09 décembre 2015

Les raisons de la colère

Décidément, l’histoire se plaît  parfois à resservir les mêmes plats.
Ce premier tour des Régionales n’est en somme qu’une sorte de déjà-vu rappelant un certain 21 avril 2002, et plus récemment les élections européennes il y a un an et demi à peine. Avec juste un peu plus de force...

J’avais pensé appeler ce billet “Chronique d’un désastre annoncé”, mais j’aurais été amené à paraphraser celui qui m’avait été inspiré par le scrutin de Mai 2014 auquel je me réfère aujourd’hui.
A chaque fois, on nous fait le coup du “choc” (le Figaro, l’Humanité), du séisme politique. Il n’en est évidemment rien. Cette stupeur apparaît désormais aussi vaine que les dénonciations véhémentes d’une classe politique au bout du rouleau, adressées au Front National et à "la France rabougrie, haineuse, xénophobe..." qu’il est supposé incarner.

Ces accusations dans la bouche de gens qui se partagent le pouvoir depuis des décennies, masquent de plus en plus mal le refus d’admettre leur incapacité à résoudre les problèmes. Dans leur rage de perdre inéluctablement leurs rentes de situations, ils en viennent désormais à faire purement et simplement fi de la démocratie, en refusant à un tiers de l’électorat le droit à être représenté ! Triste spectacle…
Hélas, il semble un peu tard pour endiguer le péril. Droite et Gauche traditionnelles portent une très lourde responsabilité dans la montée du FN. La Gauche est à l’évidence la plus coupable pour avoir attisé le mécontentement populaire par des lois ineptes et même pire, pour avoir sciemment dopé l’ascension de cette formation, par pur calcul politicien. La Droite quant à elle, par niaiserie et manque de conviction, s’est laissé enfermer dans ce piège absurde, en renchérissant dans la logique d’exclusion systématique du FN et de ses idées.

Malheureusement, au bord l'abîme, tous ces gens ne semblent toujours pas avoir tiré les leçons d’un désastre dont ils sont les principaux artisans.
Le soir du premier tour, ce dimanche 6 décembre, la forfanterie le disputait à l’inconséquence.
On put mesurer l’arrogance de Xavier Bertrand, s’imaginant déjà vainqueur dans le Nord, et pérorant très satisfait, que 60% des électeurs avaient rejeté le Front National au moment où ce dernier enregistrait un score historique de 41%, tandis que lui-même devait se contenter d’un taux pitoyable d’à peine 24% des votes exprimés.
On put apprécier la boursouflure du ministre Le Foll, prétendant de manière histrionique qu’en additionnant les morceaux éparpillés de l’armée de la gauche en déroute, on obtenait “ le premier parti de France”.
Ce soir là, Bruno Lemaire ne fut guère plus convaincant. D’une phrase il prenait acte de la déception des électeurs : "on a essayé la droite, ça n'a pas marché, on essaie la gauche, c'est un désastre”, de l’autre, il réitérait sans complexe que “le renouveau doit rimer avec droite républicaine, avec centre…” On pouvait se demander s’il fallait rire ou pleurer de ces simagrées.

Sans doute la colère du peuple a-t-elle de multiples raisons. Gageons qu’un certain nombre de gens dont je fais partie, partagent une aspiration à une vraie société libérale, moderne et responsable, et appellent de leurs voeux l’avènement d’une nation européenne soudée par le puissant ciment fédéraliste. Ces gens sont aux antipodes du FN, pourtant, ils ne se reconnaissent plus dans aucune des formations de l’échiquier politique auto-prétendu “républicain”, où l’on passe son temps à massacrer l’idée même de Liberté, et où on laisse peu à peu s’effilocher le patchwork européen, faute de courage et de conviction.
Ces personnes en sont arrivées au point où elles ne peuvent plus considérer le FN comme la pire des solutions, tant les autres partis ont achever de les dégoûter.
Ils sont en définitive de plus en plus nombreux, ceux qui pensent qu’il est peut-être temps de se résoudre à voir ce parti prendre dans le jeu démocratique une part active, car on ne peut continuer à rejeter par principe, plus d’un tiers des opinions.
Gravement annoncé par un Premier Ministre plus crispé que jamais, le désistement de candidats socialistes laminés par la vague de fond apparaît dans ce contexte comme un dernier et dérisoire rempart avant le tsunami…
Le plus grave est d’avoir continûment exclu le FN du jeu démocratique, ce qui a contribué à le radicaliser, et surtout qui l’oblige a être majoritaire tout seul. Hélas, cela va peut-être finir par se produire et cela pourrait ne pas être très bon… Mais sera-ce pire que cette belle brochette d’andouilles qui nous conduit en douceur à la faillite ? That is the question…

2 commentaires:

namaki a dit…

Oui la question d'un choix entre la peste et le choléra ... Il serait tout de même bon que les français exercent tous leur droit de vote même en votant blanc ... En fait je suis pour la prise en compte du vote blanc qui, de toute évidence, dénoncerait la peste et le choléra ;-)

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Je suis bien de cet avis Namaki. L'ennui, c'est que monsieur ou madame "Blanc" ne peut hélas pas être élu...