31 mai 2014

Guerres picrocholines

En somme l'affaire Bygmalion, ce n'est rien ou presque...
Un parti politique, l'UMP, est amené à soutenir son candidat à l'élection présidentielle. Qu'y a-t-il là de choquant ?
Rien dans un pays normal....
Mais voilà nous sommes en France et c'est sans compter avec ses lois sublimes qui réglementent le financement des campagnes électorales. Dans un souci d'égalité parait-il, elles imposent aux contribuables, via l'impôt, la charge d'une bonne partie des dépenses des candidats et plafonnent le reste, à savoir les dons, selon des normes qu'Ubu même, n'aurait pas désavouées. Plus les lois sont nombreuses et compliquées, plus le risque de les enfreindre grandit...
Dans l'élan des dernières illusions accompagnant l'équipe de Nicolas Sarkozy en 2012, l'UMP se laissa aller à quelques largesses par l'intermédiaire de l'obscure société Bygmalion.
Résultat, le plafond fatidique fut dépassé, et le pesant engrenage juridique se mit en marche, pour aboutir, deux ans plus tard, à un scandale en forme de psychodrame lilliputien dont notre pays raffole.
Les médias pointant leur gros oeil idiot et myope sur ce champ de bataille microscopique, se plaisent à monter en épingle les guerres picrocholines auxquelles se livrent des gnomes sans inspiration, animés uniquement par des considérations bassement  égoïstes ou partisanes.
Une des contributions les plus révélatrices fut celle d'une ancienne ministre dudit Sarkozy, candidat malheureux à sa succession. Reconvertie dans la retape télévisuelle au sein d'un talk show à deux balles, elle croit utile de feindre la venue des larmes en évoquant les prétendues malversations de son propre camp dans lesquelles elle s'ébrouait sans trop de scrupules, il y a peu.
Elle ne doit pas avoir plus de mémoire qu'un poisson rouge pour oublier qu'elle fut quant à elle la jeteuse d'argent public par les fenêtres à l'occasion du scandale de la grippe H1N1. Elle ne se souvient plus non plus qu'elle acheva la soviétisation de la santé avec sa funeste loi HPST. Peu lui importe sans doute le pays pourvu qu'elle puisse pérorer à son aise.
Quand on est c... on est c... chantait si bien Brassens...

27 mai 2014

Chronique d'une catastrophe annoncée

Au sein du cours changeant de l’actualité, si quelque chose pouvait être anticipé, c’est bien le résultat des élections européennes de ce 25 mai. 
Il fallait voir pourtant les mines affligées des dirigeants des partis politiques auto-prétendus “Républicains”, invités à faire leurs commentaires dès 20 heures ce même dimanche ! 
Sur les visages défaits, le gris des désillusions se mariait au vert d’une rage difficilement contenue. Surréalistes étaient les plateaux télévisés, où les représentants des partis traditionnels, assommés par le coup de massue envoyé par les électeurs, n’avaient vraiment plus grand chose à dire. Dans une ambiance sépulcrale, les déclarations s’apparentaient à des borborygmes confus, et plus rien ne distinguait ces adjudants loqueteux d’armées taillées en pièces.
Tandis que les leaders du Front National paradaient allègrement, avec l’assurance insolente des conquérants, les vieilles troupes humiliées pouvaient ruminer l’échec de plus de trente ans d’une stratégie calamiteuse, s’étalant au grand jour ! Jusqu’au bout, ils avaient cru intelligent de diaboliser celui qu'ils avaient désigné comme l’ennemi absolu et de faire comme s’il n’existait pas en l’excluant par principe du débat. Aujourd’hui, il est en passe d’en devenir l’arbitre ! Belle réussite... 
Ont-ils enfin honte d’avoir mené le pays dans ce bourbier infâme, c’est bien peu probable...
Ces gens ont perverti le jeu démocratique, en poussant à la radicalisation une partie croissante de l’opinion, à force de lâcheté, d’obscurs calculs politiciens, ou bien d’aveuglement devant les réalités. Ils ont par leur incurie et leurs croyances idéologiques bornées, mené la France à un état permanent de quasi faillite, et ils sont même parvenus par leur arrogance à la rendre méprisable ! Elle patauge, à genoux sous le regard dédaigneux du Monde, englué dans les miasmes d’un pseudo modèle social boursouflé de prétention, de démagogie et d’irresponsabilité. 
Le peuple, tant de fois berné, devenu lui-même sans foi ni loi, exprime comme il peut son désarroi. Personne ne saurait prévoir vers quelles extrémités il est capable de se laisser aller. Il risque d’entraîner dans sa navrante errance une Europe de plus en plus mal en point. Si elle s’étiole, c’en sera fini du beau rêve fédéral, seul porteur d’avenir pour les sociétés occidentales menacées par le déclin.
Dans son allocution misérable, débitée d’une voix blanche, sans conviction, François Hollande avoue que “l’Europe est illisible”. Il est temps de s’en apercevoir ! Plutôt que d’avouer ses erreurs, son impuissance, et d’en tirer de vraies conséquences, il se livre à ses habituelles incantations à la croissance, à la simplification et à une France forte ! Grotesque…
Avant lui, le premier ministre Valls, n’avait guère fait mieux en prenant des airs de tragédien aux mimiques ridicules et au phrasé caricatural, pour décrire le fiasco, et annoncer qu’il continuerait envers et contre tout... la même politique ! 
Non sans avoir dans un nouveau mensonge, tenté de racoler les classes populaires perdues avec des promesses en trompe-l’oeil de baisses d’impôts… 
Décidément, ils sont donc incorrigibles !

18 mai 2014

Tout va très bien

Donc, la France semble presque prendre plaisir à s’enfoncer en douceur mais toujours davantage, dans la faillite et la bureaucratie !
Globalement, les Français semblent s’en moquer comme de l’an quarante et leurs dirigeants, qui gambadent avec légèreté dans l'insouciance, sont à leur image. Il n’y a rien à dire en somme. Les citoyens sont bien représentés...

D'ailleurs, scrutin après scrutin, le verdict des urnes en témoigne : défaites en cascades pour les partis au pouvoir, déni de démocratie causé par l'exclusion systématique du Front National, triangulaires ineptes empêchant l'expression d'une majorité, et pour finir, la mascarade européenne, qui devrait être un temps fort, et qui va selon toute probabilité, consacrer par le biais d'une abstention record, le parti le plus anti-européen qui soit...

Alors que tout s’effondre autour de lui dans un bruit mou de chute d’edredons, le Président de la République, avec ses sourires béats, sa bedaine bourgeoise et son humour de garçon de bain, frétille des bajoues en prédisant des lendemains qui chantent, “l'inversion imminente de la courbe du chômage”, et un “retournement économique” miraculeux.
Lorsqu'on s'ébroue dans la nullité, tout est permis, et l'air de la marquise convient fort bien à cet homme désinvolte, affectant une indifférence hilare à tout ce qui l'entoure.
Sans doute est-ce communicatif car ses affidés sont à l'unisson.
La croissance qui devait redémarrer stagne désespérément à 0 depuis le début de l’année. Mais qu’importe, le bien nommé ministre de l’économie Sapin assure que “ce n’est pas grave”... Le nombre de demandeurs d’emplois ne cesse de croître, mais selon François Rebsamen, ministre du travail et de l’emploi, “la tendance est baissière”.

Pendant ce temps, à l’inverse du “choc de simplification” annoncé en grande pompe par le chef de l’Etat, chaque jour apporte son lot de lois ineptes asphyxiant un peu plus le pays dans des contraintes ubuesques. L’indécision le dispute à l’inefficacité. Code du travail, éducation, santé, sécurité, justice, écotaxe, tout se termine en inaction ou en contradictions.
Avec une opiniâtreté d’insecte bousier, le gouvernement s’échine à faire grossir la boule déjà monstrueuse des réglementations inutiles quand elles ne sont pas désastreuses.
Prenant de grands airs de Redresseur de Production, M. Montebourg mouline la farine et farde son incurie derrière des tombereaux de vaines admonestations, et des pelletées de nouvelles ukases étatiques. Accoutré d'une marinière de moussaillon, il se prend pour un amiral. Mais c’est un naufrageur. Les uns après les autres les vaisseaux-entreprises qu’il se targue de manoeuvrer coulent corps et biens sous le poids de ses bonnes intentions. Il met même un surcroît de zèle à saborder ceux qui cherchent à s'en sortir par eux-mêmes ! Mourir franchouillard c’est tout le panache qui s’attache à sa gestuelle de Don Quichotte...

Seul à faire mine de garder son sérieux, le nouveau premier ministre déclame à la manière d'une oraison funèbre ses calculs savants sur le désendettement du pays. Mais il s'emmêle les pinceaux dans les additions et les soustractions. Il est tellement convaincu d'avoir trouvé 50 milliards d'économies par l'opération du Saint-Esprit, qu'il se paie le luxe de les dépenser par anticipation, comme Ubu tirant avec jubilation les leviers de sa chimérique pompe à phynances.

Et dans ce beau pays, comme tout finit en chansons, tandis qu'on voit la ministre de la justice assimiler l'hymne national à un "karaoké d'estrade", d'autres reprennent en choeur l'ineffable niaiserie d'un chanteur de variétés, en agitant comme les fameuses serviettes de Patrick Sébastien, le " chiffon rouge " d'une improbable révolution, aux relents écoeurants des massacres d'antan...

10 mai 2014

Turgot, lumineux (5)

Les quelques textes laissés par Turgot suffisent à mesurer la profondeur de sa pensée, qui à la jonction entre deux mondes, l’ancien et le moderne, s’attache à décrire sans tabou idéologique, mais avec beaucoup de clairvoyance, les lois naturelles qui régissent l’économie, en faisant de cette dernière le ressort indispensable du progrès et de la richesse des nations.

A ce titre, quelques grandes idées mériteraient d’être inscrites dans cette science, au titre d’axiomes :
- La valeur des choses n’a rien d'un a priori, et même n'a rien de stable. Elle dépend du besoin, de la rareté, et de la quantité d’énergie, c’est à dire de travail, qu’on fournit pour les produire.

- Le libre-échange dope le commerce, augmente la production globale de richesses, et garantit que les échanges se fassent au juste prix, réglé par l’offre et la demande, et à la meilleure qualité grâce à la concurrence. En toute circonstance, le commerce libre privilégie les solutions les moins onéreuses et les plus simples. Toute intervention extérieure, notamment gouvernementale, pour tenter de restreindre par principe la liberté, s’avère néfaste et dispendieuse. Elle suggère parfois de manière illusoire une plus grande justice, une meilleure répartition des biens et une maîtrise des prix, mais elle entraîne une foule de conséquences indésirables, et un enchaînement de complications, de réglementations et d’obstacles difficiles à inverser, aboutissant en règle, à l’inverse de l’effet recherché.

- La monnaie est le langage du commerce. Elle constitue une échelle efficace de mesure et de comparaison des valeurs, facilite les échanges et assure la circulation des biens, aussi indispensable à la société que celle du sang l’est pour un animal.

- La constitution de capitaux est essentielle au développement des entreprises. Elle permet de faire les avances indispensables à toute activité, avant que celle-ci ne devienne rentable. Il est normal que celui qui investit ses capitaux dans une entreprise en tire un profit, fonction du risque qu’il prend. A cet égard, la rémunération de l’investissement doit être supérieure à celle du placement, laquelle doit être supérieure à la rente locative.

- Le gouvernement n’a aucune légitimité naturelle pour se mettre à la place des entreprises. Par nature il sera toujours moins compétent, moins réactif, moins responsable, moins économe que l’entrepreneur. Au surplus, il ne peut alléguer aucune supériorité a priori en terme d’honnêteté, et son intervention fausse le libre jeu de la concurrence en créant des situations de monopole.

- L’inégalité est naturelle. Loin d’être un fléau, elle peut être source d’émulation, d’amélioration et elle stimule les échanges qui n’auraient aucune raison d’être dans un monde uniforme, fait d’êtres totalement égaux. A ce propos, rien ne prouve que l’enrichissement même massif de certains, entraîne nécessairement l’appauvrissement des autres…


Turgot peut être considéré comme le premier économiste de l’époque moderne. Il devance chronologiquement Adam Smith et de l’aveu de Schumpeter le dépasse largement en pertinence et en originalité. Ses prédictions éclairantes auraient pu éviter pour un peuple sensé, les sanglants égarements de la Révolution, et réduire à néant la bouillie nauséabonde du marxisme. La justesse de ses propositions a été vérifiée en maints endroits du monde et en de nombreuses occasions. Comme les lois physiques expliquées par Newton, jamais elles n’ont été démenties. L’essor fabuleux des Etats-Unis en est une illustration éloquente et l’explosion économique actuelle de la Chine ou de l’Inde apportent de nouvelles confirmations à ces théories.
On sait hélas, que le proverbe “nul n’est prophète en son pays”, s’applique parfaitement à Turgot dont les conseils n’ont guère été suivis... qu’à l’étranger !

Ses diagnostics et ses recommandations gardent une fraîcheur incroyable. Ils pourraient sans peine être transposés à l’époque actuelle. Hélas, les barbouilleurs de lois qui prétendent gouverner la France sont bien loin d’en mesurer le potentiel. Ils restent englués dans des principes d’un autre âge, et quoiqu’ils en voient l’échec patent, ils continuent de s’inspirer d’une idéologie désastreuse.


Certes la France a du se résoudre à laisser entrer un peu de capitalisme dans son système économique, et le socialisme arrogant sous la pression de la réalité, est contraint de rabattre sans cesse ses prétentions, mais c’est avec une telle réticence, et en pérennisant tant de contraintes, tant de réglementations, tant d’étatisme, qu’on ne peut que louer les entrepreneurs qui malgré tous ces boulets, réussissent encore à faire de notre pays une nation développée !
Comment peut-on avoir dans notre pays, un peu plus de 2 siècles après les écrits lumineux de Turgot, une conception toujours aussi bornée, aussi rétrograde des mécanismes de l’économie, c’est un bien grand mystère, si ce n’est un vrai scandale, car seule une ignorance coupable peut expliquer cela….

08 mai 2014

Turgot lumineux (4)

Dans le court essai sobrement qualifié de projet d'article, intitulé Valeurs et monnaies, daté de 1769, Turgot peaufine les principaux concepts qu'il a précédemment forgés. L'épure est d'autant plus convaincante, qu’elle est dénuée de toute rhétorique ou d’effet de style. Seul le raisonnement se déploie, étape par étape et d’évidence en évidence pourrait-on dire, tellement il paraît limpide, jusqu’à atteindre une portée universelle, intemporelle.

Turgot s’emploie tout d’abord à montrer combien est essentielle la détermination de la valeur des choses, qui conditionne pour ainsi dire notre vie. Il montre qu'il s'agit d’une notion éminemment fluctuante, qui s’apprécie en fonction des circonstances et des besoins, et bien souvent par comparaison. Il n’y a en l’occurrence pas de valeur absolue.
Ainsi un sauvage esseulé sur une île déserte fera plus de cas s'il a faim, "d’un morceau de gibier que de la meilleure peau d’ours, mais que sa faim soit satisfaite et qu’il ait froid, ce sera la peau d’ours qui lui deviendra précieuse…”

Quoique le prix qu'on accorde à une chose dépende donc largement du besoin qu'on en éprouve, il est encore plus lié à la difficulté qu'on rencontre à se la procurer. Par exemple, “l’eau malgré sa nécessité et la multitude d’agréments qu’elle procure à l’homme n’est point regardée comme précieuse dans les pays bien arrosés.”
La rareté est donc un autre déterminant de la valeur des choses, tout comme le travail nécessaire à leur production.

Ces préliminaires posés, la vision peut s'élargir. Si dans la même île déserte, deux êtres viennent à se rencontrer, et s'ils ne trouvent pas l'occasion de se battre, ils comprendront sans doute assez vite tout l’intérêt des échanges.
Plutôt que de s’enquérir chacun de son côté des mêmes biens : chasser ou pêcher pour se nourrir, faire des vêtements pour s’habiller, chercher du bois pour se chauffer, il leur apparaîtra tôt ou tard plus efficace de s’échanger ce que chacun aura acquis, en plus du nécessaire. En se spécialisant, ils ne peuvent en effet que s'apercevoir qu’ils gèrent mieux leur temps, mais aussi qu'ils acquièrent de l’habileté, sont mieux à même de développer des compétences ou des techniques, et finalement produisent
plus de biens en se répartissant les tâches, que si chacun devait les accomplir toutes successivement.
Autrement dit, “l’introduction de l’échange entre les deux hommes augmente la richesse de l’un et de l’autre, c’est à dire leur donne une plus grande quantité de jouissances avec les mêmes facultés.”
A l'inverse, si chacun avait exactement de quoi satisfaire ses besoins, il n’y aurait plus ni échange, ni commerce, ni émulation et donc pas de progrès. Ce serait un monde dont l’uniformité tiendrait plus de l’animalité que de l'humanité.

Avec l’accroissement du nombre des individus, les effets de cette mécanique s'amplifient grâce à la diversité des compétences, et surtout de la concurrence qui s'installe entre les individus pour optimiser les échanges et améliorer leur qualité.…
Turgot souligne cependant qu’une des puissantes incitations poussant à échanger des denrées réside dans “la supériorité de la valeur estimative attribuée par l’acquéreur à la chose acquise sur la chose cédée.” En d'autres termes, il faut ressentir davantage de nécessité pour le bien qu'on acquiert que pour celui qu'on cède.
Le plein épanouissement de ce système passe par l'invention de la monnaie, qui facilite l’évaluation des biens et décuple la portée des échanges. Ainsi naît le commerce dont la monnaie est en quelque sorte l’expression naturelle. Celle-ci "a cela de commun avec toutes les espèces de mesures, qu’elle est une sorte de langage qui diffère, chez les différents peuples, en tout ce qui est arbitraire et de convention, mais qui se rapproche et s’identifie, à quelques égards, par ses rapports, à un terme ou étalon commun.”

*****

On ne saurait évoquer le legs intellectuel laissé par Turgot sans citer les lettres sur le commerce des grains qu'il écrivit à celui qui le précéda immédiatement dans la fonction de Contrôleur Général des Finances, l’Abbé Terray.
Ecrites en 1770, elles attestent du génie visionnaire de leur auteur qui préfigura étonnamment l’avènement du capitalisme industriel, en en faisant une description résolument optimiste, aussi solide que les démonstrations éclatantes de Newton en physique. Seulement trois des 7 lettres sont parvenues jusqu’à nous, mais quelle leçon !

Il faut préciser qu'à la fin du règne de louis XV, le pays se trouvait en quasi faillite tant l'Etat était endetté, tant il y avait de pauvreté, et tant le système économique était asphyxié sous une chape de réglementations plus archaïques les unes que les autres. Face à cette misère proliférante, un certain nombre d'idées reçues circulaient, dont l’abbé Terray était un des partisans, qui faisaient de la liberté du commerce une des causes du désordre, car “elle n’était favorable qu’au plus petit nombre des citoyens, indifférent aux cultivateurs et très préjudiciable à l’incomparablement plus grand nombre des sujets du Roi.”
Les mêmes imaginaient qu’il était donc opportun de rogner les revenus des propriétaires terriens par tous les moyens, dont l’augmentation des charges et des impôts. On prônait également l’alourdissement des taxes sur le commerce avec l’étranger.

Complètement à contre courant de la pensée dominante de l'époque,Turgot démontre dans ces missives inspirées que ce genre de politique est non seulement inopérant, mais qu’il ne peut très probablement qu’aggraver la situation.
Il lui paraît absurde notamment de penser qu'en appauvrissant systématiquement les riches, on puisse améliorer le sort des pauvres, et en défendant l'idée inverse, il invente tout simplement le capitalisme moderne.
“L'accroissement de richesses pour la classe des fermiers cultivateurs", écrit-il, "est un avantage immense pour eux et pour l’Etat. Si l’on suppose que l’augmentation réelle du produit des terres soit le sixième du prix des fermages.../... ce sixième accumulé pendant six ans au profit des cultivateurs fait pour eux un capital égal à la somme du revenu des terres affermées. Je dis capital, car le profit des cultivateurs n’est pas dissipé en dépenses de luxe. Si l’on pouvait supposer qu’ils le plaçassent à constitution pour en tirer l’intérêt, ce serait certainement un profit net pour eux, et l’on ne peut nier qu’ils en fussent plus riches ; mais ils ne sont pas si dupes, et ils ont un emploi bien plus lucratif à faire de leur fonds; cet emploi est de le reverser dans leur entreprise de culture, d’en grossir la masse de leurs avances, d’acheter des bestiaux, des instruments aratoires, de forcer les fumiers et les engrais de toute espèce, de planter, de marner les terres, s’ils peuvent obtenir de leurs propriétaires un second bail à cette condition…”

La facilité pour les entrepreneurs d'accumuler des capitaux, loin d'être nuisible à la société, dynamise donc l'industrie et le commerce, conduit à l'augmentation du nombre des marchands, et ce faisant, contribue non pas à augmenter les prix mais à les diminuer.
A contrario, ni les taxes, ni les règlements contraignants "ne produiront un grain de plus", mais ils ne peuvent que brider le marché et empêcher que le grain, surabondant dans un lieu, ne soit porté dans des lieux où il est plus rare.

In fine, il apparaît évident que les intérêts du propriétaire, du cultivateur et du consommateur sont liés et qu'il n’y a donc aucune raison pour que la liberté du commerce profite ou nuise plus aux uns qu’aux autres, ce qui fait s’interroger Turgot : “Qu’imagine-t-on gagner en gênant la liberté ?"

Turgot s'oppose également avec force à la sur-taxation du commerce extérieur ainsi qu'à toute mesure protectionniste.
En premier lieu, il souligne l’importance pour un pays d’avoir une balance commerciale équilibrée car “sans cette égalité de balance, la nation qui ne ferait qu’acheter sans vendre serait bientôt épuisée, et le commerce cesserait.”
Ainsi tombe l'unique argument plaidant pour le protectionnisme, car “Ce n’est que sur l’excès dont l’exportation surpasse l’importation, qu’on peut imaginer de faire porter la portion de l’impôt qu’on voudrait faire payer aux étranger." Dans tous les autres cas, "les propriétaires nationaux resteront toujours chargés de la totalité de l’impôt."
Ainsi, l'idée "de faire contribuer les étrangers aux revenus de l’Etat et de détourner le poids d’une portion des impôts de dessus la tête des propriétaires nationaux.../... n'est qu'une pure illusion", et “tous les efforts que l’ignorance a fait faire aux différentes nations pour rejeter les unes sur les autres une partie du fardeau n’ont-ils abouti qu’à diminuer, au préjudice de toutes, l’étendue générale du commerce, la masse des productions et des jouissances et la somme des revenus de chaque nation.”

Non seulement la vision de Turgot s'inscrit dans une modernité étonnante, mais elle pressent le caractère néfaste de l'étatisation et des nationalisations.
Il commence sa démonstration par une observation de bon sens : "Quand le gouvernement [par ses réglementations et ses impôts et taxes] a détruit le commerce qui l’aurait fait vivre, il faut que le gouvernement s’en charge.../…
Mais lorsque ce dernier se met à la place des entrepreneurs, cela génère de l'inertie, sans pour autant prémunir contre le risque de malversations, "parce qu’il emploie des agents subalternes aussi avides au moins que les négociants, et dont l’avidité n’est pas, comme celle de ces derniers réprimée par la concurrence." Au surplus, "ses achats, ses transports se feront sans économie.../... il ne commencera d’agir qu’au moment du besoin."
A cet égard, il met en garde contre le projet proposé par plusieurs experts, de “former une compagnie qui, au moyen du privilège exclusif d’acheter et de vendre, se serait chargée d’acheter toujours le grain au même prix, et de le donner toujours au peuple au même prix”. Ce système revient à instituer un double monopole : “Monopole à l’achat contre le laboureur, monopole à la vente contre le consommateur.”
En outre et surtout, même en n’employant que des gens dotés d’une “probité angélique” et d’une “intelligence plus qu’angélique” on ne parviendrait qu’à mettre sur pied une machinerie complexe et inefficace: comment garantir un prix constant si plusieurs années de disette se succèdent, et si “par la mauvaise régie, par les fautes et les négligences, par les friponneries de toute espèce attachées à la régie de toute entreprise trop grande et conduite par un nombre trop grand d’hommes, que deviendra la fourniture qu’elle s’est engagée à faire ?.” “Daignez envisager”, s’exclame Turgot, “l’effet qui résulterait de la banqueroute d’une pareille compagnie.”
Par cet avertissement dont l’écho se prolonge jusqu’à l'époque contemporaine, pour ceux qui veulent bien l’entendre, Turgot tente de prévenir l’émergence de trusts publics ou privés, si énormes, que la perspective de leur défaillance peut faire vaciller le système entier. Cette idée est parfaitement résumée par le fameux “too big to fail” anglo-saxon...

En définitive, Turgot s’interroge sur les raisons qui poussent certains à vouloir “s’échiner à produire par les moyens les plus compliqués, les plus dispendieux, les plus susceptibles d’abus de toutes espèce, et les plus exposés à manquer tout à coup.../… ce que le commerce laissé à lui-même doit faire infailliblement, à infiniment moins de frais et sans aucun danger, c’est à dire égaliser autant qu’il est possible les prix du grain dans les bonnes et dans les mauvaises années….”C’est pourquoi il propose à l’abbé Terray, de supprimer tous les droits de minage et de péage existant encore sur les grains, l’abrogation de la maîtrise de boulangers nuisant à une saine concurrence, et en revanche, de promouvoir toute mesure destinée à encourager les meuniers à produire de la bonne mouture et de bonnes farines…

30 avril 2014

Turgot, lumineux (3)

Le chef-d’œuvre impérissable et vraiment novateur de Turgot fut son étude relative à la Formation et distribution des richesses, datée de 1766.
Dans cet ouvrage d'à peine 70 pages, il se révèle le génial précurseur d'une vision libérale pragmatique novatrice, qui sera développée par Adams Smith quelques dix ans plus tard en Angleterre.
Surtout, avec un siècle d'avance sur Marx, il théorise le capitalisme naissant. Mais à l'inverse de ce dernier qui y voyait une machine infernale destinée par essence, à exploiter et asservir l’homme, Turgot en fait le moteur même de l'économie moderne et un formidable instrument de progrès.

Son analyse est particulièrement visionnaire si l'on pense qu'à son époque, la société était régulée de manière tellement rigide que le destin de chaque être humain était quasi prédéterminé en fonction de la position sociale du berceau familial et du rang de naissance dans la fratrie !


Si Turgot s'éleva contre les privilèges liés à la naissance et les rentes de situations, il ne prôna pas pour autant l'égalité, bien au contraire.
Le primum movens de toute économie est pour Turgot, comme pour les physiocrates, situé dans les ressources tirées de la terre : “Le laboureur peut, absolument parlant, se passer du travail des autres ouvriers, mais aucun ouvrier ne peut travailler si le laboureur ne le fait vivre…”.
Dans le même temps, il affirme qu’une répartition égalitaire des terres est une illusion car force est de reconnaître que celles-ci “ont été cultivées avant d’être partagées.”
De toute manière, même si cela avait été possible, le monde serait désespérément statique puisque tout commerce, tout échange aurait été impossible “dans la supposition d’un partage égal des terres, où chaque homme n’aurait que ce qu’il lui faudrait pour se nourrir.”
Plutôt que de tenter de reconstruire un monde idéal, mais théorique, Turgot se fonde sur la réalité des faits et constate que dans l’histoire de l’humanité, les sources d’inégalités furent nombreuses à se faire jour et sont en définitive consubstantielles au monde. La première relève de l’évidence : “Les premiers propriétaires occupèrent autant de terrain que leurs forces leur permettaient d’en cultiver : plus ils étaient forts ou dotés d’une nombreuse famille plus leur domaine était étendu.” Mais il y a bien d’autres raisons aux inégalités : “Tous les terrains n’avaient pas la même fertilité”, “Les successions remodelèrent les domaines en les agrandissant ou en les divisant”, enfin “L’intelligence, l’aptitude à l’action le courage furent la quatrième source d’inégalité.”

Partant de la mise en valeur de la terre et du commerce de ses produits, Turgot définit les principales classes dont la société est naturellement amenée à se doter.
“En premier lieu quand un cultivateur devient suffisamment riche, il peut cesser de travailler la terre pour se consacrer à la gestion et à d’autres tâches.” Il représente la classe des propriétaires ou encore "classe disponible". Initialement c’est la seule classe détentrice de capitaux et susceptible de rentabiliser une entreprise.
Les propriétaires, grâce au rapport de leurs biens peuvent rémunérer des ouvriers pour travailler, des artisans pour fournir des outils ou d’autres prestations, ces derniers incarnant la classe salariée ou, pour reprendre les termes de Turgot, “stipendiée.” De cette manière, la classe stipendiée, industrieuse, est amenée à se subdiviser en entrepreneurs, capitalistes, artisans et simples ouvriers. Dès lors, le moteur du capitalisme est lancé, rebattant en permanence les cartes du jeu économique dans lequel chacun peut, en fonction de ses aptitudes, de son travail, et d’un peu de chance, créer ou perdre des fortunes.
Turgot fut ainsi le premier économiste à énoncer cet axiome toujours pertinent : "Ce sont les capitaux seuls qui forment et soutiennent les grandes entreprises [d’agriculture]."

Dans le cours de l’histoire, la rémunération accordée par les propriétaires aux stipendiés, prit toutefois des formes variées, pas toujours honorables. Turgot en décrit cinq.
La plus ancienne fut la “culture par des salariés” dans laquelle le propriétaire prenait toute la récolte mais fournissait aux ouvriers les moyens de travailler (outils, semences) et un salaire. La rentabilité n’était pas optimale puisque les ouvriers n’avaient aucun intérêt à produire, et le propriétaire était incité à exercer une tutelle souvent très contraignante. Paradoxalement cette technique ancestrale est resté le substratum de l’économie étatisée nivelée, caractérisant les régimes socialistes...
La seconde technique fut plus calamiteuse encore. Ce fut, selon les propres mots de Turgot, “cette abominable coutume de l’esclavage.”
Alors que la pénurie de main d’oeuvre locale pouvait se faire sentir, tandis que par le biais de la colonisation des populations entières étaient asservies, “des hommes violents ont alors imaginé de contraindre d’autres hommes à travailler pour eux. Ils ont eu des esclaves dont le seul salaire était le gîte et la nourriture.” Inutile de s’appesantir sur le caractère infamant de cette méthode, vouée à disparaître dans toute société de liberté.
Elle laissa la place heureusement, à d’autres systèmes, moins inhumains. La culture par métayage par exemple dans laquelle le métayer gagne une partie de la production, en général la moitié (on disait alors “colon à moitié fruits”). Enfin, la culture par fermage ou louage des terres, lorsque le propriétaire abandonne la totalité des récoltes moyennant rétribution par une rente ou un loyer. C’est en définitive le système qui s’imposa, quoiqu’il ne soit réellement adapté qu’au monde agricole.

Dans la conception économique développée par Turgot, la notion d’échange est fondamentale. Tout ce qui lui fait entrave s'avère anti-naturel et néfaste.
L’échange se réduit en règle au commerce “qui donne à chaque marchandise une valeur courante relativement à chaque autre marchandise.” "Toute marchandise est donc monnaie puisqu’elle mesure et représente toute valeur. Réciproquement toute monnaie est marchandise."
Dans cette logique limpide, les métaux précieux, or et argent, on l’avantage d’avoir une valeur facile à apprécier par leur poids et leur titre, d’être inaltérables et d’être facilement divisible. Grâce à ces qualités, et bien qu’ils n’aient pas d’utilité fondamentale, ils ont toujours eu une valeur intrinsèque.
Il n’y a rien d’étonnant donc à constater que “dès que les hommes ont pu tirer de leurs terres un revenu plus que suffisant pour satisfaire à tous leurs besoins, ils éprouvèrent la nécessité, par prudence ou inquiétude de l’avenir, de convertir ces surplus en matières le moins périssables possible”, d’abord en recourant aux valeurs mobiliaires (meubles, vaisselle, bijoux, maisons, terres, outils, bestiaux…) puis aux métaux-monnaie, devenant capital en soi.

C’est une des grandes forces de Turgot d’avoir compris et décrit comme nul autre, les règles naturelles du commerce. De ce point de vue, certaines de ses remarques conservent une fraîcheur étonnante si ce n’est prémonitoire de nombre de problématiques de la société contemporaine :
“Le détaillant apprend par expérience, par le succès d’essais bornés faits avec précaution, quelle est à peu près la quantité des besoins des consommateurs qu’il est porté à fournir.”
“Le négociant envoie des marchandises du lieu où elles sont à bas prix dans ceux où elles se vendent plus cher.”
“Toutes les branches du commerce roulent sur une masse de capitaux .../… qui ayant été d’abord avancés par les entrepreneurs .../… doivent leur rentrer chaque année avec un profit constant. C’est cette avance et cette rentrée continuelle des capitaux qui constituent ce qu’on doit appeler la circulation de l’argent. Aussi vitale à la vie économique que la circulation du sang pour la vie d’un animal…”
“Si les entrepreneurs cessent de retirer leurs avances avec le profit qu’ils sont en droit d’attendre, il est évident qu’ils seront obligés de diminuer leurs entreprises, que la somme du travail, celle des consommations des fruits de la terre, celle des productions et du revenu, seront d’autant diminuées, que la pauvreté prendra la place de la richesse, et que les simples ouvriers, cessant de trouver de l’emploi, tomberont dans la plus profonde misère.”

Une des contributions essentielles de Turgot à la science économique, fut l’éclairage original qu’il donna à la mécanique du crédit et de l’endettement. Souvent critiqués à son époque, les prêts représentaient selon lui, un mode d’utilisation efficace des capitaux. Dans cette logique écrivait-il, “le prêt à intérêt n’est exactement qu’un commerce dans lequel le prêteur est un homme qui vend l’usage de son argent et l’emprunteur un homme qui l’achète…”
Sa conception libérale s’exprimait à cet égard de manière explicite : “C’est une erreur de croire que l'intérêt de l’argent dans le commerce doive être fixé par les lois des princes. Ce prix est un peu différent suivant le plus ou moins de sûreté qu’a le prêteur de ne pas perdre son capital, mais à sûreté égale, il doit hausser ou baisser à raison de l’abondance et du besoin.../… La Loi ne doit pas plus fixer le taux de l’intérêt de l’argent qu’elle ne doit taxer toutes les autres marchandises qui ont cours dans le commerce.”

Le sujet permet une fois encore de mesurer la profondeur de vue de celui qui n’était alors que l’intendant du Limousin, et qui donna pourtant des clés essentielles pour comprendre les interactions entre épargne et flux monétaires. Pour résumer sa pensée, s’il y a peu d’argent épargné en capital, il y en a plus à circuler et donc sa valeur diminue. En revanche, il y a par voie de conséquence moins d’argent à prêter et sans doute plus d’emprunteurs, donc les taux d’intérêts s’élèvent. 

La proposition inverse est bien entendu tout aussi vraie, ce qui amène à la formule de portée universelle, énonçant que "l’intérêt courant de l’argent est le thermomètre par où l’on peut juger de l’abondance ou de la rareté des capitaux."
Très originale pour son temps, et toujours pleine d’actualité, fut également l'appréciation hiérarchique du risque, en fonction de la nature des investissements de capitaux : “L’argent placé dans des entreprises de culture, de fabrique et de commerce doit rapporter plus que l’intérêt de l’argent prêté, lequel est supérieur à celui de l’argent placé dans l’achats de terres affermées.”

26 avril 2014

Turgot, lumineux (2)

Les Amoureux de la liberté peuvent se consoler de l’injuste discrédit qui frappa Turgot en se plongeant dans les quelques écrits d’une éclatante modernité, qu’il laissa à la postérité.

En premier lieu, le tableau philosophique des progrès successifs de l’esprit humain qu’il proposa sous forme de discours à la Sorbonne en 1750, alors qu’il n’était âgé que de 23 ans.
Il y développe des conceptions pragmatiques empreintes d’humilité assez caractéristiques de la pensée libérale.

Du spectacle de la Nature, il retient cette impression de perpétuel renouvellement, où “le temps ne fait que ramener à chaque instant l’image de ce qu’il a fait disparaître” et par contraste, “la succession des hommes qui offre au contraire, de siècle en siècle, un spectacle toujours varié.”
A l’inverse du credo égalitariste de Rousseau, il fait le constat que “la nature inégale en ses dons a donné à certains esprits une abondance de talents qu’elle a refusée à d’autres…” et y voit la raison profonde de la marche chaotique du monde sur la voie du progrès : “Les circonstances développent les talents ou les laissent enfouis dans l’obscurité; et de la variété infinie de ces circonstances, naît l’inégalité du progrès des nations.”
A contrario, “la barbarie égale tous les hommes”, notamment lorsqu’ils perdent l’ambition de devenir meilleurs, qu’ils ne manifestent plus l’envie de corriger leurs erreurs, ou qu’ils s’abandonnent à leurs vieux démons : “Quel spectacle présente la succession des hommes ! J’y cherche les progrès de l’esprit humain et je n’y vois presque autre chose que l’histoire de ses erreurs. Pourquoi sa marche si sûre dès les premiers pas dans l’étude des mathématiques, est-elle dans tout le reste si chancelante, si sujette à d’égarer ?”
Pire que tout cependant, est l’inclination aux croyances non fondées : “Ce penchant presque invincible à juger de ce qu’on ignore par ce qu’on connaît.../… Ces analogies trompeuses auxquelles la grossièreté des premiers hommes s’abandonnait avec tant d’inconsidération.../… Les égarements monstrueux de l’idolâtrie…”

Au total, une vision réaliste, qui fait de l’être humain l’artisan principal de son destin et le porteur de ses propres espérances, ce qui suppose une aptitude à se remettre en cause et à ne pas préjuger de ses capacités : “parce que l’orgueil se nourrit de l’ignorance, par ce que moins on sait, moins on doute; moins on a découvert moins on voit ce qui reste à découvrir…”

Dans une lettre à Hume datée de 1767, Turgot aborde certains problèmes économiques. Il rejoint le philosophe écossais dans sa définition du prix courant des marchandises, basée selon eux uniquement sur la loi de l'offre et de la demande. Turgot nuance un peu ce point de vue en définissant la notion de “prix fondamental” qui pour une marchandise, est ce que la chose coûte à l'ouvrier, et qui augmente dès que des impôts ou des taxes s’interposent. Ce constat l’amène à déplorer “les inconvénients de l’impôt sur les consommateurs, dont la perception est une atteinte perpétuelle à la liberté des citoyens.” Non sans humour, il détaille ainsi les multiples contraintes et effets pervers engendrés par le fisc : “il faut fouiller aux douanes, entrer dans les maisons pour les droits d’aides et d’excises, sans parler des horreurs de la contrebande, et de la vie des hommes sacrifiés à l’intérêt pécuniaire du fisc : voilà un beau sermon que la législation fait aux voleurs de grand chemin…

21 avril 2014

Turgot, lumineux (1)

Moins de deux ans, c’est ce que notre pays accorda au libéralisme pour faire ses preuves !  C'est vraiment peu pour une nation qui a inscrit la Liberté au fronton de tous ses édifices publics.
Au surplus, ces deux petites années ne datent pas d'hier. Elles s'étendent précisément d’août 1774 à mai 1776, période durant laquelle Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781) fut contrôleur général des Finances du Royaume de France. Cette époque aurait pu être bénie, or elle fut maudite...

Elle commençait pourtant bien.
Lorsque Turgot fut promu ministre par la volonté du jeune Louis XVI, celui-ci venait d'accéder au trône, et tous deux avaient en tête une foule d'idées audacieuses. Le pays en avait bien besoin, tant il s'asphyxiait dans des schémas sociétaux archaïques et tant il croulait sous les dettes.
De l’autre côté de l’Atlantique, à l’Ouest, un vent de liberté se levait, irrépressible. Il était porteur de grandes espérances et la France qui ne contribua pas peu à le faire naître, pouvait être le relais sur le vieux continent, de ces aspirations nouvelles.

Etrange pays que le nôtre ! Nombre de philosophes, d’économistes et de penseurs s’y illustrèrent dans la défense des idées libérales, et très peu de politiciens et d’hommes d’état ont tenté de les mettre en application.
Turgot constitue une exception notable. Il fut à la fois penseur brillant et homme d'action intrépide. Il servit un roi doté d’une grande ouverture d’esprit, apte sans aucun doute à mettre en oeuvre la grande révolution intellectuelle portée par les Lumières.
Mais, paradoxe navrant, il fut renvoyé dans ses foyers prématurément sous la pression d’intellectuels jaloux de leurs prérogatives, tandis que le roi fut la victime expiatoire de révolutionnaires obtus, se gargarisant de liberté ! Et si en définitive le ministre déchu n’eut pas un destin aussi funeste que son monarque, ce fut sans doute parce que la maladie le terrassa à 53 ans, quelques huit ans avant la prise de la Bastille !

Son passage aux affaires fut marqué par d’indéniables et rapides succès économiques, permettant notamment la réduction drastique de l’endettement du pays, non par l’accroissement des impôts ou le recours à l’emprunt, mais par une gestion budgétaire rigoureuse, et de substantielles économies. Le principe, décrit
dans la lettre qu’il adressa à Louis XVI suite à sa nomination, était simple : “Si l'économie n'a précédé, aucune réforme n'est possible”.
Tout en assainissant les finances du pays, il amorça toutefois en parallèle d’audacieuses réformes libéralisant le travail et les échanges commerciaux. Il supprima nombre de charges absurdes qui pesaient sur le peuple, dont les corvées royales qui contraignaient les paysans et les roturiers, à fournir à l’Etat des jours de travail non rémunéré, consacré à l’entretien des routes. Il abolit les jurandes, maîtrises et autres dispositifs corporatistes qui bridaient l’accès à nombre de professions et en réservaient les avantages à quelques élus.
Hélas, une cabale de privilégiés, et de très mauvaises récoltes dues aux aléas climatiques tuèrent dans l'oeuf ce vaste programme de modernisation de l’Etat. Louis XVI, bien intentionné mais influençable et manquant de détermination, le révoqua de ses fonctions. Résultat, de concessions en concessions, le pouvoir s’affaiblit et il ne fallut que quelques années pour que le pays bascule dans le grand désordre de la révolution.
Au moment de son éviction, Turgot avait mis en garde Louis XVI de manière prémonitoire : « N'oubliez jamais, Sire, que c'est la faiblesse qui a mis la tête de Charles 1er sur un billot... »

20 avril 2014

Les raboteurs d'acquis sociaux

Au pays dont le satrape en chef s'appelle Hollande, tout est si bas, si vain, que presque plus rien ne semble avoir d'importance. Rien ne bouge dans ce nébuleux « changement » qui plombe doucement l'atmosphère de ses vapeurs méphitiques. A celui qui végète, la morne uniformité tient lieu de tiède raison de vivre.
Dans ce pays, ivre du néant, les débats sont microscopiques et les perspectives totalement vides. Il n'y a pas de chemin puisque qu'il n'y a pas de direction...
Une étrange impression de vacuité s'est emparée de ce monde en déshérence.

Les Français, définitivement assujettis à l'Etat, se morfondent avec une sorte de délectation morbide, dans la contemplation de sa monstrueuse impuissance, et dans l'ennui sidéral qu'engendrent les discours soporifiques de ses dirigeants.
Le gouvernement n'est plus qu'un théâtre de marionnettes dont les figures sans vie ni âme dansent au dessus du vide en interchangeant leurs rôles dans l'indifférence générale.
Ils chantent sur un ton monocorde les grands principes, mais les dernières « valeurs » auxquelles leur idéologie s'accrochait ont été laminées par les mensonges éhontés de celui qui fut par un malheureux concours de circonstances, élu Président. Sous les plafonds encore dorés des palais de la République, chaque jour apporte son lot de malversations, de manoeuvres, de compromissions, de favoritisme, et d’esprit partisan qui gangrènent les institutions et mine la crédibilité de leurs gardiens.

S'agissant de la gestion du bien commun, personne n'imagine que les succédanés et artifices qu'on tente de faire passer pour une politique soit porteurs d'amélioration, mais personne n'imagine réellement d'autre voie. D’aucuns cherchent encore à bercer le peuple d’illusions, sous tendues par des promesses insensées, mais personne évidemment ne croit plus aux mots dont ils se gargarisent pour pallier l'absence de conviction et l'insignifiance des desseins. Les dernières inventions du génie bureaucratique s’épuisent avant même d’être concrétisées. “Pacte de Responsabilité”, “pacte de solidarité”, “pacte de confiance”, toutes ces fusées conceptuelles lancées en l'air comme armes ultimes par un gouvernement à bout de souffle, font l’effet d’un piteux feu d’artifice dont les flammèches s’éteignent sitôt allumées.
En fin de compte, dans la fameuse “boite à outils” des gouvernants, il ne reste plus que le rabot, pour tenter en désespoir de cause de faire entrer en force le vieux paradigme français bouffi, dans la rigueur salutaire du cadre supra-national, européen. Celui-ci constitue le dernier rempart à l’inconséquence de politiciens aussi démagogues qu’irresponsables, il les oblige enfin à se rapprocher un peu de la réalité.

Cela donne un spectacle tragi-comique où l’on voit les Artaban d’hier, moulineurs de grands principes, les Don Quichotte de l’anti-mondialisation, contraint de rabattre leurs ambitions délirantes et se mettre à dégauchir à la varlope, millimètre après millimètre, les boursouflures du monument “social”, dont il étaient si fiers. Ils l’avaient construit en dépit du bon sens, dépensant à tout-va, et asséchant sans vergogne par l'impôt toutes les sources de richesses du pays. Après en avoir tari l’essentiel, ils n’ont ni l’énergie, ni l’inspiration qui seraient nécessaires à une vraie refondation, sur des bases plus saines.
Jusqu’où iront-ils dans cette humiliante mais peu efficace besogne de rognage et de rafistolage qui les fait renier leurs propres croyances, et ergoter sur tout ce qu’ils considéraient comme des acquis ?
Jusqu’où iront ces chantiers dérisoires avant qu’enfin le souffle rafraîchissant de la liberté balaie ces vains échafaudages, et lève de vraies ambitions en dégageant pour les gens entreprenants, de nouveaux horizons ?

30 mars 2014

Va, petit mousse...

C'était quasi couru d'avance. Après deux années calamiteuses passées à faire semblant de gouverner, le Parti Socialiste et ses alliés ne pouvaient espérer remporter ces élections municipales.
Mais il s'agit d'une débâcle ! Une raclée monumentale. Historique, comme aiment à l'annoncer les journalistes ! Pas moins de 155 villes de plus de 9000 habitants perdues...

Au delà des enjeux locaux, passés à l'évidence au second plan, décidément c'est l'ensemble du débat politique qui est vraiment moribond en France. Depuis des lustres, il semble qu'aucun dirigeant d'aucun parti ne puisse plus faire illusion dans ce pays. Car une fois encore ce n'est à proprement parler une victoire pour personne. Si la gauche est tout simplement KO, les autres n'émergent que par pur effet mécanique. Pas de vague bleue, c'est marée basse.

Ainsi, on serait bien en peine de savoir quels programmes pourraient dorénavant être proposés aux Français. On évoque un remaniement ministériel, mais chacun sait qu'il ne s'agira que d'un cataplasme sur une jambe de bois. Certains exigent avec véhémence un nouveau coup de barre à gauche, d'autres voudraient l'inverse. Mais qu'est-ce donc que l'inverse dans ce foutu pays de contradictions ?
M. Hollande est qualifié d'ultra-libéral ! Vaste plaisanterie... On avait déjà chanté cet air là au sujet de Nicolas Sarkozy, et c'était tout aussi mal venu. Il n'y a pas plus de libéralisme que de beurre en broche. Ce scrutin est donc une nouvelle faillite politique. Une de plus sur cet itinéraire navrant, qui va de Charybde en Scylla. On y croise beaucoup de faux monstres. On fait mine d'y combattre des chimères et des fantasmagories. Et on se fixe un cap fondé sur des illusions.
Va, petit mousse, où le vent te pousse...

27 mars 2014

Défi de démocratie


Élections après élections, scrutins après scrutins, les tares de la démocratie française se font plus évidentes.
C’est même une sorte de désastre chronique auquel on assiste. Rien de plus navrant que ce caractère répétitif de l’échec et des désillusions qui minent le moral et font douter tant de gens de la politique (près de 90% des Français n’ont pas confiance dans leurs dirigeants politiques selon une enquête du CEVIPOF parue en janvier 2014) !

Sans doute pourrait-on avancer qu’en démocratie, on a les élus qu’on mérite, mais est-on encore vraiment en démocratie ?
On peut en douter lorsqu’on constate l’écart quasi constant entre les programmes pré-électoraux et les actions qui s’ensuivent. Soit elles s’avèrent insignifiantes, soit elles contredisent de manière flagrante les ambitions affichées. Manque de conviction ? Pusillanimité ? Inconséquence ? Forfanterie ? Un peu de tout ça sans doute…

A l’origine de ce mélange étrange de mépris et de démagogie, il y a probablement cette fichue tradition, très hexagonale, d’assimiler la mission du politicien à celle d’un haut fonctionnaire. De fait, la plupart le sont, ce qui leur assure un repli confortable en cas de revers électoral.
Les allées du Pouvoir en France sont ainsi peuplées d’élus et de technocrates inusables, renaissant sans cesse de leurs cendres, et on peut les voir évoluer sous les ors des palais de la République, plusieurs décennies durant. Une chose est sûre, cette manière de faire, n'est pas pour rien dans la lassitude manifestée par les citoyens lorsqu’un scrutin leur offre l’occasion de s’exprimer.

Est-ce le sentiment d'occuper des positions inexpugnables qui conduit beaucoup d'hommes politiques à perdre la raison, au point de donner parfois l'impression de nier le principe démocratique ? Cette notion de « Front Républicain » par exemple, qu'on a vu pour la nième fois ressorti à l'occasion des élections municipales a de quoi irriter. Destiné à faire barrage au Front National, il s'avère non seulement détestable, mais surtout totalement contre-productif. La Gauche l'a utilisé dans les années 80 de manière machiavélique pour diaboliser ce parti politique, et en faire un abcès de fixation, empêchant la Droite d'obtenir la majorité. Cette dernière, sous la houlette de Jacques Chirac, est tombée stupidement dans le piège. Alors qu'il lui eut été aisé de balayer les leçons de vertu de gens qui n'avaient pas hésité à s'allier avec les Communistes, elle a contribué par son attitude à exclure du débat public et à radicaliser le parti de Jean-Marie Le Pen, et en faire un vrai problème pour la démocratie.

Aujourd'hui, quoiqu'on pense de ce parti et des idées qu’il porte, il représente durablement près d'un quart de l'électorat, que certains continuent d'ostraciser de manière intolérable.
La France est un pays étonnant où le communisme a toujours pignon sur rue, où l’on entend l'extrême gauche révolutionnaire éructer impunément ses vieilles haines, où l’on peut voir l’insupportable Jean-Luc Mélenchon régulièrement invité dans les salons médiatiques, haranguer les foules avec un odieux discours revanchard, insulter quiconque ose le contredire, et traiter de « vermine » ceux qui se mettent en travers de son chemin.
Dans le même temps, on agonit d’injures un parti en lui faisant un procès en sorcellerie comme Vincent Peillon ou Najat Vallaud-Belkacem, qui osaient encore le soir du premier tour, afficher une intolérance totalitaire avec leur slogan « pas une municipalité pour le FN !»
Tandis qu'ils perdent leur maigre légitimité, obtenue à l'occasion d'une présidentielle gagnée de justesse, et pour de mauvaises raisons, les Socialistes continuent ainsi de faire preuve d’une invraisemblable arrogance. Loin de tirer les leçons de leur défaite, ils dénient aux autres le droit de prendre démocratiquement leur place !
Une nuée d’artistes, plus encartés « qu’engagés » se joignent à eux pour hurler à la mort et se livrer à toutes sortes de menaces ou de chantage. Pendant ce temps, les médias font mousser à plaisir les chiffres, évoquant un séisme dans l’opinion alors qu’il ne s’agit que de l’expression d’un gigantesque dépit.
« Peur sur les villes » titrait le médiocre journal Libération ! Après avoir accusé l’extrême droite d’instrumentaliser les peurs, il fallait oser. De fait, ils ont tous les culots, c’est à ça qu’on les reconnaît…
En définitive, malgré ces remugles écœurants qui traversent le pays, l’attente est toujours forte vis à vis des partis politiques et de ce qu’ils sont censés représenter, à savoir l’Etat. C’est d’ailleurs bien là le problème, et le paradoxe : l’attente est si forte, si immense, qu’elle ne peut qu’être déçue…

22 mars 2014

L'accusateur public



Le dogmatisme jacobin dont la société française est imprégnée jusqu'à la moelle, fut un des ferments de la terreur révolutionnaire de 1793. Après les horreurs sanguinaires du robespierrisme, il s’est quelque peu refroidi, formant le noyau idéologique de la pensée dite « de gauche » dont le socialisme est un des avatars monstrueux.

Ce corpus de principes inspire peu ou prou toute pensée politique, tout dirigeant, tout gouvernement. L'ensemble gravite autour d'un pseudo modèle social égalitariste placé sous tutelle étatique, dont l'effet principal est d’asphyxier dans la bureaucratie la plupart des administrations et institutions que le pays compte.

Cette organisation néo-soviétique compte d’innombrables gardiens du temple, installés à tous les niveaux, dans tous les rouages de la mécanique. Avec le temps, ils sont devenus quasi indélogeables. Ils veillent à la préservation du prétendu modèle comme les hommes de la préhistoire protégeaient le feu.
Peu importe que le Monde change autour d’eux. Peu importe que les faits ou les évènements leur donnent tort. Ils ont été nourris au lait pernicieux de l’idéologie. Non seulement ils ne voient pas les perversions du système qu’ils défendent, mais ils jettent de noirs anathèmes et d’affreuses accusations à la tête de tout contrevenant à leurs théories.
Certes ils ne tuent plus au sens propre leurs adversaires comme le sinistre et zélé Fouquier-Tinville, mais ils les clouent au pilori médiatique avec une rage et un esprit partisan qui glacent le sang.
Monsieur Edwy Plenel fait partie de ces sinistres accusateurs publics. Avec ses rictus sardoniques qui feraient passer le « hideux sourire » de Voltaire pour une expression angélique, il n’a de cesse de parcourir les innombrables chaires médiatiques qui s’ouvrent complaisamment à lui pour y décréter ce qui serait de son point de vue, le bien et le mal.

S’arrogeant le droit de passer au-dessus de la justice, il accuse, condamne, excommunie à tour de bras, non sans avoir fouillé au préalable la vie secrète de ses victimes et les avoir mis à nu avec une fougue rappelant celle des Inquisiteurs.
L’odieux n’est pas en l’occurrence de vouloir révéler de prétendus scandales. C’est un peu le métier des journalistes en somme, et ça pourrait parfois s’avérer utile, pourvu que toutes les conséquences en soient tirées. L’inacceptable est de se placer au-dessus des lois, et pire encore de prétendre incarner la neutralité, l’indépendance et la moralité en rejetant les autres dans les affres de l’indignité.

Car monsieur Plenel n’est pas plus indépendant que quiconque. Son journal vit de l’argent qu’on veut bien lui donner. Il est donc dépendant de son lectorat et se doit de lui donner ce qu’il attend. A ce titre, il constitue un groupe de pression, un véritable lobby.
Il n’est pas neutre non plus, loin s’en faut.
Il osait faire le reproche récemment à Nicolas Beytout de n’être pas objectif au motif qu’il travaillait pour un magazine intitulé L’Opinion !
Plutôt cocasse quand on connaît l’inféodation du fondateur de Mediapart à une idéologie des plus sectaires. Dès sa jeunesse il s’enrôla dans les sections les plus fanatiques du communisme. Bien qu’il n’aime guère qu’on lui rappelle, ni qu'on le classe dans une boite, le fait est qu’il n’est jamais sorti de celle de la gauche sectaire, revancharde et donneuse de leçons. On connaît également sa complicité amicale avec l’actuel président de la république. Il n’est pas gêné non plus de se répandre de manière éhontée, en flagorneries pour le moins excessives et déplacées, envers la ministre de la justice…

Son engagement politique n’est donc pas contestable. Certes il range au titre de ses glorieux faits d’arme la chute de M. Cahuzac, mais à ses yeux il s’agissait d’un traitre, d’un renégat.
Certes il en a rabattu par rapport aux excès de ses jeunes années comme tant de ses coreligionnaires, contraints peu à peu de reculer devant la faillite des idées qu’ils professent.
N’empêche, son ardeur à débusquer les adversaires de la cause n’en n’est que plus forte ! Et les procédés sont toujours aussi malhonnêtes et captieux.
Fort d’une dialectique parfaitement rodée, il retourne inlassablement tout argument, toute dénégation, toute preuve, et même toute évidence. Rien ne saurait dévier son raisonnement de sa trajectoire prédéterminée. Peu importe qu’il se soit trompé sur à peu près tout ce qu’il a défendu ou affirmé au cours de sa vie, il n’en est que plus fort pour asséner qu’à l’instant présent c’est lui qui a raison. Pour ce faire, ses jugements sont à l’emporte-pièce, car il ignore la nuance. On voit avec quelle opiniâtreté pathologique par exemple, il accumule les pièces à conviction contre Nicolas Sarkozy dont il a manifestement juré la perte. Tout est à charge puisque l’homme est par avance condamné !

En définitive, la nature de ce personnage tient tout entier dans la manière outrancière avec laquelle il exprime son manichéisme borné. C’est bien simple, le monde pour lui ne se décompose qu’en deux catégories : d’un côté, « les tenants de l'inégalité, celle naturelle de naissance, celle homme/femme, celle des cultures, des civilisations, des religions, des races… » (On n’est pas couché, le 15/03/14).
De l’autre, pour faire face à « cette famille intellectuelle française qui existera toujours », il y a les gens de bien comme lui, ceux qui pensent que la république s'est construite contre les premiers. Ceux qui sont convaincus « que le ressort c'est l'égalité ! »

Quand on est rendu à ce niveau de raisonnement, à ce simplisme effrayant, la situation apparaît quelque peu désespérée, et tous les débordements sont à craindre. Par exemple cette propension à voir surgir des monstres inégalitaires à chaque coin de rue, rappelant « les années sombres de l’histoire », tout en occultant les quelques menues horreurs commises au nom de l’égalité.
M. Plenel feint en effet d’oublier un détail : le pire des monstres que l’humanité ait engendrés reste envers et contre tout, le socialisme ! Qu’il soit nationaliste ou internationaliste, il s’est nourri des haines, des divisions, quitte à les créer ou à les attiser. Les pantomimes écœurantes auxquelles se livre l'apparatchik, s’inscrivent dans cette effroyable falsification.