20 octobre 2014

Baudruches

Qu’elle est plaisante cette histoire de gonflage-dégonflage express d’oeuvre d’art sur la Place Vendôme !
Tout commence jeudi 16 octobre avec l’érection d’un gigantesque machin ogival de 24 mètres de haut, en plastique vert-pomme, dans le cadre de la Foire Internationale de l’Art Contemporain (FIAC).
 Allez savoir pourquoi, sa forme suggestive, poétique et délicate de sex-toy genre “plug anal” ne parut pas enthousiasmer tout le monde.
La polémique partit même plus vite qu’un pet sur une toile cirée et les esprits s’enflammèrent tant et tant, que dès la nuit suivant l’installation, des trublions facétieux mais sans doute incultes s’en prirent méchamment à l’engin (ils croyaient paraît-il qu'il s'agissait d'un sapin de Noël !). Ils débranchèrent la pompe qui le gonflait et sectionnèrent quelques sangles le maintenant debout. Patatras, la belle oeuvre d’art du dénommé Paul Mc Carthy se retrouva raplapla sur le pavé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire !
Dès le lendemain les gardiens du temple de l’art, mairesse de Paris et ministresse de la culture en tête, firent part de leur effroi, criant au scandale, et comparant peu ou prou l’acte de vandalisme à la brutalité nazie face à l’art dégénéré. Et voilà comment, à défaut de point G, on peut atteindre le point Godwin à partir de n’importe quoi par les temps qui courent !

Cette guéguerre cul-turelle est bien dommage en somme car ce truc avait une symbolique puissante. Gigantesque baudruche, il n’était pas sans évoquer le vide sidéral de la pensée contemporaine, et tout particulièrement la politique boursouflée de mots creux du gouvernement. Laissant voir ses grosses ficelles, il ne tenait pas davantage debout qu’elle. Au surplus la finalité de la chose représentée s’accordait plutôt bien avec la manière dont on prend le peuple en ce moment...
Finalement, à défaut de marquer l’Histoire de l’Art, le prétendu artiste n’est pas loin d’avoir atteint son but : cet épisode restera dans les annales...

17 octobre 2014

Le Capitalisme selon Arte... et Jean Tirole

Franche partie de rigolade ce mardi soir 14 octobre sur Arte !
Sous la direction de l’obscur réalisateur Ilan Zil, les téléspectateurs ont eu droit au premier volet d’une édifiante série prétendant expliquer la naissance et l’histoire du capitalisme.
On a beau être habitué aux falsifications dont cette chaîne est coutumière, on ne se lasse pas d’admirer toute la kolossale finesse des fourberies intellectuelles, qu'elle distille avec opiniâtreté aux frais du contribuable.

Certains ont sans doute encore en mémoire la diffusion il y a quelques années d’une fiction documentaire tendant à faire croire que la fabuleuse aventure des missions Apollo sur la Lune n’était qu’une mise en scène réalisée dans les studios d'Hollywood ! On révélait quand même à la fin qu’il s’agissait d’une farce, mais le procédé était là, dans toute sa trompeuse splendeur dialectique.

Il serait trop long de reprendre ici toutes les erreurs, les mensonges et les honteux amalgames qui peuplent ces premiers épisodes, consacrés aux origines du capitalisme et à l’un de ses pères fondateurs, Adam Smith.
La plus grosse supercherie consiste sans doute à faire naître le concept avec la colonisation de l’Amérique par Christophe Colomb, Cortez et autres conquistadores. Ce rapprochement incongru permet de comparer ces derniers à des entrepreneurs, en feignant de leur trouver des ressemblances : même goût du risque, même propension à l’endettement, même cupidité, même mépris pour le genre humain et même soif d’asservir ses semblables !
Quand on commence avec des poncifs de ce niveau, on craint le pire. Évidemment, il arrive vite. Aux yeux des professeurs Nimbus de l’économie dont Arte nous offre généreusement les leçons, c’est clair comme de l’eau de roche, capitalisme et esclavagisme ne font qu’un, l’un se nourrissant de l’autre sans vergogne !

Peu importe que l’histoire démente formellement ce genre d’affirmation, puisqu’il n’est vraiment pas nécessaire d’être expert pour savoir que l’esclavage date des débuts même de l’humanité, et qu’il est loin d’être l’apanage de l’Occident inventeur paraît-il du capitalisme. Il n’est pas non plus besoin d’avoir des lunettes spéciales pour voir combien le socialisme, frère ennemi du capitalisme, a conduit lui, à l’asservissement plus ou moins complet des citoyens au Parti, partout où il a sévi et où il sévit encore hélas…

L’évidence, c’est que le capitalisme est une libération. Il n’a certes pas permis d'abolir la pauvreté, ni d'ailleurs la maladie, ni la mort, mais associé à la démocratie qui est sa sœur jumelle, il a apporté une prospérité inégalée dans l’histoire du monde, et a offert la possibilité à tout un chacun de s’enrichir, de se cultiver et de s’adonner aussi bien aux plaisirs de la chair qu’à ceux de l’esprit.
Passons... De toute manière, le montage cinématographique ne laisse guère au spectateur crédule le temps de réfléchir à cette évidence pourtant criante.

Inspiré des techniques captieuses de Michael Moore, il alterne habilement les séquences. Un petit bout d’interview tronqué par ci, un saut à l’autre bout du monde par là, le tout ponctué de flashbacks pseudo-historiques sentencieux, et assorti d’une musique pompeuse, tout est fait pour noyer le poisson, et empêcher le bon sens de se faire jour.

L’enseignement d’Adam Smith est pareillement caricaturé. Les experts en désinformation s’échinent à déconstruire tout le brillant raisonnement de l’économiste écossais, en affirmant tout simplement qu’il faut comprendre le contraire de ce qu’il a écrit ! La fameuse main invisible n’est qu’un détail sans importance, et ce sont les anti-capitalistes notoires Noam Chomsky et Robert Boyer qui sont convoqués pour réinterpréter la pensée du maître, si mal compris selon eux, alors que son discours fut si limpide...

Rien n’apporte la contradiction à ces glandeurs professionnels, nostalgiques de “l’immense Karl Marx”. Au contraire...
La pensée libérale est montrée au travers d’Ayn Rand dont on extrait quelques fragments de citations tendant à accréditer l’idée qu’elle fit de l’égoïsme une religion. Milton Friedman est présenté quant à lui, comme un clown hilare dont la pensée se résume à quelques bons mots sarcastiques ou démonstrations à l’emporte-pièce.


Bref, ce tissu d’âneries aurait peu de chances de convaincre quiconque, si dans notre malheureux pays les esprits n’étaient pas déjà endoctrinés par des décennies de propagande. Comme prévu, toute la presse de la gauche bien pensante vante comme un seul homme les qualités de ces émissions : de l’inévitable Mediapart aux Inrocks, en passant par Telerama, Slate, le Nouvel Observateur… Dans ce concert de louanges serviles, seul le magazine Challenges détonne en comparant la série à un naufrage...
Signalons tout de même l’humour involontaire de la Production, à moins que cela ne soit la manifestation de son cynisme : Sur le site de la chaine, la vidéo de l’émission est introduite par une magnifique publicité pour... Total ! Et en anglais s’il vous plait !

Ajoutons enfin le savoureux paradoxe qui a fait se télescoper cette semaine la diffusion de cette émission avec l’attribution du prix Nobel d’économie à Jean Tirole.
Tout le gratin gouvernemental, et même au delà, s’est empressé d’honorer le lauréat à coup de déclarations ou de tweets emphatiques. Citons simplement celui de Manuel Valls : “Après Patrick Modiano, un autre Français au firmament : félicitations à Jean Tirole ! Quel pied de nez au French bashing !”

J’avoue ne pas bien connaître Jean Tirole, mais je retiens tout de même quelques savoureuses réflexions des quelques interviews et articles vus ici ou là à l’occasion de sa distinction. Elles sont marquées au coin du bon sens mais le moins qu’on puisse en dire, est qu’elle ne s’inscrivent ni dans le sens de la politique gouvernementale, ni dans la ligne éditoriale d’Arte !
Par exemple, lorsqu’il s’exclame que “la finance est un élément indispensable de l’économie” (Les Echos 2012), où bien à propos de l’Europe, “qu’Il faut aller plus loin dans les abandons de souveraineté” (La Tribune 2012). Ou encore cette magnifique tirade extraite des "Echos”, sur les crises récentes :”la crise financière de 2008 et la crise de l’euro ont toutes deux pour origine des institutions de régulation défaillantes. Ces crises ne sont pas techniquement des crises du marché - où les acteurs réagissent aux incitations auxquelles ils sont confrontés et, pour les moins scrupuleux, s’engouffrent dans les brèches de la régulation pour bénéficier du filet de sécurité public – mais plutôt les symptômes d’une défaillance des institutions étatiques nationales et supranationales.”
Citons encore en vrac : “à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout”, “Les comportements nationalistes des années trente ont apporté une démonstration éclatante des méfaits du protectionnisme et on peut espérer que la leçon aura été apprise.”
Et enfin, “l’économie de marché a été et restera le moteur de croissance et de bien-être des nations.”

Il paraît que le professeur d’économie récompensé a proposé ses leçons à François Hollande…A bon entendeur, Salut et Fraternité !

15 octobre 2014

Le problème Zemmour (2)

Hélas, les sources du mal sont beaucoup plus anciennes que ne semble le penser M. Zemmour,  et ce n’est probablement pas d’une trop grande porosité au monde dont souffre la France, mais au contraire de s’être enfermée dans ses lubies idéologiques et de n’avoir guère regardé ce qui se passait autour d’elle. Comme elle a perdu sa puissance de jadis, elle ne peut plus entretenir que l’illusion de son influence, et son incapacité à s’ouvrir est un handicap qui pèse chaque jour un peu plus lourdement.

A dire vrai, ce n’est pas d’hier, ni même de 1968 que datent cette curieuse myopie et ce repliement spirituel.
Il faudrait sans doute remonter à la Révolution de 1789, pour voir vraiment les origines de cet arrogant virage à gauche, dont Zemmour dénonce à juste titre les méfaits. C’est peu de dire qu’à l’occasion de la terreur robespierriste, la France a raté son passage à la démocratie, en même temps qu’elle a introduit le vers socialiste dans son corpus politique et social. Il s'en est suivi une longue période d’errance de plus de deux siècles qui vit se succéder la folle chimère du Premier Empire, prodigieux édifice, mais écroulé comme un château de cartes, le retour d’une monarchie  royale éphémère et bancale, un Second Empire aussi illusoire que le précédent, plusieurs vaines révolutions, et pour finir, une pléiade de républiques dont la cinquième du genre ne donne toujours pas satisfaction aux Français ! Il n’y a vraiment pas de quoi être fier…

Parallèlement le gauchisme n’a cessé de progresser dans les esprits au point d’imprégner de nos jours les moindres recoins de la société. Tout ou presque lui est désormais inféodé, notamment l’éducation, la justice, les syndicats, les médias, la culture, et naturellement le champ politique où l’interdépendance des pouvoirs pérennise la concentration idéologique autour des courants de pensée les plus influents.
Quelque soit la tendance affichée des gouvernants, la France patauge depuis des lustres dans le même marasme socialiste auquel on fait mine d’adjoindre en fonction des circonstances et d’éventuelles pressions extérieures, un soupçon de libéralisme plus ou moins frelaté. Le Général de Gaulle dont Zemmour vante les mérites n’a pas dérogé à la règle. C’est lui qui présida aux grands chantiers sociaux post-libération, d’où émergea le fameux “modèle français” que nous traînons comme un intouchable boulet. Pour cela, n’a t-il pas fait bon ménage avec les communistes ? Ne s’est-il pas accommodé des monstrueuses nationalisations de l’époque ? N’était-il pas à la tête d’un gouvernement qui s’enorgueillissait d’avoir un ministère de l’Information ? N'a-t-il pas fait à maintes reprises la preuve d'une versatilité mensongère et par là même, n'a-t-il pas contribué à discréditer l'image de la France ?

Il faudrait toutefois remonter encore un peu plus loin dans le temps pour mettre à jour la racine la plus profonde du mal français, à savoir la propension à la pléthore administrative et à la centralisation bureaucratique.
Il serait sans doute excessif de faire endosser à Colbert la responsabilité exclusive de ce fléau jacobin tant il paraît consubstantiel au pays, et ce système pouvait trouver quelques défenseurs lorsque les communications se faisaient à cheval, mais il ne contribua pas peu à l’inadaptation au monde moderne que manifeste notre pays, et à la sclérose de ses institutions.

Cette histoire, M. Zemmour a quelque peu tendance à l'occulter dans ses raccourcis vengeurs. Et son prisme interprétatif franco-français le condamne à s'enfermer dans une logique trop étroite pour porter ses ambitions. De fait, sa nostalgie du passé le fait douter du progrès, de la démocratie, et pire, parler comme d’une calamité, du grand vent de liberté venu de l’Ouest, dont on connait la tendance à casser les frontières et à renverser les potentats établis.
Il préfère ancrer son discours dans le paradigme national “à l’ancienne”, ce qui l’amène à douter des vertus de l’Europe, et à craindre plus que tout, l’évolution de cette dernière vers le modèle fédératif qui a si bien réussi aux Etats-Unis.
Sur ces derniers il manifeste paradoxalement une opinion parfaitement banale, rejoignant ainsi tristement l’anti-américanisme qui sévit dans les esprits. Il critique violemment le libéralisme anglo-saxon qu’il juge responsable de la mondialisation, de l’uniformisation des cultures et de la liberté débridée des échanges. Au surplus, l’Amérique c’est selon lui le royaume de l’individu-roi qu’il exècre, et du communautarisme si néfaste à ses yeux.
Il ne voit donc pas la force admirable du sentiment national qui caractérise ce grand pays. Il semble ignorer la devise si vivace encore aujourd’hui outre-atlantique : e pluribus unum. Et il ne voit pas que loin d’être inculte, l’Amérique en à peine plus de deux siècles, est devenue la nouvelle Athènes du monde moderne, pour notre plus grand bien. En plus d’être le temple du progrès scientifique, elle a toujours été protectrice des arts, et au surplus, elle s’est progressivement imposée comme le berceau d’une foule d’expressions nouvelles, du cinéma à la musique en passant par la littérature !
C’est vraiment lui faire un mauvais procès que de la réduire comme tant de Gaulois aigris, à son appétit pour les biens matériels et son culte du dollar...

Au total, M. Zemmour se comporte avec la société ouverte dans laquelle il vit, pour son plus grand malheur, comme celui qui veut jeter le bébé avec l’eau du bain. Il en perçoit bien certaines dérives, dues à une permissivité irresponsable et un égalitarisme démagogique, qu'il déplore avec raison. Mais il en profite pour accuser le système de tous les maux y compris ceux auxquels il est étranger, notamment nombre de tares structurelles typiquement françaises. Et à la fin, il en vient à rejeter l’ensemble de cette société moderne, au risque d’en perdre les bienfaits inestimables, dont la liberté, qu’on devrait chérir et protéger autant que les hommes préhistoriques le faisaient avec le feu.
C'est bien dommage, car à cause de son caractère excessif et un tantinet borné, son propos s'en trouve affaibli, et il s'expose aux accusations de passéisme, de chauvinisme, voire de xénophobie, ainsi qu'à de vaines et stupides polémiques...
Le grand drame actuel est que nous ne croyons plus au modèle de la société libre qui est le nôtre, et pour lequel tant de sang a été versé, et tant de sacrifices consentis. Aujourd'hui, nous confondons le fait de vivre en liberté avec celui de vivre libre. Nous Français, si prompts à vanter la liberté, nous n'avons pas su nous adapter à cette vertu que nous avons pourtant inscrite aux frontons des palais de la République. Nous jouissons d'elle mais nous ne l'aimons pas. Nous passons notre temps à la galvauder et à l'abîmer par nos caprices d'enfants gâtés. Bientôt peut-être, nous ne serons plus dignes d'elle. Et M. Zemmour qui observe avec tant d'acuité les défauts de ses contemporains, nous entraîne à sa façon sur cette mauvaise pente, car s'il voit bien, il interprète mal...

12 octobre 2014

Le problème Zemmour (1)

A l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage “Le Suicide Français”, on ne peut qu'être frappé par le rayonnement médiatique de son auteur, le journaliste et polémiste Eric Zemmour. On ne parle que de lui et on pourrait même mesurer sa cote de popularité en suivant la courbe d’audimat qui accompagne chacune de ses prestations télévisées.

L’homme est un paradoxe vivant. Quoique d’allure chétive il irradie, et son opinion, quoique très minoritaire, fait mouche. On peut même dire qu’il fait face avec jubilation à tous les petits marquis du conformisme contemporain, alignés en rangs d’oignons sur les plateaux de télé, et qui se font un devoir de confondre ce dangereux déviant à la pensée unique.
Lui, seul face à cette armée de bien pensants, ferraille avec brio, faisant feu de tout bois pour repousser leurs assauts dérisoires. Il y parvient sans peine, tant la stratégie de ses adversaires est monolithique et prévisible. Et suprême récompense, même la mauvaise foi dont il fait parfois preuve en la ponctuant d’un petit rire sardonique, contribue à renforcer le crédit dont il jouit auprès d’un peuple lassé des platitudes ronflantes et des axiomes insipides de la correction politique. 

Pourtant, si sur le champ de bataille idéologique qu’il parcourt sabre au clair, il est assez jouissif de le suivre, tant ses arguments frappent juste et fort, il faut bien avouer qu’à certains moments, l’impression est qu’il se laisse emporter par son élan, voire même qu’il se trompe de cible, ou bien qu'il s'égare dans la charge…

Au départ, les constats sont percutants et le style incisif de leur auteur fait merveille.
Lorsqu’il entreprend par exemple, la démolition du triptyque dérision-déconstruction-destruction qui fait selon lui des ravages dans la société française en minant ses piliers, pas de problème, il a raison. Ses détracteurs ont beau jeu de lui reprocher de faire au passage le procès de l’homosexualité, des femmes et de l’islam, ou de faire le jeu du Front National, il n'en a cure, démontrant qu'il n’est rien de plus faux évidemment.
Car lorsqu’il s’attaque à la confusion des genres, c’est à ceux qui détruisent méthodiquement les repères sociétaux qu’il s’adresse, non à ceux qu’il considère comme victimes de ce saccage.
Il est vrai que ce n’est pas faire injure à la communauté gay que de déplorer qu’en son nom, on en vienne à instaurer cette monstruosité légale du “mariage pour tous”. Car vouloir consacrer leur singularité par ce parfait symbole du conformisme bourgeois, c’est un peu comme vêtir Arlequin d’un costume trois pièces de courtier. C’est tout simplement grotesque.
Ce n’est pas non plus s’en prendre aux femmes que de se moquer des excès du féminisme, surtout lorsqu’ils mènent aux gesticulations insanes des Femen, ou bien à la pantalonnade récente vue à l’Assemblée Nationale, durant laquelle un député fut puni pour s’être obstiné en séance à s’adresser à madame LE Président ?
Ce n’est pas mépriser les Musulmans, que de condamner les interprétations les plus radicales de l'Islam, qui rentrent en conflit flagrant avec les principes républicains et qui basculent parfois dans le crime. Ce n’est pas une faute que de s’alarmer des dérives dangereuses qu’on voit un peu partout prendre le pas sur les pratiques respectables. Et ce n’est pas un péché d’affirmer qu’il est suicidaire de mélanger dans le même “respect” les croyants et ceux qui abusant de la crédulité de ces derniers, parlent au nom de Dieu et veulent faire de leur délire sanguinaire une loi, applicable à tous.

Mais évidemment, il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, ni de pire interlocuteur que celui qui s’échine à ne pas vouloir comprendre.
Faisant face à Zemmour, c’est toute la clique gaucho-coco-altermondialo-écolo qui aligne ses poncifs éculés aux vagues relents rousseauistes et à la couardise grégaire. Dans ce maelström visqueux de bons sentiments et de mauvaise conscience, les idées ramollissent comme de vieux chewing-gums et s’agrègent les unes aux autres en formant une gangue gluante. Le sophisme tient lieu de raisonnement et la pratique de l’amalgame ramène toujours au même fameux point Godwin, c’est à dire la reductio ad hitlerum. Quoique vous disiez, vous serez toujours traité de droitiste borné, voire de nazi. Le principe est des plus simples. Si vous vous opposez aux dernières lois supposées donner de nouveaux droits aux femmes ou aux homosexuels, vous êtes tantôt machiste, tantôt homophobe. Dans les deux cas, vous êtes suspect de fascisme, donc nazi en puissance. Si vous émettez des réserves sur les évolutions de l’islam, ou si vous vous en prenez à la cause palestinienne, vous êtes nécessairement anti-arabe donc raciste et in fine nazi également. Si vous défendez un contrôle accru de l’immigration, vous êtes conséquemment xénophobe et donc une fois de plus raciste, c’est à dire encore nazi. Si vous défendez "une certaine idée" de la France, vous êtes nationaliste et naturellement frontiste, donc toujours nazi, etc...

En dépit de sa judaïté, supposée lui servir de talisman, Zemmour en prend donc plein la figure de la part des petits censeurs de salon. Il faut dire qu’il a osé enfreindre leurs codes !
On ne saurait donc trop le féliciter d’avoir le courage de refuser l’orthodoxie de cette pensée, outrageusement simplificatrice et manichéenne, régnant dans notre pays. Mais à l’heure de la mondialisation, on s’étonne toutefois qu’il en borne les effets dévastateurs à la seule France, qui serait selon lui de ce fait en train de se suicider. On s’étonne encore davantage qu'il fasse de cette mondialisation déferlant sur notre cocon hexagonal, l'une des causes essentielles de nos malheurs, et qu’il ne puisse envisager de solution autrement qu'en restaurant les murailles de la France, à l'image d'une forteresse médiévale ?
Car si notre pays est indiscutablement en phase de déclin, c’est peut-être parce qu’il est moins conquérant que du temps de Louis XIV ou de Napoléon. C'est peut-être aussi parce que l’esprit français si rayonnant autrefois, est aujourd’hui en berne. Mais c'est sans doute beaucoup parce que nous nous obstinons à ne pas vouloir voir que le monde a changé, hors de nos frontières. De ce point de vue, “la Mélancolie Française” dont fait preuve Eric Zemmour témoigne d’un peu trop de passéisme. A le lire, la France d’avant 68 aurait été grande et belle, et la décadence qu’il déplore serait presque entièrement contenue dans la période toute récente, allant de la fin des années soixante à nos jours ! En conséquence, il n’y aurait de salut à espérer, qu’en remettant sur pied la Nation d’avant ce joli mai de 1968 ! 

(à suivre...)

10 octobre 2014

Michael Cimino, dantesque et dérisoire

En dépit de la rareté de ses films, Michael Cimino laissera son nom c'est certain dans l'histoire du cinéma, ne serait-ce que par la boursouflure incroyable de son expression et de ses ambitions. Et un peu sans doute aussi parce que cette funeste propension le mena au désastre... Un désastre certes flamboyant, mais un désastre quand même, avec en fin de compte, un indicible gâchis. Parti de l'enfer, il crut un peu vite arriver au paradis. N'est pas Dante qui veut...
Précisément, son Voyage au bout de l'Enfer portait déjà pour qui voulait les voir, les symptômes annonciateurs de cette incommensurable folie artistique. Pour quelques scènes impressionnantes voire terrifiques, que de longueurs inutiles, que d'interminables tergiversations, que de scènes ennuyantes ! Et finalement pour ne rien dire ou quasi sur le fond...
Sans doute l'encensement un tantinet excessif de ce film fut pour le réalisateur le pire des cadeaux. Dopé par une gloire subite, il crut pouvoir s'affranchir de toute contingence susceptible de brider son inspiration. Le résultat fut cette lourde Porte du Paradis, colossal navet, qui consterna les critiques autant que le public, et ruina ses producteurs en même temps que sa propre réputation.
A la fois splendide et décadent, sublime et nullissime, il désarme la critique, tant il s'apparente à un morceau de bravoure totalement vain. Un fantastique coup d'épée dans l'eau en somme.
Pour celui qui a le courage de résister à ce torrent narratif de plus de trois heures trente, tel qu'il est présenté à l'occasion de sa sortie en DVD/BLURAY que reste-t-il ?
Ce récit est bien loin de revisiter l'histoire de l'Amérique comme on le lit parfois, notamment en France où l'on connaît si mal ce pays. Le cinéaste est certes parti de faits réels, à savoir un obscur épisode de la lutte opposant propriétaires et voleurs de bétails dans le Wyoming, à la fin du XIXè siècle, mais il les a déformés de manière monstrueuse, cherchant à l'évidence, à leur donner la dimension épique d'une légende. Il tenta dans un effort désespéré de conférer à ces événements crapuleux une double symbolique grandiloquente, où se télescopent sur un champ de bataille héroïque, la haine viscérale de l'étranger en même temps que la brutalité sauvage de la lutte des classes. Bref, tout le contraire de l'essence américaine, fondée précisément sur l'immigration et le melting-pot, et sur une société sans classes et sans privilèges.
Sans doute Cimino avait-il à l'esprit le fameux Autant en emporte le vent, mais la portée dramatique de la guerre de Sécession était toute autre, et ce qu'en fit Victor Fleming fut autrement moins manichéen, et surtout plus subtil, plus humain, plus intense, et in fine, beaucoup plus grandiose.
Cimino s'est fourvoyé donc totalement dans son rêve d'épopée. Sans doute parce que son histoire ne tient pas debout, mais plus encore parce qu'il n'est pas parvenu à donner à ses personnages la puissance émotionnelle qui pourrait en faire des héros. Aucun des trois personnages principaux ne suscite la moindre sympathie, la moindre compassion, ni pour tout dire le moindre intérêt. L'histoire d'amour qui les relie est des plus glauques et décousues et ils errent dans ce tourbillon insensé comme des zombies à la fois prédéterminés et versatiles. Isabelle Huppert profite de son rôle de femme de petite vertu pour exhiber ses formes avantageuses. Mais elle n'exprime aucun sentiment même lorsqu'elle pleure. Kris Kristofferson manifeste une exquise et hautaine indifférence à tout ce qui l'entoure. Il ne s'en départit qu'à la fin mais l'essentiel est déjà joué. Seul Christopher Walken parvient à jeter un certain trouble sur le personnage ambigu et contradictoire qu'il incarne de manière inquiétante.
Le reste n'est qu'une mêlée confuse d'où émergent tantôt de magnifiques paysages, tantôt de somptueuses scènes de foules (la fameuse scène violon-patins à roulettes), et une reconstitution admirable de l'ambiance d'une époque, qui sauvent au moins sur la forme ce foisonnant bouillonnement cinématographique. Cimino se consolera un peu en voyant quelques snobs un peu attardés se mettre après coup, à crier au chef d'oeuvre...
Ce billet fait suite à la publication fin 2013 en Bluray/DVD, d'une nouvelle version "longue" du film, après un nouveau montage et une restauration complète.

03 octobre 2014

Courage, des règles mentons...

Les velléités gouvernementales en matière de déréglementation n’ont pas été bien loin. Il a suffi d’un jour de manifestations ce 30 Septembre, pour qu’elles soient illico rangées au placard… Au surplus, on a vu le ministre qui portait l’esquisse d’ébauche de projet de réforme, M. Macron, se défausser avec une certaine lâcheté du dossier sur son prédécesseur, M. Montebourg ! On a pu ainsi mesurer la force des convictions de cet ex-banquier que d’aucun qualifiaient de libéral ! Il a même été jusqu’à affirmer que la grève des professions réglementées était légitime !

Il faut dire que sur un tel sujet, la crédibilité de ce gouvernement “de gauche” ne pèse pas lourd. Après avoir refusé l’assouplissement des réglementations absurdes empêchant les commerçants de travailler en soirée ou bien le week end, après avoir contraint les dirigeants d’Air France à reculer face aux exigences de ses pilotes, après toutes les reculades face aux syndicats défendant les acquis parfois ubuesques des fonctionnaires, quelle est donc la légitimité de l’Etat pour revoir les règles conférant à certaines professions de vraies rentes de situation ?

Ce n’est pas que ces réformes ne soient nécessaires évidemment, mais hélas, on se demande bien qui aura en France assez de courage, de détermination et de cohérence pour les mener à bien, en toute équité et pragmatisme. Nicolas Sarkozy lui-même après avoir annoncé la “rupture” s’en est bien gardé. Et pour l’heure, ni lui ni personne n’ose vraiment aborder la question.

Pourtant, comment aujourd’hui dans une société moderne de citoyens libres et éclairés, oser encore défendre tous ces privilèges dignes de “l’ancien régime” ? Comment par exemple oser pérenniser le monopole des Pharmacies ? “On marche sur la tête”, comme dit le clip publicitaire Leclerc, déplorant que “ses docteurs en pharmacie n’aient toujours pas le droit de vendre des médicaments n'imposant pas d'ordonnance !” 
Les effets pervers de l'abus des réglementations sont particulièrement démonstratif dans le domaine des médicaments. Bien que leurs prix soient régis en France par une officine gouvernementale (Comité Economique des Produits de Santé), ils s'avèrent largement plus élevés que la moyenne observée en Europe, notamment dans des pays où le système est privatisé !
Le parallèle peut être établi avec le prix vertigineux des lunettes, si bien remboursé par les assurances complémentaires, grâce à une législation contraignant à produire de manière quasi systématique une ordonnance médicale, alors qu'un opticien audacieux a démontré qu'il était possible de proposer des lunettes à 10€ !
En réalité dans ce système, l'encadrement conduit à l'irresponsabilité générale, même de ceux qui en font les frais en définitive, à savoir les citoyens...

A l’heure d’Internet, où tous les circuits explosent, ou un grand vent de liberté se met à souffler sur le monde, où l’information est supposée rendre les consommateurs toujours mieux informés, comment prétendre encore pouvoir ériger des murailles protectionnistes ? Non seulement c’est ridicule, mais cela se traduit bien souvent par l’effet inverse de celui recherché. Loin de protéger les professions qu’il réglemente, l’Etat les asphyxie sous les contraintes. Ainsi en est-il des taxis face au libre marché des véhicules avec chauffeurs, des hôtels face aux sites de location libres et aux chambres d’hôtes, de la SNCF face aux sites de covoiturage ou de transport par bus, des librairies traditionnelles face aux télécommerçants, et d’une manière générale, de tous les commerçants classiques face aux sites web de vente entre particuliers ou d’enchères…
Ayant plombé les premiers de règles, de taxes, de normes et toutes sortes de moyens de coercition, il cherche à pénaliser les autres. De la même manière, après avoir dissuadé par une avalanche hallucinante de taxes, les automobilistes d’acheter des véhicules à essence, il veut aujourd’hui faire de même pour le diesel qu’il avait soi disant épargné (en réalité simplement un peu moins taxé). Résultat, tout le monde est étranglé…

A la vérité, on a rarement vu Etat plus incohérent qu’à notre époque. Certes les électeurs l’ont voulu après tout. 
Paradoxe étonnant, après avoir voté pour des gens à la vision bornée par des idéologies, les Français passent leur temps à contourner les règles que ces derniers érigent en leur nom. Ils sont paraît-il attachés au modèle social supposé les rassurer mais usent de tous les stratagèmes pour éviter d’en payer la charge accablante. Ils ont élu en toute connaissance de cause un politicard démagogue vantant l’impôt “pour les autres”, mais s’apercevant qu’ils sont dans le collimateur, ils n’ont de cesse d’éviter d’en être la cible ! Ils veulent des petits commerces près de chez eux mais s’empressent de faire leurs courses dans les zones regroupant les hypermarchés ou bien sur le web!
En définitive, si l’Etat est inconséquent, les citoyens sont irresponsables. Et quel est le primum movens de ce cercle vicieux, nul ne saurait plus le dire...