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08 février 2024

John Galt à Davos ?

Dans le flot chaotique de l’actualité, le
forum économique mondial de Davos (15-19/01/2024) est passé quasi inaperçu. Son objectif principal était pourtant de “Rebâtir la confiance et d’améliorer l’état du Monde ”. Quoi de plus nécessaire par les temps qui courent ?
On eut droit à un magnifique feu d’artifices de belles propositions et à une flopée d’ambitieux plans sur la comète (ou plutôt sur la planète). De dépenses nouvelles il fut largement question. D’économies et de bon sens beaucoup moins…
Plusieurs sujets étaient à l'ordre du jour. Bien sûr le réchauffement climatique avait une place de choix. L’émissaire américain John Kerry, rappela que l’administration dont il dépend avait, par le biais de l’IRA (Inflation Reduction Act), dépensé 369 milliards de dollars visant notamment à subventionner la fabrication de véhicules électriques et d'autres technologies vertes. Non content de ces sommes astronomiques, il souligna que pour rester dans l’impératif de hausse des températures de l’accord de Paris, il faudrait “de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent.”
Emmanuel Macron, qui n’est plus à un déficit près, s’est fait un plaisir de renchérir. Décidément à mille lieues des préoccupations des agriculteurs, il s’est fait le champion du climat et de la biodiversité, quoi qu’il en coûte. Il a notamment encouragé l’Europe à émettre à nouveau de la dette commune pour investir dans « de grandes priorités d’avenir », notamment l’intelligence artificielle et le verdissement de l’industrie.

Mais le clou de la cérémonie fut incontestablement le discours du président Javier Milei, très peu rapporté par les médias, alors qu’il valait assurément son pesant de cacahuètes. Fraîchement porté par son peuple à la présidence de la république argentine, il entend mener sa mission au pas de charge. Indifférent aux mirages climatiques, aux sirènes des taux d’intérêt et autres licornes de l’intelligence artificielle, il préféra porter le fer contre le "socialisme" dont l’idéologie règne encore selon lui un peu partout et qui "mène à la pauvreté".
Beaucoup verront évidemment les excès dérangeants d’un discours rompant avec les canons soporifiques du consensus. Beaucoup réduiront même le propos à ces outrances et le rangeront au mieux au rang des élucubrations ultra-libérales et au pire des délires populistes ou d’extrême droite.
Des exagérations il y en a assurément car le pavé est jeté avec force dans la mare, mais des vérités factuelles, il y en a également, qu’on le veuille ou non :

"Je suis ici aujourd’hui pour vous dire que l’Occident est en danger. Il est en danger parce que ceux qui sont censés défendre les valeurs de l’Occident sont cooptés par une vision du monde qui — inexorablement — conduit au socialisme, et par conséquent à la pauvreté.../...
Ayant adopté le modèle de la liberté — en 1860 — l’Argentine est devenue en 35 ans la première puissance mondiale, et qu’après avoir embrassé le collectivisme, elle a commencé à s’appauvrir systématiquement, jusqu’à tomber de nos jours au 140e rang mondial.../...

Grâce au capitalisme de libre entreprise, le monde est aujourd’hui au mieux de sa forme. Dans toute l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de période de plus grande prospérité que celle que nous vivons aujourd’hui.
Par contraste, le socialisme s’est, toujours et partout, révélé un phénomène appauvrissant, qui a échoué dans tous les pays où il a été tenté. Ce fut un échec économique, un échec social, un échec culturel. Il a tué plus de 100 millions d’êtres humains.../...

Même dans ses versions les plus modérées, la solution proposée par les socio-démocrates n’est pas plus de liberté, mais plus de réglementation, générant une spirale descendante de réglementation jusqu’à ce que nous finissions tous plus pauvres et que la vie de chacun d’entre nous dépende d’un bureaucrate assis dans un bureau luxueux.
Les socialistes ont peu ou prou abandonné la lutte des classes, mais ils l’ont remplacée par d’autres prétendus conflits sociaux tout aussi nuisibles à la vie collective et à la croissance économique. La première de ces nouvelles batailles fut la lutte ridicule et contre nature entre les hommes et les femmes.
Un autre conflit déclenché récemment est celui de l’homme contre la nature. Ils affirment que les êtres humains endommagent la planète et qu’elle doit être protégée à tout prix, allant même jusqu’à préconiser des mécanismes de contrôle de la population ou l’agenda sanglant de l’avortement."

Après avoir martelé que "Le monde occidental est en danger" face à ces lubies idéologiques, le nouveau président argentin s’est livré à une ardente apologie des chefs d’entreprises et des hommes d’affaires :
“Ne vous laissez pas intimider par les parasites qui vivent de l’État”
"Vous êtes des bienfaiteurs sociaux. Vous êtes des héros. Vous êtes les créateurs de la période de prospérité la plus extraordinaire que nous ayons jamais connue. Que personne ne vous dise que votre ambition est immorale. Si vous gagnez de l’argent, c’est parce que vous offrez un meilleur produit à un meilleur prix, contribuant ainsi au bien-être général."

Vous imaginez l'ambiance à Davos pendant cet exposé rageur. Il paraît qu’il y eut tout de même quelques applaudissements…
Pour un amoureux de la liberté pragmatique, un discours ne fait pas tout, et il y a souvent loin des intentions aux actes. Mais il est plutôt rafraîchissant d’entendre à nouveau des intonations rappelant Reagan, Thatcher, et les grands penseurs du libéralisme tels Schumpeter, Hayek, Friedman, Sowell ou bien notre cher Tocqueville, qui inventa la notion d’Etat-Providence. On pense également à Ayn Rand et à son fabuleux roman Atlas Shrugged. Javier Milei serait-il l’incarnation du fameux John Galt ?
Quand on connaît l’état de l’Argentine, on ne peut que souhaiter ardemment qu’il réussisse, tout en pensant que son parcours sera semé d’embûches par les ennemis de la cause…

24 janvier 2024

Basic Economics 5

Conclusion

L'intérêt de l’ouvrage de Thomas Sowell ne réside pas tant dans l’originalité des démonstrations présentées, somme toute déjà connues, que dans l’illustration pratique qui en est donnée à partir de la réalité factuelle.
L’approche est donc avant tout pragmatique, contrairement à celle des théoriciens, cramponnés à des principes. Au surplus, la clarté du discours le rend plus percutant que les méandres idéologiques dans lesquels s’enlisent nombre de penseurs autoproclamés progressistes.
En bon économiste libéral, Sowell ne cherche pas à changer radicalement le monde sur la base de concepts théoriques mais à mieux le comprendre et à s’adapter à ses réalités incontournables, pour en tirer le meilleur parti.

Si l’intervention de l’Etat sur les prix s’avère en général néfaste, elle serait en toute logique évitable. Ce n’est pas le cas de beaucoup de facteurs, pas toujours prévisibles, susceptibles de faire évoluer les prix et de peser sur l’offre et la demande. A l’instar de Schumpeter, il est imperatif d'être réactif face à ces évènements afin d’évoluer voire d’organiser sans délai les mutations que les renversements de situation imposent.
Pour rester prospères, les entreprises doivent notamment prendre en considération les progrès techniques, les changements du contexte social ou géopolitique qui peuvent faire évoluer les comportements. On ne pratique pas par exemple, la même politique commerciale lorsque les consommateurs se concentrent dans des cités en forme de mégalopoles ou s’ils sont dispersés à la campagne ou dans des villes moyennes. Il est illusoire d'ignorer le bouleversement des habitudes induit par le réseau internet...
Sowell cite entre autres, l'exemple édifiant de la chaîne autrefois célèbre A & P, qui fut la plus grande entreprise de distribution alimentaire aux USA, comptant pas moins de 15.000 magasins en 1929, répartis sur tout le territoire américain. Le modèle, s'était imposé à la faveur de prix bas et d'un modèle bien adapté aux habitudes de consommation jusqu'au début des années 50. Le drame arriva lorsque l'exode rural concentra la clientèle dans des grandes villes et que l'essor de l'automobile permit aux gens de se déplacer facilement. Les grandes surfaces se mirent alors en place au nez et à la barbe d'A & P, trop assurée de sa position dominante. En quelques années, la firme périclita, faute d'avoir pu s'adapter à temps.
Si l'on ne peut continuer à proposer des produits, même de bonne qualité, lorsqu'ils sont remis en cause par une évolution du contexte social, il est tout aussi périlleux de ne pas être attentif aux avancées technologiques majeures.
On a ainsi vu disparaître en quelques années les écrans cathodiques les plus performants au profit des dalles plates utilisant des diodes électroluminescentes (LED), acculant les constructeurs à une alternative simple : s’adapter ou périr.
En matière de photographie, on a assisté à la révolution numérique qui a rapidement enterré envers et contre tout la technologie argentique. Les entreprises qui n’ont pas pris en marche le train de l’innovation ont été poussées à la faillite, aussi imposantes soient-elles, comme ce fut le cas de Kodak.
Lorsqu’un progrès technique se fait jour, il s’impose donc fatalement, et ne nécessite aucune aide en provenance de l'État. Pareillement, ce dernier ne peut espérer faire survivre longtemps à coup de subventions un secteur en voie d’obsolescence ni sauver des emplois devenus inutiles. On l’a vu avec le déclin de la sidérurgie, des filatures, du charbon…

L’intervention massive des gouvernements sur le marché automobile, guidée uniquement par un douteux souci écologique, risque d’aboutir à pareilles déconfitures. Si la voiture électrique représente un vrai progrès, elle doit s’imposer d’elle-même sans qu’il soit nécessaire d’en fausser le prix par de fallacieux bonus et de pénaliser tout ce qui peut lui faire concurrence.

On voit également les dérives frauduleuses des mesures incitatives à la rénovation énergétique des logements, telle la fameuse “ma prime renov”. Distribuée sans beaucoup de discernement et parfois en dépit du bon sens, elle conduit à faire monter les prix en attirant quantité d’aigrefins appâtés par des gains faciles, au dépens de gogos naïfs, victime d’une propagande délétère.
On a vu enfin l’absurdité des lois dites EGALIM. Dans la période d’inflation que nous connaissons, le gouvernement a réussi le tour de force d’interdire aux commerçants de la filière alimentaire d’appliquer des marges inférieures à 10%, tandis qu’il demandait à ceux qui vendaient du carburant de le céder à prix coûtant !

La morale de l’histoire selon Sowell, est qu’il vaut mieux, s’il on veut aider les entreprises, interférer le moins possible sur la loi de l'offre et la demande, et si l'on veut aider les gens modestes, intervenir le moins possible sur les prix, sur le libre échange et sur le marché du travail. En fin de compte, il vaudrait encore mieux donner de l'argent aux plus nécessiteux plutôt que de nuire à la société tout entière en faussant les prix par des artifices alambiqués ou des taxes dissuasives…

22 janvier 2024

Basic Economics 4

Des effets pervers du salaire minimum et du contrôle des rémunérations.

Thomas Sowell montre que le marché du travail répond, comme tout échange marchand, à loi de l’offre et la demande.

L’obligation légale d’un salaire minimum fausse donc le libre cours du marché de l’emploi. Pour beaucoup de gens, cela paraît une bonne chose, garantissant davantage de justice sociale. C’est donc une mesure politique très populaire. Économiquement, c’est autre chose.

Les mêmes causes ayant les mêmes effets, le salaire minimum s’apparente à la surestimation des prix. La surproduction qui s’ensuit peut être mesurée à l’aune du taux de chômage, qui quantifie le nombre de personnes ne trouvant pas d’emploi. Si l’on se départit de tout a priori, la corrélation est évidente car le salaire minimum peut agir comme un seuil excédant, pour un emploi donné, généralement peu qualifié, le rapport coût/productivité. Cette problématique est aggravée par des montants élevés de charges sociales et une législation rendant les licenciements difficiles. Face à un risque jugé trop important, l’employeur se voit contraint de se priver d’un recrutement. Dans ces conditions, mécaniquement le taux de chômage reste élevé, voire augmente.
Si pour celui qui a la chance d’être embauché, le salaire minimum peut donc paraître bénéfique, pour ceux qui n’ont pas d’emploi, en dépit de toutes les lois bienfaitrices, le salaire minimum reste de zéro. En outre, la mesure est coûteuse pour les finances publiques, car pareillement à la surproduction des produits agricoles, l’Etat se fait un devoir de racheter cet excédent en versant aux chômeurs une allocation.

D’autres effets pervers se font jour, notamment lorsqu’il s’agit d’augmenter, souvent sous la pression des syndicats ou bien d’échéances électorales, voire sous l’effet de la simple inflation, le montant du salaire minimum (SMIC). Comme il n’est pas possible de faire croître simultanément tous les autres salaires, on assiste de facto à leur dévaluation relative, et un certain nombre de personnes se trouvent tôt ou tard rattrapés par le SMIC.
Pire, lorsque le marché de l'emploi est tendu, certains employeurs peu scrupuleux profitent de la loi pour proposer des emplois sous payés à des gens qui en tout état de cause mériteraient mieux. Enfin, Sowell suggère que les syndicats ont intérêt à exiger un SMIC le plus haut possible pour favoriser les emplois de leurs adhérents expérimentés et qualifiés, au détriment de jeunes novices...

Pour preuve de l’inefficacité d’un salaire minimum garanti par l’Etat, les pays qui ont résisté à la tentation de l’instaurer s’en portent plutôt bien : la Suisse avec ses 3,1% de chômage, Singapour avec 2%, les USA dont le taux de chômage ne dépassait pas 1,8% jusqu’à l’ère Coolidge.
En France, très généreuse en matière d’indemnisation du chômage, le nombre de demandeurs d’emploi reste constamment plus élevé qu’ailleurs. Même en période de plein emploi, il ne baisse pas en dessous de 7%.

Pour tenter de lutter contre les effets néfastes du SMIC, on a appris récemment de la bouche de madame Borne, ex Premier Ministre, la création d'une nouvelle commission, le "Haut Conseil des rémunérations". Il s’agit d’un rouage de plus dans la bureaucratie, qui comme le fait remarquer Marc Fiorentino "va booster avant tout les rémunérations de ceux qui vont y être nommés". A défaut d’assainir le marché de l'emploi, on va donner du travail aux fonctionnaires contrôleurs. Dans le même temps, le gouvernement promet des sanctions aux employeurs qui auraient des "minima salariaux de branche, inférieurs au SMIC". En dépit du nombre incroyable de réglementations, on apprend donc qu’il est toujours possible de les contourner !
Quelques jours plus tôt, dans un éclair de lucidité et de sincérité, et comme pour donner raison à Thomas Sowell, le ministre de l’Economie, M. Lemaire, avait révélé que le gouvernement ne pouvait procéder à une augmentation du SMIC qui risquerait de "menacer l'emploi des plus fragiles et des moins qualifiés" et créer un enchaînement néfaste sur les autres salaires… CQFD.

18 janvier 2024

Basic Economics 3

Thomas Sowell
met à jour avec beaucoup de clarté et de pertinence, les effets néfastes des mesures a priori bien intentionnées de contrôle et de régulation autoritaire des prix. Il y a deux manières de procéder en la matière. Soit en bloquant la hausse par des plafonds arbitraires, soit en fixant au contraire des seuils, ou "prix planchers", destinés à empêcher ce qu'on appelle le dumping, mais qui ne font rien d'autre qu'entraver le libre jeu de la concurrence. Les exemples abondent dans l'ouvrage, de ces pratiques toujours délétères. On pourrait facilement en trouver également dans les mesures prises par les gouvernements qui se sont succédé en France depuis des décennies.

Mesures à la baisse:
Selon la logique développée par Sowell, le plafonnement du montant des loyers immobiliers, décrété ex cathedra par le gouvernement, s’apparente à un leurre auquel il est tentant de croire, mais qui aboutit invariablement à l’aggravation des choses, surtout s’il s’accompagne de mesures hyper protectrices pour les locataires.
Ce qui pourrait sembler paradoxal ne l’est pas. En limitant le prix des loyers, l’Etat n’augmente en effet en aucune manière le parc immobilier offert à la location. Les gens qui imaginent avoir un accès plus facile à un logement, se heurtent donc à la foule de leurs pareils qui poursuivent le même dessein. Les files d’attente s'allongent pour le moindre appartement, et il s’ensuit un sentiment accru de pénurie d’autant plus frustrant que les loyers semblent à portée de bourse.
Les bailleurs, face à l’afflux de candidats et à l’embarras du choix, se montrent de plus en plus exigeants pour sélectionner leur locataire, ce qui contribue à exclure toute une catégorie de prétendants jugés trop peu sûrs et quasi indélogeables s’ils se révèlent indélicats. Mais ils n’estiment pas pour autant leur situation de propriétaire très enviable. Ils sont confrontés à une stagnation ou à une baisse de leurs revenus, et se voient poursuivis par des réglementations environnementales de plus en plus contraignantes et coûteuses, dont le tristement fameux Diagnostic de Performance Energétique (DPE). Face à cette avalanche d'obligations et d'interdits, ils sont amenés à surseoir à certaines dépenses de rénovation. Parfois, ils renoncent tout simplement à louer leur bien, ou cèdent à la tentation de la location de très courte durée, parfois sous le manteau…

On observe une situation analogue dans le domaine de la santé et notamment s’agissant du marché des médicaments. Dans le but illusoire d’amoindrir le déficit de la Sécurité Sociale, les Pouvoirs Publics ont mis en place un système bureaucratique de réglementation du prix des médicaments imposant aux laboratoires pharmaceutiques des conditions de vente draconiennes et des prix volontairement sous-estimés. La promotion des génériques à bas coûts est également à inscrire dans cette politique.
En conséquence, les trusts produisant les médicaments, pour la plupart étrangers, se détournent progressivement du marché français, au profit d’autres, plus rémunérateurs. C’est une des causes principales aux pénuries auxquelles on assiste depuis quelques mois, qui vont en s’aggravant puisque l’Etat persiste dans cette politique.
Parmi les mesures conduisant à falsifier les prix figure le tiers payant, grâce auquel les patients ne déboursent rien lorsqu’ils viennent chercher des médicaments en pharmacie. Mesure d’autant plus perverse qu’elle s’accompagne depuis quelques années de franchises, invisibles en temps réel, mais qui grèvent les remboursements à venir en provenance de l’Assurance Maladie. On vient d'apprendre que loin de disparaître ce montant restant à charge allait doubler. Ce système est à la fois hypocrite car dissimulé et infantilisant puisqu’il mime la gratuité. Une chose est sûre, il est 
inefficace pour juguler le monstrueux déficit de la Sécu et favorise la surconsommation des produits, autre facteur en cause dans les pénuries.

Mesures à la hausse:
Il est navrant de constater que la Politique Agricole Commune (PAC) mise en œuvre, “pour protéger les agriculteurs”, aboutit au résultat inverse de celui souhaité. Sous l’égide de cette politique, l'organisation des marchés fut construite autour de trois outils : les prélèvements (ou droits de douane), les prix garantis, et les restitutions (ou subventions à l'exportation). Selon les observateurs du think Tank BSI-economics, la PAC a remarquablement bien fonctionné dans un premier temps et a atteint rapidement ses objectifs, à tel point que l’Europe est entrée dans une période de surproduction. Au bout du compte, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée durablement et les consommateurs se sont trouvés pénalisés par le maintien artificiel des prix à des niveaux trop élevés. Cette inflation quasi organisée fut récemment aggravée selon Michel Edouard Leclerc par le nouvel arsenal de lois dites EGALIM supposées limiter les offres promotionnelles dans les grandes surfaces, dans le souci toujours bien intentionné, de venir en aide aux producteurs en forçant les consommateurs à payer "le juste prix".

Sur le marché automobile enfin, la pléthore de règlementations destinées à diminuer l'utilisation des carburants fossiles et à favoriser le marché national, cumule tous les effets négatifs du contrôle des prix. Par le jeu de primes et de pénalités, on augmente artificiellement le prix des véhicules dits "thermiques", tandis qu’on fait mine de diminuer celui des voitures électriques. Mais dans les deux cas, cela s’apparente à une falsification des prix. S’agissant des véhicules frappés par les malus, c’est évident. Malgré les promotions faites par les constructeurs, le montant des pénalités, qui croît chaque année, dissuade de plus en plus les consommateurs d’acquérir des voitures thermiques neuves. Quant aux bonus incitatifs attribués aux véhicules électriques, de plus en plus tarabiscotés, ils permettent certes aux constructeurs de maintenir des prix élevés en atténuant, leur impact pour les acheteurs. Mais l’offre reste trop chère pour les gens modestes, et pas suffisamment attractive pour les autres, ce qui aboutit à la stagnation du marché à laquelle on assiste.
Dans les deux cas, on observe donc une surproduction de plus en plus difficile à gérer. Les consommateurs ne savent plus à quel saint se vouer, face à un marché cher et des contraintes réglementaires de circulation toujours plus folles. Ils ont tendance à reporter l’acquisition d’un véhicule neuf et se reportent plutôt sur le marché d’occasion.

Régulation incitative ou punitive des prix par l’Etat, transition énergétique à marche forcée, et mesures protectionnistes visant à limiter la concurrence asiatique, les effets pervers se conjuguent donc de manière vertigineuse. Comme beaucoup d’économistes avant lui, Thomas Sowell flétrit les politiques protectionnistes qui contribuent à l’inflation des prix, qui pénalisent les exportations, en raison des représailles de la part des pays visés, et qui sont souvent sans effet bénéfique sur les importations.
En matière de transition énergétique enfin, en poussant le marché automobile vers le tout électrique, on n’a hélas pas tiré les leçons de la planification ubuesque de la production d'électricité, conduisant à fermer les centrales nucléaires, à désinvestir dans le domaine des produits pétroliers, et aller jusqu’à démonter des parcs éoliens pour rouvrir des centrales à charbon.
En définitive, les règles érigées par l’Etat donnent parfois l’illusion d’une efficacité, très éphémère, mais elles deviennent tôt ou tard de vraies usines à gaz, pénalisantes et inintelligibles tant elles sont complexes et changeantes. Elles se révèlent toujours coûteuses pour la collectivité, notamment lorsqu’il s’agit de verser des primes et des bonus. Au surplus, elles nécessitent la mise en place d’armées de fonctionnaires, chargés de faire des hypothèses savantes, des calculs tarabiscotés et des contrôles tatillons, pour un résultat toujours chimérique...

07 janvier 2024

Basic Economics 1

Thomas Sowell
est américain, il est noir, descendant d'esclaves, d'extraction on ne peut plus modeste, et pourtant, il n'a ni animosité de race, ni rancune de classe.
Mieux, ou pire, c’est selon, il est conservateur, et ardent défenseur du capitalisme !
Est-ce pour ça qu’il est inconnu en France malgré une belle notoriété outre-atlantique et une œuvre conséquente ? Allez savoir…

Parmi les nombreux ouvrages dont il est l’auteur figure un pavé de 900 pages consacré aux mécanismes de base de l’économie, tout simplement nommé Basic Economics.
Non traduit hélas en français, je m’y suis attaqué sur les conseils de mon bon ami Jeff. Malgré mes piètres capacités en anglais, quelle ne fut pas ma surprise de constater que je comprenais sans difficulté ce texte en apparence ardu.
Sous la plume de cet auteur, l'économie devient claire et transparente comme l’eau de roche.
A l'aide d'exemples concrets, dont l'ouvrage fourmille, la mécanique économique devient un jeu d'enfant. Rien à voir avec les pensums de Piketty, dont les laborieuses démonstrations se terminent en foireux slogans politiques, néo-marxistes, lorsqu’elles ne se noient pas dans l’absurdité des a priori idéologiques.

Contrairement à une idée reçue, Thomas Sowell montre en premier lieu que l'économie est une science au même titre que la physique. Le malheur selon lui est qu’on veuille trop souvent y mettre du sentiment, voire des passions, jusqu’à nier parfois l’évidence. Les catastrophes s'ensuivent en général, mais curieusement n'empêchent pas les croyances non fondées de perdurer.
L’idée est donc, à partir de quelques exemples, d’ouvrir la nouvelle année sur ce bain de jouvence bienfaiteur. Tout serait tellement simple et propice aux vrais progrès si les constats qu’offre la réalité s’imposaient d’eux-mêmes à la place des croyances et des illusions…

08 juin 2021

Les Tontons Taxeurs

L’incapacité notoire de nos gouvernements à résoudre les problèmes que leurs administrés rencontrent au quotidien, genre sécurité, éducation ou emploi, est largement compensée par les trésors d’imagination qu’ils déploient en matière de normes et de taxes.
La dernière réunion du G7 en fut une sublime illustration. Sous la belle photo de famille des ministres des finances, les cris de joie soulignaient le caractère paraît-il “historique” du sommet, dont la dernière trouvaille fut une résolution ouvrant la voie à un “impôt minimal de 15% sur les sociétés”.
Notre représentant Bruno Lemaire frétillait de plaisir, saluant le pas de géant accompli et assurant qu’il se battrait lors des négociations à venir, pour que le taux retenu soit “le plus élevé possible”. Avec des trémolos joyeux dans la voix il claironna qu’il s’agissait “d’une mauvaise nouvelle pour les paradis fiscaux”. Le pauvre homme! A l’apogée de sa brillante carrière de technocrate, il donne une fois encore raison au vieux Clemenceau : “La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts….”

Il faut préciser que cet accord fut salué par un consensus quasi unanime. A l’exception des pays qui doivent une bonne partie de leur essor économique et de leur prospérité au faible niveau de leurs taxes, tout le monde ou presque applaudit à cette initiative insane, sortie paraît-il du cerveau quelque peu racorni de daddy Joe Biden. Normal, car les sociétés internationales relèvent du concept fantasmatique qui réjouit les bien-pensants de petite vertu sociale et qui laisse supposer aux péquins moyens qu’ils ne seront pas touchés par cette vague fiscale hautement moralisatrice.
Personne toutefois pour l’heure ne comprend bien comment se concrétisera cet accord, qui a toutes les chances de tourner rapidement à l’usine à gaz, voire de finir en vœu pieu façon accords de Paris sur le climat.
On a beau chercher un peu partout dans la Presse plus ou moins spécialisée, rien de clair n’est avancé quant à la mise en œuvre de cette nouvelle machine à produire de l’argent magique. Au départ, l’idée du président américain était d’imposer davantage les 100 plus grandes et rentables multinationales. On sait d’autre part que l’OCDE souhaite moduler l’impôt des grandes entreprises en fonction des bénéfices réalisés dans chaque pays, indépendamment du lieu du siège (vaste programme…) On peut aussi apprendre qu'à terme, 20% des bénéfices mondiaux devront être répartis différemment quand la marge dépasse 10%, selon une clef de répartition qui doit encore être négociée (Les Echos).

La machinerie sera monstrueusement complexe, c’est à peu près certain. Son efficacité paraît quant à elle beaucoup plus aléatoire. Si par hasard comme chantait Brassens cette pompe à phynances se met en branle, il paraît qu’elle pourrait produire 50 milliards d’euros par an pour l'Europe dont 4 milliards pour la France. Même si c’était vrai, ce ne serait qu’une goutte d’eau face aux dépenses publiques en inflation permanente; peau de zob face aux 424 milliards déversés sur 3 ans par l’État français pour le seul COVID-19 de l’aveu du ministre “chargé des comptes publics”, Olivier Dussopt (Figaro).
Et qui se demande in fine, d’où viendraient ces milliards, si ce n’est, par voie de conséquence, de la poche des consommateurs ? Autrement dit, des hausses de prix qui ne manqueront pas de survenir, dans une période où l’inflation guette. Tout va très bien, madame la Marquise….

29 avril 2021

Du Protectionnisme et de ses méfaits

On oublie souvent que la science économique est régie par des lois naturelles. Point n’est besoin d’en rajouter d’autres, artificielles, l’essentiel étant de bien comprendre celles qui s’imposent d'elles-mêmes, pour les exploiter à notre avantage, comme en physique, en chimie ou bien en médecine.

Le protectionnisme fait partie de ces lieux communs qui reviennent sans cesse sur le tapis comme solution miracle alors qu’il relève des lubies dont l’inanité a cent fois été démontrée.
Supposé s’opposer au Libre-Échange, il couvre en réalité un champ beaucoup plus étendu. On le trouve aussi bien dans les lois “protégeant” les locataires de la cupidité supposée des propriétaires, on le trouve dans nombre de celles qui ont la prétention de défendre les salariés contre la rapacité des employeurs, dans celles qui encadrent de leur bienveillance asphyxiante certaines professions, et plus généralement, dans toutes celles qui rognent les libertés au nom de l’intérêt des “usagers”, en matière de santé, d’enseignement, d’installation commerciale… La quasi totalité de ces protections sont des leurres, certes bien intentionnés, mais dont l’effet aboutit souvent à l'inverse de ce qui était souhaité.
Au nom du protectionnisme, il n’est pas difficile de démontrer qu’on dénature les échanges commerciaux, en créant de l’inflation, en diminuant le pouvoir d’achat, en bridant concurrence et progrès, en alimentant la contrebande et au bout du compte, en transformant de paisibles marchands en dangereux criminels.

Le commerce reposant sur des échanges “gagnant-gagnant”, il est extravagant qu’on veuille pervertir le marché par des taxes ou des réglementations contraignantes à seule fin de faire rempart aux importations de produits étrangers. Cela conduit en effet à empêcher ses partenaires de vendre leurs produits au juste prix, c'est-à-dire celui dicté par la loi naturelle de l’offre et de la demande.
La conséquence la plus immédiate généralement constatée, est l’augmentation réciproque des taxes à titre de représailles (le protectionnisme prend
dans ce cas de figure tout son sens et sa seule légitimité…). Ainsi, ce qu’on gagne en limitant les importations, on le perd en freinant les exportations. Le bilan est nul, sauf bien sûr si l’on n’a rien à exporter, ce qui n'est certainement pas une situation enviable…
Il s’ensuit généralement une dégradation des relations internationales, et l’enclenchement d’une spirale infernale conduisant à l’augmentation des prix et à la raréfaction de l’offre, voire à la pénurie comme on le voit régulièrement dans les pays jusqu’au-boutistes en matière de socialisme.
Au surplus, ces taxations agressives masquent souvent l’incurie des Pouvoirs Publics, qui de facto en profitent pour désigner des boucs émissaires. Ainsi, on accuse régulièrement la Chine et toute l’Asie de casser nos emplois par leurs exportations massives de produits bon marché. Si c’était vrai, comment expliquer que notre voisin direct, l'Allemagne, soumise à la même pression commerciale, soit beaucoup plus épargnée que nous par le fléau du chômage, et qu’elle reste envers et contre tout une grande puissance exportatrice ?
Selon la même logique, l’opinion publique a tendance à croire que l’automatisation de certaines tâches conduit à supprimer des emplois. Mais comment se fait-il que les pays les plus robotisés au monde, le Japon, les États-Unis, et l’Allemagne, soient parmi ceux qui affichent les plus faibles taux de chômage ?

En économie, comme le faisait remarquer avec beaucoup de justesse et d’humour Frédéric Bastiat, il y a ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas. Les belles théories, les gentils principes et certaines évidences apparentes sont souvent mis en défaut par la brutale réalité.
Dans un ouvrage désopilant, l’économiste et philosophe américaine Deirdre McCloskey s’amuse à pointer “les péchés secrets de la science économique” et à démêler le faux du vrai. A cette occasion, elle rappelle un épisode historique méconnu, qui montre clairement le caractère généralement malfaisant du protectionnisme.
Sur une période de dix ans au XVIIIè siècle, selon l’historien suédois Eli Heckscher, dont elle cite l’ouvrage consacré au mercantilisme, l’État français a envoyé des dizaines de milliers d'êtres humains aux galères et en a pendu au bas mot 16.000, au motif qu’ils avaient commis le crime épouvantable…. d’avoir fait venir à des fins commerciales de la toile de calicot fabriquée et imprimée en Inde !
En France, parmi les innombrables et parfois ubuesques réglementations protectrices et corporatistes promulguées par Colbert, figuraient en effet l’interdiction d’importer ces tissus. En Angleterre, des législations similaires introduites en 1700 et 1721 sévirent jusqu’en 1774.
Outre leur sauvagerie meurtrière à l’encontre de ceux qui osaient les transgresser, ces lois se révélèrent largement inefficaces, tant il y eut de contournements (notamment par le biais des futaines que la loi avait oubliées...). Au surplus, elles pénalisèrent les échanges avec l’Extrême-Orient, et contribuèrent à étouffer le dynamisme industriel, qui se réveilla, surtout chez nos voisins britanniques, dès lors que ces ukases absurdes furent abrogées…

Les péchés secrets de la science économique Deirdre McCloskey Editions Markus Haller 2017 (édition française)
Mercantilism Eli Heckscher 1935
Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas Frédéric Bastiat

26 février 2021

Monnaies de singes

Ce billet aurait tout aussi bien pu s’intituler Monkey Business, en hommage au film du même nom des Marx Brothers. L‘essentiel étant ici d’illustrer la nature insensée du cycle économique dans lequel nous nous trouvons.

La pandémie due au SARS-COV2 n’a fait qu’accélérer la glissade vertigineuse dans laquelle le monde s’est laissé aller, sous la férule paraît-il experte des financiers et grands argentiers qui régissent banques, budgets et monnaies.
Pour l’heure, la catastrophe maintes fois annoncée a été repoussée sine die mais on voit toujours plus de dépenses publiques, toujours plus de déficits, toujours plus d’argent en circulation, qui sont les trois moteurs du tourbillon enivrant dont on peut craindre, un jour ou l'autre, une évolution fracassante.

Il y a toujours une bonne raison pour justifier cette politique dispendieuse : acheter la paix sociale, lutter contre les “crises” itératives, soutenir tel ou tel secteur économique (après l'avoir étranglé par les réglementations ou la fiscalité...), ou bien encore, contrecarrer l’influence d’une épidémie…
On croyait avoir atteint les limites de ce jeu lors du krach de 2008. A l’époque, le Fonds Monétaire International (FMI) sermonnait les pays laxistes en matière budgétaire et les agences de notation sanctionnaient sévèrement tout écart à l’orthodoxie. L’heure était à l’austérité pour la Grèce, mais aussi pour le Portugal, l’Espagne, l’Irlande… Et tandis qu’on serrait la vis à ces derniers, les pays déjà les plus rigoureux augmentaient encore leurs efforts pour réduire leurs déficits, parvenant même comme l’Allemagne, à inverser la tendance en affichant des soldes budgétaires créditeurs et réduisant par la même, son endettement. La France fit mine de s’aligner sur les critères du traité de Maastricht et notamment finit par passer de justesse sous la barre des 3% du PIB en 2017, soit près de 10 ans après l’épisode des subprimes, et pas moins de 25 ans après la signature du traité sus-nommé.
Las ! Cette embellie ne dura guère…

Les banques centrales, sous l’influence du célèbre Mario Draghi, s’étaient mises en 2012 à pratiquer une politique beaucoup plus accommodante et déversèrent sur les marchés des masses colossales de monnaies, pour sauver l’Europe. Whatever It Takes devint le nouveau mot d’ordre, repris plus tard par Emmanuel Macron avec sa fameuse formule “quoi qu’il en coûte…”
Fort heureusement, l’inflation, pourtant habituelle en de telles circonstances, n’arriva pas. Ni les prix ni les salaires ne se mirent à flamber. En revanche, on assista à une fonte spectaculaire des taux d’intérêt. L’Italie qui empruntait à des taux supérieurs à 6% se voit aujourd’hui autorisée à le faire à 0,44% et la France fait partie des privilégiés qui peuvent emprunter à des taux négatifs, ce qui paraissait impensable à tout économiste normalement constitué !
L’effet immédiat des largesses de la BCE fut bénéfique, mais elles firent l’effet d’un véritable pousse-au-crime. Les dettes notamment celles contractées par les États furent littéralement dopées. Celle de la France qui était déjà importante, mais encore inférieure à 60% du PIB en 1995, a franchi allègrement les 120% en 2020 et rien ne semble plus devoir stopper sa croissance puisque par la magie de l’argent facile, on rembourse désormais moins que ce qu’on emprunte ! Si les taux négatifs atteignaient 5%, la dette s’effriterait des ⅔ en vingt ans sans que cela coûte un centime !
Certes ils n’ont pas encore atteint de tels chiffres mais la mécanique est enclenchée, à la manière d’une usure inversée, et le dindon de la farce n’est plus l’emprunteur mais le prêteur. L’épargne classique est devenue progressivement, de moins en moins rémunératrice et les quelques menus bénéfices engendrés par les livrets défiscalisés et l’Assurance Vie fondent comme neige au soleil.
Résultat, si l’inflation des prix semble jusqu’à présent contenue (mais pour combien de temps ?), c’est moyennant une érosion de l’épargne et un recours accru à toutes sortes d’expédients destinés à recueillir l‘excédent monétaire tout en alimentant la spéculation. Parmi ces derniers figurent le marché de l’immobilier, notamment dans les grandes villes, la Bourse dont certaines valeurs paraissent largement surestimées (Tesla par exemple, dont la capitalisation dépasse à elle seule celles additionnées de tous les autres constructeurs automobiles) et naturellement les cryptomonnaies, Bitcoin en tête, dont on parle beaucoup ces derniers temps et dont la valeur atteint des sommets vertigineux.
Ajoutons à tout cela que paradoxalement, durant cette crise sanitaire qui a plongé en léthargie une bonne partie des forces vives économiques, le nombre de faillites fut particulièrement bas, grâce aux mesures de soutien gouvernementales. Il s’agit évidemment dans nombre de cas d’une survie artificielle dont l’issue défavorable n’est que retardée…

Alors que l’épidémie semble enfin marquer le pas et que les beaux jours reviennent, l’avenir devient de plus en plus incertain. En France, l’endettement massif de l’État sert de plus en plus à couvrir des dépenses sociales et non d’investissement. Il y a donc peu de chances qu’on parvienne à le réduire. Face à ce trou qui ne cesse de s'approfondir, nombreux sont les économistes, très médiatisés et très politisés, qui réclament tout bonnement “l’annulation de la dette”. Cette pure folie, qui donnerait un sens effrayant au whatever it takes, ruinerait tous les créanciers de l’État, à commencer par les épargnants. Elle provoquerait sans nul doute un fort mécontentement des prêteurs étrangers et probablement de sévères représailles de leur part, en retour. Et comme il y a peu de chances qu’elle rende le gouvernement plus rigoureux en matière de gestion, de nouveaux gouffres auraient tôt fait de s’ouvrir. Mais trouverait-on des gens prêts à investir à nouveau dans la dette française, et si oui à quels taux, sans doute prohibitifs ?

Tant que la quasi totalité des banques centrales mènent à peu près la même politique, there is no alternative (TINA) comme disent les anglo-saxons et le système peut afficher une certaine stabilité apparente. Mais il suffirait que certaines parties du monde se désolidarisent de cette spirale infernale, que certaines bulles se dégonflent tout à coup, que l’inflation pointe le bout de son nez, ou bien encore que les taux d’intérêt décollent, pour que le cercle vertueux de la confiance se brise et avec elle tout le château de cartes financier dont elle constitue l’essentiel des fragiles fondations...

27 juin 2016

Big Crunch


Le divorce séparant le Royaume Uni de l’Union Européenne n’a pas fini de faire des vagues. Il n’a pas fini de remuer le landerneau politique et de secouer les opinions publiques.

Parmi les premières réactions en France, celle du premier ministre Manuel Valls fera date. Hélas, peut-être comme une nouvelle preuve que les Politiciens ne comprennent décidément rien aux enjeux auxquels sont soumis les nations qu’ils gouvernent. Est-ce par pusillanimité, méconnaissance des réalités ou bien étroitesse d’esprit ?

Non contents d’avoir mené la communauté Européenne dans une impasse, ils semblent vouloir continuer de plus belle sur la même voie désastreuse. Alors qu’on pouvait espérer voir la construction d’une nouvelle puissance capable de peser significativement dans le monde, on se retrouve face à un château de cartes de plus en plus branlant.
Aujourd’hui, Manuels Valls croyant plaider pour un renforcement de l’Union claironne que le vote des Britanniques « doit être l'occasion de refonder le projet européen ». Belles paroles mais lorsqu’il attaque le cœur du problème on déchante vite...

Selon le magazine Le Point,
entre autres mesures envisagées, il s'est voulu catégorique concernant le projet de traité de libre-échange entre les Etats Unis et l'Union européenne (Tafta ou TTIP): « Je vous le dis franchement, il ne peut pas y avoir d'accord de traité transatlantique. Cet accord ne va pas dans le bon sens. »

Vieux serpent de mer ressorti régulièrement pour mieux le noyer sous un flot d'imprécations par les populistes de toutes obédiences, unis pour la cause à la faune hétéroclite des altermondialistes, ce projet de traité, en gestation depuis le milieu des années 90, vise à mettre sur pied un grand marché transatlantique, une vaste zone de libre échange qui pourrait à terme couvrir pas moins de 45,5% du PIB mondial !

Hélas, négocié souvent en secret comme s’il s’agissait de quelque chose de honteux, mal expliqué aux populations, il est devenu emblématique des effets pervers de la mondialisation et cristallise autour de lui nombre de théories complotistes, de croyances erronées sur les bienfaits supposés du protectionnisme, et donne libre cours à l’anti-américanisme toujours vivace en France.

Il représente pourtant une perspective fabuleuse de coopération entre deux continents que tout devrait inciter à être amis, notamment le passé historique et plus encore le contexte des menaces qui pèsent à ce jour sur le monde.
Il est kantien dans l’esprit, ébauchant cette fameuse fédération des fédérations que le philosophe allemand appelait de ses vœux dans son petit essai sur la Paix Perpétuelle. Il pourrait être le meilleur rempart aux excès de la mondialisation et servir de modèle aux autres nations.

Las ! M. Valls à la manière d’une boussole indiquant le sud, voit l’inverse de ce qu’un simple bon sens indiquerait, n’hésitant pas à pervertir l’essence même du projet en exposant une conception frisant l’indécence : « Dorénavant, aucun accord de libre-échange ne doit être conclu s'il ne respecte pas les intérêts de l'Union » a prévenu le chef du gouvernement. Ainsi, on peut déduire que pour lui, le libre-échange ne vaut que s’il est unilatéral !

Cette conception frileuse et égocentrée des choses, le premier ministre l’applique d’ailleurs avec le même zèle à l’Europe qu’il prétend renforcer tout en affirmant que : “Quand l'Europe n'est pas le bon niveau de décision, alors elle doit s'effacer, et laisser les États décider.”

Avec de tels défenseurs, le projet européen est vraiment mal parti. Au lieu d’incarner un concept de société forte, libre et ouverte, il s’apparente de plus en plus à un big crunch…

23 juin 2016

La sagesse de l'argent

Parler de sagesse à propos de l’argent, cela relève dans notre pays d’une vraie provocation !
C’était sans doute un peu l’intention de Pascal Bruckner lorsqu’il donna ce joli titre à son dernier essai. 

On connaît en effet son franc parler et un certaine répugnance à se ranger derrière le conformisme contemporain. On connaissait également ses formules mordantes sur “la tyrannie de la pénitence”, sur “le sanglot de l’homme blanc”, ou encore sur “l’euphorie perpétuelle” par lesquelles il tourna en dérision dans des ouvrages précédents les clichés d’une pensée pasteurisée, en passe de perdre tout esprit critique.

Son dernier essai se situe dans la même veine assurément, visant cette fois à tordre le cou à nombre de préjugés relatifs au pognon, à la finance, au capitalisme, à mettre à plat certaines contradictions, et à désosser certaines théories fondées sur le mensonge..
Bruckner se plaît ainsi à montrer que ceux qui dénigrent le plus l’argent ne sont pas forcément ceux qui le dédaignent le plus, tandis que ceux qui en ont beaucoup se font généralement des plus discrets à son sujet.

Il ne lui est pas difficile de fournir maints exemples démontrant comment les politiciens dits de gauche, si vertueux pour les autres, se révèlent si âpres au gain concernant leurs affaires personnelles. La génération soixante-huitarde ou bien celle qui accompagna Mitterrand, fourmille de ces pharisiens dorés, farcis d’hypocrisie. Le gouvernement actuel en est lui-même infesté en dépit des pompeux engagements de François Hollande. Ce dernier lui-même, qui prétend ne pas aimer les riches, fait partie de ces grands bourgeois cachant leur mauvaise conscience sous des slogans miteux. En déclarant sa fortune juste au dessous du seuil relevant de l’ISF, il objective même une mauvaise foi quasi crapuleuse.
Mais la force de ces gens est d’avoir réussi à berner les gogos qui imaginent “qu’être de gauche devient un brevet de vertu et de probité… Pour Bruckner, la question est de savoir combien de temps encore, grâce à cette supercherie, “la caste des hauts fonctionnaires, jouissant de privilèges quasi monarchiques se croira au-dessus des lois...”

Les Politiciens ne sont pas les seuls à se goberger sur le dos d’un peuple naïf. 

Artistes, sportifs, et nombre de représentants du gratin médiatique sont à mettre dans le même panier. Par exemple, le footballeur Cantonna qui dézinguait à tout va les banques pendant que sa femme faisait de la publicité pour le Crédit Lyonnais. Pour Bruckner, “la haine verbale du système est d’autant plus forte qu’on s’y vautre avec délectation...”
Pareillement, il s’inspire du prétendu chef d’oeuvre de Damien Hirst, intitulé “Golden Calf”, pour montrer comment “en condamnant l’argent on se fait de l’argent…”
Les religions elles-mêmes entretiennent des rapports douteux avec l’argent. Bruckner cite le pape qui se pose en ennemi de l’argent tout en avouant qu’il en a besoin pour aider les pauvres et pour la propagation de la foi. Il évoque également le système de “la pénitence tarifée”, par lequel on achète des messes comme autant de viatiques pour l’au-delà, ou encore les fortunes colossales amassées par des sectes prêchant l’austérité (Mormons, Parsis en Inde, …)


Parmi les passages les plus percutants de l’essai, figurent ceux où Bruckner démonte les mensonges qui courent sur les méfaits supposés de l’argent et sur la nature perverse du capitalisme, bouc émissaire commode pour les idéologues de tout poil, propageant le mythe d’un monde meilleur dans lequel serait aboli ce fléau .
Il montre facilement qu’à l’instant présent “c’est dans les pays non capitalistes et non démocratiques que sévissent les formes les plus dégradantes de domination, y compris chez les enfants.”
Évoquant les expériences communistes et socialistes les plus extrêmes, il observe qu’invariablement, “on commence par détruire l’argent et on finit pas détruire les hôpitaux, les écoles, les temples et on rétablit l’esclavage et on traite les hommes en moyens de paiements.”
Il rappelle enfin que ce qui mène aux guerres, ce sont “souvent des ambitions impériales ou des motifs religieux ou idéologiques mais rarement monétaire isolé comme tel.”
De même, il souligne à juste titre que “le XXè siécle a été ravagé non par les puissances financières mais par les idéologies totalitaires, nazisme, fascisme et communisme.” Pendant ce temps, la pauvreté a reculé partout dans le monde grâce à l’extension du marché…

Malheureusement contrairement au dicton qui stipule “qu’abondance de biens ne nuit pas”, Pascal Bruckner noie un peu son propos sous le flot de ses arguments. A vrai dire, ça part un peu dans tous les sens et le message général de l’ouvrage reste nébuleux voire contradictoire.
Entre autres exemples, il est rappelé qu’en France, “les ¾ de l’impôt sont payés par les 20% des contribuables les mieux rémunérés”, mais a contrario, on peut lire également que "civiliser l’argent, c’est le démocratiser, le redistribuer partout comme un trésor qui appartient potentiellement à tous.”
Pratiquant l’art de l’oxymore, Bruckner énonce que “l’argent est à la fois la voie d’accès aux plaisirs et le mur qui les annule…”. A un autre moment, il se fait un tantinet artificieux en évoquant l’amour et la prostitution : “Ce n’est pas l’argent qui tue l’amour mais le manque qui le précipite dans les transactions.” Cette juxtaposition des contraires aboutit parfois même à des lieux communs : “ la corne d’abondance peut devenir menace de gavage, péril de suffocation. Il y a donc dans l’argent quelque chose qui détruit l’argent”, ou bien : “l’argent n’est jamais aussi présent que lorsqu’il est absent...”


Il est enfin difficile de suivre totalement l’auteur dans certaines de ses affirmations .
Notamment lorsqu’il énonce “qu’avec leur lucidité ravageuse, Pascal, La Rochefoucauld et les jansénistes ont anticipé sans le savoir, l’avènement de l’individu comptable, aux horizons bornés, propice à l’éclosion du capitalisme.” Le raccourci est par trop abrupt et réducteur, autant pour le capitalisme lui-même, que pour les penseurs cités !
Autre vision discutable, celle qu’il attribue à Keynes et qu’il partage, d’un avenir radieux “où les problèmes économiques passeront à l’arrière plan, c’est-à-dire à leur véritable place, et où la sphère de l’esprit et du cœur sera occupée ou réoccupée par nos problèmes réels ; ceux de la vie, et des relations humaines, de la création, du comportement et de la religion..”
Certes, on ne peut qu’être frappé par le paradoxe dans lequel “le bonheur n’a jamais été aussi dur à atteindre en dépit d’une abondance matérielle en expansion.” Mais, pour paraphraser une des propres remarques de l’auteur, le problème ne porte pas tant sur l’économie à laquelle porterait un intérêt excessif, que sur les aspirations spirituelles dont nous sommes de plus en plus pauvres…
Autre illustration d’une schématisation abusive du raisonnement, lorsque Bruckner observe navré, que “tout devient référence à la monnaie” et qu’à l’appui de cette thèse, il cite quelques expressions populaires : “se faire valoir.../... parce que je le vaux bien .../... se mettre en frais .../... être payé de retour.../... quelqu’un qui n’en vaut pas la peine…”
N’y a-t-il pas là matière à confusions ? La valeur des choses, des idées, des sentiments s’exprime parfois par des mots qui font référence à l’argent. Mais on ne saurait oublier que cette dernière, n’est elle-même qu’une représentation symbolique de la valeur des choses.
On savait avant ce livre que si l’argent ne fait pas le bonheur, il peut tout de même y contribuer, et qu’à l’instar de tous les excès, “trop d’argent tue l’argent...”

En définitive
A côté de constats intéressants s’attaquant à un vrai tabou, le livre distille quantité de réflexions parfois un peu faciles ou convenues, tendant à pondérer la provocation annoncée par le titre. En fait de décapage on doit souvent se contenter d’une sorte de moonwalk en forme de rétro-pédalage qui donne l’illusion d’avancer tout en reculant.
Au surplus, Pascal Bruckner exprime une conception très littéraire de l’argent, dans laquelle toute référence aux théories monétaires est absente. La confusion qu’il fait à plusieurs reprises entre la valeur des biens et l’argent, témoigne d’une méconnaissance du système monétaire. C’est un peu dommage car l’entreprise était prometteuse et le challenge très excitant...

27 février 2016

La dette: chronique d'une gangrène 2

Une des particularités fort intéressantes du magazine TV animé par Marina Carrère d’Encausse, est d’être semé de citations édifiantes, émanant directement des hommes et des femmes qui furent ou sont aux affaires comme on dit. Avec, au sein de ce florilège de truismes, de petites lâchetés et de vaines promesses, quelques éclairs de lucidité, hélas sans lendemain...

Il y a ceux tout d'abord, qui minimisent l’importance que revêt la dette publique. Par exemple Henri Emmanuelli qui tente de rassurer à peu de frais l’opinion publique à ce sujet : “Qui peut croire au scénario catastrophe ?” s’exclame-t-il incrédule. Avec lui, il y a toute une gauche crispée sur l’idéologie, et peut-être un peu adepte de la méthode Coué, qui imagine que la dette n’est qu’une vue de l’esprit et que “ça va s'arranger avec le retour de la croissance”, allant jusqu’à clamer que “plus la crise est profonde plus le redémarrage est fort.”
Il y a même des économistes distingués, tel Paul Krugman, prix Nobel d’économie (un peu comme Barack Obama fut récompensé pour ses belles intentions sur la Paix) qui ne voit pas pourquoi on s’inquiète et qui compare la peur de la dette à une “maladie psychosomatique...”

A l’inverse, il y a ceux qui font un constat alarmiste, à l’instar d’Alain Juppé, affirmant il y a quelques années qu’il fallait “en finir avec le poison de la dette”, sous peine de voir “le système exploser.”
Il y a l’ancien ministre de l’économie Thierry Breton affirmant “ce n'est pas une honte d'avoir une dette, c'est une honte de ne pas en parler.”
Il y a Pascal Lamy, ancien Directeur général de l’OMC, avouant qu’un endettement continu durant 40 ans “est un signe grave d'un dysfonctionnement du système.”
I
l y a Dominique de Villepin renchérissant sur cet inquiétant diagnostic en affirmant qu’en laissant filer ses déficits, “la France a pris le risque d'un décrochage…”
Il y a enfin Valery Giscard d’Estaing révélant gravement que sans la dette et le fardeau du remboursement des intérêts qui y sont liés, “On pourrait supprimer l'impôt sur le revenu...”

Pourtant, malgré ces apparents éclairs de lucidité, personne ou quasi ne prit à aucun moment de mesure tendant vraiment à réduire l’endettement du pays. Peut-être, comme l’affirma Michel Charasse, en raison d’une indulgence due au fait “que tout le monde en profite”. Peut-être aussi comme le déplore Giscard d’Estaing, parce que les politiciens, par nature et sans doute aussi par démagogie, “ne proposent jamais de réduction des dépenses publiques, et surtout pas lorsque la croissance est là.”
De fait, les quelques décennies passées pourraient être comparées à un grand cimetière dans lequel ont été successivement ensevelies toutes les bonnes résolutions, toutes les actions pragmatiques, et dans lequel ont fleuri les croix et les pierres blanches marquant l’échec flagrant des politiques menées avec une obstination coupable par tous les dirigeants de tous bords idéologiques.

Il faut dire qu’en dépit de leur couleur politique affichée, tous reprirent peu ou prou à leur compte le vieux mythe de la relance keynésienne.
Cette chimère économique est bien commode pour des politiciens pusillanimes. Elle leur permet d’éluder les vraies mesures d’économies qui pourraient assainir les finances du pays, et en son nom ils peuvent se faire les défenseurs du fameux "modèle social" à la française, dont on mesure pourtant de plus en plus les effets calamiteux.
Chronologiquement, le désastre est évident même s’il fut amorti par quantité d’artifices dont quelques acquis sociaux trompeurs financés par l'emprunt. Il est ralenti également par l’appartenance de la France à la Communauté Européenne, qui quoique on dise freine un peu les programmes dispendieux et démagogiques des gouvernements successifs. Il est parfois suspendu grâce au contexte international enfin, qui procure quelques embellies de croissance, dont le pays ne profite malheureusement que trop peu.

Cette lente descente aux enfers débuta dès la seconde moitié des années 70, sous Giscard d’Estaing. On eut beau jeu alors, d’incriminer les chocs pétroliers. La réalité fut que malgré le plan d’austérité du professeur Barre, le gouvernement dépensa tant et plus. La ceinture fut surtout pour les contribuables, dont les impôts augmentèrent lourdement...
Avec le virage socialiste pris par le pays en 1981, le mirage keynésien s'imposa de plus belle. A l’initiative du président Mitterrand, on dépensa tant et plus, et la fiscalité continua son ascension, proportionnelle à la dette…
Jacques Chirac ne fit pas mieux. Après avoir martelé que "trop d’impôts tue l’impôt", il assomma littéralement les contribuables en invoquant "la fracture sociale", laquelle ne fit que s’ouvrir un peu plus au fil des dépenses publiques.
Après le fiasco de la dissolution de 1997, les Socialistes reprirent à nouveau, dans un souci de "justice" et "d'égalité" l’antienne keynésienne, et malgré une belle phase de croissance, dilapidèrent les quelques économies potentielles, qualifiées de "cagnotte". Le chantier inepte des 35 heures, promu par le tandem Aubry/Stauss-Kahn, acheva de ruiner les espérances, et l’endettement repartit de plus belle.
Au passage, le pacte de stabilité européen vola en éclat, faute d'être réellement appliqué, ouvrant la voie au surendettement, comme le déplora Dominique de Villepin. Devenu Premier Ministre, ce dernier bénéficia lui aussi d’une phase de croissance de l’économie mondiale. Mais si la dette française se tassa légèrement, les dépenses ne diminuèrent pas vraiment…
En 2007 on crut enfin à un nouveau cap, avec l’élection de Nicolas Sarkozy. La volonté affichée était de baisser les impôts et les charges pesant sur les entreprises, tout en réduisant les dépenses d’Etat. le Président claironna que cette politique audacieuse permettrait de ramener la dette en dessous de 60% du PIB, et François Fillon, premier ministre, promit l’équilibre budgétaire pour 2012.
Hélas, la crise dite des subprime changea la donne et bizarrement, ce qui était vrai hier devint faux. Nicolas Sarkozy subitement métamorphosé en Besancenot, se livra à de violentes charges contre le capitalisme. Il renia en bloc toutes ses prétendues convictions et se rallia piteusement aux lubies keynésiennes de la relance étatique.
En guise de réponse à la crise, il décida d'accélérer massivement les décisions d'investissement qui dormaient dans les cartons. Les dépenses flambèrent, la fiscalité itou. Oublié le paquet fiscal et notamment la mesure emblématique de bouclier fiscal…
La vraie raison de ce chambardement fut donnée sans doute par Eric Woerth: "il ne fallait surtout pas affoler les prêteurs et rassurer les Français pour qu'ils ne descendent pas dans la rue." Résultat, en 2009, le déficit est de 8% et la dette flambe mais la croissance de revient pas...
En haut lieu, personne ne nie qu'on soit "en situation désastreuse mais ce n'est pas une bonne idée de le dire..." Dans le même temps, les Agences de Notation dont personne n'avait jamais entendu parler, se font oiseaux de mauvais augure, multipliant les mauvaises appréciations, mais elles seront bien vite oubliées. 
T
andis que la crise se répand en Europe, notamment à Athènes, les réunions de crise se succèdent. Les nouvelles dépenses également. L'argent public renfloue le budget grec au bord de la banqueroute (13% de déficit, dette à 120% du PIB). Deux cent milliards d’euros sont ainsi collectés en deux ans, en vain…
Portugal, Espagne, Irlande ne valent guère mieux. C’est toute l’Europe qui vacille sur ses fondations trop fragiles aux yeux de certains. Ainsi Alain Juppé révèle qu’on a “sous estimé la différence de compétitivité entre Etats et que la convergence ne s'est pas produite.” Il ne dit pas pour autant combien de temps il sera possible de continuer avant l’effondrement...

En 2012 François Hollande arrive au pouvoir, goguenard, avec son slogan “le changement c’est maintenant”, et ses nouvelles promesses. Jouant les redresseurs de tort, il déplore les 600 milliards de dépenses de Sarkozy et promet l’équilibre en 2017, objectif qu’il qualifie même “d’obligation”. Cela ne l’empêche pas, sitôt élu, de se rendre comme son prédécesseur à Bruxelles pour négocier penaud, un nouvel assouplissement des contraintes budgétaires (le fameux 3% de déficit jamais tenu).
On connaît la suite...Nouvelles dépenses, report des économies, déficit, endettement, chômage, le roue tourne toujours dans le même sens.
Et le retour à l’équilibre est désormais vaguement envisagé à l’horizon 2020.... Autrement dit aux calendes grecques….