09 mars 2018

Fugit Irreparabile Socialismus

Ce matin, on apprenait que M. Le Drian, ci-devant ministre des Affaires Étrangères du gouvernement d’Emmanuel Macron, quittait le Parti Socialiste. Avec sa mine contrite de dépressif incurable, il vient en effet d’annoncer sur la chaîne d’information télévisées CNews, qu’il se retirait du PS, “avec beaucoup d'émotion après 44 ans”, ajoutant que c’était avec “beaucoup de fierté mais aussi avec déception.”
La belle affaire que voilà !

Il est permis de penser qu’il lui a fallu beaucoup de temps pour s’apercevoir que cet engagement ne menait à rien de bon. On pourrait même, en étant un peu plus méchant, souligner qu’il pourrait surtout avoir honte d’être resté accroché avec une telle opiniâtreté à cette idéologie insane qui s’en va en piteux lambeaux.
Le bonhomme a dû avaler beaucoup de couleuvres, dans le sillage des démagogues de tout poil qui lui permirent de faire une carrière quasi muette  mais dorée d’apparatchik zélé. Il se fit le complice de bien des mensonges et de bien des hypocrisies pour faire accroire au bon peuple que le socialisme était un idéal en devenir.

Mais n’allez pas croire qu’il soit touché par le remords d’avoir trempé dans tant de manigances, et contribué à propager tant de tromperies. Ne vous imaginez pas que ses yeux se soient enfin dessillés à force d’avoir été témoin de tant de turpitudes sous les lambris dorés des palais de la République.
Il n’en est rien. M. Le Drian garde à ce qu’il paraît ses chimères de jeunesse et son aveuglement de notable rassis. Simplement il prend acte du fait que les actuels satrapes du parti, ou plutôt de ce qu’il en reste, ne le considèrent plus comme étant des leurs.
Sa décision fait en effet suite à la récente déclaration du “coordinateur national du Parti socialiste”, Rachid Temal, affirmant “qu'il n’y a pas de Socialiste au gouvernement.”

Si M. Le Drian n’est plus socialiste, on ne sait pas trop ce qu’il est, car pour l’heure, il refuse de rejoindre “La République en marche” qui porta M. Macron au pouvoir et qui soutient son action. Il se borne simplement à se réclamer de la “Majorité Présidentielle”. Bel acte de bravoure et surtout signe d’un opportunisme à toute épreuve…
Une fois n'est pas coutume, remercions tout de même au passage M. Hollande pour avoir œuvré avec tant d’efficacité, même si ce fut involontaire, au sabordage de sa propre formation politique.
Un sondage réalisé immédiatement après le débat opposant les 4 candidats au poste de premier secrétaire du PS, révélait que 60% des personnes interrogées n’en avaient trouvé aucun convaincant, et que 77% avaient une très mauvaise opinion du Parti Socialiste.

Si les derniers rats quittent le navire en perdition, que restera-t-il donc à la fin des fins ? Sans doute rien hormis de mauvais souvenirs...

26 février 2018

No Sport !

On connaît la fameuse réplique que fit Churchill à quelque journaliste qui lui demandait le secret d’une vie longue et saine : No Sport !
Dans notre époque où le culte de la forme physique est devenu une obsession et où l’on déploie des trésors d’imagination pour améliorer les performances sportives sans tomber dans cette nouvelle forme de damnation qu’est le dopage, le facétieux premier ministre anglais serait quelque peu décalé. Lui qui affirmait qu’il préférait les cigares et le whisky à la gymnastique, il aurait bien ri en apprenant que même au curling, on pourchasse les sportifs qui font usage de substances stimulantes…

Le nouveau puritanisme exige une totale pureté, au service de performances toujours plus folles. Il y a une vaste hypocrisie à pousser ainsi la nature humaine aux extrêmes, en jetant à la vindicte celui qui cède à la tentation, ou à la faiblesse.
Ayant à peu près atteint les limites physiques du corps, on peut d’ailleurs se demander ce qui pousse encore à vouloir enregistrer de nouveaux records et pourquoi donc s’user la santé dans des compétitions de plus en plus effrénées.
Mais derrière la vanité de cette fuite en avant, il reste toutefois de belles envolées, de beaux spectacles, et de magnifiques challenges.
Le tennis est une sorte d’oasis dans l’univers aride du sport. Il y a de l’élégance, de la grâce même parfois dans ces duels au soleil, acharnés mais non dépourvus de fair play.

S’il est un champion qui incarne mieux que quiconque cet état d’esprit, c’est bien Roger Federer.
Revenu à plus de 36 ans au sommet de la gloire, il affiche, tournoi après tournoi sa suprématie avec une souriante sérénité, qui n’empêche pas une once de désinvolture...
Il va, court, vole et nous venge de toutes les désillusions que le sport engendre par sa technicité, ses artifices et ses dérives marchandes.

Federer semble au dessus de tout cela. C’est une star parmi les stars mais il garde une incroyable fraîcheur, une inoxydable simplicité. Rien ne semble l’atteindre tant il paraît fait d’une autre essence que le commun des mortels. Il connut certes des échecs et des passages à vide, mais jamais le désespoir ne l’atteignit vraiment et sa force de caractère, sa détermination sont à l’évidence la cause principale de son exceptionnelle longévité.
Il est des mauvaises langues pour insinuer que sa domination s’explique par le manque de vrais rivaux. Mais n’est-ce pas plutôt son génie qui réduit à néant la concurrence ? A Wimbledon au début de l’été 2017, il n’accorda pas même un set à ses adversaire. Son jeu est un véritable enchantement tant il possède avec une précision millimétrique la quasi totalité des coups, qu’il sait faire varier pour retenir en permanence l’attention.
Dommage que les télévisions diffusent de moins en moins les matchs de tennis. La grande époque des Borg, Vilas, McEnroe, Nastase, Connors, et j’en passe, est loin mais le jeu en vaut encore la chandelle.
A ce stade, ce n’est plus du sport, c’est du grand art !

11 février 2018

No Limit

A l’imagination, rien n’est impossible. Faire vrombir un hot rod flamboyant dans l’espace était le pur fantasme du groupe de rock ‘n roll texan ZZ Top. Son panache incandescent devint l'emblème du groupe et illustra nombre de pochettes de leurs disques. Il ne s'agissait que de science fiction de bande dessinée en somme...
Mais aujourd’hui l’ébouriffant Elon Musk l’a fait pour de vrai ! Il a envoyé là haut un exemplaire rutilant de son roadster, arrimé au bout de sa fusée, l’a propulsé en orbite autour de la Terre où il fit quelques tours, avant d’entreprendre un voyage sans retour à travers le système solaire. Au volant, Starman, un mannequin en scaphandre, nonchalamment accoudé à la portière comme s’il était en balade.
Lubie de milliardaire, aussi clinquante qu’inutile, ou bien démonstration de savoir faire d’un entrepreneur sans limite ?
Les images de ce cabriolet rouge sur fond de planète bleue ont fait le tour du monde si l’on peut dire, et le fait est qu’il y eut somme toute peu de grincheux pour trouver à redire à l’exploit. Dans le même temps, on vit avec stupéfaction deux des fusées porteuses de l’engin revenir en douceur se poser
, l'une à côté de l'autre, droites comme des points d'exclamation, avec une précision impressionnante.

Les Etats-Unis sont bien le seul pays où une entreprise privée peut tutoyer les étoiles et se livrer avec humour à de tels challenges ! Pour cet essai technique, Elon Musk aurait pu en effet lester son cargo spatial avec du béton et de la ferraille, mais il a préféré sacrifier l'une de ses autos. Nettement plus amusant, et belle publicité sans nul doute...

Le parcours d’Elon Musk prouve s’il le fallait, que tout est possible outre-atlantique pour celui qui fait preuve d’audace et de détermination, même si ses projets peuvent paraître fous aux caciques confinés dans l'inertie bureaucratique.
Né en Afrique du Sud il y a 46 ans, de parents ordinaires, séparés alors qu’il n’avait pas encore 10 ans, il n’avait a priori aucun avantage pour accomplir ce qu’il a fait. Émigré au Canada puis aux Etats-Unis, il a créé une bonne demi-douzaine d’entreprises, à la pointe du progrès technique et de l’innovation écologique. Ses voitures électriques sont les plus performantes au monde et en matière d'astronautique, il est devenu le fournisseur attitré de la NASA. Il vient de montrer qu'il était en mesure de construire les fusées les plus évoluées qui soient. Il est avec Steve Jobs et d’autres, l’incarnation du self made man et la preuve qu’aux States l’ascenseur social n’est pas un vain mot.
Il est richissime. Sa fortune est évaluée à 20,8 milliards de dollars. Dire qu'il ne travaille pas pour l'argent serait sans doute excessif mais il est évident que d'autres ambitions le motivent. Pour autant, il a besoin d'argent, ses entreprises ont besoin d'argent et de capitaux. Longtemps il s'est "levé de bonne heure", comme dirait l'autre, pour aller quérir ces indispensables ressources financières. Il est peu probable qu'il soit enclin à se les faire massivement confisquer par l'Etat au nom d'une redistribution prétendue équitable du fruit de ses efforts. Il sait très bien le faire lui-même. Il n’y a que des vieux ronchons aigris et revanchards comme Jean-Luc Melenchon et ses épigones pour penser qu’une telle richesse soit nuisible…



There's a starman waiting in the sky
He'd like to come and meet us
But he thinks he'd blow our minds
There's a starman waiting in the sky…

(David Bowie)

09 février 2018

Péril climatique, époque climatérique

Les aléas du climat semblent en passe de devenir la plus grande menace pesant sur nos sociétés en mutation, et en quête de repères. Dans ce contexte, le progrès technique apparaît non seulement impuissant à endiguer ce danger, mais si l’on en croit les prophètes de mauvais augure, il en serait le premier responsable. Triste constat.
Sauf qu’il est bien galvaudé à l’évidence !
Certes les victimes des récentes inondations et dans une moindre mesure des chutes de neige et du grand froid hivernal sont bien réelles, et le spectacle de leurs mésaventures ne peut qu’inspirer sympathie et compassion.
De là à incriminer une fois encore le dérèglement climatique, il y a un pas que certains franchissent allègrement…
Le climat est à l’origine de catastrophes mais durant les mauvaises saisons, le débordement des fleuves, le gel et la neige n’ont rien de bien étonnant. On peut juste s’interroger sur l’ampleur des conséquences de quelques pluies insistantes ou de quelques de flocons accumulés sur nos routes.
D’une manière générale, il n’est en l’occurrence de calamité que pour les gens qui les subissent. Qui s’est vraiment soucié des gigantesques submersions et des terribles glaciations que la Terre a connu durant sa préhistoire, c’est à dire durant les millions d’années qui précédèrent l’arrivée des êtres humains ?
En tout état de cause, même s’il est réel et même s’il est causé par l’homme, le fameux réchauffement climatique paraît bien insignifiant par rapport à ces monstrueux désordres naturels.
Quant aux plus grands périls auxquels est exposée l’humanité, force est de constater que pour la plupart, ils sont causés par elle-même et le plus souvent, en toute connaissance de cause.
C’est vrai des guerres sanguinaires que les êtres humains se font depuis la nuit des temps pour des raisons souvent méprisables. C’est également vrai des crimes, de la violence, à l’échelle domestique, ou bien organisée par tant de régimes totalitaires, coupables de massacres au nom d’idéologie stupides.
Plus indirectement, combien de dangers nous font face du fait de notre propre négligence, de notre impéritie ou de notre inconscience des risques ?

Malgré tout, les progrès dans la connaissance du monde dans lequel il vit, et son aptitude à développer d’ingénieuses solutions techniques, permettent à l’Homme, cet infime “roseau pensant”, d’anticiper nombre de désagréments de la nature et de s’opposer aux rigueurs climatiques, et aux vicissitudes de nombre de maladies.
Il y a donc plutôt lieu d’être optimiste, si toutefois le courage, l’espoir, la raison, et la foi en un dessein supérieur ne désertent pas son esprit...

03 février 2018

Quand les affaires dérapent

A défaut d’avoir toujours pu être résolue et classée, dans l’actualité une affaire chasse l’autre.
Les projecteurs médiatiques se détournent vite des faits, même s’ils sont horrifiques. Mais pour peu qu’il y ait quelque rebondissement, l’attention renaît. Le Moloch de l’opinion publique exige du neuf.

Parfois ce qu’on croyait oublié revient au premier plan.
Il en est ainsi de l’affaire dite Alexia, du nom d’une charmante jeune femme retrouvée étranglée à deux pas de chez elle, à l’orée du bois le long duquel elle avait l’habitude d’effectuer son jogging matinal. On découvre avec stupeur trois mois après la découverte de son corps que le meurtrier n’est autre que son mari Jonathann. Ce jeune homme bien sous tout rapport, présenté comme doux et timide, jouait depuis trois mois le rôle de veuf inconsolable, soutenu par ses beaux parents et une foule d’amis et de sympathisants. Il s’était épanché devant les caméras le visage baigné de larmes et avait participé à nombre de manifestations publiques et notamment à la marche blanche en mémoire de sa femme.
Ce coup de théâtre ne fait que rappeler le caractère illusoire des apparences et la versatilité du sens qu’on donne aux évènements. Il en est ainsi de ces cérémonies populaires suivant la survenue d’un drame. Pour émouvantes qu’elles soient, elles sont sans lendemain et la sincérité qu’on croit lire sur les visages n’est parfois qu’un faux semblant. On se souvient de Patrick Henry, qui pour des raisons crapuleuses avait enlevé et tué un enfant de 7 ans, manifestant avec une foule éplorée, allant jusqu’à réclamer la peine capitale pour l’assassin…
Aujourd’hui c’est Jonathann Daval qui prend le rôle de monstre, capable de verser des larmes de crocodile sur le sort de son épouse qu’il a lui-même étranglée.
Du coup, tout dérape. Tout devient incertain. Un homme s’est étrangement suicidé à côté de la scène de crime, serait-il lié à l’affaire ?
Les avocats sont désemparés. Acculés par la pression médiatique, ils en disent trop, puis reviennent sur leurs propos, hésitent et perdent totalement les pédales. Le gouvernement, par la voix de la ministre de l’égalité des droits et des femmes, l'ébouriffante Marlène Schiappa, croit bon de s'immiscer dans cet imbroglio qu’elle n’hésite pas à qualifier de “féminicide”, lui donnant un tour idéologique. Seule madame le procureur garde son sang-froid, évitant sans doute d’autres dérives interprétatives.

A peu près au même moment, l’affaire du “petit Théo” qui avait défrayé la chronique il y a quelques mois ressurgit, à l’occasion de la publication d’une vidéo par Europe1. On croyait la cause entendue. La “victime” selon son propre témoignage, avait été l’objet de violences policières inqualifiables lors de son interpellation, qu’on ne pouvait attribuer qu’à la perversion et au racisme des forces de l’ordre. De notoriété publique, Théo avait été intentionnellement sodomisé par une matraque téléscopique, après qu'on lui eut baissé son pantalon. L’histoire était suffisamment convaincante pour que le Président de la République en personne, François Hollande, se fasse un devoir d’aller le visiter à l’hôpital en évoquant un garçon “connu pour son comportement exemplaire”, dont le souhait était de “vivre en paix et en confiance” avec la police.
Peu de temps après on apprenait qu’il était sous le coup, avec au moins un de ses frères, d’une enquête préliminaire pour détournement massif d’aides sociales. Puis, plus rien. Connaîtra-t-on un jour le dénouement de cette seconde histoire, rien n’est moins sûr...
En tout cas la vidéo récemment diffusée montre à l’évidence que la version donnée par Théo de son interpellation était mensongère. Elle fut certes violente mais causée par son refus mouvementé de s’y soumettre. Les échanges de coups qui s’ensuivirent ne révèlent en tout état de cause ni motivation raciste, ni agression sexuelle caractérisée.
Il s’agit donc encore une fois de dérapages multiples dans le cours d’une affaire fortement médiatisée, avant qu’elle soit jugée, mettant en cause la neutralité de représentants de l’Etat au plus haut niveau.
Que reste-t-il dans ces conditions de la sérénité et de l’indépendance de la justice, de plus en plus souvent bafouées, perturbées, souillées pourrait-on dire, par des considérations fondées, non pas sur l’objectivité et la connaissance des faits, mais sur l’idéologie ou la démagogie ?
La France peut bien faire la leçon à d’autres pays, elle fait figure de nation sous développée en la matière. Le triste état des prisons, souligné par la révolte récente des gardiens, est un reflet non moins accablant de cette incurie.

L’affaire mettant en cause M. Darmanin est elle aussi révélatrice. Certes, il apparaît très peu probable que le ministre du budget se soit livré aux violences sexuelles dont on l’accuse, mais dans un pays anglo-saxon, sa démission aurait été certaine, au moins jusqu’à ce qu’on sache précisément de quoi il retourne.
Chez nous il reste “droit dans ses bottes” et reçoit même le soutien unanime du gouvernement, ministre de la justice en tête. Tous avaient pourtant juré que dans le Nouveau Monde qu’ils incarnent, il n’y aurait plus aucune faiblesse ni indulgence…

Etonnante époque où la justice s’égare, et où la permissivité la plus débridée cotoie un puritanisme des plus rigides, qui s’étend comme une tache d’huile. Ce dernier est en train de tourner au délire obsessionnel.  Le sexisme est devenu le motif d'une véritable chasse aux sorcières. On supprime un acteur de la distribution d’un film presque achevé et d’une série à succès, on songe à effacer le nom d’un réalisateur réputé du générique de son propre film. On change la fin de l’opéra Carmen, au motif qu’une femme y meurt assassinée, un musée décroche des toiles parce qu’elle représentent des femmes nues...
C’est le règne de tous les excès ou en fin de compte, plus rien n’a d’importance, et plus grand chose n'a de sens...

31 janvier 2018

Fille de révolutionnaires

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, disait le titre d’un film. Est-ce le cas de Laurence Debray, fille de l’ancien révolutionnaire castriste Régis Debray et de l’intellectuelle “de gauche” Elisabeth Burgos ?
Sans doute ne partage-t-elle pas vraiment l’assertion si l’on en croit ce qu’elle dit de ses géniteurs dans le livre témoignage qu’elle vient de publier.
Si elle n’est pas tendre avec eux, au moins peut-on dire qu’elle ne cède pas à la mode assez détestable de dénigrer sa famille, ses proches ou ses amis après leur mort, comme on le voit dans tant d’ouvrages.
Il ne s’agit d’ailleurs pas selon elle de régler ses comptes, mais simplement de décrire l’univers si particulier de cette intelligentsia dans laquelle elle a grandi tout en lui restant étrangère. Ce n’est pas tant leur engagement politique que l’auteur reproche à ses parents que d’y avoir sacrifié en quelque sorte leur fille et notamment tout l’amour et la tendresse qu’elle était en droit d’attendre. C’est édifiant et cela témoigne d’un certain courage et d’une force de caractère très impressionnante.

On connaît de nos jours Régis Debray, comme un notable plein d’onction et de componction, qui se veut le commentateur éclairé de son époque, dans des bouquins pédants et sentencieux, et qui ne déteste pas de parader sur les plateaux télés pour y étaler sa rhétorique ronflante de vieux gauchiste confit dans le mépris de classe.
Mais il y a quelques décennies, dans les années 60, il fut le compagnon très rapproché des guérilleros communistes cubains, dans leur combat pour la propagation de l’idéologie marxiste dans toute l’Amérique du Sud. Il copina ainsi avec Fidel Castro et fut pour ainsi dire le frère d’armes du “Che” Guevara.
On ne sait trop en quoi consistait sa participation à l’entreprise révolutionnaire de ses mentors, mais elle lui valut quelques ennuis et notamment d’être arrêté en Bolivie et condamné à 30 ans de prison ! Il n’en fera que quatre grâce à l’intervention de nombreux intellectuels de gauche dont Jean-Paul Sartre, mais surtout de tractations en sous main menées par le gouvernement français et sans doute les services secrets américains.
Suite à cette piteuse aventure, qui se solda entre autres par l’élimination de Guevara il prit très progressivement conscience de la brutalité de la dictature cubaine, et se résigna à un prosélytisme plus paisible à défaut d’être moins sectaire. Revenu en France, il s'accomoda fort bien de l’ambiance feutrée des salons politiques et littéraires germano-pratins, et tomba sous le charme de François Mitterrand dont il devint le courtisan servile et le laudateur zélé.

Laurence Debray naquit en 1976, quelque temps après la rencontre de Régis et d’Elisabeth Burgos, intellectuelle vénézuélienne “engagée”, lors de leurs pérégrinations révolutionnaires en Amérique du Sud. Hélas pour leur enfant, le couple n’eut jamais grand chose en commun, hormis les idées politiques et ils n’étaient de toute évidence pas vraiment faits pour devenir parents.
Il n’y a rien d’étonnant donc à ce que Laurence se soit sentie étrangère à cette famille inexistante : “Je n’ai jamais rien compris”, écrit-elle “ni à leur engagement politique, ni à leur vie dissolue.../… Nous ne partagions ni opinions, ni loisirs, ni rituels familiaux.”
C’est peu dire que malgré son ascendance, la malheureuse n’avait pas les gènes de la révolution en elle. Elle ne rêvait que “d’une famille stable, une existence sage, rangée et organisée, loin du pouvoir et de l’intelligentsia” car les idéaux “ne la font pas rêver”, elle est “pragmatique, factuelle, et réaliste.”
Dans cet étrange univers, le père farouchement égoïste “ne s’occupe que de son œuvre”. La paternité l’indiffère et “les responsabilités, ce n’est pas son truc”. Quant à la maman, “elle se voulait une femme libre, mais elle était finalement soumise” aux préjugés de son mari.
L’ambiance dans cette étrange cellule familiale était glaciale, marquée par l’intolérance vis à vis de tout ce qui s’écartait du dogme. “Avec mes parents”, écrit l’auteur, “rien n’était léger ou gai. Leur ton était sérieux” .../… ”on ne fréquentait pas les gens qui lisaient Le Figaro, allaient à Deauville, et s’ils vivaient rive droite, ils étaient très suspects.”
Même l’alimentation était réglementée de manière à éviter toute compromission avec le Grand Capital et les Etats-Unis qui représentaient l’horreur absolue. Il était notamment interdit de consommer du Coca-Cola ou des corn flakes.
S’agissant de la télévision, rares étaient les émissions regardables hormis “7 sur 7”, le talk show bien pensant animé par Anne Sinclair, “qui était notre messe hebdomadaire…”
Pas le moindre plaisir pas le moindre loisir qui n’obéisse au rituel intangible, et bien peu de tendresse. De toute manière, avoue Laurence, “Mon père me faisait peu de cadeaux. Il n’a jamais compris ce qu’on gagnait en offrant.” Pire, écrit-elle un peu plus loin, “Je n’ai aucun souvenir de mes parents faisant ensemble quelque chose pour moi ou avec moi.”
Les seules détentes ou voyages devaient s’inscrire dans la ligne du parti. C’est ainsi que Laurence fut contrainte, pour affermir sa pensée politique, d’intégrer à l’âge de 10 ans un camp de pionniers à Cuba, durant lequel entre autres distraction, on lui apprit le maniement des armes… On n’est pas très loin des islamistes qui endoctrinent leur progéniture et vont prêter main forte aux enragés du Jihad dans les pays du Proche-Orient...

Si elle ne trouva pas auprès de ses parents beaucoup d’affection, Laurence Debray trouva toutefois quelque réconfort auprès de ses grands parents. Elle adorait notamment sa grand-mère maternelle Janine Alexandre-Debray, qui fut rien moins que sénatrice, et avec laquelle elle eut beaucoup d’affinités au plan artistique et culturel.
A la disparition de ses parents, la manière avec laquelle Régis dispersa avec mépris leur héritage fut un nouveau sujet de dépit pour Laurence : ”Mon père pouvait prendre les armes dans le maquis pour sauver les déshérités de l’injustice mais ne pouvait pas prendre en main les affaires familiales. Ce fut surprenant… et décevant. L’image du père fut définitivement affaiblie. Mon père devenait rentier, avec tous les maux inhérents à ce confortable statut. Il prenait l’argent, mais ne gardait pas les souvenirs, ni le raffinement. Il enterrait définitivement ses parents et liquidait ses origines. Subrepticement, il s’accommodait d’une nouvelle vie, confortable, conventionnelle et bourgeoise.”

Autour d’elle, Laurence Debray vit nombre d’amis changer d’opinion vis à vis du régime cubain. Il en fut ainsi de Mario Vargas Llosa qui s’éloigna résolument, “préférant la démocratie et la liberté aux illusions”, de Jorge Semprun qui prit lui aussi ses distances, “fort de son expérience politique unique” lors de la guerre civile espagnole. Il en fut de même d’Alberto Moravia, qui confia à Elisabeth après le discours que Fidel Castro tint sur la place de la Révolution le jour de l’an de l’année 1966 : « Cela me rappelle Mussolini… »
Elisabeth et Régis quant à eux, avaient endossé sans réticence le statut “d’otages volontaires de luxe”. “Ils vivaient à la charge du régime, sous la coupe directe de Fidel Castro, comme des enfants subsistent grâce à leurs géniteurs, à la merci des moindres largesses et punitions.”
Avec le temps, l’opinion de Régis devint il est vrai légèrement plus nuancée, notamment après le procès du général Ochoa en 1989. Hélas, constate Laurence, “par ignorance et par fidélité à des idéaux qui n’existent plus, il se rallia néanmoins à quelques causes aussi grotesques que chevaleresques : le sous-commandant Marcos, ou la révolution bolivarienne de Hugo Chávez, ce que je vécus comme une trahison, comme le déni de mes origines vénézuéliennes, comme l’expression de la stupidité d’une gauche aveuglée par de bons sentiments, au détriment de la cruelle réalité.”
On sait comment Laurence Debray, monta courageusement au créneau contre Jean-Luc Mélenchon qui fut l’admirateur béat du régime de Chavez et qui témoigne d’une odieuse complaisance vis à vis de son successeur Nicolas Maduro. A défaut d’être révolutionnaire, Laurence Debray est révoltée : sous le regard torve de cette gauche incurablement partisane, le Venezuela sa seconde patrie, sombre dans la dictature et la paupérisation, alors que ce pays avait tout pour être un havre de paix et de prospérité.

En définitive, ce témoignage a la force du vécu et ses constats paraissent implacables. C’est en quelque sorte l’expression de la colère d’une génération envers celle qui la précéda, qui en dépit de l’abondance matérielle et de la liberté dont elle put jouir, s’érigea en donneuse de leçons de morale, aussi étriquée que dogmatique, et fit preuve d’une irresponsabilité vertigineuse.
Laissons à l’auteur l’épilogue et la morale de l’histoire: “ils ont vendu au monde leur solidarité mais agissent en grands égoïstes. Ils ont bénéficié du plein-emploi, n’ont jamais connu les affres de la précarité et profiteront des dernières retraites honorables. À force d’avoir eu des idéaux, ils laissent à leurs enfants le réchauffement climatique, une dette publique élevée, des retraites qui ne sont pas financées, le chômage de masse, un système éducatif peu performant. Sans remords, ni remise en question…”
Elle est gentille, car en plus de ces tares, elle aurait pu ajouter qu’ils se sont rendus coupables d’avoir aidé en paroles ou en actes, des assassins et des brutes dans leur oeuvre d’asservissement de peuples entiers, au nom d’une sinistre idéologie !
Leur mérite en somme est d’avoir conçu quasi à leur corps défendant, une fille bien sympathique, dotée d’un charme ravageur et dont la force de caractère et la lucidité donnent à penser que même quand on croit tout perdu, il reste malgré tout un espoir...

28 janvier 2018

Au rythme capricieux des affaires

Quel bonheur pour les médias affamés de scoops qu’une bonne affaire, prometteuse de virulentes polémiques et de croustillantes péripéties judiciaires. Peu importe au fond qu’elle aboutisse ou non, qu’elle soit grave ou insignifiante, pourvu qu’elle capte l’attention des gogos, si possible le plus longtemps possible, ouvrant ainsi de lucratives perspectives d’audience.
Et de ce point de vue, le tempo de la justice étant calqué sur celui des plus lents gastropodes, le sujet peut devenir ce qu’on appelle un marronnier, meublant de manière récurrente et sans trop de souci l’actualité…

Parmi les faits divers qui ont défrayé la chronique, et dont les échos reviennent régulièrement sur le devant de la scène, on peut évoquer naturellement le calamiteux projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Il a fallu cinquante ans de réflexions, de délibérations, de controverses, de décisions de justice, et de référendums pour aboutir finalement à l’abandon pur et simple de ce chantier qui restera comme une chimère. Qui saurait dire combien cette fantaisie a coûté à l’Etat ? Qui saurait comptabiliser l’énergie dépensée en pure perte ?
Et qui pourrait recenser le nombre de projets du même genre, avortés, ou qui le seront à l’avenir, eu égard à ce précédent désastreux, révélateur de l’incurie et l’impuissance de l’Etat dit Providence. On ne saurait oublier par exemple l’écotaxe et ses ruineux portiques…

Dans un autre genre, comment ne pas être excédé par les incessants retours sur d’atroces affaires criminelles, dont il paraît évident que l’espoir de dénouement ne fait que s’éloigner à mesure que le temps passe. La plus ancienne, revenue une n-ième fois sous le feu des projecteurs est sans doute celle du petit Gregory, horriblement assassiné en 1984. Tragique histoire dont on aura sans doute jamais le fin mot mais pour laquelle on suppute qu’elle cache de sordides règlements de comptes familiaux.
La disparition de la petite Maëlys et le sort tragique de la famille Dupont de Ligonnès semblent devoir s’inscrire dans pareils interminables et sordides feuilletons. Dans ces circonstances, les révélations et les prétendus rebondissements sont nombreux mais vains pour la plupart, et chacun ne peut s’empêcher de donner son avis ou de juger, sans connaître autre chose que les informations évasives et parfois contradictoires que les médias distillent à plaisir.

Les réflexes sont à peu près les mêmes autour des imbroglios judiciaires impliquant des politiciens. Beaucoup de bruit pour rien serait-on tenté de dire pour qualifier par exemple l’affaire Fillon. En l’occurrence, on peut s’interroger sur l’inhabituelle célérité avec laquelle la justice entama ses procédures et par là même ruina la réputation d’un homme au moment le plus crucial de sa campagne électorale. On peut s’interroger pareillement sur la nature des faits qui lui étaient reprochés et donc sur la disproportion flagrante entre leur bénignité apparente et la brutalité de l’action judiciaire. La perplexité grandit encore lorsqu’on voit que près d’un an après la chute du malheureux candidat ainsi épinglé, plus rien n’avance et qu’on en reste à des broutilles qui seront probablement classées sans suite ou quasi…
En plus de son inefficacité, la justice serait-elle partisane, voire délétère ? On pense aux accusations qui poursuivent sans relâche depuis plusieurs années Nicolas Sarkozy au sujet du financement de sa campagne pour la Présidentielle de 2007 et de l’implication prétendue du colonel Kadhafi. On pourrait rappeler également l’incroyable acharnement frappant Bernard Tapie à propos de son différend avec le Crédit Lyonnais. Après le fiasco des affaires Clearstream, Bygmalion, et Bettencourt, après la révélation du scandaleux "mur des cons", comment ne pas douter de l’objectivité des magistrats et des médias ? Sont-ils là pour donner une information utile et faire régner l’état de droit ou bien pour assouvir quelque obscur désir de nuire ? En tout état de cause leur crédibilité s’effrite au fil de toutes ces histoires lancées avec fracas et qui se terminent si souvent en eau de boudin.

On pense enfin aux scandales mettant en cause des laboratoires pharmaceutiques ou des entreprises alimentaires. Les exemples récents de Servier et de Lactalis sont révélateurs d’une manière de faire des plus discutables. On commence à faire grand tapage autour de potentielles victimes qu’on n’hésite pas à chiffrer en grand nombre, avant de merdoyer dans une enquête de plus en plus imprécise et pauvre en preuves. On a ainsi parlé de plus de 2000 morts causés directement par le Mediator et après plusieurs années d’analyses, d’expertises en tous genres, on ne sait si le décès d’un seul patient est seulement établi...
On se souvient à l’inverse de l’affaire AZF à Toulouse qui fit plus de 30 morts et 2500 blessés en 2001 et pour laquelle il fut impossible de déterminer quoi que ce soit de précis en termes de responsabilité…

Moralité : Sauf à détenir des éléments tangibles et graves, médias et justice pourraient faire preuve de plus de modération, d’humilité et de discrétion.

27 janvier 2018

Double discours

Pour sa première participation au forum économique international de Davos, en tant que président de la république, Emmanuel Macron s’est livré à un véritable show devant un parterre paraît-il par avance conquis, de hauts dignitaires et de chefs d’entreprises de tous pays.
“France is back” a-t-il proclamé de manière quelque peu emphatique, en faisant étalage avec un brin de forfanterie, de sa maîtrise de la langue anglaise. S’ensuivit un discours fleuve dont une partie fut prononcée dans la langue de Shakespeare et l’autre plus prosaïquement dans celle de Molière…
 
Même pour les grincheux qui le trouvent piètre orateur, cette prestation a prouvé que M. Macron manie bien le verbe et fait preuve d’un sens aigu de la communication.
La question qui reste en suspens est de savoir si ses actions sont à la hauteur du discours et si derrière les formules brillantes le propos est toujours cohérent. Et là les doutes surgissent..
Cette intervention polyglotte laisse un goût un peu étrange. Après avoir en anglais tenté de réenchanter le libéralisme économique, force est de considérer qu’il fit à peu près l’inverse en français.

Dans un premier temps, M. Macron a en effet vanté la "baisse du coût du travail et du capital", la "flexibilité" et souhaité une réforme du travail qui réaligne la France sur les standards de l'Allemagne et de l'Europe du Nord: "moins par la loi, plus par le consensus".
On se souvient que quelques jours à peine avant Davos, le Président avait reçu en grande pompe au château de Versailles 140 chefs d’entreprises, parmi les plus influents de la planète en vantant le slogan “ChooseFrance”. Ébouriffante mise en scène à peine ternie par la contribution de M. Ferrand qui pour justifier tout cet apparat, ne trouva rien de mieux à sortir que le bon vieux dicton qui veut “qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre”. On connut accroche plus flatteuse…

Le plus inquiétant toutefois est que dans la seconde partie de son intervention, de loin la plus longue hélas (plus d’une heure), M. Macron se lança dans un sermon moralisateur allant à l’inverse de tout ce qu’il avait asséné l’instant d’avant.
A l’instar d’un vieux socialo-altermondialiste rassis, il a insisté sur les enjeux "d'une croissance équitable", et "la nécessité de se battre pour l'environnement et contre l'évasion fiscale" (sic dixit Hufftington Post). Selon les propos rapportés dans le Courrier International, il a également réclamé "plus de coopération internationale en Europe et, au-delà de ça, plus de régulation, et de dirigisme à l’échelle mondiale”.
Le rêve d’un Nouveau Monde libéré s’est ainsi transformé en un vrai cauchemar aux accents anti-capitalistes, que n’aurait pas renié M. Mélenchon.
Pire, le chef de l’Etat, s’est tout à coup mué en oiseau de mauvais augure annonçant que “les grands acteurs du numérique vont provoquer des disruptions qui vont détruire des millions d'emplois.”
Et quant aux solutions proposées, elles semblent tout droit sorties de la boîte à outils hollandaise : “Nous gouvernements, allons donc devoir reformer massivement les gens. Si les entreprises ne contribuent pas par leurs impôts à financer cet investissement, que dire aux classes moyennes de nos pays ».
Sur la régulation financière, Emmanuel Macron a aussi demandé “que le FMI et les institutions de surveillance prudentielles élargissent leur surveillance à ces pans entiers qui échappent à tout contrôle, comme le bitcoin dont la volatilité inquiète les régulateurs, ou comme la finance de l'ombre, qui prospère en dehors des réglementations.”
A croire M. Macron, sans cette nouvelle avalanche de régulations et de bureaucratie, “Schumpeter va très rapidement ressembler à Darwin”.
Autrement dit, le monde sombrera dans un capitalisme sauvage, soumis à l'abominable loi de la jungle, “struggle for life” en anglais. Refrain trop classique et par trop désespérant.

Quand faut-il donc croire M. Macron ? Lorsqu’il chante les mérites de la libéralisation ou au contraire lorsqu’il prône le renforcement des réglementations et des contraintes étatiques ?
Face à une conjecture aussi nébuleuse, il n'est pas très étonnant qu’arrivé “en terrain conquis et dans un ciel lumineux” (Figaro), M. Macron s’en retourne rhabillé pour l’hiver par les commentaires plus que dubitatifs de la presse étrangère . Ainsi selon le journal allemand Die Welt, “Macron est venu, il a vu – il a déçu”, car s'il était attendu “comme le Messie, le sauveur de l’Europe, plus encore le sauveur du monde, par son intervention qui n’en finissait pas, il a produit de lui-même le désenchantement”...
Cette histoire me rappelle hélas les revirements de Nicolas Sarkozy, quelque mois après son élection, relatés dans ce billet désabusé de 2008...

14 janvier 2018

Bonne Nouvelle Année de Liberté

Alors que l’État ne cesse d’accroître son emprise sur nos vies, est-il encore temps d’aborder la question de la liberté individuelle ?
Il semble que cela soit un combat d’arrière garde car force est de constater hélas que les lois qui s’ajoutent les unes aux autres, ne cessent d’alourdir la pression et les contraintes sur les citoyens .

En ce début d’année, les annonces du gouvernement, qu’on qualifie généralement de « libéral », ne peuvent que confirmer cette tendance.
Il en est ainsi des limitations de vitesse sur le réseau routier secondaire, qui passent de 90 à 80 Km/h. On peut se demander jusqu’où iront les contraintes pesant sur les automobilistes. On entend parler régulièrement de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes, de 130 à 120 km/h. Nul doute que cette nouvelle barre sera imposée sous peu. La voiture, qui fut un symbole flamboyant de liberté, est en passe de devenir le corbillard des illusions perdues...

Parallèlement, le poids des taxes ne cesse de s’accroître. Au motif de préserver la planète, notre bien-être, la sécurité ou bien je ne sais quelle belle intention, le gouvernement entend pénaliser toujours plus les possesseurs de véhicules diesel. Après avoir encouragé durant des décennies ce type de motorisation, il nous en dit pis que pendre. Après avoir contraint les fabricants à mettre en place des dispositifs toujours moins polluants, après avoir imposé des seuils d’émissions de particules toxiques, quasi impossibles à respecter, la solution in fine reste toujours le recours à la taxation. Et plutôt que de baisser celle qui plombe, si je puis dire, l’essence, on augmente donc tous azimuts. Mais, admirons la subtilité, la progression sera moins forte pour l'essence que pour le gazole, ce qui permettra à terme d’égaliser l’ensemble sur un nouveau sommet vertigineux. A ce jour, les automobilistes paient en taxes, plus de 4 fois le prix du carburant à la sortie de la raffinerie !
Petite consolation, notre vertueux ministre de l’environnement Nicolas Hulot sera également mis à contribution, lui dont l’écurie motorisée ne compte pas moins de 6 ou 7 véhicules parmi les plus polluants qu’on puisse imaginer. Il est vrai que ce contempteur du profit et de l’économie libérale en général, peut se le permettre grâce à la rente de plusieurs millions d’euros qu’il a su tirer de ses entreprises commerciales !
De qui se moque-t-on, hélas, nous le savons trop bien…
A mesure que l’Etat-Providence étend ses tentacules sur nos têtes, l’objectif mirobolant d’une société libre et responsable s’éloigne toujours un peu plus et le bon Tocqueville doit faire des tours et des retours dans sa tombe.

Autre sujet d’inquiétude pour les Amoureux de la Liberté, celui des fake news, contre lesquelles le Président de la République entend rentrer en guerre, comme Don Quichotte et les moulins à vent. Comment peut-on croire un instant qu’il suffise d’une loi (encore une!) pour que la vérité universelle enfin jaillisse au grand jour ! Imagine-t-on que les citoyens soient assez bêtes pour être définitivement incapables de distinguer dans le flot d’informations qui nous assaille, le bon grain de l’ivraie ?
C’est précisément à force de faire comme si les gens étaient des imbéciles congénitaux qu’on les empêche de se forger un esprit critique et que le vœu de Kant, que chacun puisse accéder aux lumières, tombe en capilotade. L’infantilisation générale du monde est le résultat conjugué de lois insanes et d’une éducation débilitante.
La rhinocérite est hélas une maladie contagieuse, contre laquelle aucun vaccin n’est obligatoire. Il en est pourtant d’efficaces, pas chers et à la portée de tous grâce aux fabuleux moyens de diffusion des connaissances et de l’information que le progrès technique nous a apportés. Malheureusement, pour paraphraser Jean-François Revel, tout cela s’avère inutile si l’ancestrale pulsion grégaire qui anime les hommes, les ravale au rang de moutons de Panurge dénués de jugeote. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait quant à lui Rabelais...

A tous les lecteurs de ce blog qui cherchent à s’affranchir des idées reçues et chérissent l’esprit de contestation pourvu qu’il soit constructif, je souhaite naturellement une excellente nouvelle année !

30 décembre 2017

Hôpital au bord du gouffre

La nouvelle est tombée comme un couperet juste avant Noël: les hôpitaux publics accusent un déficit financier inédit
Plus de 1,5 milliards d'euros pour l'année qui s'achève, soit 3 fois celui de 2016 ! 
Fait inquiétant, presque toutes les structures sont touchées : des plus petites aux plus grandes, des hôpitaux de proximité aux centres hospitalo-universitaires (CHU).
Derrière ce constat, certains veulent voir les effets néfastes de la fameuse tarification à l'activité (T2A). On trouve parmi ces contempteurs les représentants habituels du courant anti-libéral reprochant aux hôpitaux d'être gérés comme des entreprises ou encore refusant pour le système de santé l'obligation d'être rentable, c’est à dire d’équilibrer ses dépenses avec ses recettes.
Ces doux utopistes imaginent encore et toujours qu'il existe une corne d'abondance permettant de trouver toujours plus de moyens pour combler les déficits, voire qu'il suffit de décréter l'effacement d'une dette pour qu'elle disparaisse comme par magie.
Hélas, la ministre de la santé elle-même semble avoir fait sienne cette théorie fantasmagorique en reprenant à son compte l'antienne fallacieuse qui voudrait "qu'on soit arrivé au bout d'un système". Suffirait-il donc d'en trouver un autre pour que tout aille mieux ?
Force est de constater que perdure la mauvaise habitude hexagonale qui consiste à casser le thermomètre lorsqu'il indique une poussée de fièvre...

Des réformes, l'hôpital n'en a pas manqué assurément. Elles se succèdent à chaque changement de gouvernement ou presque, pourtant, nous sommes toujours en attente de celle qui va tout changer. Cette frénésie légale est un leurre, de toute évidence. Après des décennies de lois, de réglementations, de planification, le problème reste entier. Si l'on acceptait enfin de prendre en considération le principe de réalité ?
Il est bien temps par exemple de s'apercevoir des défauts de la T2A. Voilà bientôt 15 ans qu'elle est entrée en application dans notre pays, avec le souci de corriger les défauts des systèmes qui l’avaient précédée, à savoir, les prix de journées, puis le budget global.

La T2A a été importée des Etats-Unis ainsi que le Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI) sur lequel elle repose. Elle est en application dans de nombreux pays et s'avère de par sa nature même, le moins mauvais système qui soit.
Elle oblige en effet à décrire l’activité en la codant, ce qui conduit à classer les patients dans des Groupes Homogènes de Séjours (GHS) auxquels des tarifs forfaitaires sont affectés. C'est plus précis et efficace que la simple comptabilisation du nombre de journées ou de venues, et plus équitable et responsabilisant qu'un taux arbitraire de reconduction d’une enveloppe non moins arbitrairement établie.
Certes la T2A est inflationniste, poussant à faire le plus d’activité possible, mais si le payeur fait bien son travail, il veille à débusquer les abus: l’activité sur-codée ou bien réalisée sans vraie justification. C’est donc à l’Assurance Maladie de garantir par ses contrôles la pertinence et la réalité des prestations délivrées aux patients. Ces derniers devraient également avoir un rôle vertueux s’ils étaient vraiment en mesure d’exiger les meilleurs soins au moindre coût, comme il le font pour leurs achats domestiques.
On a beau prétendre que la santé n’est pas une marchandise, elle a tout de même un coût, et il faut bien qu’il soit assumé par quelqu’un…
Ceci étant, si la T2A était sujette à de telles dérives mercantiles, les hôpitaux engrangeraient plutôt des bénéfices que des pertes. Or c’est tout le contraire qui se passe, sans doute parce que le problème est ailleurs…

Conçue pour facturer les actes et prestations au juste prix de manière forfaitaire, la plus simple possible, la T2A est devenue au fil des ans un vrai embrouillamini. Résultat, elle n’est plus en adéquation avec les coûts réels.
A force de pondérations de plus en plus alambiquées, certains soins se trouvent manifestement sur-valorisés, d’autres plus nombreux hélas, sont au contraire sous-estimés. Pire, au terme d’un circuit amphigourique d’allocation de ressources, l’Administration reprend parfois une partie de ce qu’elle octroie, en instituant  des réfactions peu compréhensibles. Entre autres exemples, les tarifs des séjours hospitaliers sont ainsi grevés d'étranges coefficients consistant à les rogner pour constituer des enveloppes supposées être redistribuées ici ou là afin de pallier certaines inégalités ou disparités.
En fin de compte la régulation prix-volumes appliquée par l’Etat consiste à diminuer par tous les moyens la facture liée à l’activité, à mesure qu’elle croît, pour rester dans le cadre annuel fermé du fameux Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM). Il s’agit in fine, d’endiguer le coût de la médicalisation croissante de la société, favorisée paradoxalement par ce même Etat, qui n’a de cesse de vanter l’accès gratuit aux soins pour tous...
Parallèlement à la baisse des tarifs, de grands plans étatisés contraignent les établissements à réduire de manière drastique la durée des séjours, à transformer quantité de ces derniers en venues sans nuitée (on appelle ça le “virage ambulatoire”), et à faire évoluer l’hospitalisation de jour vers des prises en charge toujours plus légères, s’apparentant à de simples consultations externes.
Si cette logique n’est pas mauvaise en soi, elle devrait découler avant tout des progrès techniques et de l’appréciation médicale du risque plutôt que de diktats décrétés ex cathedra. Elle suppose en effet une adaptation progressive et délicate des structures prodiguant les soins. Au surplus, celle-ci n'est pas sans conséquence financière car la valorisation des prestations est inversement proportionnelle à leur lourdeur.
Ainsi, l’éventail descriptif des prestations, ce qu’on appelle en jargon technique le case-mix, se décale vers les moins rémunératrices. En fin de compte, contrairement à une idée reçue, l’activité des hôpitaux n’est pas en baisse, elle évolue…

Face à cette mutation à marche forcée, aux conséquences mal anticipées, le service public n’a guère de marge de manœuvre pour se restructurer. Il est soumis à un régime ubuesque d’autorisations pour faire évoluer son organisation et il lui est interdit de toucher à la masse salariale qui représente environ 70% des charges. Le challenge est donc inatteignable et les économies se réduisent à des bouts de chandelle. Pour gagner un peu de souplesse en matière de gestion des ressources humaines, les contrats précaires de type CDD se multiplient de manière scandaleuse...
A ce jeu insane, faussé par les grands principes idéologiques dont la France est friande, s’ajoute le fait qu’une partie importante de l’activité échappe toujours à la T2A. Il en est ainsi des secteurs de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), toujours soumis au principe de la Dotation Globale. D’autres missions, dites “d’intérêt général”, sont financées par des enveloppes octroyées au bon vouloir des Agences Régionales de Santé, mais sans corrélation évidente avec les coûts qu'elles sont supposées couvrir. Enfin, il faut savoir que le tarif d’un séjour hospitalier, lorsqu’il n’est pas "remboursé à 100%” par l’Assurance Maladie, relève encore des antiques prix de journées, pour le calcul du "ticket modérateur", à la charge du patient ou de sa mutuelle !
Au total, s’agissant de la gestion des établissements publics de santé, toutes les strates des systèmes successifs continuent donc d’exister dans la plus grande confusion. L’ensemble du système est devenu si complexe qu’il donne l’impression de ne plus être maîtrisé par personne. Il est générateur d’une bureaucratie en inflation permanente. Dans les hôpitaux, les services logistiques ne cessent d’accroître leurs effectifs et le temps passé par les soignants à des tâches administratives augmente sans fin. Il faut savoir que les établissements sont soumis à des normes de sécurité ou de qualité draconiennes, confinant parfois à l'absurde lorsqu'elles interdisent a priori la pratique de certaines activités, au motif que le nombre de patients traités est jugé trop faible ou bien que les ratios légaux de personnel par lit ne peuvent être garantis, faute de moyens.
Face à cette usine à gaz invraisemblable, la ministre de la santé Agnès Buzyn ne semble pas avoir l’intention de simplifier les choses mais au contraire d’ajouter de nouvelles complications et de nouvelles réglementations lorsqu’elle évoque notamment “des financements aux parcours, à la qualité, à la pertinence des soins et des actes…”

Il faut enfin ajouter à cet incessant remue-ménage budgétaire, de nouvelles directives légales qui imposent désormais aux établissements de se regrouper et de mutualiser leurs ressources. Il s’agit de constituer, dans le cadre de nouvelles entités géographiques créées pour la circonstance, ce qu’on appelle les “Groupements Hospitaliers de Territoires” (GHT). La mise en place de cette machinerie demandant à des hôpitaux parfois distants de plusieurs dizaines de kilomètres, de travailler ensemble sans pour autant fusionner, est mal comprise sur le terrain et génère pour l’heure une foultitude de dépenses supplémentaires. Les “économies d’échelles” promises par les Pouvoirs Publics, pour illusoires qu’elles soient probablement, sont sans cesse repoussées, tant la réorganisation s’avère laborieuse. Nombre de patients et de personnels sont désormais quotidiennement sur les routes. Pour les premiers, les soins coûtent de plus en plus cher car le beau  principe théorique de “gradation des soins” impose en pratique bien souvent qu'ils soient prodigués sur plusieurs établissements successifs, avec toutes les redondances que cela suppose. S’agissant des soignants, ils sont également contraints de se partager sur plusieurs sites pour pallier le manque de praticiens dans les petites structures. Ils sont donc contraints à des déplacements incessants, pour les soins mais également pour assister à des réunions à n’en plus finir, car aux instances de chaque établissement s’ajoutent de nouvelles, à l’échelon territorial ! Au temps perdu s’ajoute le sentiment de disperser son énergie à tous vents.
Dans cette centralisation qui ne dit pas son nom, plutôt que de favoriser les télécommunications, on a décrété que les GHT devaient être dotés de systèmes d’informations "convergents", ce qui oblige à passer des marchés colossaux pour remplacer les logiciels existants par d’autres de plus en plus complexes, puisqu’il faut gérer de manière “communautaire” les identités, les mouvements et les dossiers médicaux. Leur fonctionnement, soumis à des cahiers des charges monstrueux, est grevé d’aléas et de bugs auxquels il n’est plus possible de remédier localement car la maintenance, comme nombre de services, est externalisée. Les hôpitaux-clients deviennent captifs de fournisseurs peu réactifs, car de moins en moins soumis à la concurrence, lorsqu’ils ne sont pas tout bonnement dépassés par l’ampleur de la tâche..
Quant à la mutualisation des achats, qui figure parmi les objectifs de cette réforme, elle s’annonce très délicate, bridée par un code des marchés publics des plus rigides, et promet une perte d’autonomie pénalisante pour les plus petits établissements. Rien ne dit que les fameuses économies soient au rendez-vous, sachant par expérience que les coûts de fonctionnement diminuent rarement avec l'accroissement de la taille des structures.

Au total, le système hospitalier français se trouve dans une situation absurde, obligé en quelque sorte d’appuyer en même temps sur le frein et l'accélérateur. D’un côté on le pousse à dépenser toujours plus, et de l’autre on serre chaque année davantage la vis budgétaire. Malgré le déficit actuel, la ministre de la santé a demandé la mise en œuvre d’un nouveau plan d’économies de 1,6 milliards d’euros en 2018. Paradoxe étonnant, la plupart des gens croient toujours de bonne foi que la santé est gratuite dans notre pays !
Il y a décidément quelque chose de pourri dans le modèle social à la française... Et ce n'est sans doute pas la T2A !