03 décembre 2018

En marche vers le chaos

L’horrible spectacle donné par la manifestation parisienne de ce 1er décembre risque de ruiner une bonne partie du crédit accordé au mouvement des Gilets Jaunes, qui secoue le pays depuis quelques semaines.
Cette journée n’est pas moins désastreuse pour le gouvernement, incapable de faire respecter l’ordre public et impuissant même à protéger l’Arc de Triomphe, emblème impérial de la nation. En l’occurrence, la stratégie de bloquer les Champs Élysées par une illusoire ligne Maginot fut un fiasco: tout s’est passé à côté !
S’il y a de quoi être vraiment révolté par ces saccages récurrents commis au nom du peuple, il n’est plus possible de ne pas y voir l’expression d’une crise très grave et la faillite d’un système de gouvernement à la fois démagogique et déconnecté du pays.
Dans cet infernal tohu-bohu, l’incompréhension est totale. D’un côté le Pouvoir reste cramponné à ses taxes et à sa nébuleuse transition écologique à laquelle plus personne ne croit vraiment, de l’autre, les prétendus représentants du mouvement de contestation se répandent en propositions confuses et de plus en plus hasardeuses.
La dernière plateforme en date, ne compte pas moins de 42 revendications dont certaines relèvent d’une naïveté confondante. Par exemple la toute première demandant de manière urgente « zéro SDF ». Ou encore celle qui exige de « déclarer illégitimes les intérêts de la dette » et donc de cesser de les payer. On peut citer également le retour de la retraite à soixante ans, voire à 55 « pour les maçons et les désosseurs », ou encore une multitude de vœux pieux : limitation des loyers, interdiction des délocalisations, création d’emplois pour les chômeurs, plafonnement des salaires à 15.000 euros…
La fin de la hausse sur les carburants n’est plus qu’une ligne au sein de ce fatras.
Autant dire que donner satisfaction ne serait-ce qu’à quelques propositions est devenu mission impossible pour le gouvernement, faute d’avoir réagi assez vite…

Comment réformer de fond en comble le pays dans l’urgence ? Comment réparer les dégâts causés par des années d’incurie ? Comment affronter les réalités plus dures que jamais, mais qu’on n’a cessé d’occulter durant des décennies ?

La priorité des priorités semble à l’évidence d’atténuer la pression fiscale, devenue intolérable. Le minimum minimorum serait bien sûr de mettre un terme à la hausse des taxes sur les carburants, mais cela ne suffira pas hélas et on ne voit pas trop comment aller plus loin dans l’immédiat.
Le Chef de l’Etat a eu la calamiteuse idée de supprimer la taxe d’habitation "pour tous" mais il n’a pas les moyens de ses ambitions. Peu de gens en définitive ont vraiment perçu la petite baisse cette année, et ils devront patienter un an pour en voir peut-être plus. Au surplus, on sait qu’il ne s’agit que d’un trompe-l’œil puisqu’il faudra bien donner aux communes de quoi vivre, donc recourir à la bonne veille mais détestable habitude, qui consiste à donner d'une main ce qu'on va reprendre de l'autre.
L’impôt sur le revenu est devenu quant à lui une absurdité, mais il est impossible d’y toucher. Dans l’absolu on pourrait pourtant le supprimer, si la gestion de l’État était plus saine, car on sait qu’il ne sert qu’à couvrir les fameux intérêts de la dette... Mais on sait aussi qu’à ce jour, moins de la moitié des foyers le paient. Il n’y a plus moyen de l’alourdir et il est illusoire d’envisager son allègement, qui ne satisferait qu’une minorité de Français. Il faut juste souhaiter que sa mutation vers le prélèvement à la source se fasse sans trop de heurts...
Le retour de la composante non immobilière de l’ISF serait imbécile comme l’ont compris tous les pays sauf la France. Il est tout aussi vain d’espérer augmenter l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’optimisation. Le seul moyen de diminuer les fuites dans l’infernale marmite fiscale serait précisément d’en diminuer la pression…

On pourrait envisager, dans le souci d’apaiser sans délai les frustrations, de donner un « coup de pouce » aux salaires et aux retraites, mais cela supposerait de revenir sur la hausse de la CSG, et donc de trouver très rapidement le moyen de faire des économies dans les dépenses publiques.
Tout comme le poids des prélèvements, elles doivent absolument décroître, vu les sommets vertigineux qu’elles ont atteint. L’ennui c’est qu’il s’agit surtout de dépenses structurelles et d’acquis sociaux qu’il n’est jamais populaire de raboter (on l’a vu avec les malheureux 5€ pris sur les APL).
Il est toutefois envisageable de réduire sensiblement le train de vie de l’État. Si la diminution des salaires des ministres n’est qu’une goutte d’eau, des coupes sombres s’imposent dans la gabegie des collectivités territoriales. De même, il serait nécessaire également de désengager l’État d’une foule de missions pour lesquelles il n’est vraiment pas doué.
On peut par exemple tailler sans ménagement dans le bazar invraisemblable des agences étatiques, dont le coût de fonctionnement annuel a été chiffré à plus de 50 milliards d’euros. On se demande par exemple à quoi servent les agences régionales de santé (ARS), si ce n’est à freiner les initiatives par leur monstrueuse inertie. Le Canada qui avait fait la même sottise que nous, les a tout simplement supprimées récemment, pourquoi pas nous ?
Le simple bon sens voudrait qu’on donne enfin un peu plus d’autonomie aux hôpitaux, aux écoles et aux universités. Tout plaide également pour qu’on casse enfin le monopole inepte de l’Assurance Maladie et qu’on revoie avec pragmatisme le panier des soins pris en charge. Mais on est loin de cette responsabilisation des acteurs de la santé quand on voit madame Buzyn annoncer fièrement qu’elle demande désormais à la Sécurité Sociale de rembourser les préservatifs et les consultations médicales que leur prescription exige ! Pareillement, on rêve devant les miroirs aux alouettes du tiers payant généralisé, des lunettes et des soins dentaires gratuits, de la nouvelle mutuelle à 1€ par jour, de l'Aide Médicale d’État (AME) dont le budget 
a augmenté quatre fois plus vite que celui du régime général et avoisine le milliard d'euros, alors qu'il devait se stabiliser en dessous de 100 millions…

Pour nombre d'entreprises, dont celles du secteur public, de nombreuses dépenses pourraient être évitées si les contraintes réglementaires n’étaient pas si lourdes. Les budgets sont plombés par une bureaucratie épouvantable obligeant à faire enfler sans fin les effectifs dévolus aux tâches logistiques.

Les subventions de l’État pourraient également être revues à la baisse. L'absence de crédibilité des syndicats en France faisait en 2004 que 8% de cotisants, ne produisaient que 190 millions d'euros alors que la collecte était de l'ordre d'un milliard dans un petit pays comme la Suède, où 83% des salariés sont syndiqués... En 2016, près de 123 millions d'euros étaient donc versés par L’État au fonds de financement du dialogue social...
Tout aussi choquantes sont les aides à la Presse et à l'Audio-Visuel public qui oscille selon le rapport de la Cour des Comptes de février 2018, entre 580 millions et 1,8 milliards d'euros !
Comment prétendre que cet asservissement financier ne nuise pas à l'indépendance de tous ces organes ?

Sans s’étendre sur le sujet des retraites, pourtant des plus brûlants, si une nouvelle réforme devait être engagée, il serait aberrant qu’elle n’introduise pas enfin un étage de capitalisation, comme presque tous les pays l’ont fait.
Tout ça aurait dû être accompli depuis belle lurette. On reste rêveur lorsqu’on pense que M. Cameron n'avait pas hésité à supprimer 400.000 postes de fonctionnaires au Royaume Uni, dont le taux de chômage est actuellement de 4 %, en dépit des affres du Brexit...

S’agissant de la fameuse transition écologique, il faudrait raisonner sur des données objectives et cesser de mouliner en permanence les crécelles de la fin du monde. Les Gilets Jaunes ont beau jeu de crier que ce qu’ils redoutent surtout, c’est la fin du mois..
S’il n’est pas question de remettre en cause la protection de l’environnement, on se demande tout de même comment on a pu accorder autant d’importance au lobby écologiste. Celui-ci est rongé par les divisions, il est incapable de proposer une politique cohérente, il n’attire pas vraiment les suffrages des électeurs, et toutes ses préconisations finissent invariablement en nouvelles taxations. Bien souvent la subjectivité et l'idéologie prennent le pas sur les données objectives, comme on le voit dans maints débats : sur le glyphosate, sur le gaz de schiste, sur le nucléaire, sur l’huile de palme, sur les abeilles, sur les conservateurs dans l’alimentation etc… C’est bien simple, on dit tout et son contraire, le plus souvent au mépris des évidences. Lorsque les Pouvoirs Publics après nous avoir encouragés à opter pour les véhicules roulant au gazole, affirment tout à coup sans l'ombre d'une preuve tangible que le diesel « tue 50.000 personnes par an », comment les prendre au sérieux ?

S’agissant enfin des institutions, on s’interroge sur la pertinence d’assemblés citoyennes telles qu’elles sont proposées. Surtout si on accompagne cela de la suppression du Sénat, elle aussi réclamée à corps et à cris.
Il est vrai que ce dernier ne sert quasi à rien puisque son pouvoir est insignifiant. Mais l’Amérique nous a bien démontré qu’un parlement bi-caméral est un puissant facteur de démocratie et de stabilité, à condition de veiller à l’équilibre des pouvoirs, et d’éviter la pléthore d’élus (100 sénateurs aux USA pour 380 millions d’habitants contre 348 en France pour 68 millions d’habitants…)
Faire maigrir le Sénat et renforcer ses prérogatives, voilà qui serait donc une perspective plus saine qu’une suppression pure et simple…
Cela n’empêche pas d’instaurer des consultations directes plus fréquentes et sans doute plus proches du terrain comme les Suisses le font avec le système des votations. Cela redonnerait peut-être aux citoyens le sentiment d’exister et d’être acteurs de leur destin, tout en évitant un certain nombre de lois inutiles ou indésirables dont nous sommes submergés…

Mais les Français drogués aux services publics, et à leur pseudo-gratuité, habitués à s’en remettre à l’État pour tout, peuvent-ils accepter de telles transformations ? Ce peuple parfois si courageux et inventif, mais si enclin à la haine de classe, aux utopies et aux révolutions va-t-il une fois encore s’abandonner à ces lubies dévastatrices ? Comment faire le tri entre la voyoucratie la plus débridée à laquelle on ne peut opposer que la fermeté, et la violence désespérée qui demande des réponses concrètes ?
Ce sont les questions auxquelles le gouvernement de M. Macron doit faire face. On peut lui accorder quelques circonstances atténuantes car il hérite comme il le dit, de plusieurs décennies de laisser-aller. Mais depuis 18 mois, force est de constater que la marche en avant qu’il avait promise, est surtout faite de très petits pas et malheureusement de beaucoup de nouvelles taxes...

2 commentaires:

namaki a dit…

Bien vu et encore d'actualité aujourd'hui ... sauf que maintenant il y a les zads des rond-points ;)

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci. C'est vrai que ces zones de non droits qui se multiplient un peu partout offrent un spectacle assez désolant...