16 décembre 2019

Sa Déclaration...

En plein psychodrame national au sujet de l’introuvable réforme des retraites, l’épisode Delevoye fait figure de pantalonnade. Sauf à avoir tenté d’ajouter une touche comique au scénario tordu et fastidieux de ce texte qui devait sceller l’acte II du mandat d’Emmanuel Macron, le gouvernement n’a vraiment pas fait preuve de perspicacité en conférant à ce briscard rassis le titre de “haut-commissaire aux Retraites auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé” !
On le savait confus, maladroit, gaffeur, le voici maintenant qui passe pour un coquin !

L'histoire pourrait être cocasse tant elle est révélatrice du niveau d'absurdité auquel sont parvenues nos institutions. L’objet du délit réside en la non conformité de la déclaration d’intérêts communiquée par M. Delevoye au moment où il prit ses fonctions.
On se souvient que pour atténuer l’onde de choc liée à la révélation des turpitudes émanant de son propre gouvernement, l’ineffable François Hollande crut très fin de créer la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Ainsi, depuis cette date chaque nouveau ministre ou apparenté doit se livrer à une énumération par le menu de toutes les fonctions qu’il exerce, susceptibles ou non d'interférer avec son magistère républicain.
M. Delevoye s’y plia donc, en déclarant quelques activités accessoires, telle la présidence de la Chartreuse de Neuville sous Montreuil ou celle de l’Association Française des Orchestres … L’ennui, c’est qu’il en “oublia” d’autres, ce qui nous valut un mignon feuilleton à rebondissements.
Par les magazines Le Parisien et Capital on apprenait successivement qu’il avait omis de mentionner son poste d’administrateur “bénévole” d'un institut de formation de l'assurance (Ifpass), un secteur qui lorgne par nature sur l'épargne retraite des Français…
Deux jours plus tard on découvrait qu’il avait occulté une fonction au conseil d’administration de la Fondation SNCF, chargée d’orchestrer les actions de mécénat du géant français des transports.

Mais le pire était à venir...
En épluchant sa déclaration, certains remarquèrent une troisième fonction, certes bien déclarée celle-là, mais qu’il n’avait tout simplement pas le droit d’exercer depuis son entrée au gouvernement car faisant l’objet d’une rémunération: la présidence, depuis 2017, de Parallaxe, un institut de réflexion sur l'éducation dépendant du groupe de formation IGS. En deux ans ce n’est pas moins de 120.000€ qui furent ainsi versés e toute illégalité au Haut Fonctionnaire distrait !
Enfin, durant le week end, M. Delevoye, après moultes excuses et circonlocutions, se décidait à faire une nouvelle déclaration, décrivant cette fois pas moins de 13 fonctions, en lieu et place des 3 mentionnées initialement !
Confronté à cette situation invraisemblable, le Haut Dignitaire de la République estime qu’il doit rester toutefois à son poste pour mener à bien la réforme. Les membres du gouvernement, plus que jamais sur les charbons ardents, se relaient pour affirmer que la bonne foi du bonhomme “est totale” (Édouard Philippe), qu’il est “extrêmement responsable et engagé pour l’intérêt général” (Jean-Baptiste Djebari), que c’est quelqu’un “de très droit, qui travaille, qui négocie avec les syndicats, qui a leur confiance…” (Élisabeth Borne).

A quelque chose malheur est bon. Hormis les effets désastreux qui risquent de plomber un peu plus un projet de réforme déjà mal en point, cette affaire pourrait servir de leçon à tous nos satrapes pondeurs de réglementations ineptes et d’administrations superfétatoires.
Dans l’histoire, l’HATVP supposée exercer une vigilance sans faille sur la probité des grosses légumes de notre république, n’a vu que du feu ! Sans les révélations de la Presse (Le Parisien, Capital) tout serait passé inaperçu.
Il paraît donc plus que jamais évident que les “agences”, “commissions” et “hautes autorités” d’état, très coûteuses, ne servent à rien. C’est peut-être là le vrai scandale !
Chacun peut voir à cette occasion que personne n’est réellement indépendant et pas forcément parce qu’il a des intérêts financiers. Et bien que le cumul des mandats soit désormais limité, cela n’empêche nullement la plupart des politiciens de continuer à collectionner les postes honorifiques et autres prébendes, supposés sans doute leur donner le sentiment d’importance.
Enfin, preuve est faite une fois de plus qu’en édictant des règles et des lois de plus en plus complexes, de plus en plus contraignantes et de plus en plus absurdes, on ne fait en somme que fabriquer des délinquants à la pelle !
Hélas, comme à l’accoutumé cette affaire, qui n’aura sans doute aucune conséquence pratique intéressante, pourra se résumer à “beaucoup de bruit pour rien”...


PS: les choses allant très vite, au moment même ou je publiais ce billet, on apprenait la démission de M. Delevoye. J'avais longuement hésité à titrer ce texte "Un de chute"...

2 commentaires:

Antoine Martin a dit…

D'accord avec toi et à quoi servent ces agences de controle ?
Encore plus significatif de la dérive de notre société: les regrets des syndicats lors de la démission de JPD affublé de toutes les qualités que ce soit par FO ("homme de dialogue et de conviction"), l'UNSA ("connaissance technique et respect des partenaires sociaux")ou de la CFDT ("loyauté du haut commissaire").
Assez étonnant que le projet de réforme discuté depuis 18-24 mois soit finalement autant rejeté après ces déclarations qui toutefois ne concernent que l'individu quant même pas si "clair" ?

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Il y a beaucoup d'hypocrisie de part et d'autres dans le débat houleux provoqué par cette proposition de réforme. Les syndicats ne sont pas les derniers à montrer leurs contradictions et parfois leur mauvais foi. Tout cela pour aboutir à un embrouillamini auquel personne ne comprend plus rien (madame Buzyn notamment, paraît complètement dépassée). Ce n'est pas très rassurant pour la suite des évènements...