractère infamant de cette méthode, vouée à disparaître dans toute société de liberté.
Elle laissa la place heureusement, à d’autres systèmes, moins inhumains. La culture par métayage par exemple dans laquelle le métayer gagne une partie de la production, en général la moitié (on disait alors “colon à moitié fruits”). Enfin, la culture par fermage ou louage des terres, lorsque le propriétaire abandonne la totalité des récoltes moyennant rétribution par une rente ou un loyer. C’est en définitive le système qui s’imposa, quoiqu’il ne soit réellement adapté qu’au monde agricole.

Dans la conception économique développée par Turgot, la notion d’échange est fondamentale. Tout ce qui lui fait entrave s'avère anti-naturel et néfaste.
L’échange se réduit en règle au commerce “qui donne à chaque marchandise une valeur courante relativement à chaque autre marchandise.” "Toute marchandise est donc monnaie puisqu’elle mesure et représente toute valeur. Réciproquement toute monnaie est marchandise."
Dans cette logique limpide, les métaux précieux, or et argent, on l’avantage d’avoir une valeur facile à apprécier par leur poids et leur titre, d’être inaltérables et d’être facilement divisible. Grâce à ces qualités, et bien qu’ils n’aient pas d’utilité fondamentale, ils ont toujours eu une valeur intrinsèque.
Il n’y a rien d’étonnant donc à constater que “dès que les hommes ont pu tirer de leurs terres un revenu plus que suffisant pour satisfaire à tous leurs besoins, ils éprouvèrent la nécessité, par prudence ou inquiétude de l’avenir, de convertir ces surplus en matières le moins périssables possible”, d’abord en recourant aux valeurs mobiliaires (meubles, vaisselle, bijoux, maisons, terres, outils, bestiaux…) puis aux métaux-monnaie, devenant capital en soi.

C’est une des grandes forces de Turgot d’avoir compris et décrit comme nul autre, les règles naturelles du commerce. De ce point de vue, certaines de ses remarques conservent une fraîcheur étonnante si ce n’est prémonitoire de nombre de problématiques de la société contemporaine :
“Le détaillant apprend par expérience, par le succès d’essais bornés faits avec précaution, quelle est à peu près la quantité des besoins des consommateurs qu’il est porté à fournir.”
“Le négociant envoie des marchandises du lieu où elles sont à bas prix dans ceux où elles se vendent plus cher.”
“Toutes les branches du commerce roulent sur une masse de capitaux .../… qui ayant été d’abord avancés par les entrepreneurs .../… doivent leur rentrer chaque année avec un profit constant. C’est cette avance et cette rentrée continuelle des capitaux qui constituent ce qu’on doit appeler la circulation de l’argent. Aussi vitale à la vie économique que la circulation du sang pour la vie d’un animal…”
“Si les entrepreneurs cessent de retirer leurs avances avec le profit qu’ils sont en droit d’attendre, il est évident qu’ils seront obligés de diminuer leurs entreprises, que la somme du travail, celle des consommations des fruits de la terre, celle des productions et du revenu, seront d’autant diminuées, que la pauvreté prendra la place de la richesse, et que les simples ouvriers, cessant de trouver de l’emploi, tomberont dans la plus profonde misère.”

Une des contributions essentielles de Turgot à la science économique, fut l’éclairage original qu’il donna à la mécanique du crédit et de l’endettement. Souvent critiqués à son époque, les prêts représentaient selon lui, un mode d’utilisation efficace des capitaux. Dans cette logique écrivait-il, “le prêt à intérêt n’est exactement qu’un commerce dans lequel le prêteur est un homme qui vend l’usage de son argent et l’emprunteur un homme qui l’achète…”
Sa conception libérale s’exprimait à cet égard de manière explicite : “C’est une erreur de croire que l'intérêt de l’argent dans le commerce doive être fixé par les lois des princes. Ce prix est un peu différent suivant le plus ou moins de sûreté qu’a le prêteur de ne pas perdre son capital, mais à sûreté égale, il doit hausser ou baisser à raison de l’abondance et du besoin.../… La Loi ne doit pas plus fixer le taux de l’intérêt de l’argent qu’elle ne doit taxer toutes les autres marchandises qui ont cours dans le commerce.”

Le sujet permet une fois encore de mesurer la profondeur de vue de celui qui n’était alors que l’intendant du Limousin, et qui donna pourtant des clés essentielles pour comprendre les interactions entre épargne et flux monétaires. Pour résumer sa pensée, s’il y a peu d’argent épargné en capital, il y en a plus à circuler et donc sa valeur diminue. En revanche, il y a par voie de conséquence moins d’argent à prêter et sans doute plus d’emprunteurs, donc les taux d’intérêts s’élèvent. 

La proposition inverse est bien entendu tout aussi vraie, ce qui amène à la formule de portée universelle, énonçant que "l’intérêt courant de l’argent est le thermomètre par où l’on peut juger de l’abondance ou de la rareté des capitaux."
Très originale pour son temps, et toujours pleine d’actualité, fut également l'appréciation hiérarchique du risque, en fonction de la nature des investissements de capitaux : “L’argent placé dans des entreprises de culture, de fabrique et de commerce doit rapporter plus que l’intérêt de l’argent prêté, lequel est supérieur à celui de l’argent placé dans l’achats de terres affermées.”

26 avril 2014

Turgot, lumineux (2)

Les Amoureux de la liberté peuvent se consoler de l’injuste discrédit qui frappa Turgot en se plongeant dans les quelques écrits d’une éclatante modernité, qu’il laissa à la postérité.

En premier lieu, le tableau philosophique des progrès successifs de l’esprit humain qu’il proposa sous forme de discours à la Sorbonne en 1750, alors qu’il n’était âgé que de 23 ans.
Il y développe des conceptions pragmatiques empreintes d’humilité assez caractéristiques de la pensée libérale.

Du spectacle de la Nature, il retient cette impression de perpétuel renouvellement, où “le temps ne fait que ramener à chaque instant l’image de ce qu’il a fait disparaître” et par contraste, “la succession des hommes qui offre au contraire, de siècle en siècle, un spectacle toujours varié.”
A l’inverse du credo égalitariste de Rousseau, il fait le constat que “la nature inégale en ses dons a donné à certains esprits une abondance de talents qu’elle a refusée à d’autres…” et y voit la raison profonde de la marche chaotique du monde sur la voie du progrès : “Les circonstances développent les talents ou les laissent enfouis dans l’obscurité; et de la variété infinie de ces circonstances, naît l’inégalité du progrès des nations.”
A contrario, “la barbarie égale tous les hommes”, notamment lorsqu’ils perdent l’ambition de devenir meilleurs, qu’ils ne manifestent plus l’envie de corriger leurs erreurs, ou qu’ils s’abandonnent à leurs vieux démons : “Quel spectacle présente la succession des hommes ! J’y cherche les progrès de l’esprit humain et je n’y vois presque autre chose que l’histoire de ses erreurs. Pourquoi sa marche si sûre dès les premiers pas dans l’étude des mathématiques, est-elle dans tout le reste si chancelante, si sujette à d’égarer ?”
Pire que tout cependant, est l’inclination aux croyances non fondées : “Ce penchant presque invincible à juger de ce qu’on ignore par ce qu’on connaît.../… Ces analogies trompeuses auxquelles la grossièreté des premiers hommes s’abandonnait avec tant d’inconsidération.../… Les égarements monstrueux de l’idolâtrie…”

Au total, une vision réaliste, qui fait de l’être humain l’artisan principal de son destin et le porteur de ses propres espérances, ce qui suppose une aptitude à se remettre en cause et à ne pas préjuger de ses capacités : “parce que l’orgueil se nourrit de l’ignorance, par ce que moins on sait, moins on doute; moins on a découvert moins on voit ce qui reste à découvrir…”

Dans une lettre à Hume datée de 1767, Turgot aborde certains problèmes économiques. Il rejoint le philosophe écossais dans sa définition du prix courant des marchandises, basée selon eux uniquement sur la loi de l'offre et de la demande. Turgot nuance un peu ce point de vue en définissant la notion de “prix fondamental” qui pour une marchandise, est ce que la chose coûte à l'ouvrier, et qui augmente dès que des impôts ou des taxes s’interposent. Ce constat l’amène à déplorer “les inconvénients de l’impôt sur les consommateurs, dont la perception est une atteinte perpétuelle à la liberté des citoyens.” Non sans humour, il détaille ainsi les multiples contraintes et effets pervers engendrés par le fisc : “il faut fouiller aux douanes, entrer dans les maisons pour les droits d’aides et d’excises, sans parler des horreurs de la contrebande, et de la vie des hommes sacrifiés à l’intérêt pécuniaire du fisc : voilà un beau sermon que la législation fait aux voleurs de grand chemin…

21 avril 2014

Turgot, lumineux (1)

Moins de deux ans, c’est ce que notre pays accorda au libéralisme pour faire ses preuves !  C'est vraiment peu pour une nation qui a inscrit la Liberté au fronton de tous ses édifices publics.
Au surplus, ces deux petites années ne datent pas d'hier. Elles s'étendent précisément d’août 1774 à mai 1776, période durant laquelle Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781) fut contrôleur général des Finances du Royaume de France. Cette époque aurait pu être bénie, or elle fut maudite...

Elle commençait pourtant bien.
Lorsque Turgot fut promu ministre par la volonté du jeune Louis XVI, celui-ci venait d'accéder au trône, et tous deux avaient en tête une foule d'idées audacieuses. Le pays en avait bien besoin, tant il s'asphyxiait dans des schémas sociétaux archaïques et tant il croulait sous les dettes.
De l’autre côté de l’Atlantique, à l’Ouest, un vent de liberté se levait, irrépressible. Il était porteur de grandes espérances et la France qui ne contribua pas peu à le faire naître, pouvait être le relais sur le vieux continent, de ces aspirations nouvelles.

Etrange pays que le nôtre ! Nombre de philosophes, d’économistes et de penseurs s’y illustrèrent dans la défense des idées libérales, et très peu de politiciens et d’hommes d’état ont tenté de les mettre en application.
Turgot constitue une exception notable. Il fut à la fois penseur brillant et homme d'action intrépide. Il servit un roi doté d’une grande ouverture d’esprit, apte sans aucun doute à mettre en oeuvre la grande révolution intellectuelle portée par les Lumières.
Mais, paradoxe navrant, il fut renvoyé dans ses foyers prématurément sous la pression d’intellectuels jaloux de leurs prérogatives, tandis que le roi fut la victime expiatoire de révolutionnaires obtus, se gargarisant de liberté ! Et si en définitive le ministre déchu n’eut pas un destin aussi funeste que son monarque, ce fut sans doute parce que la maladie le terrassa à 53 ans, quelques huit ans avant la prise de la Bastille !

Son passage aux affaires fut marqué par d’indéniables et rapides succès économiques, permettant notamment la réduction drastique de l’endettement du pays, non par l’accroissement des impôts ou le recours à l’emprunt, mais par une gestion budgétaire rigoureuse, et de substantielles économies. Le principe, décrit
dans la lettre qu’il adressa à Louis XVI suite à sa nomination, était simple : “Si l'économie n'a précédé, aucune réforme n'est possible”.
Tout en assainissant les finances du pays, il amorça toutefois en parallèle d’audacieuses réformes libéralisant le travail et les échanges commerciaux. Il supprima nombre de charges absurdes qui pesaient sur le peuple, dont les corvées royales qui contraignaient les paysans et les roturiers, à fournir à l’Etat des jours de travail non rémunéré, consacré à l’entretien des routes. Il abolit les jurandes, maîtrises et autres dispositifs corporatistes qui bridaient l’accès à nombre de professions et en réservaient les avantages à quelques élus.
Hélas, une cabale de privilégiés, et de très mauvaises récoltes dues aux aléas climatiques tuèrent dans l'oeuf ce vaste programme de modernisation de l’Etat. Louis XVI, bien intentionné mais influençable et manquant de détermination, le révoqua de ses fonctions. Résultat, de concessions en concessions, le pouvoir s’affaiblit et il ne fallut que quelques années pour que le pays bascule dans le grand désordre de la révolution.
Au moment de son éviction, Turgot avait mis en garde Louis XVI de manière prémonitoire : « N'oubliez jamais, Sire, que c'est la faiblesse qui a mis la tête de Charles 1er sur un billot... »

20 avril 2014

Les raboteurs d'acquis sociaux

Au pays dont le satrape en chef s'appelle Hollande, tout est si bas, si vain, que presque plus rien ne semble avoir d'importance. Rien ne bouge dans ce nébuleux « changement » qui plombe doucement l'atmosphère de ses vapeurs méphitiques. A celui qui végète, la morne uniformité tient lieu de tiède raison de vivre.
Dans ce pays, ivre du néant, les débats sont microscopiques et les perspectives totalement vides. Il n'y a pas de chemin puisque qu'il n'y a pas de direction...
Une étrange impression de vacuité s'est emparée de ce monde en déshérence.

Les Français, définitivement assujettis à l'Etat, se morfondent avec une sorte de délectation morbide, dans la contemplation de sa monstrueuse impuissance, et dans l'ennui sidéral qu'engendrent les discours soporifiques de ses dirigeants.
Le gouvernement n'est plus qu'un théâtre de marionnettes dont les figures sans vie ni âme dansent au dessus du vide en interchangeant leurs rôles dans l'indifférence générale.
Ils chantent sur un ton monocorde les grands principes, mais les dernières « valeurs » auxquelles leur idéologie s'accrochait ont été laminées par les mensonges éhontés de celui qui fut par un malheureux concours de circonstances, élu Président. Sous les plafonds encore dorés des palais de la République, chaque jour apporte son lot de malversations, de manoeuvres, de compromissions, de favoritisme, et d’esprit partisan qui gangrènent les institutions et mine la crédibilité de leurs gardiens.

S'agissant de la gestion du bien commun, personne n'imagine que les succédanés et artifices qu'on tente de faire passer pour une politique soit porteurs d'amélioration, mais personne n'imagine réellement d'autre voie. D’aucuns cherchent encore à bercer le peuple d’illusions, sous tendues par des promesses insensées, mais personne évidemment ne croit plus aux mots dont ils se gargarisent pour pallier l'absence de conviction et l'insignifiance des desseins. Les dernières inventions du génie bureaucratique s’épuisent avant même d’être concrétisées. “Pacte de Responsabilité”, “pacte de solidarité”, “pacte de confiance”, toutes ces fusées conceptuelles lancées en l'air comme armes ultimes par un gouvernement à bout de souffle, font l’effet d’un piteux feu d’artifice dont les flammèches s’éteignent sitôt allumées.
En fin de compte, dans la fameuse “boite à outils” des gouvernants, il ne reste plus que le rabot, pour tenter en désespoir de cause de faire entrer en force le vieux paradigme français bouffi, dans la rigueur salutaire du cadre supra-national, européen. Celui-ci constitue le dernier rempart à l’inconséquence de politiciens aussi démagogues qu’irresponsables, il les oblige enfin à se rapprocher un peu de la réalité.

Cela donne un spectacle tragi-comique où l’on voit les Artaban d’hier, moulineurs de grands principes, les Don Quichotte de l’anti-mondialisation, contraint de rabattre leurs ambitions délirantes et se mettre à dégauchir à la varlope, millimètre après millimètre, les boursouflures du monument “social”, dont il étaient si fiers. Ils l’avaient construit en dépit du bon sens, dépensant à tout-va, et asséchant sans vergogne par l'impôt toutes les sources de richesses du pays. Après en avoir tari l’essentiel, ils n’ont ni l’énergie, ni l’inspiration qui seraient nécessaires à une vraie refondation, sur des bases plus saines.
Jusqu’où iront-ils dans cette humiliante mais peu efficace besogne de rognage et de rafistolage qui les fait renier leurs propres croyances, et ergoter sur tout ce qu’ils considéraient comme des acquis ?
Jusqu’où iront ces chantiers dérisoires avant qu’enfin le souffle rafraîchissant de la liberté balaie ces vains échafaudages, et lève de vraies ambitions en dégageant pour les gens entreprenants, de nouveaux horizons ?