09 janvier 2007

George W. Bush est-il aussi mauvais qu'on le dit ?


On connaît l'appréciation péjorative et sans nuance portée par nombre de Français sur le président américain. Tellement péjorative qu'elle autorise le Parti Socialiste dans sa torve dialectique, à faire aujourd'hui de Bush un épouvantail anti-Sarkozy ! Degré zéro de la politique...
Mais, s'agissant de ceux qui sont de bonne foi, leurs critères de jugement sont-ils suffisamment objectifs et connaissent-ils vraiment la réalité américaine ?
Quelques chiffres glanés ici ou là dans la presse m'incitent à penser que non. Comme en général le jugement porté en France sur le chef de l'Etat et sur les politiciens n'est guère meilleur, il ne paraît pas inutile de préciser ici quelques faits difficilement contestables dans l'espoir de contribuer à faire évoluer un tant soit peu les mentalités.

Dans le Figaro : L'économie américaine a plutôt bien fini l'année 2006. Le nombre de créations nettes d'emploi en décembre est de 167.000 portant à 1,9 millions le total pour l'année 2006. Le taux de chômage est de 4,5%. Depuis août 2003 l'économie américaine a ainsi créé 7,2 millions d'emplois, ce qui dépasse le bilan de l'Europe et du Japon réunis !
En dépit d'une certaine récession du marché immobilier et des fluctuations du cours des matières énergétiques, le taux de croissance du PIB s'est maintenu au dessus de 3% à l'issue des quatre derniers trimestres (à peine 2% en France).
S'agissant du pouvoir d'achat (de la « vie chère » comme dirait madame Royal dans son volapük racoleur), le bilan et les perspectives pour 2007 paraissent plutôt flamboyants par rapport à ce qu'on voit chez nous : les salaires ont augmenté en moyenne de 4,6% en 2006, tandis que l'inflation est restée stable autour de 2%.
Sur le plan fiscal, le Trésor Public américain, en appliquant une stratégie inverse de la nôtre, engrange des recettes record :+ 14,6% en 2005 et + 11,8% en 2006 malgré les baisses spectaculaires d'impôts ordonnées par George W. Bush (les économistes français avaient bien ri à l'époque sur les effets selon eux désastreux d'une telle mesure).
Parallèlement et nonobstant les faramineuses dépenses de guerre en Irak et en Afghanistan, le déficit budgétaire fédéral est tombé à 2% et devrait se maintenir à ce niveau en 2007 d'après les experts.

Dans le même temps, on apprend par le Washington Post, guère suspect de connivence avec le président actuel, que ce dernier peut s'honorer d'avoir mis en place le plus ambitieux programme d'aide aux pays sous-développés jamais vu : depuis son entrée en fonction, George W. Bush a tout simplement triplé l'aide aux pays sous-développés, portant la contribution américaine de 1,4 à 4 milliards de dollars/an.
On peut rappeler qu'il l'a amplifiée par un vaste programme de lutte anti SIDA : 15 milliards $ sur 5 ans dans le « President's Emergency Plan for AIDS Relief » (PEPFAR) et anti-paludisme : 1,2 milliards $ en Juin 2005 dans le but de réduire de 50% la mortalité dans 15 pays africains.

On se souvient par comparaison qu'en août 2006 le journal Le Monde a publié les résultats d'une étude réalisée par le Pr Stiglitz (plutôt hostile comme chacun sait à l'administration Bush) pour le Center for Global Development, un think tank américain, visant à classer les pays riches en fonction de l'aide accordée aux pays pauvres. La France était au 18è rang sur 21 ! En outre on pouvait y lire qu'elle accorde son aide à des pays "peu démocratiques et pas si pauvres", et fait partie de ceux qui vendent le plus d'armes aux dictatures..

On pourrait enfin, à condition de faire preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle, porter également au crédit de l'administration américaine actuelle ses efforts colossaux pour tenter de libérer l'Irak et l'Afghanistan des odieuses tyrannies auxquelles leurs peuples étaient asservis.
Certes la réussite est encore loin d'être acquise, mais ne dit-on pas à la manière d'un proverbe, "qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer"...

De toute manière, il est à craindre hélas dans notre beau pays si crédule, que la mauvaise foi et l'ignorance, cultivées avec opiniâtreté jusqu'au sommet de l'Etat, continuent encore longtemps de nier ces évidences criantes.

Je n'en voeux plus...


De cérémonie de voeux, en cérémonie de voeux, quatre mois avant la fin de son mandat Jacques Chirac ratiocine. Il est content de lui et se délivre des satisfecit de pacotille. Il pourrait pourtant se vanter avant tout de n'avoir rien fait si ce n'est un festival de ratages éblouissants (sauf peut-être son musée du Quai Branly).
Devant la fameuse "fracture sociale" il est resté aussi oisif qu'une andouille attendant d'être fumée. Et il voudrait nous faire croire qu'il a trouvé au moment de son départ, la panacée avec son gadget du « droit au logement opposable »...
En matière économique, il n'est parvenu qu'à faire croître et embellir la pauvreté, le chômage, la dette, les déficits, et la bureaucratie. Maintenant il voudrait refaire avec les charges pesant sur les entreprises, le coup du « trop d'impôt tue l'impôt » !
L'Europe, il a réussi à en démolir jusqu'à l'idée, en prenant de haut tous les pays un peu plus dynamiques et déterminés que « sa » France, ou bien en méprisant ceux qui refusaient de s'aligner sur ses positions égocentriques. Le fiasco du référendum, c'est tout de même à lui qu'on le doit avant tout, à cause de ses atermoiements et de sa vision passéiste.
Quant à l'Irak, pas un instant il ne semble pouvoir imaginer que les choses auraient pu mieux tourner s'il ne s'était ingénié à dresser une partie du monde contre les USA. De toute manière la liberté des Irakiens, ce descendant des Munichois s'en moque manifestement comme de l'an quarante.
Au Proche-Orient il semble ne rêver que d'une chose : que la situation s'envenime pour affermir sa soi-disant stature internationale ! Au point de menacer Israël de tirer sur ses avions lorsqu'ils s'aventurent en mission de reconnaissance au dessus du Liban !
Triste pitrerie... Vivement qu'elle cesse !

02 janvier 2007

Paris est une fête

Au seuil de cette nouvelle année, il paraît légitime de manifester un peu de joie et de bonne humeur. Paris que je voyais si triste il y a quelques jours est aujourd'hui plein d'illuminations. La misère est tapie dans l'ombre certes, mais en levant les yeux, les lumières de la ville sont comme autant de promesses irradiant vers le ciel.


La France est mal en point, mais tout n'est pas perdu. De ses déboires, de ses préjugés, de ses dogmes on pourrait même rire. C'est ce que fait Henri Amouroux dans une récente tribune trouvée dans le Figaro, consacrée à "l'évènement" provoqué par l'évasion fiscale de Johnny Halliday.
Evoquant le nombre croissant de contribuables assujettis à l'ISF, Amouroux constate que tout ne va pas si mal dans notre pays de cocagne puisqu'il peut s'ennorgueillir d'une vertigineuse augmentation du nombre de "riches" en très peu de temps : + 31,7% entre 2003 et 2005 !
Dans ces conditions, pourquoi ne s'offrirait-il pas le luxe d'exporter quelques grandes fortunes pour les remplacer par des nuées de nouveaux pauvres ? Pourquoi se priver d'une aussi belle perspective, qu'on imagine dans l'esprit de ces derniers, comme une sorte de nouvelle version de l'embarquement pour Cythère ? Mieux que l'El Dorado !

Dans la rubrique "Rebonds" de Libération, Arnaud Montebourg qui pratique lui l'humour très involontaire, monte sur ses grands chevaux blancs de Don Quichotte (le personnage est très tendance ces derniers temps) du Fisc. Il ne comprend pas l'attitude ingrate du chanteur vis à vis de la France "qui l'a élevé et chéri". Il ne comprend pas qu'on puisse ainsi remettre en cause à titre personnel, "les choix redistributifs du législateur" !

Pis, il semble découvrir tout à coup que derrière ce coup de Jarnac isolé, c'est un véritable exode qui s'est organisé au nez et à la barbe du Trésor Public.
Il tombe de haut le pauvre ! Citant les légions d'entreprises qui ont établi leur siège social en Suisse, il s'étrangle car dans son imaginaire de sans-culotte dandy mais un tantinet suranné, ça lui rappelle les "cortèges d'émigrés, qui pour défendre les privilèges d'une noblesse dépourvue d'esprit national, ralliaient à Coblence les armées des monarques de l'Europe en lutte contre le sens républicain de l'Histoire."
Puisqu'il est lui certain d'être sur la bonne voie, il n'envisage évidemment aucune remise en question. Au contraire, il s'insurge contre les pays "qui prétendent nous donner des leçons de modérantisme fiscal" et lance un appel solennel et véhément à la Communauté Européenne pour refuser "les abus" de "ces voisins indélicats".
Il va jusqu'à proposer un "blocus" pour "les faire plier l'échine devant les exigences fiscales" de la "République Française".
Lorsqu'on réalise que Mr Montebourg - sans particule - revendique le titre de conseiller et d'inspirateur de Mme Royal - sans couronne -, on sent d'instinct que l'avenir est entre de bonnes mains...

D'autant plus que pendant ce temps, les immeubles vacants de Paris sont "réquisitionnés" en toute impunité par les soi-disant défenseurs des sans-abri et rebaptisés avec un irrésistible sens de la dérision, "Ministère de la Crise du Logement".
Il faut préciser que le ministre de l'intérieur, candidat à la "Grande Election", et l'actuel tenant du titre, rivalisent de leur côté en propositions bien ronflantes et démagogiques "sur le droit au logement opposable". C'est tellement simple ! Comment diable se fait-il qu'ils n'y aient pas songé avant ?
Allons-y gaiement donc. Puisque nos dirigeants ont manifestement trouvé la Corne d'Abondance, il n'y a pas de doute, la vie va être belle et l'année a toutes les chances d'être - comme d'habitude - fort-minable !

27 décembre 2006

L'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre*


L'année 2006 se termine sur cette triste image (Le Figaro) : Paris envahi par les tentes servant de refuge aux sans-abri dont la cohorte ne cesse de grossir.
En dépit de toutes les rutilantes politiques sociales mises en oeuvre depuis des décennies, de tous les beaux discours sur la fracture sociale, du rejet affirmé sans discontinuer du libéralisme par tous les dirigeants, la France semble s'enfoncer inexorablement dans la pauvreté.
Il y a de moins en moins de riches et malheureusement de plus en plus de pauvres.

Les impôts et charges n'ont jamais été aussi lourds sur le dos des contribuables et pourtant le PIB par habitant ne cesse de décroître. Ceux qui ont encore quelques moyens ont perdu la plupart de leurs illusions, écrasés qu'ils sont depuis tant d'années par la bureaucratie, les vaines paroles et la fatalité.

2007 peut encore devenir l'année d'un nouveau départ. Plût au ciel qu'enfin les Français prennent conscience qu'on ne fait pas le bonheur d'un peuple avec des principes et de l'idéologie. Plût au ciel qu'ils comprennent que l'Etat sera toujours moins efficace qu'eux mêmes pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne. Plût au ciel enfin, qu'ils acceptent le seul principe qui vaille, celui de Liberté. Liberté d'agir, liberté de raisonner, liberté d'aider, liberté d'entreprendre, et liberté de se débarrasser une fois pour toutes des bonimenteurs et des vendeurs de promesses !

* : Maurice Blanchot (1907-2003)

26 décembre 2006

S'il vous plait, dessine-moi un pôle...



Les hôpitaux sont sous le coup d'une singulière réforme. On l'appelle la "Nouvelle Gouvernance". Elle restructure pour la nième fois l'organisation interne des établissements en les contraignant cette fois-ci à regrouper les traditionnels services en "pôles". Au surplus, elle crée quantité de commissions, conseils et autres instances "stratégiques" ou "exécutives" et assujettit l'esemble à une gestion financière "à l'activité" dite T2A ("Tarification à l'activité").
Si l'intention est sûrement excellente, tout cela semble hélas bien bancal et surtout d'une incroyable complexité, car comme de bien entendu toutes les strates de ce qui faisait l'organisation ancienne restent en place !
Voici la vision que pourrait en avoir un Petit Prince, candide mais à l'esprit pratique, s'il arrivait impromptu dans cet univers :


"Si le Petit Prince débarquait sur la planète hospitalière il aurait sûrement une foule de questions à poser. Probablement, une des premières toucherait au chambardement qui remue actuellement ce vibrionnant microcosme : la nouvelle organisation en pôles d'activité ou Grande Pôlinisation comme l'appelle un de mes amis.

Mais s'il fallait dire à ce gentil candide de l'astéroïde B612, en quelques mots ce qu'est ou sera un pôle, on éprouverait à l'image des innombrables formateurs, informateurs, conseilleurs, manageurs, pourtant bien intentionnés et volontaires quelques difficultés.
Alors on commencerait peut-être par évoquer ce que ça n'est pas. Ça serait toujours autant de temps de gagné... Sans compter qu'il ne faut pas faire naître trop d'illusions. Un petit extra-terrestre candide pourrait en effet imaginer des choses trop simples. Par exemple qu'il s'agisse d'une notion commode permettant de réunir quelques entités un peu égarées en quête d'unité. D'autant qu'il y en aurait parfois besoin dans certains endroits...

On pourrait imaginer par exemple rassembler des services aussi proches conceptuellement que le SAMU, les Urgences et la Réanimation, ou encore la Maternité, la Pédiatrie et la Néonatalogie, ou bien la Cardiologie et la Pneumologie etc... Mais il faut se rendre à l'avis des experts : ce serait une erreur tant la spécialisation tend à les éloigner les uns des autres, à la manière des galaxies propulsées par l'inexorable expansion de l'univers. Même les établissements qui avaient construit il y a quelques années des pavillons consacrés aux Urgences ou à la Femme et à l'Enfant se posent désormais des questions. Les équipes communes prennent leur autonomie, les listes de gardes s'individualisent, et plus généralement pour le personnel, le jeu des vases communicants inter-services se réduit de plus en plus.
Et puis nombre de médecins l'affirment, ces spécialités c'est certain, doivent désormais se concevoir davantage comme des filières « territoriales » spécifiques que comme des agrégats internes hétéroclites. Pour le SAMU c'est consubstantiel à sa nature. Pour les Urgences c'est devenu naturel de raisonner « en réseau » reliant les SAU (Services d'Accueil et d'Urgences) aux UPATOU (Unités de Proximité d'accueil, de Tri et d'Orientation des Urgences). Quant à la Réanimation, sa mission sectorielle est même inscrite dans le SROS (Schéma Régional d'Organisation Sanitaire) ! On pourrait décliner le raisonnement discipline par discipline et ça aurait même un nom : le Projet Médical de Territoire !
L'ennui, c'est que la Loi sur les pôles n'a tout bonnement pas prévu ce type de fonctionnement. Des pôles de territoires, cher Petit Prince ça n'existe pas !
Évidemment, vu le tourbillon concentrationnaire asphyxiant progressivement les petites structures, il est probable que dans quelques années l'emblématique réseau territorial se résume à un seul établissement. Dans ce cas tout redeviendrait envisageable, mais n'anticipons pas, c'est déjà assez compliqué comme ça !

Pour résumer la situation, un pôle ça n'est pas vraiment fait pour réunir de manière cohérente les services. De toute manière, s'il s'agissait de cela on l'aurait déjà fait puisque les outils gestionnaires adéquats existent depuis belle lurette : les fédérations ou mieux encore, les départements !
Un pôle, entend-on parfois, c'est une « entité de gestion ». Mais si on explique cela aussi crûment au Petit Prince, il chercherait aussitôt à savoir ce qu'est concrètement une entité de gestion et à quoi ça sert. Il faudrait alors lui expliquer que c'est quelque chose qui permet « de mettre en oeuvre la contractualisation interne » et « d'optimiser la tarification à l'activité ».
Il se croirait alors à coup sûr de retour sur la planète du businessman et voudrait sans doute obtenir des précisions sur la nature de ces fameux contrats et sur les millions de la T2A.

Allez donc éclairer sa lanterne ! Faudrait-il lui révéler que la contractualisation est inscrite dans le grand livre de la loi depuis 15 ans mais que personne ne l'a encore vue de près ? Qu'il s'agit maintenant de faire confiance aux pôles qui ne disent rien de plus précis sur le sujet ?
Quant à la T2A si on lui explique qu'elle sert à additionner les millions mais que plus il y en a, moins il ont de valeur, il trouverait le jeu un peu bizarre. Comme de compter les étoiles et de se figurer qu'on les possède après avoir inscrit leur nombre sur un papier soigneusement rangé sous clef...
Bref, on aurait du mal à le convaincre de l'efficacité des pôles en terme de gestion.

Alors il reste bien une hypothèse. Celle postulant que les pôles puissent servir à donner aux hôpitaux davantage de cohérence vu de l'extérieur. Que le méli-mélo des unités fonctionnelles, des services, des « centres de responsabilités » qu'on appelle « fichier de structure » se simplifie et procure aux béotiens une meilleure lisibilité.

Mais il ne faut pas rêver. Toutes les entités existantes subsistent et aucune méthode reproductible ne guide comme on l'a vu plus haut la conception des pôles. Encore plus que les moutons, il y a mille et une façons de dessiner ces machins. On pourrait par exemple concevoir - si l'on dispose évidemment d'un nombre suffisant de directeurs - un pôle par service, ce qui aurait l'avantage de superposer parfaitement les deux notions, donc de faire de substantielles économies en terme de restructurations. A l'inverse un seul pôle regroupant l'ensemble des unités est tout aussi plausible. En tant que DIM (Département d'Information Médicale) cette dernière option ferait bien mon affaire d'ailleurs. Je songe souvent à un monde dans lequel il ne serait plus nécessaire de débiter les RSS (Résumé Standardisé de Séjour) en tranches de RUM (Résumé d'Unité Médicale), de coder et d'analyser tout ça séparément, et de dépenser des kilos de salive pour tenter d'expliquer la différence subtile entre ces notions ou d'extrapoler de saugrenus et virtuels budgets de services. Pour le Bureau des Mouvements ça serait le bonheur aussi...

Entre ces extrêmes, gageons que les hôpitaux ne manqueront ni d'imagination ni de fantaisie pour inscrire leur schéma personnalisé. Ils resteront donc aussi complexes, aussi impénétrables, aussi incomparables qu'avant et les pôles seront sans doute de gros monstres de papier générant beaucoup de réunions, de conseils, de projets, d'objectifs, de chefs, de sous-chefs. Bref la routine quoi...

En somme le Petit Prince s'il nous rendait visite, repartirait un peu dubitatif, pensant que la réforme des pôles, « c'est amusant, c'est assez poétique, mais ce n'est pas très sérieux. »

Publié dans DH Magazine No109, Oct-Déc 2006

Land of plenty


A travers 2 personnages que tout semble opposer, Wim Wenders offre sa vision de l'Amérique blessée mais ambivalente d'après le « nine/eleven ».

Le film est dominé par les mésaventures burlesques d'un personnage totalement déjanté, Paul, ancien vétéran du Vietnam, auto-proclamé « gardien de la sécurité nationale ».

Dans une camionnette, bricolée par ses soins, bourrée de gadgets électroniques, il sillonne inlassablement les rues de Los Angeles, surveillant les activités de toute personne ou de tout groupe « suspect » de velléités terroristes. Même s'il voit des complots partout, il n'est toutefois pas méchant. Enfermé dans des certitudes grotesques, il ne comprend à l'évidence rien du monde qui l'entoure. Il suit des pistes qui ne mènent nulle part, mais il est persuadé d'oeuvrer pour le bien.

De son côté une jeune femme, Lana, dont on apprendra qu'elle lui est très proche, débarque précisément du Proche-Orient où elle effectuait un voyage humanitaire. A l'inverse de Paul, elle manifeste une très large ouverture d'esprit et possède de grandes qualités de coeur. Elle est connectée sur internet, donc en prise sur le monde, et consacre tout son temps au service d'une mission d'aide aux SDF.

Ce film est assez touchant. Bien que le cinéaste montre un parti-pris très anti-Bush, comme il se doit en tant qu'artiste « éclairé », il ne traite pas son sujet de manière trop vindicative ou caricaturale. L'approche intimiste d'évènements gigantesques reste hélas assez rudimentaire. Les personnages un peu trop « fabriqués » pour la démonstration, manquent de crédibilité et ne portent pas très loin le raisonnement du cinéaste. D'autant qu'il manque la touche poétique décalée à laquelle il nous avait habitués. Une mention pour la magnifique chanson de Leonard Cohen qui donne son titre au film et sur laquelle il s'achève en beauté.

19 décembre 2006

Le mystère de Nicolas de Staël



Certaines destinées sont hors du commun. Celle de Nicolas de Staël, tourmentée et lumineuse, est de celles-là.
Son œuvre exprime avec une magnifique prégnance les intenses passions intérieures dans lesquelles se consumèrent les dernières années de sa courte vie terrestre.
Jusqu'à l'âge de 35 ans pourtant, il mena une existence obscure, difficile, marquée par le déracinement, la misère, les drames familiaux. Sa peinture durant ces longues années s'en ressent. Elle est sombre, épaisse, peu colorée et peine à s'extraire de lourdes compositions abstraites. Rien d'exceptionnel ni de transcendant ne caractérise cette période ("La vie dure" dit l'une d'entre elles).



A partir de 1950 environ, sa palette s'éclaircit soudain. Comme s'il était mu par une intuition géniale, il se met à alléger la pâte qu'il entreprend d'étaler sur la toile de manière fluide et lyrique. La couleur éclate et les formes tout à coup sous ses pinceaux, prennent une signification directement tangible. Ce style nouveau, régénéré, qui s'échappe de la gangue abstruse et aléatoire dans laquelle il paraissait végéter, ne devient pas pour autant figuratif, au sens classique du terme. Il fait beaucoup mieux. Il prend son envol, avec une sorte de divine certitude, au dessus de l'infini qui s'offre subitement à l'artiste, et se met à cheminer hardiment sur la ligne ténue et mystérieuse entre le réel et le poétique. Il transmue la matière et donne du monde une interprétation idéale, à la fois intemporelle et aérienne.

Par le jeu de subtiles transitions de gris, vibrant autour de somptueux aplats colorés, s'opère une incroyable transfiguration. C'est un univers illuminé qui naît sous les doigts enflammés du peintre. La lumière envahit le champ du possible, inonde les compositions, fascine le regard, interroge l'intellect de manière éperdue.

Nicolas est comme électrisé par ce don terrifiant qui surgit de nulle part. En cinq ans à peine il jette sur la toile près d'un millier de tableaux magiques. Il travaille jour et nuit, comme s'il était possédé par les visions indicibles qui dévorent son esprit. La grâce, la plénitude, l'insondable peuplent son imaginaire.

Il vit une expérience hallucinante de totale immersion artistique. Son art est à la fois incroyablement fragile et parfaitement maîtrisé.

Comme il s'en réjouit lui-même : « L'espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement. À toutes profondeurs ».

Combien de fois ai-je ainsi médité devant ces sublimes toiles, dans le cadre enchanteur du Musée d'Antibes où elles résident à demeure ? Combien de fois ai-je cherché l'explication de l'étonnant envoûtement dont je fus saisi définitivement au sortir de l'adolescence, lorsque je vis pour la première fois en visitant le musée André Malraux du Havre ces merveilles d'équilibre, de lumière et de liberté. Combien de questions me suis-je posées pour tenter de comprendre le mystère qui émane de l'océan rouge et des lignes épurées du "Grand Concert", peint quelques jours à peine avant la mort brutale, tragique, énigmatique, du peintre ?

L'art de Nicolas de Staël est à nul autre comparable. Parmi les peintres du vingtième siècle, ni Picasso, ni Braque, ni même Matisse que j'aime beaucoup, ne parviennent à me communiquer une émotion aussi intense. Je ne trouve nulle part ailleurs cette alchimie incroyable qui me transporte aussi inlassablement. Seules peut-être, les variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach me font, au plan musical, une impression comparable. C'est une perpétuelle source de joie. Un hymne bouleversant à la Liberté de l’Être.

15 décembre 2006

Pour Jean-François Revel, et Direct 8...

Moment culturel très agréable ce soir autour de l'excellent François Busnel, sur Direct 8, la petite chaîne qui grimpe, de la TNT (Les livres de la 8).
En direct, le plateau réunissait quatre auteurs venus d'horizons très divers : André Asséo, qui témoignait de son affection pour Louis Nucéra auquel il vient de consacrer une biographie, André Comte-Sponville qui disserta sur l'esprit de l'athéisme, Jean-Pierre Luminet qui fit de même sur le destin de l'Univers et sur la nature des trous noirs et de la matière invisible (qui représenterait plus de 99% de la masse de l'univers !). Enfin, last but not least Pierre Boncenne, heureux lauréat du prix Renaudot, venu présenter son ouvrage « Pour Jean-François Revel ».
Ah Jean-François Revel ! Drôle de type tout de même. Il écrivit abondamment sur la philosophie mais les philosophes le dédaignent, il fut un remarquable journaliste mais n'est quasi jamais cité par ses pairs, il se disait de gauche mais fut opiniâtrement méprisé par le gratin autoproclamé de ce clan sectaire.
Boncenne nous apprend que son livre est le premier au monde sur le sujet ! Qu'il fut refusé par un premier éditeur au motif que Revel « était de droite ». On croit rêver... Faut-il en déduire que l'esprit critique ait définitivement déserté la France ?
Incontestablement l'homme fut un esprit libre. Pour autant, ses prises de positions peu orthodoxes étaient manifestement dictées par le souci de rationalité, bien plus que par celui de provoquer. Car c'était un être éminement raisonnable et pondéré, quoique d'une insatiable curiosité. Sans doute pas à la manière de Descartes qu'il avait défini comme un des derniers penseurs médiévaux, mais plutôt comme un sceptique optimiste dans le sillage des philosophes anglo-saxons. Un vrai libéral quoi.
Je reste pour ma part profondément imprégné par quelques uns de ses ouvrages que je juge particulièrement efficaces et décapants : « Descartes inutile et incertain », « Pourquoi des philosophes », « La connaissance inutile », « L'obsession anti-américaine ».
Le style est alerte, concis, précis et l'argumentation fait souvent mouche pour quiconque n'a pas trop de parti pris. Un régal intellectuel.
Certes, le personnage recèle également des aspects moins flatteurs. Une certaine suffisance, dont sa personne, joufflue, massive, était en quelque sorte le reflet. Au rang de ses ouvrages les moins réussis figure à mon avis son autobiographie « le voleur dans la maison vide ». On y trouve précisément cette tendance égocentrique, cette tranquille certitude d'avoir raison, cette préoccupation permanente de se montrer à chaque instant sous le meilleur jour.
Dans le même ordre d'idées, la volupté apparente avec laquelle il enfila le costume d'académicien au soir de sa vie, fut touchante tant elle révélait l'intense satisfaction dans laquelle se pâmait son ego.
Il me reste à l'esprit cette anecdote : au moment où je cherchais désespérément des conseils et un éditeur pour mon premier livre, j'écrivis à Jean-François Revel pour lui demander s'il accepterait de lire mon manuscrit. Je ne me faisais guère d'illusions mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je reçus en guise de réponse, quelques mois après ma sollicitation, un faire-part enluminé signé Bernard Pivot, me proposant de participer à l'achat de l'épée d'académicien du grand homme !
Cela ne m'empêchera toutefois pas de prendre connaissance de la plaidoirie de Boncenne, avec naturellement un oeil critique...

09 décembre 2006

Ségolades et Douste-blablas


La légèreté, l'inconstance, et la pusillanimité dont font preuve la plupart des politiciens français dans leurs analyses concernant le Proche-Orient a de quoi faire frémir.
Il y a quelque jours madame Ségolène Royal, qui aspire aux plus hautes fonctions de l'Etat, était en voyage dans cette partie plutôt agitée du globe.
Rencontrant les dignitaires du Hezbollah, dont elle ne peut ignorer la nature terroriste anti-occidentale, elle révéla qu'elle partageait une bonne partie de leurs opinions (« Il y a beaucoup de choses que je partage dans ce que vous avez dit, notamment votre analyse sur les États-Unis. » cité par Rioufol). Elle a condamné par la même occasion le survol du Liban par l'aviation israélienne.
Deux jours plus tard en Israël, dont elle sait qu'il est le principal allié des Américains dans la région, avec Olmert elle revendiquait le droit à la sécurité du peuple hébreu, et disait finalement comprendre le même survol du Liban. Plus fort, elle alla même jusqu'à refuser à l'Iran le droit de disposer d'installations nucléaires civiles !
Et, comme pour donner une dimension messianique à son périple elle se crut obligée en l'achevant, de se délester d'une lapalissade aussi pompeuse que superfétatoire : « Je forme le voeu (...) que se lève une paix durable et de nouvelles forces de vie. Le progrès du monde a besoin d'un Proche-Orient réconcilié avec lui-même" (Le Monde).

Parmi les réactions moqueuses ou critiques qui ponctuèrent ce joli coup d'épée dans l'eau médiatique, celle de monsieur Douste-Blazy, sémillant ministre des Affaires Étrangères, figure comme un morceau d'anthologie. Il s'insurgea en effet contre la prise de position de la candidate, au motif qu'elle traduit une méconnaissance profonde du sujet : "Remettre en cause le droit de l'Iran à obtenir l'énergie nucléaire civile, je dis bien civile, comme vient de le proposer Madame Royal c'est en réalité remettre en cause le Traité de non prolifération qui a été signé par la quasi-totalité de tous les pays du monde" (L'Express).
Or le même Douste-Blazy, comme je l'avais déjà relaté, affirmait pourtant début 2006 : «Aujourd'hui c'est très simple : aucun programme nucléaire civil ne peut expliquer le programme nucléaire iranien, donc, c'est un programme nucléaire militaire clandestin».
Mais Le cher Douste n'est guère moins volage que Ségolène. Quelques mois après il n'hésitait pas à reconnaître
au même Iran un « rôle de stabilisation dans la région »!
Pauvre France...

06 décembre 2006

La méthode assimil


On entend souvent (pas plus tard que le 4/12/06 sur France Inter dans le très partisan 7-9h30) comparer dans la même abjection deux dictateurs sud-américains : Augusto Pinochet et Fidel Castro.
Cet amalgame très réducteur est symptomatique de la pauvreté de la pensée politique en France et de sa nature manichéenne.
Peut-on mettre sur le même plan ces deux personnes que rien ne rapproche ? Je ne le pense pas pour ma part.
Castro, fils d'un riche planteur, a inscrit son nom dans la longue, très longue liste des tyrans inféodés au marxisme-léninisme, si dévastateur à travers le monde. Au pouvoir depuis 45 ans, à la faveur d'une révolution sanglante fabriquée par ses soins, il a installé un absolutisme basé sur la terreur, qui n'a molli à aucun moment et peut compter ses victimes par centaines de milliers, soit qu'elles furent emprisonnées, soit purement et simplement assassinées. Il a placé son pays dans une situation conflictuelle absurde avec les USA qui l'avaient pourtant libéré de la tutelle espagnole en 1898, et l'a plongé dans l'arriération intellectuelle et la pauvreté.
Les gens qui défendent encore ce bastion odieux de l'intolérance prétendent que l'éducation et la santé y sont gratuites. C'est naturellement faux car comme pour toute chose ici bas, elles sont forcément payées par quelqu'un. Au surplus, la première relève plus de l'endoctrinement que de l'enseignement, quand à la seconde elle reste d'un piètre niveau en dépit des éloges complaisants de l'OMS.
Pinochet, originaire à l'inverse, d'une famille modeste est parvenu au pouvoir à l'occasion d'une guerre civile dont il fut un des acteurs principaux, mais sans a priori idéologique autre que celui d'empêcher précisément l'installation du communisme (qui récolta sous le nom d'Allende, 36% des voix, à l'occasion d'une catastrophique élection triangulaire). Cet épisode fut émaillé sans nul doute de drames humains nombreux et coûta la vie a environ 3000 personnes. Pinochet installa un régime autoritaire, mais sans commune mesure toutefois avec celui de Cuba et surtout, il organisa la transition démocratique de son vivant. Aujourd'hui, le Chili est le pays le plus stable politiquement d'Amérique du Sud et le plus riche de très loin en PIB/habitant.
Ces faits sont incontestables et rendent incompréhensibles les flagorneries irresponsables dont bénéficia si longtemps Castro de la part de nombre de dirigeants et de « faiseurs d'opinion » notamment français. Aussi incroyable que cela paraisse, jusque aux plus hautes sphères de l'Etat, Castro, surtout du temps qu'il était flanqué de son archange pervers Ernesto "Che" Guevara, était en dépit d'évidences criantes, gratifié d'une aura de révolutionnaire épris de justice et de progrès !
Dans le même temps ces censeurs obtus, drapés dans les oripeaux d'une vertu à sens unique, accusaient de tous les maux, le président chilien, assimilé à une sorte de Néron fasciste. La communauté des bien-pensants alla même jusqu'à tenter de le traduire en justice à l'occasion d'un traquenard diplomatique grotesque, occultant ainsi le droit d'un peuple libre de juger son dirigeant en toute connaissance de cause.
Les temps changent mais les assimilations demeurent toujours aussi grossières et partisanes.
Aujourd'hui, ces mêmes idiots, aussi éclairés par leur dogmatisme arrogant que des taupes par le plein jour, se réjouissent ostensiblement du basculement "à gauche" de l'Amérique du Sud, englobant dans le même émerveillement anti-libéral et anti-américain (car au fond c'est ça et seulement ça qui les meut) Lula, Bachelet d'une part et Morales, Chavez de l'autre ! Eternel recommencement...

01 décembre 2006

Etonnante Amérique des cloîtres



Lues dans « Escales d’un européen », ouvrage d’André Fraigneau, récemment réédité, ces opinions sur les Américains : "Ils sont propres, discrets, respectueux des autres et ceux qui s’intéressent à la culture sont fort informés, délicats et attentifs. Ce à quoi ils ressemblent le plus, c’est aux Allemands et aux Hollandais. Pas du tout aux Anglais indifférents ou aux Français suffisants et dépourvus de curiosité. " Ou encore : "l’Amérique, non seulement nous ressemble, mais nous rassemble, Européens éminents. "
Evoquant le musée des Cloîtres sur la longue colline qui domine l’Hudson, où plusieurs trésors de l’architecture gothique ont été reconstruits pierre par pierre à partir de ruines laissées à l'abandon en France : " Chacun de ces oratoires ouverts aux profanes qui veulent y méditer à leur manière et à leur guise, aux jeunes Américains trop pauvres ou trop jeunes pour visiter la vieille Europe mais qui veulent en rêver et écouter sa leçon, est composé de quelques fragments, non pas volés, arrachés par force, mais cédés par un gouvernement dont la volonté était de détruire ces édifices religieux d’en disperser les restes, de les laisser briser, servir de matériau aux citoyens enfin laïcisés. Mais le grain de porphyre, de granit ou de marbre n’a pas été réduit en poudre, ils n’est pas mort, il a poussé ici en bonne terre, respectueusement préparée et il continue son office. "
" Rockefeller a acquis cet espace immense pour y interdire toute construction industrielle, pour assurer le fief du musée, ou plutôt du monastère aux quatre cloîtres, aux deux chapelles dont la Beauté est la règle. "
"L’Amérique a le raffinement des races fortes, celui des Florentins de Laurent de Medicis ou des Versaillais de Louis XIV. "
Je me souviens avoir découvert pour la première fois cette étonnante aventure des "Cloisters" dans un livre de Georges Blond, "J'ai vu vivre l'Amérique". Et son cri du coeur, après avoir admiré les abbayes de Saint-Michel-de-Cuxa, Saint-Guilhem-le-Désert, Bonnefont-en-Comminges et Trie reconstituées amoureusement à quelques kilomètres des gratte-ciel de New York : " Eclate, génie de l’Europe ! "
Et je me prends à fulminer intérieurement : " Bon sang pourquoi tant d'incompréhension de la part du vieux monde vis à vis d'un rejeton aussi éclairé et respectueux ? " Jalousie recuite des vieilles peaux ratatinées pour les plus jeunes peut-être...

30 novembre 2006

Comment défendre notre alma mater ?

Superbe émission ce soir sur TF1. Eh oui, il y en a encore quelques unes sur cette chaine !
L'équipe d'Ushuaïa Nature a emmené les téléspectateurs vers l'archipel de Juan Fernandez au large du Chili, à quelques 600 Km de Valparaiso. On a pu découvrir grâce à des images stupéfiantes de beauté et de réalisme, le petit paradis botanique qu'est l'île de Robinson.
C'est assurément en faisant ce genre de démonstration que Nicolas Hulot est le plus convaincant, lorsqu'il évoque l'avenir de la planète et l'importance qu'il y a d'en sauvegarder le patrimoine écologique.
Quand il se mêle de politique hélas c'est beaucoup moins percutant. Il minaude d'un parti à l'autre et se croit obligé de prendre un ton doctoral, voire dogmatique pour enfoncer les portes ouvertes de l'évidence.
Qu'on en juge sur les 5 propositions « de son pacte écologique » :
Installer un vice premier ministre chargé du développement durable ! Pourquoi pas un vice-président, une enième commission interministérielle, une Agence, un Haut Comité...
Instaurer une taxe carbone : la belle idée dans un pays déjà criblé d'impôts de toute nature, dont une monstrueuse taxe sur les produits pétroliers !
Offrir un marché à l'agriculture de qualité : sans blague, en dépit de la vogue des produits « bio », les citoyens seraient donc abrutis au point d'acheter des produits frelatés ?
Soumettre les orientations du développement durable au débat public : n'est-ce pas précisément l'objectif de toute système démocratique.
Mettre en place une grande politique d’éducation et de sensibilisation : on ne nous bassinerait donc pas encore assez avec les prétendues conséquences du réchauffement climatique et de la pollution ?
Non décidément, je préfère cent fois à ce verbiage nébuleux, les ensorcelantes images ramenées de ses voyages au coeur de l'alma mater...

28 novembre 2006

Une épopée fantastique


ARTE a offert le 27/11 aux téléspectateurs, une belle rétrospective de l'histoire américaine, vue à travers le prisme du cinéma.
Signé Jean-Michel Meurice, ce documentaire montre clairement l'importance du 7è art dans l'imaginaire de cette nation.
Bien sûr il fait la part belle à David W.Griffith qui mit en scène avec beaucoup d'excès et d'emphase, mais aussi avec un réalisme étonnant les grands moments de cette fabuleuse aventure. Mais il passe également en revue, non sans une certaine tendresse, les oeuvres d'un grand nombre de cinéastes, américains de souche ou bien issus de l'immigration : Kazan, John Ford, Chaplin, Fuller, Mann, Capra...

Force est de constater qu'aux Etats-Unis, le cinéma est comme un exutoire au déferlement des passions, des drames, et des grands moments qui forgent la mémoire d'un peuple. Il n'y a guère de tabou. Tous les évènements sont évoqués sans concession.
Grâce à celà l'Amérique semble mieux digérer son histoire que l'Europe. Il n'y a pas de passif qu'il faut trainer comme un boulet. En dépit de ses erreurs, de ses fautes, le pays peut se regarder en face sans avoir peur de rougir, sans ressentir le besoin de s'excuser à tout moment. Et il peut afficher sa fierté d'avoir contribué à faire naître en quelque sorte le monde moderne en lui donnant comme fondations un idéal robuste autant qu'éclairé.
Belle démonstration, commentée sobrement et avec bon sens par deux écrivains, Jim Harrison et Russel Banks. Pas d'a priori, pas de clichés idéologiques.
Une soirée simple et roborative.

27 novembre 2006

La véritable horreur économique


Le 20 novembre, le Figaro titrait à propos des entreprises: "Tous les records de fusions et acquisitions seront battus en 2006". Gaz de France-Suez, Arcelor-Mittal, Alcatel-Lucent... Il y a plusieurs mois déjà que l'on sait que la France est gagnée par la fièvre des fusions.
Pour le quotidien, cette année sera encore plus "active" que 2000, marquée par le Krach de la bulle internet.
Souvent encouragées par l'Etat, elles ne se cantonnent pas au domaine privé. Le mouvement de concentration est général. Ainsi la plupart des administrations ou institutions publiques suivent la même tendance : les hôpitaux notamment, qui sont en train de se dévorer les uns les autres, en constituent une tragique illustration.

Autre caractéristique : les opérations sont d'une complexité et d'une durée croissantes. C'est ainsi qu'en France, Suez et Gaz de France ne boucleront sans doute pas avant 2007 leur fusion annoncée en février de cette année. Pis, en Espagne : les hostilités pour le contrôle du géant Endesa commencent juste en Bourse alors qu'elles se sont ouvertes il y a plus d'un an !
Tout ça est bien inquiétant.
Car en définitive il n'y a rien de plus abominable dans une économie saine et dynamique que les fusions d'entreprises. Cela peut faire illusion de manière fugace en donnant du poids et du chiffre aux géants nouvellement créés. A terme cependant, ça asphyxie l'émulation, ça tue l'initiative, ça créé des situations quasi monopolistiques, ça déshumanise et ça boursoufle la technostructure...



19 novembre 2006

La tyrannie de la pénitence


Ouvrage salutaire que l'essai de Pascal Bruckner sur « le masochisme occidental ».
S'inscrivant comme suite logique à son désormais célèbre « sanglot de l'homme blanc », il frappe juste en montrant les effets pervers de la culpabilité obsessionnelle vis à vis des fautes du passé, devenue la marque de l'Europe et tout particulièrement de la France.
Certes notre continent a beaucoup à se faire pardonner, mais il est d'autant plus étonnant de le voir verser dans une repentance aussi morbide, qu'il semble avoir réussi à vaincre ses principaux démons : communisme, fascisme, impérialisme colonisateur...
Bruckner flétrit la tendance actuelle à vouloir systématiquement prendre le parti des vaincus, des rebelles et des auto-prétendus opprimés, jusqu'à se dresser contre ses propres alliés et à ériger des brutes en héros. Il évoque à ce propos, la longue liste des tyrans et des illuminés successivement encensés par une intelligentsia irresponsable et donne en dernier lieu l'exemple de la figure « christique » du Palestinien.
Elle ressuscite en effet la notion de « bon sauvage » et cristallise en elle toute la culture de l'excuse, qui aboutit à transformer d'anciennes victimes en bourreaux. Par un incroyable tour de passe passe idéologique, les Juifs deviennent ainsi des oppresseurs au seul motif que leur existence contrarie les desseins de la nation arabe. Tout comme le fait de vouloir résister au communisme équivalait il y a peu de temps encore pour certains, à prôner le fascisme.
Loin de les inciter à progresser, ce dérèglement des sens conduit à infantiliser et déresponsabiliser nombre d'excités du tiers monde en excusant leur comportement actuel par leurs peines passées. On en vient d'ailleurs à se demander s'il s'agit de stupidité ou de lâcheté : « on s'agenouille devant les fous de dieu, on accepte leur révolte, et on bâillonne ou on ignore les libres penseurs. »
Bruckner montre qu'avec une mauvaise conscience aussi dogmatique, et en recherchant trop opiniâtrement les fautes anciennes, on laisse entendre que tout individu est une victime potentielle. « Chacun de nous acquiert en naissant un portefeuille de griefs qu'il devra faire fructifier. » De cette manière, on ne referme pas les plaies, on en crée de nouvelles : « j'étais malheureux, je ne le savais pas ».
Appliquée aux affaires intérieures du pays cette logique amène une étrange manière de penser : l'anticolonialisme sert de marxisme de substitution à toute une gauche en perte de compréhension du monde, l'anti-libéralisme et l'alter-mondialisme remplacent les illusions socialistes perdues.
On voit l'empreinte maléfique de la « Loi du marché » partout et même dans les aléas climatiques, et on finit « par lire les Minguettes ou la Courneuve avec les lunettes des Aurès ou des hauts plateaux du Tonkin »...
L'auteur constate parallèlement que « le romantisme de la souffrance » se conjugue dans un monde voué au culte de l'hédonisme, avec une « allergie à la douleur », l'idéal étant « d'acquérir le titre de paria sans avoir jamais rien enduré. »
Les nouveaux résistants sont en effet bien souvent « des héros de combats terminés. » Ils sont d'autant plus virulents que le risque lié à leurs prises de position est faible. Ils cultivent un devoir de mémoire intransigeant sur les drames du passé mais se révèlent d'une incurable myopie ou bien complaisants sur les maux actuels : Cambodge, Rwanda, Bosnie, Darfour, Tchétchénie, Corée, Irak, Iran...
Les responsables politiques, conscients des réalités mais pétrifiés par la crainte d'apparaître « réactionnaires », donnent des gages contradictoires. Ils affirment « comprendre » la jeunesse délinquante mais organisent avec force publicité contre elle des raids policiers tapageurs peu efficaces. Ils renvoient quelques sans-papier vers leur pays d'origine tout en régularisant la situation d'autres plus médiatisés. Ils cultivent l'ambiguïté en mélangeant « discrimination positive » et « immigration choisie ». Ils annoncent à grands frais quelques mesures sociales démagogiques tout en se livrant à une privatisation pusillanime des monopoles d'état, ils disent vouloir alléger, et "moderniser" la pression fiscale mais pérennisent un impôt aussi idéologique, absurde et stérilisant que l'ISF...
Résultat, par son attitude à la fois répressive et laxiste, libérale et néo-collectiviste « la République se met en position de perdre sur tous les fronts. »
Il y a dans cet ouvrage un constat pertinent des maux qui rongent notre société.
Au titre des critiques, on peut toutefois regretter une organisation générale un peu confuse. Cette impression est renforcée par l'excès de notes de bas de page et le surgissement de curieux encadrés en fin de chapitre, dont on ne comprend pas bien la signification vu qu'ils sont souvent sans lien évident avec ce qui précède.
La thèse n'est d'autre part, pas exempte de contradictions.
L'auteur reproche par exemple à la France « la détestation qu'elle se porte à elle-même », une « jubilation morose à se déprécier », et l'instant d'après il l'accuse au contraire de « s'identifier avec l'universel », de « se gargariser de sa grandeur ».
Un peu plus loin, s'attaquant vertement à l'anti-américanisme, il ne peut pourtant pas s'empêcher de sortir le traditionnel couplet anti-Bush accusant notamment l'administration actuelle de « rompre de façon inquiétante avec l'alliance d'empirisme de bon sens et d'enthousiasme qui a toujours caractérisé l'Amérique. » Plus fort, il qualifie même l'entourage du président « d'anciens bolcheviks passés à droite», et de « lobby néo-impérialiste » ! Quant à George W. Bush, il le dépeint comme « le messager antipathique de la liberté » !
C'est dommage, car venant à la fin de l'ouvrage ça en atténue un peu la portée.
Il faut en effet décider si le fait de porter haut l'étendard de la démocratie et de ses convictions constitue une qualité ou un défaut.
On peut lire par exemple que la démocratie résulte d'une « lente maturation », ce qui suggère qu'elle ne peut être imposée par la force, et qu'en terre musulmane elle ne s'établira « qu'à partir de l'islam et non dans sa négation », contrairement semble-t-il à ce que feraient actuellement les Américains.
Or, à l'inverse de ces affirmations, on a vu la démocratie s'installer de manière brutale et sanglante, et pourtant durablement au Japon et en Allemagne. Jamais enfin, en dépit d'une indéniable naïveté et de maladresses, l'administration Bush dans son grand dessein de faire progresser la liberté, n'a remis en cause l'islam lui-même, surtout pas en Irak.
Ces réserves mises à part, on ne peut que tomber d'accord avec l'exhortation avec laquelle Bruckner conclut son exposé : « Que l'Europe chérisse la Liberté comme le bien le plus précieux, et l'enseigne dès l'école aux enfants. »