29 août 2012

Une politique de Gribouille

La récente initiative gouvernementale visant à diminuer à la pompe le prix des carburants, révèle une fois de plus l'incroyable naïveté des Socialistes et apparentés vis à vis des rouages élémentaires de l'économie.
Entre autres lubies, leur soumission intellectuelle à l'idéologie leur fait refuser obstinément d'admettre la loi qui régit en matière d'échanges commerciaux, l'offre et la demande.
Celle-ci conditionne pourtant comme une évidence, les prix des denrées : plus le rapport offre/demande croit, plus les prix baissent et réciproquement.

La perversion du raisonnement en la circonstance, n'est pas tant de vouloir contrecarrer les effets d'une loi naturelle, que d'en nier tout simplement les effets.
Il faut rappeler que la volonté affichée de François Hollande, lorsqu'il n'était que candidat à l'élection présidentielle, était de bloquer purement et simplement les prix des carburants !
Autant décréter le calendrier des jours de pluie, tant qu'on imagine avoir de l'influence sur la cause d'un phénomène, en agissant sur ses conséquences...

Le prix du pétrole augmente à mesure que la demande mondiale s'intensifie, et personne n'y peut rien puisque la ressource est comme chacun sait, comptée.
En période de pénurie relative, s'il était possible d'imposer la stabilité des prix, on ne parviendrait qu'à accélérer le mécanisme conduisant à la carence de la ressource, en supprimant l'auto-régulation naturelle.
La suggestion que vient de faire M. Moscovici, consistant à augmenter la production, donc l'offre, est tout aussi fallacieuse puisqu'elle ne peut qu'aboutir au même résultat : épuiser plus vite la ressource.

La valeur d'un bien, c'est à dire de quelque chose pour lequel on éprouve un besoin, ne vient que de la conjonction de sa rareté ressentie et du travail nécessaire à sa production. Ainsi la lumière du soleil, si précieuse en soi, n'a aucune valeur marchande dans la mesure ou chacun peut en bénéficier sans effort et sans limite. Il en est de même de l'air qu'on respire, indispensable à la vie.
Frédéric Bastiat (1801-1850) s'amusait en son temps de la concurrence qu'imposait l'astre solaire aux fabricants de lampes, bougies et autres luminaires, et proposait par une pétition hilarante, de décréter durant le jour, la fermeture obligatoire de toutes les portes, fenêtres et ouvertures afin de relancer le commerce...
A l'inverse, on attache à l'or, dont l'utilité pratique au quotidien est quasi nulle, un prix considérable car le désir d'en posséder est fort, alors que le métal à l'éclat si envoûtant est rare et demande des efforts pour être extrait de la roche dans laquelle il sommeille...

Lorsqu'il faut prendre des décisions, la réalité s'impose tôt ou tard à soi et conduit souvent à des révisions déchirantes. La promesse du candidat devenu chef de l'Etat, évidemment s'est évanouie, au grand dam des dadais qui la prenaient pour argent comptant. Il ne reste plus qu'une misérable pondération des taxes de 3 petits centimes cherchant à faire croire qu'on agit malgré tout (plus une contribution équivalente imposée aux distributeurs).
Outre son efficacité homéopathique, le ridicule de cette mesure réside avant tout dans le fait qu'elle n'affiche aucun objectif pragmatique. Elle aurait pu s'inscrire, à condition d'être un peu plus volontariste, dans un programme visant à favoriser l'industrie automobile, ou bien dans celui tendant à redonner du pouvoir d'achat au peuple ou de la croissance au PIB. Mais que nenni, connaissant la propension de ce gouvernement à augmenter par ailleurs les impôts, taxes et prélèvements.
Comment fera-t-il donc si la flambée des prix se poursuit ? Va-t-il poursuivre la baisse des taxes sur les produits pétroliers, au risque d’accroître le déficit, donc de devoir lever de nouveaux impôts compensatoires ? Le résultat risque de ressembler à la tête à Toto...

25 août 2012

La France en pente douce

Les chaleurs léthargiques du mois d'août ont accentué cette impression de mol affalement du pays.
Rien, à peu près rien de significatif n'émerge dans la tiède pétaudière socialiste qui recouvre désormais l'ensemble du pays de sa gangue visqueuse et accapare en les asphyxiant, tous les pouvoirs. Alors que la crise fait rage et que le monde est dans les turbulences, c'est le calme plat en France. Le changement patine dans la semoule. Les mornes Universités du Parti Socialiste pataugent dans l'ennui et l'auto-congratulation : « On est dans les préliminaires. La période est comme suspendue… » constate Marie-Noelle Lienemann. « il y a des temps morts en politique », ajoute le député de l'Essonne Malek Boutih.
Pas un petit bout d'idée, pas le début d'une inspiration. Même le camarade Mélenchon, qui s'était docilement et « sans condition » aplati devant son faux frère socialiste, la trouve saumâtre : «cent jours pour presque rien » glapit-il dans les oreilles de qui veut l'entendre!
Jamais le discours du nouveau président ne fut plus creux et évasif. Parti en vacances dans un grand tintamarre médiatique, après à peine trois mois de taf, le voici qui revient benoîtement avec son éternel sourire satisfait et sa rhétorique crémeuse : « La rentrée, c'est maintenant... ».
A la nuée de journalistes complaisants qui lui demandent s'il peut préciser, il anone gentiment : «le changement se poursuit à son rythme», «Il y a du travail qui nous attend, les Français veulent que les problèmes soient réglés».
On est bien avancés !
Cette vigueur de mollusque est assez effrayante, eu égard à la gravité de la situation et aux défis que doit relever le pays. Pour l'heure, on en reste à l'alourdissement tous azimuts promis de la fiscalité, à une palanquée de vœux pieux, et à de torves tartarinades supposées s'opposer bravement, en tous lieux et en toutes circonstances, à tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin, la méthode Sarkozy. En bref, de jolis coups d'épée dans l'eau dont le ridicule commence peut-être à se faire sentir ici ou là...
Le fait est que la cote du nouveau président de la république, très fragile et artificiellement montée en neige au départ, s'effrite déjà. Les naïfs qui imaginaient qu'il suffirait d'attaquer les riches au portefeuille et de faire des incantations pour que les choses aillent mieux commencent à avoir des doutes. M'est avis qu'ils n'ont pas fini de déchanter. Les recettes de gauche sont inapplicables ou, chacun le subodore, calamiteuses, et le pragmatisme libéral est honni. Que faire ?
Cet atermoiement général est bien illustré par le ministre « du redressement productif ». Il n'avait, comme on s'en souvient, pas de mots assez durs pour fustiger la mondialisation, le traité européen, les licenciements boursiers et tout le toutim dont se nourrit la dialectique altermondialiste... Lui, le chevalier blanc à la rose, le grand pourfendeur du capitalisme, est en train de tourner casaque, en se faisant le chantre de la croissance et en flattant les entrepreneurs, qu'il exhorte pathétiquement à se comporter en "capitaines d'industries", après les avoir quasi traités d'incapables, et les avoir plombés de nouvelles contraintes bureaucratiques.
Mieux vaut en rire...

18 août 2012

Marine

Lorsqu'au dessus de la mer
Une brise illuminée
Fait étinceler dans l'air
Une nouvelle journée

Et que le bleu d'outremer
Pâlit dans la matinée
Comme une teinte au ton clair
Laissant juste une traînée.

Lorsque des bateaux joyeux
Sortent du port à la voile
Tels des oiseaux vers les cieux

Le Monde alors se dévoile
Sous un jour inattendu
Plein d'un désir éperdu.

08 août 2012

Nuit de Juillet

Par une nuit d'été calme et vertigineuse
J'entrevis un halo flottant sur les cyprès
Dont l'image semblait si lointaine et si près
Qu'on eut dit une fleur posée sur Betelgeuse

J'avais l'âme alanguie et l'humeur voyageuse
En tous sens mes pensées s'égaraient dans l'air frais,
Et je m'élevais libre, au delà des forêts
Guidé par la Lune et sa clarté nébuleuse.

J'étais débarrassé de mes chaînes de chairs
Faisant désormais corps dans les espaces clairs
Avec cette unité qui anime le monde.

Je cheminais au bord aigu de l'univers
Dont je voyais l'envers, aussi bien que l'avers
Et durant un moment j'eus une joie profonde.

24 juillet 2012

Body And Soul


A l'origine de la conception dualiste dont Henri Bergson (1859-1941) s'est fait l'ardent défenseur, il y a la ferme conviction que ce qu'on nomme l'âme n'a pas plus de raison objective d'être consubstantielle à la chair que de relever d'une autre nature. Vieux débat. Certes, à l'évidence dans l'être humain, l'esprit et la matière sont liés. Mais sont-ils indissociables au point d'être anéantis ensemble, lorsque la vie s'en va ?

Pour tenter de répondre à la question, Bergson commence par prendre l'exemple d'un vêtement accroché à un clou : « il est solidaire du clou auquel il est accroché ; il tombe si l'on arrache le clou ; il oscille si le clou remue ; il se troue, il se déchire, si la tête du clou est trop pointue ; il ne s'ensuit pas que chaque détail du clou corresponde à un détail du vêtement, ni que le clou soit l'équivalent du vêtement ; encore moins s'ensuit-il que le clou et le vêtement soient la même chose... »
Autre argument mis en avant par l'auteur de l’Évolution Créatrice : le constat que « la vie mentale déborde la vie cérébrale », et qu'en matière d'activité, « le cerveau se borne à traduire en mouvements une petite partie de ce qui se passe dans la conscience... »
Pour étayer cette assertion Bergson, encore une fois fournit un exemple : « l'activité cérébrale est à l'activité mentale ce que les mouvements du bâton du chef d'orchestre sont à la symphonie. La symphonie dépasse de tous côtés les mouvements qui la scandent ; la vie de l'esprit débordent de même la vie cérébrale... »
En définitive, « le rôle du cerveau serait simplement de mimer la vie de l'esprit, de mimer aussi les situations extérieures auxquelles l'esprit doit s'adapter. »

Dans ces conditions, il devient logique pour le philosophe de considérer que la survivance de l'âme est si vraisemblable, que « l'obligation de la preuve incombe à celui qui nie, bien plutôt qu'à celui qui affirme... »
Loin de définir une position dogmatique, ce qui importe pour Bergson, c'est surtout de réfuter la conception matérialiste, selon laquelle il y aurait équivalence entre le mental et le cérébral. Il juge en effet cette hypothèse contradictoire avec elle même, et l'attribue à un « cartésianisme étriqué ».

L'approche bergsonienne n'apporte évidement aucune preuve à l'existence d'un prolongement spirituel à la vie terrestre. Elle propose toutefois un champ de réflexion très ouvert, dont l'essence reste envers et contre tout, pragmatique. L'exemple du clou et du vêtement paraît simpliste, mais invite à dépasser les simples apparences. Sans rien connaître de la nature des ondes électromagnétiques, que pourrait imaginer une personne en face d'un émetteur-récepteur radiophonique ? Sans doute aurait-elle du mal à accepter l'idée que la voix entendue par le haut parleur soit émise à des centaines ou à des millions de kilomètres, et puisse être transmise aussi parfaitement, même en traversant le vide. Sans doute cette personne aurait autant de difficulté à comprendre devant le même poste cassé, que la voix puisse continuer à parler quelque part …

L'idée que le cerveau puisse n'être qu'un intermédiaire entre la réalité sensible et une autre immatérielle n'a en définitive rien de saugrenu, même si depuis Descartes on sait qu'on ne peut penser la relation qui lie les deux, mais seulement la vivre. 
Bergson fait remarquer que bon nombre de dysfonctionnements cérébraux se traduisent par une incapacité à mettre en cohérence la pensée avec la réalité. Le tort d'un cerveau dérangé « n'est pas nécessairement de raisonner mal mais de raisonner à côté de la réalité, en dehors de la réalité, comme un homme qui rêve... » Si l'art de raisonner doit nécessairement tenir compte du monde dans lequel il s'applique, pourquoi en déduire que la pensée se réduise exclusivement à ce mécanisme, sous tendu avant tout par l'expérience, les sensations et la logique ? A contrario, un ordinateur, véritable machine à raisonner, n'est pas pour autant capable de penser.
Autrement dit, dans nombre de perturbations mentales « est-ce l'esprit même qui est dérangé, ou ne serait-ce pas plutôt le mécanisme de l'insertion de l'esprit dans les choses ? »
La question mérite d'être posée, car elle invite à bien distinguer dans l'activité humaine et dans chaque action, dans chaque comportement, ce qui relève du choix, de ce qui relève de la mise en œuvre du choix. Ainsi un dément est incapable de mettre en cohérence sa pensée, avec le monde qui l'entoure. Une personne frappée d'accident vasculaire cérébral est dans l'impossibilité de faire bouger son bras en dépit de sa volonté. Dans les deux cas la pensée pure est sans doute intacte mais l'effecteur est lésé. Un chef de gare verra de la même manière sa volonté contrecarrée par une grève des aiguilleurs ou bien par un dysfonctionnement dans le mécanisme faisant fonctionner les aiguillages...

A titre d'exercice, je me suis amusé à tenter d'imaginer les relations entre l'esprit et la matière comme si elles résultaient de l'interaction étroite d'un substrat immatériel et d'une substance palpable : une sorte de main invisible à l'intérieur d'un gant palpable et préhensile. Ce dernier, véritable interface entre ce qu'il contient et ce qu'il appréhende physiquement, pourrait représenter de manière simpliste l'être humain. A la lisière entre l'indicible et le réel...
Cette image rend compte du fait qu'il est indispensable pour la main de s'insérer dans le gant pour avoir prise sur la réalité physique. Elle rend également compte du fait que les mouvements de la main sont d'autant plus fidèlement et efficacement transmis que le gant est souple et léger, capable de se faire le vecteur de la moindre pulsation. Elle n'interdit pas de penser que le contenu puisse souffrir des imperfections et des vicissitudes propres au contenant. Et si elle suppose une étroite association des deux entités, elle n'est pas incompatible enfin avec l'idée que la main puisse avoir une existence indépendante de celle de l'enveloppe artificielle qui la recouvre. La fin du corps ne serait pas la fin de tout. A l'instar de la chrysalide libérant l'imago, l'enveloppe charnelle serait le support d'un rite de passage entre deux états...

Dans un tel schéma, l'intrication subtile entre l'esprit et le corps, entre le contenu et le contenant, qualifie l'essence de l'être humain. Elle peut être parfois si profonde, qu'elle permet l'expression des émotions indicibles qui constituent l'art. A l'inverse, la perversion diabolique de cette relation peut aboutir aux pires horreurs, en toute conscience.
Par ce média, représenté par un gant, l'esprit ne fait que s'adapter et faire corps avec la réalité. Et l'être humain est bien ce point où convergent cette dernière et la conscience.

Ainsi la réalité tangible serait animée au delà des simples conjonctures relevant des lois physiques. En l'occurrence, le mouvement de l'esprit n'a évidemment rien à voir avec celui du vent qui fait bruisser les feuilles dans les arbres, avec les séismes ou les éruptions volcaniques qui font craindre la fin du monde, ou simplement avec la respiration de l'être vivant. En l'occurrence, la ligne de partage ne passe pas entre le vivant et l'inanimé, mais entre le conscient et le non conscient, sachant que rien n'interdit une continuité, une progressivité, entre ces deux états. Il y a quelque chose qui au travers des êtres, est peut-être l'expression plus ou moins achevée, de l'Être. "Il faut que la Nature soit l'Esprit visible, l'Esprit la Nature invisible" écrivait Schelling...
La métaphysique kantienne s'inscrit étonnamment bien dans cette métaphore ontologique. Situé à l'interface de deux mondes qui s'effleurent, le philosophe et plus généralement l'être humain, est enclin à s'émerveiller autant de la beauté sublime de la voûte céleste au dessus de sa tête, que de la force ineffable de la loi morale qui réside à l'intérieur...

L'âme et le corps. Henri Bergson. PUF 2011

21 juillet 2012

Fifty Years With Their Satanic Majesties


Il y a quelque chose d'assurément majestueux dans le parcours tonitruant des Rolling Stones. Ses ruptures, ses dévoiements, ses débordements insensés ne ternissent en rien la marque éblouissante qu'il a imprimée au sein de la constellation du Rock 'N Roll. 
 
Force est de reconnaître que ce qui ne devait durer qu'un instant, n'avoir pas plus d'importance dans la vie de la société que le mouvement zazou, ou bien je ne sais quelle mode éphémère, est devenu une véritable épopée. Une sorte d'effervescence versicolore devenue consubstantielle à l'univers dans lequel nous vivons, et ce depuis déjà un demi siècle !
Comme un cavalier fait corps avec sa monture, le monde contemporain chevauche une série d’événements qui l’entraînent irrésistiblement dans leur course tumultueuse et indécise. Et la musique rythme en quelque sorte cette cavalcade. Nés dans le grand capharnaüm de l'après guerre, le Blues, le Jazz, le Rock 'N Roll ont déboulé à toute allure dans le cours du monde dit moderne, voire post-moderne. Décadence diront certains, vertige poétique prétendront d'autres... 
Pour ma part j'aime à m'enivrer de ce continuum d'émotions, de rêveries et de vagabondages, que je vois éclore quelque part entre Novalis, Shelley, ou Hölderlin, passer par Poe, Baudelaire, Verlaine, ou Kerouac et se magnifier, entre autres, par l'apport des Stones. Oserais-je dire que j'éprouve parfois les mêmes frissons à l'écoute de ces derniers que de Bach, ou de Schuman ?
Allons, c'est évident, cet océan de sensations n'a pas de limite et n'a d'horizon que l'espoir et les chimères, les illusions et l'ivresse. De ce point de vue, les Stones n'ont pas peu contribué à abolir les frontières, au moins dans les esprits, tout en ébauchant les prémices d'un langage universel, indissociable de l'esprit de liberté.
Avec leurs riffs acides et leurs mélodies rustiques mais envoûtantes ils ont été l'un des moteurs d'une folle et improbable aventure, entraînant la dérisoire machine humaine jusqu'aux lisières de l'indicible. Lorsqu'une rengaine aussi simpliste que "I Can't Get No Satisfaction" fait le tour de la planète en ensorcelant invariablement et définitivement des nuées innombrables de jeunes gens, il faut se poser des questions. La rythmique au marteau pilon de cette antienne incontournable, assène en même temps que ses pulsations lascives, les effluves enfiévrés du bon vieux spleen romantique. Dans ces trépidations insatiables, il y a l'éternelle rébellion juvénile, l'impatience devant l'absurdité apparente et les mystères de l'existence...
Brian Jones (1942-1969) s'est noyé dans ce tourbillon qu'il avait voulu boire à pleins poumons. Le fou, l'intrépide aura frôlé les cimes de l'extase avant de s'abîmer dans le gouffre de la solitude . Les « Glimmer Twins », Mick Jagger et Keith Richards, en dépit de hauts et de bas, ont résisté à l'épreuve. Ils ont signé la quasi totalité des compositions qui paveront le chemin de Damas de ce groupe, des délires épicuriens d'enfants nés dans la partie prospère d'un siècle vertigineux, jusqu'à la sagesse et la résignation de vieux bonzes du blues...
S'il est un fait assuré dans cette alchimie parfois aléatoire, c'est que soutenue par les piliers bourdonnants du Rock, la musique étire en tous sens ses harmonies capiteuses et ses divagations incantatoires sur le fil ténu de ce Blues si bouleversant, si universel.
Dans une discographie foisonnante, j'ai tendance à retenir avant tout cette manière si originale d'interpréter ce questionnement récurrent sur le sens de la vie.
Ce sont bien sûr quelques perles tirées avec bonheur du répertoire classique (Love In Vain de Robert Johnson, Shake Your Hips de Slim Harpo, Prodigal Son du Rev. Wilkins, Confessin The Blues de Little Walter, You Gotta Move de F. McDowell...)
Il y a également les rocks vénéneux aux roulements lourds et entêtants dont les fameux déhanchements de Jagger décuplaient la force suggestive: Under my thumb, Rocks off, It's all Over Now, Brown Sugar, Let It Bleed, Jumping Jack Flash, Honky Tonk Woman, The Last Time, Happy, Tumbling Dice, Street Fighting Man, Dead Flowers, Can't You Hear Me Knocking, Mother Little Helper, Get Off Of My Cloud, Let Spend The Night Together...
Il y a les ballades langoureuses : As Tears Go By, Angie, Lady Jane, Ruby Tuesday...
Mais plus que nulle part ailleurs, le feeling stonien a trouvé sa plénitude expressive dans les digressions erratiques, d'où émane un spleen languide au parfum luxurieux : Wild Horses, Paint It Black, Sympathy For The Devil, Salt of the Earth, Gimme Shelter, Midnight Rambler, Sister Morphine, Heart Of Stone, No Expectations, I'm Going Home, Jigsaw Puzzle, Beast of Burden, You Can't Always Get What You Want, Let It Loose... 
Feel like a Rolling Stone !

09 juillet 2012

Obamacare : un dilemme cornélien


En France où l'on s'enorgueillit d'avoir le meilleur système de protection sociale du monde, la récente décision de la Cour Suprême américaine (29/06/12), consistant à avaliser une des mesures clés du projet de loi proposé par l'administration Obama, dit « Affordable Care Act », en réjouit plus d'un.
Rappelons brièvement qu'il s'agit d'obliger par la Loi, tous les citoyens à contracter une assurance maladie (individual mandate), de manière à faire diminuer subséquemment le pourcentage de la population ne bénéficiant pas d'une couverture ad hoc. 
L'épineux problème en la circonstance, était de déterminer si cette contrainte était compatible avec l'esprit de la Constitution, lequel protège plus que tout les libertés individuelles. La décision de la Cour, prise de justesse (5 voix contre 4), semble donc aller contre un des principes fondamentaux de la république américaine.
Comme l'ont fait remarquer certains commentateurs, il s'agit sans doute d'un choix dicté plus par le contexte politique, que par le souci de respecter la stricte constitutionnalité de la loi. Peut-être pour ne pas risquer de paraître agir sous l'effet de considérations idéologiques, le président conservateur de la Cour, le juge John Roberts a ainsi rejoint dans leur choix ses quatre collègues libéraux (au sens américain c'est à dire progressistes, c'est à dire plutôt de gauche). La Loi peut ainsi entrer en vigueur et les Etats-Unis pourront donc afficher prochainement, à l'instar de nombre de pays développés, un taux proche de 100% d'assurés sociaux...
Peut-être pourrait-on avancer une autre explication plus machiavélique, en considérant la décision de la Cour comme un cadeau empoisonné fait au président en exercice, à quelques mois d'un enjeu électoral majeur. Cette victoire est en effet à double tranchant pour le président Obama puisqu'elle va conduire à alourdir la fiscalité (sanctionnant notamment les récalcitrants). Le risque est également d'obérer la croissance puisque la réforme pèsera sur les entreprises, surtout petites et moyennes, qui seront de fait mises à contribution pour aider leurs salariés à s'assurer. Enfin elle plombera encore un peu plus le déficit fédéral puisque les évaluations les plus réservées, font état de quelques 1000 milliards de dépenses supplémentaires. Autant d'arguments que sauront sans doute utiliser les Républicains dans la campagne qui commence...
Sur le fond de la mesure, et ses conséquences en terme philosophique, il y a beaucoup à dire. Car même si l'on est encore loin du système français, régi par une obligation et un monopole, c'est un pas de plus vers le contrôle étatique de la protection sociale et un accroissement significatif de l'emprise étatique sur l'organisation de la société.
Partant d’une conception libérale, cette réforme apparaît comme démagogique, dispendieuse, mais pire encore, constitue globalement un recul sur le chemin qui mène à la société ouverte et responsable (« Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui » affirmait Alexis de Tocqueville).
Naturellement, il est souhaitable que tous les citoyens disposent d’une assurance maladie (et qu’ils en comprennent bien le principe afin de ne pas en dégrader le fonctionnement…) Pour être fair play, il faut tout de même reconnaître au moins une vertu à l'obligation faite de s'assurer : celle d'éviter la fâcheuse propension des gens à ne souscrire un contrat d'assurance, que le jour où ils ont besoin d'en toucher les prestations...

Mais le système proposé par le président Obama, agit par la contrainte et la déresponsabilisation, alors que le meilleur moyen de progresser vers une société adulte serait plutôt de convaincre. Dans un pays libre et éclairé, l’assurance maladie relève à l’évidence de la responsabilité individuelle et non de celle de l’Etat. L’étatisation de l’assurance maladie s’inscrit dans le mythe si bien décrit en une seule phrase, par Frédéric Bastiat : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde… » D'un point de vue libéral, on pourrait même proposer de juger le degré d'évolution d'une société et d'éclairement de ses citoyens, sur le poids de la tutelle étatique. La relation entre les deux étant inversement proportionnelle...
Même si à la faveur de la mystification du New Deal, le pouvoir de l’État n'a cessé d'enfler outre-atlantique, les Américains restent envers et contre tout, très largement attachés au principe de la liberté individuelle. En Europe, où nous avons depuis longtemps cédé aux sirènes de l’Etat-Providence, et où nous attendons tout de son pouvoir « absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux », nous peinons à comprendre cet idéal de société ouverte construit de bas en haut, tendant in fine, vers le self-government. Hélas notre modèle, qui pouvait faire illusion en période d’abondance, est aujourd’hui en grande et durable difficulté. Est-il encore temps de le revoir avant l’infantilisation et la faillite générales ?

06 juillet 2012

Des bosons et de la politique


Le changement, c'est pour un autre jour...
Où va-t-on, personne n'en sait plus vraiment rien. Mais peu importe car pour l'heure, une sorte de molle indifférence s'est emparée de l'opinion. Rien ne va plus pourtant. Chaque jour amène son lot de mauvaises nouvelles, notamment sur l'emploi.
Face à la déferlante qui se profile à l'horizon, le ministre du « redressement productif » a perdu de sa superbe. C'est à peine si on entend ses admonestations dans le brouillard qui plombe le climat politique. Quant au premier ministre il anone péniblement un discours de politique intérieure bourré de poncifs, de truismes et de bonnes intentions. Le gargarisme à base de mots tente de pallier l'extinction de l'inspiration. Exemple tiré de l'actualité de ce jour : ils veulent « refonder l'école ». Vaste programme pour Vincent Peillon, (auteur faut-il le rappeler, d'un opuscule ineffable prétendant que « la révolution française n'est pas terminée »).
Refonder, la belle affaire... Avec une pointe inattendue de bon sens, le ministre s'interroge quand même sur la nature de l'ambition : "l'expression est forte, elle peut même paraître excessive". Un peu, mon neveu...

A ce jour, hormis les savantes tergiversations sur les hausses d'impôts et les taxes destinées « aux plus aisés », l'imagination des dirigeants est au plus bas.
A titre personnel, si je n'appréciais guère la politique erratique de Nicolas Sarkozy, je déteste bien davantage celle de François Hollande, bourrée de béates certitudes, et imprégnée d'une morale à la fois arrogante et lâche (dure pour les autres, tendre pour soi).
Pendant que madame Merkel caracole dans les sondages, le président de la république et ses ministres, à peine entrés en fonction, s'effondrent. Parti de soixante, il y a deux mois, c'est tout juste si le nouveau chef de l'état parvient à rassembler plus de 50% d'opinions favorables !
Bien qu'il bénéficie encore d'une certaine indulgence en provenance du « peuple de gauche », même les plus ardents défenseurs de l'Etat-Providence ne semblent plus beaucoup croire aux théories qui le sous-tendent. Beaucoup ont dores et déjà pris conscience que les ressorts de la relance étaient morts. Que le moteur de la croissance s'étouffe à force d'avoir trop tiré sur le starter étatique (tout en gardant le pied crispé sur le frein...)

Reste qu'on peine encore à accepter le retour au pragmatisme et au réalisme. Les récentes avancées scientifiques à propos du mystérieux boson de Higgs devraient pourtant aider à cette conversion. En physique des particules comme ailleurs, la théorie n'a de valeur que lorsqu'elle peut être vérifiée expérimentalement, et qu'on est prêt à en revoir les fondements si quelque chose ne se passe pas comme prévu. « Une expérience qui réussit dans l'air ne réussit pas toujours dans le vide » écrivait avec sagesse David Hume. Plus généralement, « est vrai ce qui réussit », affirmait de son côté William James....

22 juin 2012

Chronique d'une présidence normale


Il y a quelques jours le camarade Hollande, actuellement président de la République Française rencontrait le chef du gouvernement italien Mario Monti à Rome, pour évoquer gravement cette crise qui fait si mal aux peuples.
A cette occasion, on a pu constater que le nouveau dirigeant français fasait preuve d'une conception assez élastique et plutôt confortable de l'humilité à laquelle il était prétendument si attaché. Il a débarqué tranquillement d'une superbe Maserati Quattroporte...
On alléguera qu'il n'y pouvait rien, que c'était son hôte qui avait mis ce superbe carrosse à sa disposition. N'empêche... Les images sont là ! Par les temps qui courent, quand on se veut parangon de vertu, et qu'on dit "ne pas aimer les riches", ça fait un peu désordre, n'est-il pas...

Allez encore un peu, rien que pour le plaisir des yeux... 

20 juin 2012

Tomber de rideau


Lorsque le président Obama donne des leçons d'économie, à l'Europe, ce sont tous les poncifs keynésiens qui ressortent. Est-ce vraiment encore crédible ? N'aurait-il pas mieux à faire à l'heure où la dépense publique ronge plus que jamais son pays, où le chômage galope durablement au dessus de 8%, où les agences de notation envisagent une nouvelle dégradation de leur note, et où l'on apprend qu'en Amérique, le revenu net médian des citoyens a chuté de 7,7% en 3 ans.
Loin de tirer leçon de son incapacité à changer le destin de son peuple, il persévère à vouloir lui administrer le même traitement, et réclame un nouveau plan de relance par l'Etat, toujours plus d'impôts... on croirait entendre François Hollande !

A l'instar de nombre d'aficionados un peu désabusés, l'acteur Donald Sutherland récemment interrogé sur les atermoiements du gouvernement américain, y va de son petit couplet : « Les démocrates ne sont pas parfaits, mais ils sont moins menteurs que les Républicains.. » Il a tout compris, le bougre !
Artiste engagé : est-ce donc devenu synonyme de mouton de Panurge ?

En France, la chape socialiste est en passe de vitrifier les esprits. On dirait qu'une brume épaisse est en train de se répandre sur le pays. Un rideau tombant lourdement après la fin d'un spectacle. A part deux ou trois histoires de tweet et quelques anecdotes politiques dérisoires, complaisamment amplifiées par les médias à bout d'inspiration, il n'y a plus ni débat, ni perspective, rien qui vaille...
Le nouveau gouvernement a du mal à passer des mots à l'action. Déjà les promesses emblématiques commencent à s'évanouir : taxe sur les transactions financières, euro-bonds, recrutements de fonctionnaires, tout ça est ajourné, reporté aux calendes ou amendé. Mais en réalité tout le monde s'en moque, y compris les tartarins de l'insurrection, sonnés par leurs défaites électorales. Pendant ce temps, l'Europe continue de s'effriter lentement en dépit de beaucoup de gesticulations, de vœux pieux, mais plus que jamais sans projet politique, sans dessein, sans aspiration.
Sévèrement remis en place par madame Merkel, méprisé par Poutine, raillé par David Cameron, poliment désavoué par le G20, emprunté par l'avalanche de pouvoirs que lui confère une démocratie cacochyme, et par tant de responsabilités pesant sur ses épaules, le président de la république semble déjà se dégonfler. La morgue devient guimauve et les ambitions se mettent à rétrécir. L'été qui arrive à peine sous le tintamarre informe de la musique en fête, s'annonce lourd et maussade, quand au quinquennat, il risque de paraître bien long...

13 juin 2012

Avé Jules ! Suite...

Un commentateur me fait observer à l'occasion de mon billet sur Jules Ferry, que ce n'est pas l'école qui a été rendue obligatoire au nom des grands principes républicains, mais l'instruction. Il a évidemment raison et je m'empresse de faire amende honorable. Pour ma défense je suis toutefois tenté d'invoquer le Président de la République lui-même qui dans son discours du 15/05/12, entretenant plus ou moins la confusion, rendait hommage à « la loi du 28 mars 1882 relative au caractère laïc et obligatoire de l'école ».
C'est dire que dans l'esprit de François Hollande, et de ses disciples, l'éducation ne peut se concevoir autrement que publique, donc sous la tutelle de l'Etat. « Nous devons tant à l'instruction publique » a-t-il martelé ce même jour.
En l'occurrence, la doctrine socialiste doit effectivement beaucoup à cette politique centralisatrice et monopolistique instituée par le lénifiant Jules Ferry. Le paradigme social dit « de gauche » a en effet pu prospérer dans ce bouillon de culture idéologique, ainsi que tous les leurres de la pensée égalitaire. Résultat, loin de booster l'ascenseur social comme le souhaitaient tant de gens bien intentionnés, loin de développer « la liberté souveraine de l'esprit » à laquelle aspirait Jaurès, elle a abouti à un nivellement des esprits assez désespérant.
Contrairement à une opinion répandue, les Etats-Unis ont bien mieux réussi dans cette entreprise... en faisant à peu près le contraire de nous, tout en poursuivant le même dessein : offrir à tout citoyen l'instruction. Mais ils se sont bien gardés de centraliser ou de nationaliser leur système éducatif, et ont laissé s'exprimer et s'organiser chaque fois que possible sur le terrain, les initiatives privées, tout en garantissant une liberté quasi totale en matière de programme scolaire. Pour le coup, le système américain, fondé vraiment sur la méritocratie laisse beaucoup moins d'élèves nécessiteux sur le carreau, ou tout simplement à la dérive. C'est sans doute difficile financièrement pour certains, mais chacun peut s'en sortir s'il en a la volonté. Le self-made-man n'est pas un vain mot.

En France, on est pétri de grands sentiments. A l'instar du nouveau chef de l'Etat, on ne saurait « accepter qu'un enfant ait plus de chances de réussir s'il a grandi ici plutôt que là ». Pourtant à force de s'en remettre à l'Etat pour tout, et de tout vouloir réglementer dans l'intérêt du peuple, on est parvenu à dénaturer le grand rêve de l'éducation pour tous.
L'Education Nationale est en passe de devenir un grand vaisseau fantôme sur lequel errent, sous la conduite hasardeuse d'un capitaine sans âme, des légions de professeurs désabusés, et d'élèves abouliques. Ceux qui en ont encore la force cherchent à fuir cet endroit de perdition. De plus en plus de parents inscrivent leurs enfants dans les écoles privées, si honnies, si vilipendées. Et pendant que le temple laïque de l'instruction républicaine perd peu à peu sa substance, on y injecte toujours plus de moyens...

09 juin 2012

Avé Jules !


Le mélange de dévotion et de répulsion avec lequel les politiciens tournicotent autour de la figure emblématique de Jules Ferry (1832-1893) a quelque chose de pathétique. Les simagrées et contorsions auxquelles ils se livrent pour tenter de séparer le bon grain de l'ivraie, au sein de l'héritage intellectuel du grand homme, est un signe des temps.
C'est en effet devenu un poncif que de distinguer, à l'instar de la fable évoquant le Dr Jekyll & Mr Hyde, deux hommes bien différents en un seul. L'un serait admirable, l'autre méprisable. Le premier s'élève aux cieux pour avoir paraît-il inventé le concept d'« école gratuite, laïque et obligatoire ». Le second doit être voué aux gémonies pour avoir exhorté « les races supérieures » à « civiliser les races inférieures » et chanté les mérites de la colonisation.
Faut-il que la pensée contemporaine soit formolée pour ne pas voir qu'il s'agit des deux facettes d'un même idéal, boursouflé de prétention et de paternalisme ! D'une sorte de don-quichottisme républicain, dont l'intrépidité centralisatrice n'a d'égale que l'inconséquence normative.

Avec ses grotesques favoris en forme d'aubergine, appendus à ses tempes molles de hobereau condescendant, Jules Ferry incarne trop bien la suffisance des grands principes et la calamité des certitudes idéologiques. Quelque soit le côté par lequel on aborde le personnage et son action, le même constat s'impose. Et si le zèle colonisateur est vilipendé par les Bouvard et Pécuchet du conformisme angélique contemporain, l'ambition éducative ne vaut guère mieux. Car les deux sont puisés à la même source.
Et dans les deux cas, les bonnes intentions se révèlent désastreuses : si la pitoyable déconfiture de l'aventure coloniale française relève de nos jours de l'évidence, la lente déroute de l'Education Nationale n'en est pas moins édifiante, et irrémédiable. Sans doute, parce qu'à l'instar de la colonisation, elle est fondée sur une série de leurres. 
Elle n'a de gratuite que le nom, puisqu'elle coûte chaque année plus de 4,2% du PIB (soit en moyenne 8150€ par élève), et affiche, sauf pour ceux qui ne veulent pas le voir, un rapport coût/efficacité des plus médiocres.
Sa prétendue laïcité n'est qu'un vain mot dont on se gargarise en France, au mépris de réalités criantes. Fondée initialement sur un anticléricalisme rétrograde et borné, elle s'avère incapable d'enrayer la montée des communautarismes qui gangrènent la société.
Enfin, son caractère obligatoire n'empêche en rien la dégradation régulière du niveau général des élèves, faute de souplesse, de pragmatisme, et à force de cultiver l'indépendance vis à vis du monde du travail, voire un mépris absurde pour celui des entreprises.
Le plus grave est l'instauration, au nom de l'égalité, de programmes nationaux d'origine gouvernementale, qui exposent par nature, au risque d'endoctrinement et rentrent en contradiction flagrante avec le souci de toute démocratie de développer l'émulation intellectuelle et l'esprit critique. Le morne consensus gauchisant et anti-libéral qui règne dans notre pays, l'attrait de la jeunesse pour la condition de fonctionnaire, tout cela s'explique probablement en grande partie par cet abêtissement généralisé, d'inspiration étatique.
La profession de foi du nouveau président de la république, qui avec onction et componction a inscrit d'emblée son action dans ce moule foireux, en invoquant la « réussite éducative » comme d'autres la méthode Coué, n'augure évidemment rien de bon...

Illustration : Jules Ferry par Georges Lafosse

22 mai 2012

Viva la Libertad !


On savait que l'auteur de la Tante Julie et le scribouillard avait une conscience politique.
Un ouvrage* paru récemment en donne toute la substance, au travers d'articles, de discours et de diverses prises de positions, allant des années soixante, jusqu'à 2009.
Édifiant parcours que celui de Mario Vargas Llosa, écrivain « engagé », c'est à dire de gauche, qui au fil de ses voyages, de ses observations, change du tout au tout, et va jusqu'à se présenter aux élections présidentielles péruviennes en 1990 au nom du libéralisme !
C'est qu'aux belles et romantiques certitudes qui peuplaient sa jeunesse, a succédé une prise de conscience, fondée sur le réalisme: « J'ai appris à quel point la frontière entre le bien et le mal est mouvante, et quelle prudence il faut avoir pour juger des actions humaines et pour décider des solutions à apporter aux problèmes sociaux si l'on veut éviter que les remèdes soient pires que le mal (1983). »
C'est aussi le sentiment d'avoir été floué par l'insidieuse sournoiserie des théories « progressistes » ce qui va l'amener à affirmer entre autres que : «c'est démagogie et mensonge que de prétendre transférer les entreprises d'un groupe de banquiers à la nation...»

A la lumière de cette nouvelle objectivité, l'écrivain voit sous un jour différent tout le sous continent sud-américain, et analyse d'un autre œil les péripéties qui marquent son histoire contemporaine. Au fil des textes rassemblés dans cet ouvrage, Vargas Llosa évoque avec une amère lucidité ses nombreux désappointements, les échecs, les gâchis, dont il fait le constat désabusé, mais aussi quelques espérances qui se font jour de ci de là.
L'exemple le plus édifiant est celui de Cuba.
Jusqu'en 1967, le régime castriste avait encore quelques vertus à ses yeux. Il reprochait à l'époque par exemple aux opposants et aux dissidents de « signaler les déficiences de la révolution et de taire les innombrables et éclatantes réussites». Selon cette optique, il contrebalançait la disparition de la liberté de la presse par la généralisation de l'alphabétisation, la disparition des partis politiques par la réforme agraire qui avait livré la terre aux paysans, l'abolition de la propriété privée par le fait que tous les cubains étaient devenus propriétaires de leur maison...
Ce n'est qu'en 1971 que ses yeux se dessillent, lorsque Fidel Castro à l'occasion d'une demande d'éclaircissements au sujet du sort du poète dissident Herberto Padilla, fustige brutalement les écrivains latino-américains qui vivent en Europe, leur interdit d'entrer à Cuba et les traite même de canailles.

A partir de ce moment, il prend peu à peu conscience des dérives auxquelles se laissent aller nombre de gouvernements, et des mensonges et méfaits dont se rendent coupables dictateurs et idéologues révolutionnaires, à l'encontre de peuples crédules ou impuissants.
Il est horrifié de constater par exemple, qu'en plus six décennies les gouvernants du Mexique, de l'Argentine, du Brésil ont été incapables de sortir leur pays du sous développement malgré leurs gigantesques ressources naturelles.
Et il égrène la longue litanie des ratages, aboutissant un peu partout en Amérique latine à la paupérisation, et souvent à des violences meurtrières.
Au Pérou évidemment, où s'est déchaînée la barbarie marxiste du Sentier Lumineux qui en deux décennies, sous la férule fanatique d'Abimael Guzman, tortura, assassina ou fit disparaître plus de 69000 personnes, la plupart très humbles.
En Colombie, où durant plus de 40 ans, sévirent les FARC, avec la même sauvagerie.
Haiti, dont «il n'y a pas dans l'hémisphère occidental, et peut-être au monde, de cas plus tragique», à cause d'une succession « de dictatures sanglantes, de tyrans corrompus et cruels ».
Au Chili, où l'élection d'Allende fut une calamité, mais où il déplore également la dictature de Pinochet qui ne fut pas à ses yeux « le général qui sauva le Chili du communisme, bien qu'il ouvrit conte toute attente, une voie pour la récupération économique et la modernisation de son pays».

Tout cela devrait selon Vargas Llosa, « remplir de remords et de honte le monde occidental », ou au moins l'amener à juger un peu objectivement cette lamentable déconfiture.
Par un navrant paradoxe, c'est souvent l'inverse à quoi on assiste. Ce qui conduit l'auteur à flétrir « l'irresponsable frivolité d'un certain progressisme occidental », la « fascination romantique pour les révolutions violentes qui semblent appartenir au passé dans les nations acquises à la démocratie », ou encore, « la facilité avec laquelle un bouffon du tiers-monde, pour peu qu'il maîtrise les techniques de la publicité, et les stéréotypes politiques à la mode, peut rivaliser dans la séduction des masses avec Madonna et les Spice Girls. »
Un exemple édifiant de cette sinistre comédie est celui de Raphael Guillen Vicente, obscur universitaire, auto-promu Sous-Commandant Marcos, qui se rendit responsable d'une abominable épuration paysanne au Chiapas, et en lequel Régis Debray a vu « le meilleur écrivain latino-américain de nos jours » ou que Alain Touraine – père de la nouvelle ministre de la santé – a qualifié de « démocrate en armes »... On peut évoquer également la personne de Daniel Ortega, chef charismatique des sandinistes au Nicaragua, dont Vargas-llosa décrit les vices et turpitudes, alors qu'il bénéficia d'une image de marque très surfaite au sein de l'intelligentsia gauchisante.
Et naturellement, les figures qui illustrèrent la révolution cubaine, pour lesquelles il y eut tant de complaisance, notamment en France. A ce sujet, Vargas-llosa est catégorique : « C'est une insulte à l'intelligence que de prétendre faire croire que la façon la plus efficace d'obtenir des concessions de Castro est l'apaisement, le dialogue et les démonstrations d'amitié avec sa tyrannie. »

Si Vargas-llosa rejette toute faiblesse vis à vis des dictatures, il n'en est pas moins conscient de la fragilité de la démocratie face au terrorisme, et en appelle à ne pas céder à la fatalité. Il constate en effet avec dépit, que ce dernier se déchaîne d'autant plus que le pouvoir s'ouvre à la démocratie : «pour la logique de la terreur, vivre en démocratie et en liberté est un mirage, un mensonge, une conspiration machiavélique des exploiteurs pour maintenir les exploités dans la résignation ». Plus pervers encore selon lui, « ce qu'un homme convaincu d'agir au nom des victimes désire en déposant des bombes, c'est que les pouvoirs publics se déchaînent contre ces victimes dans leur quête de coupables, les agressent et les violentent. »
Vargas-llosa exhorte donc à ne pas se laisser illusionner par les discours malfaisants de ceux qui appellent à l'insurrection, selon lesquels les élections, la presse libre, le droit à la critique, les syndicats représentatifs ne sont que « pièges et simulacres destinés à déguiser la violence structurelle de la société, à aveugler les victimes de la bourgeoisie... » Tout ça n'est que tromperie, aboutissant lorsque par malheur ce genre de charlatan arrive au pouvoir, à la suppression des libertés. On se rappelle la manière expéditive avec laquelle Castro, triomphant, supprima tout retour en arrière : « A quoi bon des élections, puisque le peuple a tranché ? »

Parmi les dangers auxquels sont exposées les sociétés démocratiques, particulièrement si l'ouverture à la liberté est récente, figure le mythe du paradis socialiste sur terre. Celui-ci a la peau dure. En Amérique du Sud, profitant de la naïveté de populations peu éclairées, il s'est nourri souvent de l'idéal généreux véhiculé par la religion catholique, lequel a notamment donné naissance à la désastreuse théorie de la libération. Au Nicaragua, on a assisté à la collusion de l'église avec la rébellion, le clergé considérant ouvertement la révolution comme « une occasion propice pour réaliser l'option de l'église pour les pauvres » (lettre pastorale1979).
Lorsque de pareilles croyances trouvent un terreau favorable, il n'est quasi aucune limite à l'errance populaire, quasi aucune borne aux dérives idéologiques, et quasi aucune barrière à l'obscurantisme.

Vargas-Llosa ironise par exemple, sur la rébellion dite des « brise-kilos » qui à la fin du XIXé siècle au Brésil, refusaient le système métrique adopté par le gouvernement pour faciliter les échanges commerciaux avec le reste du monde. Entraînés par un prédicateur fanatique, les révoltés commirent de nombreuses destructions, des vols et même des meurtres.
Il évoque dans le même registre, le poète péruvien Augusto Lunel qui déclara dans son manifeste insurrectionnel: « Nous sommes contre toutes les lois, à commencer par la loi de la gravité »
Ces anecdotes pourraient prêter à sourire, si l'actualité ne leur donnait sans cesse de nouveaux prolongements. Ainsi les brise-kilos de nos jours sont pour Vargas-llosa ces milliers de jeunes latino-américains qui, mus par un noble idéal, sans doute, sont accourus manifester à Porto-Alegre, contre la globalisation, un système aussi irréversible à notre époque que le système métrique... A l'instar de ce dernier, la globalisation n'est ni bonne ni mauvaise. Elle relève du simple bon sens. Le bien ou le mal qu'elle apporte dépendent non d'elle-même mais de ce qu'en font les gouvernants.

Vargas-llosa se livre également à une sévère critique du nationalisme, souvent invoqué pour désigner des boucs émissaires, et au nom duquel on prétend protéger sa culture, son exception, son indépendance, mais qui enferme, isole et en définitive stérilise.
Le nationalisme, selon l'écrivain est la culture des incultes et il prospère tant que ceux-ci sont légions. A l'évidence il n'existe pas de cultures totalement indépendantes ou émancipées, ni rien qui y ressemble. Il existe des cultures pauvres et riches, archaïques et modernes, faibles et puissantes. « Dépendantes, elles le sont toutes.../... et aucune ne s'est forgée, développé et n'a mûri sans se nourrir des autres et sans à son tour, en alimenter d'autres... »
Condamner le nationalisme culturel, comme une atrophie pour la vie spirituelle d'un pays, ne signifie évidement pas dédaigner le moins du monde les traditions et modes de comportement nationaux ou régionaux, ni contester qu'ils servent, même de façon primordiale, des penseurs, artistes, techniciens et chercheurs du pays pour leur propre travail.
Vargas-llosa réclame dans le domaine de la culture, la même liberté et le même pluralisme que ceux qui doivent régner en politique et en économie dans une société démocratique.
Comme la globalisation, les moyens de communication de masse ne sont pas coupables de l'usage médiocre ou erroné qu'on en fait.

En définitive, Vargas-Llosa se pose par simple lucidité, au rang des défenseurs du libéralisme, et s'il reste malheureusement assez minoritaire parmi les grandes consciences d'Amérique du Sud, son propos n'en a pas moins de force. Car il repose sur l'expérience et le vécu, tandis que l'argumentation s'appuie sur la raison, et sa mesure, sa sagesse l'inscrivent dans la meilleure tradition humaniste.
Les perspectives sur lesquelles s'ouvre sa réflexion sont si larges qu'elles devraient trouver un écho favorable dans le cœur et l'esprit de tout homme libre.
On peut en retenir à titre de conclusion, trois pensées de portée universelle :
- »Les acquis de la démocratie sont fragiles et le passé récent apprend que la civilisation ne prémunit pas contre le retour de la barbarie, que « les humanités n'humanisent pas » (Steiner). Ceux qui institutionnalisèrent le sadisme au nom du National-Socialisme étaient des hommes éclairés par l'intelligence de Goethe et des esprits sensibles que la poésie de Rilke ou la musique de Wagner émouvaient jusqu'aux larmes. Ceux qui torturèrent, déportèrent, exécutèrent des millions d'êtres humains au nom du Socialisme Communiste, revendiquaient l'idéal de justice, d'émancipation, de liberté...
-Ce qui s'est produit avec le socialisme est, sans doute, une désillusion qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire...
-C'est très grave lorsque la conscience de l'individu abdique devant une prétendue conscience supérieure collective » (1979)

* Manuel Vargas-Llosa : De sabres et d'utopies. Arcades. Gallimard. 2011

14 mai 2012

Liberté Intérieure


Tandis que le pays s'abandonne avec une délectation morbide aux délices trompeuses de Capoue, et aux saveurs délétères des satisfactions revanchardes, je m'en retourne à mon sillon jouxtant humblement le chemin de la liberté.
La liberté ! Cela semble hélas bien le cadet des soucis de ce peuple chancelant, gavé de l'illusion matérialiste, aveuglé par la fallacieuse nitescence du lupanar égalitaire. Ce peuple qui erre, sans autre foi, sans autre horizon que celui de la tutelle bienveillante de satrapes omnipotents.
 
Sur ce monde crépusculaire, les vapeurs ankylosantes du Big Government se répandent à la faveur de la vacuité spirituelle contemporaine, contaminant mortellement une jeunesse naïve.
Comme une fleur fragile, la liberté doucement se flétrit à force d'être négligée. Trop abondante, on n'y prête plus attention. Incapable d'en mesurer le prix, on en gaspille avec insouciance l'essence. Elle se meurt dans l'indifférence bien intentionnée des fêtes dérisoires qui font mine de la célébrer tout en l'asphyxiant !

En terminant un ouvrage consacré à Montaigne (1533-1592) par Stefan Zweig (1881-1942), ce sentiment au goût un peu amer en sort encore renforcé. L'auteur inscrit en effet le portrait du sage d'Aquitaine, dans cette problématique fondamentale : « Comment rester libre ? ».
Plus précisément, « Comment préserver l'incorruptible clarté de son esprit devant toutes les menaces et les dangers de la frénésie partisane, comment garder intacte l'humanité du coeur au milieu de la bestialité ? »
« Comment échapper aux exigences tyranniques que veulent m'imposer contre ma volonté l'Etat, l'Eglise ou la politique ? »
La philosophie que cette pensée sous-tend est à l'exact opposé des lubies holistiques propagées par nombre de démagogues : « Il [Montaigne] aurait souri à la pensée de vouloir transposer sur d'autres hommes, et plus encore sur les masses, quelque chose d'aussi personnel que la liberté intérieure, et il a détesté au plus profond de son âme, les réformateurs professionnels du monde, les théoriciens, les marchands d'idéologie. »
Car bien davantage qu'une notion collective, la liberté est un concept que chaque individu se doit de porter en lui. Il n'y a aucun mérite à vivre dans un monde libre. C'est juste une chance, dont on mesure le prix souvent trop tard. La vraie force est de pouvoir rester, quelque soit le contexte, un homme libre, car «seul celui qui reste libre de tous et de tout accroît et préserve la liberté sur terre.»

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Il y avait plus qu'une analogie entre l'époque de Montaigne et celle où vivait Zweig. Dans un cas, la Renaissance avait apporté la culture, l'humanisme, une certaine prospérité, et tout cela basculait brutalement dans le fanatisme et la reviviscence d'affreuses guerres de religions. Le début du vingtième siècle avait quant à lui fait souffler sur le monde un vent de modernité, permettant tous les espoirs et une amélioration sans précédent de la qualité de vie. Et tous les rêves étaient en train de se transformer en cauchemars, alimentés par la survenue brutale de crises économiques et le retour d'effroyables idéologies menant à de meurtriers conflits.
Mais comment ne pas voir se prolonger jusqu'à nos jours cette sombre impression de gâchis ? Comment ne pas transposer à la mondialisation « libérale » actuelle, aux bienfaits qu'elle a répandus depuis quelques décennies, et aux convulsions qui la parcourent en ce moment, la description que fait Zweig du temps de Montaigne : « Le monde était soudainement devenu vaste, plein, riche.../... l'humanisme promettait une culture unifiée, cosmopolite.../... Les distances, les frontières entre les peuples disparaissaient, car l'imprimerie, que l'on venait d'inventer, donnait à chaque mot, à chaque pensée, la possibilité de s'élancer, de se répandre.... » « Et autre miracle, comme le monde spirituel, le monde terrestre s'élargissait à des dimensions insoupçonnées... »
« Les artères du commerce avaient des pulsations plus rapides, un flot de richesses se répandit sur la vieille Europe, créant le luxe, et le luxe créait à son tour des édifices, des tableaux, des statues, tout un monde embelli, spiritualisé.../... Un indicible espoir anima l'humanité déjà si souvent déçue et, de milliers d'âmes, jaillit le cri d'allégresse de Ulrich von Hutten : « Quelle joie que la vie ! »
Et comment ne pas être saisi d'effroi à l'idée que tout cela puisse disparaître dans le tourbillon des théories, des idéologies, de la même manière que dans le passé l'obscurantisme et la démagogie eurent raison du progrès, car «toujours, quand la vague monte trop haut et trop vite, elle n'en retombe que plus violemment, comme une cataracte.../...La réforme qui rêvait de donner à l'Europe un nouvel esprit chrétien, provoque la barbarie sans exemple des guerres de religion, l'imprimerie ne diffuse pas la culture, mais le Furor Theologicus, au lieu de l'humanisme, c'est l'intolérance qui triomphe... »
Montaigne, en dépit du style un peu sévère de ses écrits, n'a rien perdu de son actualité. Plus que jamais ses leçons devraient être méditées en ces temps troublés qui envahissent de plus en plus notre quotidien et qui voient pulluler les pseudo-prophètes et les vendeurs de solutions toutes faites.
Plus que jamais, à l'instar de Zweig, on peut voir en Montaigne « l'ancêtre, le protecteur et l'ami de chaque homme libre sur terre, le meilleur maître de cette science nouvelle et pourtant éternelle qui consiste à se préserver soi-même de tous et de tout. »
On peut se pénétrer de cette pensée profonde qui dit « qu'il n'est qu'une erreur et qu'un crime : vouloir enfermer la diversité du monde dans des doctrines et des systèmes. »
Et on peut s'inspirer de la modestie philosophique qu'il incarne, dans une lignée qui va de Socrate aux Pragmatiques, qui ne revendique « ni dogme, ni enseignement, ni loi, ni système, rien qu'un exemple : l'homme qui se cherche en tout et qui cherche tout en soi. »
D'où la fameuse maxime : Que sais-je ?
Stefan Zweig : Montaigne. Quadrige/PUF 2011