30 mai 2007

L'âme des écrivains


En me promenant sur le blog de Pierre Assouline, je découvre des réflexions intéressantes sur la nature profonde des écrivains.
Notamment l'analyse de propos tenus par Julien Gracq pour lequel une des particularités de l'écrivain, et qui conditionne profondément son oeuvre serait « qu’il secrète de bonne heure autour de lui une bulle, liée à ses goûts, à sa culture, à son climat intérieur, à ses lectures et rêveries familières, et qui promène partout avec lui, autour de lui, une pièce à vivre, un “intérieur” façonné à sa mesure souvent dès la vingtième année, où il a ses repères, ses idoles familières, ses dieux du foyer, où son for intérieur se sent protégé contre les intempéries et à l’aise. »
Un peu avant, c'était la réédition récente des « Deux Etendards » du polémiste d'extrême droite Lucien Rebatet qui suggérait à Pierre Assouline la question torturante : « un parfait salaud peut-il être également un bon écrivain et, le cas échéant, peut-on séparer certains de ses livres de l’homme qu’il fut ? »
Je dois dire que j'ai trouvé très attachante cette théorie de la bulle. Elle résume bien en tout cas pour moi l'oeuvre de Julien Gracq : secrète, intérieure, contenue.
Ce qui me touche également chez l'auteur du Chateau d'Argol, c'est sa proximité intellectuelle et spirituelle avec Ernst Jünger.
J'aime la sorte de noble détachement avec lequel ces deux « passeurs de siècles » observent le monde et ses folies. J'aime leur longévité aristocratique (Gracq va sur ses 97 ans, Jünger est mort à 102 ans en 1998), j'aime leur stoïcisme fait d'expérience et d'humilité, et les manières d'entomologistes attentionnés avec lesquelles ils parlent des hommes. J'aime en un mot leur belle figure hiératique qui les ancrent tranquillement dans l'éternité.
Ceci m'amène aux qualités requises chez les écrivains, recoupant notamment les allusions au sujet de Rebatet. La question posée est délicate à trancher mais tout de même, on a beau avoir du talent, pour être grand il faut à mon sens avoir une belle âme. En ce sens je ne peux certes tenir en grande estime des écrivains tels que Céline, Rebatet ou Brasillach. Mais on a un peu trop tendance à ne voir qu'à droite les « parfaits salauds ». Sartre, Aragon, Eluard ne valaient pas mieux. Quand on chante les louanges de Staline on perd toute crédibilité en matière d’amour, de poésie ou de philosophie… Il ne reste au mieux que des mots creux, même s’ils “vont très bien ensemble”…

28 mai 2007

American Black Box


Il fallait bien qu'un jour ou l'autre, je tombe sur un livre de cet Ostrogoth de la littérature qu'est Maurice G. Dantec.
Et bien c'est fait. Je viens d'ingurgiter les quelques 700 pages d'American Black Box, le dernier volume de son journal en forme de trilogie, intitulé « Le théâtre des opérations ».
Par une coïncidence étrange j'ai sur ma table au même moment « L'homme révolté » D'Albert Camus, dont le titre aurait tout aussi bien pu convenir à l'ouvrage de Dantec, tant le sujet en est proche et tant il contient d'imprécations contre les inconséquences et les absurdités du Monde contemporain.
A ceci près que Camus situait sa réflexion dans le champ de la philosophie, tandis que Dantec lui, accouche d'un pamphlet énorme, massif, impétueux, et vindicatif.
Et si la forme est différente, le fond l'est également à bien des égards. A l'agnosticisme religieux, et à la désillusion politique de Camus, Dantec oppose en effet « le corps glorieux du Christ », et le retour aux sources des valeurs occidentales traditionnelles.
N'empêche, les constats contiennent des similitudes. Notamment au sujet de l'inanité des idéologies et de la démission de l'opinion publique face à leurs diktats mortifères.
Dantec annonce d'emblée la couleur : « ce livre est l'enfant du chaos », « Le chaos laissé par la dévolution de la pensée, par la peur, la haine de soi, le ressentiment, la culpabilité, et les divers étrons idéologiques qui font de la France ce pays qui est sorti définitivement de l'Histoire pour entrer dans l'âge des postures culturelles et des impostures politiques à grande échelle. » Tel un nouveau Saint-Georges, il entreprend donc de terrasser les dragons de notre époque, au premier rang desquels figurent pour lui, l'islamisme radical, l'antiaméricanisme primaire et le nihilisme « zéropéen ».
Primum movens des périls qui menacent aujourd'hui le monde, l'islam est selon lui une religion fondamentalement perverse : « Il n'y a pas d'islam militant et d'islam modéré. Il n'y a que des variations d'intensité. Les lois coraniques ne peuvent être adoucies que très provisoirement. » Et le danger est gravement sous-estimé : « L'aveuglement des nihilistes occidentaux au sujet de l'islam semble un condensé de tous les aveuglements successifs de l'Occident depuis deux siècles. Sur le danger jacobin, sur le danger marxiste, positiviste, bolchevik, puis nazi, tiers-mondiste, maoïste, post-moderniste... »
L'Humanité à n'en pas douter, est entrée dans une nouvelle guerre de religions. Et Dantec ne voit rien d'autre à opposer à ce qu'il considère comme l'impérialisme destructeur des fous d'Allah, qu'une sorte de christianisme régénéré mais plutôt abscons : « Le prochain Christ sera à la fois celui du jugement et celui de la transcendance actualisée de l'amour, transvaluée au sens de devenir de l'être humain totalement assumé comme risque ontologique. »
Ce mystique retour aux sources de la spiritualité conduit l'imprécateur aux lunettes noires à n'envisager l'avenir qu'en regardant vers l'Ouest : « le futur de l'humanité s'élabore en Amérique. » D'ailleurs il a décidé de quitter l'Europe qu'il juge surannée et déconfite : « Je suis parti de France pour aller vers les Amériques qu'elle a perdues. Je viens en Amérique avec en moi toute la France qui s'est perdue en route » (étonnement à ce sujet : il a posé ses valises au Québec, qu'il qualifie pourtant de « petite colonie chic-et-choc des nihilismes zéropéens... »).
Il ne pouvait plus endurer « le lavage de cerveau anti-américain quotidien ». Il ne pouvait plus supporter ce qu'il qualifie d'arrogance et d'ingratitude « franchouilles » : « Plus de trois cent mille soldats américains sont morts en terre de France lors des deux conflits mondiaux du XXè siècle. Villepin et Chirak (sic), à l'unisson avec leur « peuple » et ses « représentants », ont d'un seul geste déboutonné leur braguette et allègrement pissé sur cette colossale pyramide de cadavres. »
Il ne pouvait plus accepter cet incroyable panurgisme haineux qui conduit à inverser les données du problème : « Ce ne sont pas les islamistes qui font peur, grâce à un décervelage idéologique total pour ne pas dire totalitaire, c'est l'Amérique qui représente le danger... »
Il en avait assez de ces intellectuels et journalistes français, hypocrites, qui disent aimer l'Amérique mais qui n'aiment « rien d'autre que l'Amérique qui déteste l'Amérique. Cette cucurbitacée du néo-trotskisme de Michael Moore par exemple, ou le juif anti-sémite Noam Chomsky...»
Sur la France, Dantec ne se fait donc plus guère d'illusions : « y-a-t-il une sortie vers le haut pour cette nation qui s'efforce par tous les moyens à sa disposition de rejoindre la bonde d'éjection des eaux usées de l'Histoire ? »
Sur l'Europe même, son jugement n'est guère plus indulgent : « L'Europe aura donc été une magnifique possibilité, morte avant que d'avoir vécu, ange avorté pour lequel il m'est difficile de ne pas ressentir le poids d'une chagrin lesté de toutes ces civilisation épuisées en vain. » Dans l'élan, Dantec fustige sans nuance l'Europe de Maastricht et dit son opposition catégorique au projet de constitution qu'il appelle « l'immonde papelard ». De ce point de vue la victoire du NON au réferendum de 2005 lui a procuré quelque satisfaction...
En définitive, la vision de ce « maudit Français » est sombre : « je vis la fin d'un monde, je vis le Crépuscule des Hommes, je vis la terminaison de toute l'histoire. » Ses diatribes ne sont pas exemptes de boursouflures, d'excès, de redondances. Le discours est quelque peu plombé par des notions abstruses (matrices, vortex, méta-codes, syncrétismes, ontologies), par des formules à l'emporte pièce et par de curieux poèmes hermétiques. Mais il y a du vrai dans ses constats, il y a de la clairvoyance dans ses opinions et il y a du courage dans ses prises de positions.
En tout cas sa théorie du déclin de l'Occident, n'a rien à voir avec la manie des bobos gauchisants qui ressassent avec délectation la faillite inéluctable du modèle capitaliste incarné par l'Amérique. Elle est l'expression de convictions sincères et d'une réelle angoisse. Il n'a rien d'un extrémiste, ni d'un fanatique. Son apocalypse est aussi une supplique, un appel désespéré, le cri du naufragé sur le radeau de la Méduse. Il faut savoir l'entendre...

22 mai 2007

Michael est de retour...

Le festival de Cannes donne à nouveau l'occasion à Michael Moore de ramener sa grosse fraise. Triste spectacle sur la Croisette, que la parade ronflante de cette outre pleine de soupe à qui un jury de cuistres trouva très fin de décerner "la palme" il y a trois ans. Aujourd'hui ce tripatouilleur d'images, qui est au cinéma ce que les ballerines de Botéro sont à la danse, refait le coup du pseudo documentaire "iconoclaste", à propos cette fois du système de santé américain ! On devine déjà par où cet enfonceur de portes ouvertes va faire passer ses caricatures d'enquêtes, grossièrement cousues de fil blanc...
Cela me donne l'occasion de reprendre mes notes de 2004 à propos de son Fahrenheit 9/11 que j'avais fait l'effort de subir, pour en avoir le coeur net. Il est évident que je suis désormais vacciné :

"Enfin je l’ai vu ce film qui a tant fait coulé d’encre, Fahrenheit 9/11 de Michael Moore, dont je pensais tout connaître avant de le connaître !
Eh bien c’était effectivement le cas...
Pourtant je dois lui reconnaître avant toute chose quelques mérites :
Il illustre la magnifique liberté d’expression qui règne en Amérique.
Il vérifie également qu’à trop vouloir en dire on ne dit rien, voire le contraire de ce qu’on voulait démontrer. La réélection éclatante de George Bush doit probablement quelque chose aux excès clownesques de Michael Moore.
Enfin, il a permis de mesurer la mauvaise foi et les a priori du monde artistique et intellectuel, qui ont atteint un sommet vertigineux lors de l’attribution de la palme d’or du festival de Cannes à ce petit chef d’œuvre de désinformation.
Sur la forme, il ne s’agit en effet que d’un montage cinématographique faisant feu de tout bois pour tenter de dégrader l’image de George W. Bush.
Michael Moore concentre le feu de sa très lourde artillerie sur le président américain qu’il a pris en haine on ne sait trop pourquoi. Comme dans les procès en sorcellerie, tous ses faits et gestes sont interprétés à sens unique par sa caméra torve.
Michael Moore est mauvais joueur et sa rancune est tenace.
Entre autres falsifications, il accuse Bush d’avoir volé l’élection de 2000 alors que tous les recomptages officieux et officiels en Floride ont entériné sa victoire. Il s’agit donc de pure diffamation. Il insinue que sa popularité n’a cessé de décroître dès l’élection passée ce qui est faux comme en atteste le triomphe républicain lors des scrutins de mid-term de 2002.
Emporté par son délire obsessionnel il en vient même à se contredire, accusant par exemple Bush d’avoir négligé la sécurité avant le 11/9 et fustigeant dans le même temps toutes les mesures prises pour la renforcer ensuite! Il occulte au passage le fait qu’en dépit des menaces brandies sans cesse par les terroristes, aucun attentat ne s’est reproduit sur le territoire américain (pourvu que ça dure).
S’agissant de l’Irak, il ment effrontément en suggérant que ce pays était un jardin d’Eden tranquille et prospère, sauvagement agressé par les USA, affirmant même que Saddam n’avait quant à lui jamais attaqué personne !
Moore qui a le gabarit d’un éléphant, ne semble pas en avoir la mémoire car il oublie que cette intervention se situe dans le droit fil de la crise de 1991 qui vit l’Irak annexer le Koweït. Il oublie qu'une coalition internationale s'était formée à l'époque pour le chasser des terres qu'il avait envahies. Il omet enfin de rappeler que faute de détermination de cette même communauté, le tyran de Bagdad put se maintenir et continuer de massacrer son peuple sous le regard atone de l’ONU. Le "film", lacunaire, ne contient de toute manière pas une seule allusion aux 16 résolutions prises à son encontre, rien au sujet de la prise en otage durant 44 jours des inspecteurs dès la fin 1991, et rien sur leur expulsion pure et simple en 1998...
Niant les liens d’Al Quaeda avec Saddam, Moore "oublie" que ce dernier fut le seul chef d’état au monde à faire cause commune avec les terroristes en se réjouissant publiquement des attentats du 11/9.
Au chapitre – volumineux – des absences, on ajoutera qu’à aucun moment Moore n’évoque la montée des dangers pendant la présidence insouciante de Bill Clinton qui laissa croître et embellir Al Quaeda, en dépit d’un premier attentat contre le World Trade Center en 1993 et de plusieurs attaques terribles dont celle qui fit près de 200 morts à Nairobi.
Evoquant enfin la crise économique et la montée du chômage, il accuse Bush d’en être responsable. Pourtant chacun sait que le Krach économique commença au cours du second semestre 2000 sous la présidence Clinton qui n’avait pris aucune mesure pour dégonfler la bulle spéculative et lutter contre les malversations patentes de certaines entreprises comme Enron. En revanche, il néglige de dire qu’avec des actions audacieuses et déterminées, l’Administration Bush a réussi à l’enrayer et que l’Amérique est en train de retrouver la prospérité et le plein emploi !
Il y aurait encore quantité d’artifices à démonter dans cet ersatz de film à thèse. Le fait par exemple qu’on ne trouve aucune séquence sur les progrès faits par l’Afghanistan grâce à l’intervention américaine, qui ont abouti à la tenue d’élections libres récemment, à la dignité retrouvée des femmes, à la réouverture d’écoles et de cinémas...
Tout ceci converge vers une seule conclusion : Moore est un fieffé menteur. Avec les vieilles ficelles qu’il emploie, et la mauvaise foi qui l'anime, il est possible d’affirmer n’importe quoi. D’autres s’en sont inspiré pour suggérer qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone par exemple, ou que les attentats du 11/9 ont été un coup monté par le lobby militaro-industriel. Auparavant, certains avaient déjà tenté de faire croire que la conquête de la Lune ne fut qu’une gigantesque mascarade organisée par les studios d’Hollywood, que le Communisme était un idéal de paradis sur terre, ou que Hitler représentait un avenir radieux !
Faut-il avoir de la crotte dans les yeux pour suivre béatement ce genre de filou sans scrupule !"

16 mai 2007

Black pearls


Cette expression pour caractériser deux DVD trouvés par hasard dans les rayons d'un grand magasin, consacrés à Lester Young et à Count Basie.

Edités à très petits prix par la maison EFORFILMS, il s'agit de véritables petites merveilles (collection Stars of Jazz).

Naturellement en la circonstance il ne faut pas attendre d'images haute définition ou de "son multi-canal 5.1". Il faut prendre ces enregistrements en noir et blanc pour ce qu'ils sont : des témoignages émouvants d'une époque malheureusement évanouie.

Intitulée Jammin' the blues, la première session, hélas un peu courte, met en scène Lester Young en petit comité, en 1944 (il avait environ 35 ans). Dans une sorte de clair obscur flottant, sa silhouette altière mais alanguie, coiffée de son chapeau plat, exhale du saxophone une indicible musique qui déroule ses volutes comme la fumée des cigarettes. De la moindre de ses interventions, il émane une telle tendresse, un tel mélange de douceur et de mélancolie, qu'on se sent comme suspendu hors du temps. Une seule phrase mélodique contient un univers entier de sentiments. On y plonge et on ne voudrait surtout pas en sortir. Cet homme avait en lui une parcelle d'éternité qui vibre sous la grâce nonchalante.
Auprès de lui, on retrouve le trompettiste Harry Edison, particulièrement inspiré, mais aussi Illinois Jacquet au saxo, les magnifiques Sid Catlett et Jo Jones à la batterie, et la délicieuse chanteuse Mary Bryant, dont les inflexions vocales ne sont pas sans rappeler Billie Holiday, la soeur spirituelle de Lester Young.

La session consacrée à Count Basie date de 1968. Il est juste accompagné de Norman Keenan à la contrebasse, Sonny Payne à la batterie et Freddie Green à la guitare.

Bien que Basie soit connu avant tout pour ses swingantes envolées à la tête de son grand orchestre, je me suis personnellement toujours délecté de ses prestations en petite formation. On peut y apprécier la légèreté inimitable de son toucher au piano, le velouté délicat de son phrasé. Il cultiva ce type d'expression intime jusqu'à la fin de sa vie (en 1984), notamment avec Zoot Sims, Dizzy Gillespie, Harry Edison, Roy Elderidge ou même Oscar Peterson, le tout solidement encadré par des sections rythmiques hors pair au sein desquelles on compte bien sûr le fidèle Freddie Green, le batteur Louie Bellson et le contrebassiste Ray Brown. Nombre de ces sessions furent gravées pour le compte de la maison Pablo.

C'est dans le même esprit décontracté et libre que se situe ce petit épisode « soixante-huitard »... au bon sens du terme !

11 mai 2007

I did what I thought was right


Aujourd'hui, je ne peux vraiment pas m'empêcher d'évoquer à nouveau Tony Blair.
Après les salutations distinguées qu'il vient d'adresser à la France et à son président fraîchement élu, le voici qui annonce avec sobriété, qu'il met fin de son propre chef à ses responsabilités gouvernementales.
Dans une intervention d'à peine plus d'un quart d'heure, il s'est expliqué ce matin sur cette décision qui vient clôturer dix années passées au 10 Downing Street : "Je crois que c'est assez long, non seulement pour moi, mais également pour le pays. Parfois, la seule façon de maîtriser l'attirance pour le pouvoir, c'est de l'abandonner."
Comment ne pas penser à George Washington qui sut résister à la tentation de s'incruster au pouvoir malgré les amicales pressions de son entourage et du peuple.
Comment ne pas penser également à José Maria Aznar, l'artisan de la renaissance espagnole, qui fit le choix de ne pas se représenter à l'issue de 2 mandats successifs, et dont le geste fut hélas occulté par la survenue des épouvantables attentats de Madrid et surtout terni par l'exploitation éhontée de ces massacres, faite à ses dépends par une horde vindicative de pleutres pacifistes.
Tony Blair est mal aimé en France. On ne pardonne pas à ce socialiste pragmatique d'avoir affirmé tranquillement : « La gestion de l'économie n'est ni de gauche ni de droite, elle est bonne ou mauvaise. » On est horrifié par ce fan des Rolling Stones qui osa trouver des mérites au style de gestion incarné par Margaret Thatcher !
A l'époque on insinua qu'il avait trahi sa cause par pure ambition et par démagogie.
Mais avec les années il fallut bien se rendre à l'évidence : Tony Blair était mu par un dessein autrement plus complexe.
Ce jeune homme, en plus d'un indéniable pouvoir de séduction avait une conscience, des convictions et du courage. Il les montra à maintes reprises aussi bien en politique intérieure qu'internationale. Il est européen sincère, et peut notamment s'enorgueillir de belles actions en ex-Yougoslavie et en Irlande du Nord.
Et dans les épreuves il révéla qu'il était déterminé, patient, fidèle en amitié, et doté d'une force rare : l'anticonformisme.
Son engagement en Irak, on a essayé de lui faire payer cher. On a tenté de le déstabiliser par de misérables calomnies et semé le doute sur la droiture de ses choix. Il fut totalement blanchi de toutes les accusations. Tony Blair a donc sincèrement cru pouvoir libérer le peuple irakien du joug qui l'opprimait. Il a sincèrement cru que l'installation d'un espace de liberté dans cette partie du monde serait le début d'une ère de progrès.
La partie n'est d'ailleurs pas encore perdue et s'il se désole de l'insuffisance des résultats, il ne regrette pas son pari.
Interrogé en mars 2006 sur les conséquences de son alliance avec George Bush, il a répondu : « Dieu sera mon juge. ». Ces derniers jours encore il affirmait qu'il ne fallait pas retirer les troupes anglaises d'Irak et avertissait que "les terroristes n'abandonneraient jamais si nous, nous abandonnions."
Au moins pourrait-on lui accorder d'avoir agi par conviction davantage que par intérêt. Jacques Chirac en fit d'ailleurs l'aveu assez affligeant en novembre 2004 : « Tony Blair n’a rien obtenu des Américains en retour de son aide en Irak... »

Pour terminer, je cite cet hommage de Colin Powell trouvé dans le New York Times : « Il fut un ami, constant face à l'hostilité de l'opinion publique, et impavide dans les périodes critiques. Nous avons toujours pu compter sur lui. »
Et cette réflexion de Tony Blair sur sa propre expérience : « Lorsque je débutais en politique, je voulais faire plaisir à chacun. Après quelque temps, j'appris qu'il est impossible de satisfaire tout le monde. Je compris alors que la meilleure chose était de faire ce que je pensais être bien puis de m'en remettre au jugement de chacun. »

10 mai 2007

Honni soit qui Malte y pense


Tout ce foin pour deux malheureux jours de vacances ! Les anti-Sarkozy sont vraiment de grands malades.
Le spectacle est proprement stupéfiant : à la simple évocation du nom du nouveau président, au moindre de ses gestes, ils sont pris d'une sorte de transe vaudoue, une excitation hystérique. Ils écument, ils se roulent par terre, la fureur et la haine sortent de leurs naseaux en jets brûlants.
Le sursaut « résistant » est déjà à l'oeuvre.
Contre la « brutalité policière » et pour la « préservation de la Justice Sociale », dans les rues « on » brûle des voitures et « on » pille des vitrines. On ne sait comment il faut appeler ces « on ». Des « racailles », des « caillera », des « voyous », des « faquins », ce serait injurieux et brutal, des « jeunes » ce serait réducteur, des « gens de gauche » ce serait politiquement incorrect. Alors des zombies peut-être, des revenants de 1789, ou encore des extra-terrestres...
L'université de Paris I Panthéon-Sorbonne quant à elle se met en grève préventivement : « On veut lancer un avertissement à Nicolas Sarkozy. » dit un "étudiant " aux envoyés spéciaux du "Monde". "On est bien d'accord pour dire que la démocratie qui amène ce genre de catastrophe, on chie dessus !" affirme une autre à ceux de "Libération". Bonjour l'ambiance quand ils vont passer à l'action !
Enfin, parmi les partenaires sociaux, ceux qui s'inspirent des propos du gentil Besancenot se préparent à bloquer par tous les moyens les « sales lois » qui ne sauraient selon eux tarder de déferler. « Défendons le Code du Travail » clame la CGT sur son site, car « la démocratie ne se réduit pas à l’expression citoyenne à l’occasion d’une élection. »
Plus conservateur, tu meurs...

Heureusement, ce raffut donne tout de même l'occasion de s'amuser de quelques contradictions délicieuses : au moment où les crypto-staliniens piétinent joyeusement la vie privée de Nicolas Sarkozy avec leurs gros souliers de lutteurs des classes, l'avocat du couple Hollande-Royal s'apprête à saisir la justice contre un livre paraît-il attentatoire à la leur ! Lorsqu'on sait que les auteurs du délit sont des journalistes du Monde et que la diffusion des « meilleures pages » a dores et déjà été faite par le Nouvel Obs, on se retient d'éclater de rire : comment diable vont-ils parvenir à mettre ça sur le dos du Grand Capital à la solde de l'UMP ?

Pour finir, j'ai été très touché par le petit clip de Tony Blair félicitant en français Nicolas Sarkozy (et la France). La simplicité de la manière et la sincérité du ton ne trompent pas (sauf naturellement ceux qui ne voient en lui qu'un traître à la Cause du Peuple, le caniche de Bush...). Une chose me désole. Que l'un s'en aille au moment où l'autre arrive. Quel duo épatant ils auraient fait pour impulser un nouvel élan à l'Europe !

07 mai 2007

Un vote d'adhésion

Derrière la victoire nette et sans bavure de Nicolas Sarkozy, une chose m'a frappé dans le flot de chiffres et d'analyses dont on nous a abreuvés hier soir : La grande majorité des gens qui ont élu le nouveau président se sont prononcés par adhésion à son programme et à sa personne. N'est-ce pas somme toute, la confirmation d'un élan datant de plusieurs mois, dont l'étonnante stabilité des sondages en sa faveur était le signe évident ?
Dans le camp Royal, à peine la moitié des électeurs ont fait de même, les autres ayant exprimé avant tout le rejet du candidat UMP.

Quelque chose semble bien avoir changé en France. On exprime sa pensée plus librement. Les tabous tombent. Le mépris et la haine de l'autre ne paient plus, même enveloppés dans les grands principes galvaudés de la "Justice Sociale". La victoire était joyeuse mais simple et vraiment populaire. Pas de grandiloquence, pas de référence prétentieuse à l'Intelligence, au Progrès, à la Lumière... Juste des mots de tous les jours pour parler d'espoir et une attention pour les vaincus.

Madame Royal quant à elle, n'a pas félicité son adversaire, comme c'est l'usage. C'eût écorché sans doute son joli sourire glacé. Elle paraissait toutefois bien détendue, on eut dit presque soulagée, après les résultats. Se voyait-elle vraiment dans la peau d'une « France présidente » ?

05 mai 2007

Un "Américain" au dessus de tout soupçon...


Mr Colombani est coutumier des pamphlets en demi-teintes. Il n'a pas son pareil pour assassiner "paisiblement" les victimes qu'il se choisit, du haut de sa chaire de commandeur des croyants.
Son éditorial des « Deux France » (Le Monde 3/5/07) est un bijou dans le genre.
Qu'il dise pour laquelle il penche n'aurait rien de choquant en soi s'il en faisait une opinion personnelle d'éditorialiste d'un journal partisan. Mais il préfère à la manière franche et loyale, les torves insinuations, présentées ex cathedra, comme les constats incontournables d'un média "indépendant et objectif".
Morceaux choisis :
A propos des derniers meetings des 2 candidats, selon Mr Colombani, « le public de Bercy montrait une société homogène; celui de Charléty une société plus diverse, plus colorée. Dans le premier cas, beaucoup d'inclus; dans le second, beaucoup d'aspirants à l'intégration » C'est qu'il a l'oeil le bougre ! Il s'y connaît en foule pour faire d'aussi perspicaces observations...
Lorsqu'il évoque ensuite les aspirations des 2 candidats, il est clair que celle de Ségolène « fait de la refonte du dialogue social la clé du retour de la confiance », tandis que « Nicolas Sarkozy, au fond, a une vision plus "américaine" ». En clair, pour celui qui a oublié qu'il était lui-même « Américain » il n'y a pas si longtemps, cette approche est « peut être source de nouvelles inégalités et aboutit à favoriser les plus favorisés », c'est même pour tout dire, « une conception revancharde de l'histoire ».
Pour enfoncer le clou, il ressort benoîtement en guise d'argument, « la qualité de la relation que Nicolas Sarkozy entretient avec Martin Bouygues, Arnaud Lagardère ou Serge Dassault » qui à l'évidence « est la marque d'une puissance potentielle dans les médias qui appelle une vigilance de tous les instants ». Qu'en termes doux cet ignoble procès en sorcellerie est fait !
Anticipant le résultat probable de l'élection, il concède comme pour faire bonne mesure, que « le PS n'a pas su engager un travail de refondation ». Mais c'est pour aussitôt décréter « qu'il faut donc d'urgence, pour la clarté et la dynamique du débat démocratique, renouveler la pensée de la gauche » Et comme s'il voulait conjurer le sort il s'exclame à propos d'une hypothétique victoire de Ségolène : « C'est un pari. Pour le pays, il mérite d'être tenté. »
Tout l'esprit du « Monde » est ici concentré. En somme, il n'y a guère de changement depuis les propos irresponsables de Jean Lacouture en 1975 sur « Phnom Penh libéré » !

03 mai 2007

Un débat guère inspiré

Il n'y avait sans doute pas grand chose à attendre d'un exercice trop formel et trop encadré. Le débat entre les 2 candidats à l'élection présidentielle n'a donc rien révélé qu'on ne sache déjà .
Madame Royal s'est voulue offensive. Comme une joueuse de tennis, elle a cherché à monter au filet mais elle a loupé la plupart de ses attaques. Sur l'insécurité avec sa proposition ridicule de raccompagner les policiers chez eux le soir. Sur l'énergie, en démontrant une méconnaissance grossière du dossier nucléaire. Sur les handicapés enfin, en affichant une arrogance totalement hors de propos qui témoigne là encore d'une vaste ignorance de la réalité.
Pour le reste elle a déroulé d'une voix sèche et monocorde une litanie de bonnes intentions floues, anticipant un retour de la croissance qu'elle imagine manifestement relever de l'opération du Saint-Esprit. Elle s'est montrée glaciale, imprécise et indécise, n'hésitant pas à contredire ce qu'elle affirmait hier, renvoyant aux calendes ou « aux partenaires sociaux » tout ce sur sur quoi elle n'a aucune idée, et coupant sans cesse la parole de son interlocuteur : une "épée", comme l'a qualifiée hier soir son coreligionnaire Mr Moscovici, mais qui donne la plupart de ses coups dans l'eau...
Quant à Mr Sarkozy on l'a senti sur la réserve, jouant plutôt du fond du court. Il a montré une grande maîtrise de ses nerfs mais a manqué d'inspiration et d'esprit d'à propos même s'il a réussi à placer deux ou trois beaux passing-shots, notamment sur les retraites. Bien qu'il ait fait preuve d'infiniment plus d'esprit pratique que sa rivale, il s'est heurté aux limites de sa stratégie, libérale qui n'ose avouer son nom. Par exemple, il juge à raison désastreuses les 35 heures mais ses mesures sur les heures supplémentaires restent timides et probablement complexes à mettre en oeuvre. Il n'est guère plus convaincant au sujet du bouclier fiscal, qui lui évite une remise à plat de la fiscalité et la suppression d'impôts imbéciles comme l'ISF, mais au prix d'une nouvelle usine à gaz.
Enfin aucun des deux n'a démontré de grand dessein sur l'Europe ou en matière de politique internationale. Les échanges sont restés limités à quelques propos assez convenus sur la Turquie.
Bref on reste sur ses positions.

01 mai 2007

Une élection fera-t-elle le printemps ?

Il se passe en France quelque chose d'assez inhabituel. Comme si le printemps chassant l'hiver, apportait avec ses floraisons multicolores, un parfum de renouveau.
Il est évidemment trop tôt pour se réjouir car on connaît par expérience, le caractère versatile des paroles vibrantes qu'on entend lors des campagnes électorales. Il y a bien loin de la coupe aux lèvres, et parmi les fleurs qu'on voit surgir de partout, rares sont celles qui se transforment avec le temps en fruits appétissants.

Ayant été échaudé si souvent, je suis loin d'être un inconditionnel de Nicolas Sarkozy, et j'ai des doutes quant à l'application pratique de ce qu'il dit. Je ne suis pas convaincu par certaines propositions : je n'adhère ni à l'absurde bouclier fiscal, ni à l'étrange idée de TVA sociale et j'ai en général des réserves sur son attitude mitigée en matière d'impôts, de réglementation du travail, ou même de politique européenne.

Tout de même, le ton est vraiment différent de ce à quoi on était trop habitué.
Cet homme a du chien assurément. Il est réellement habité par son discours et l'élan qui le porte semble autre chose qu'un souffle opportun, subit mais sans lendemain. Ça vient de loin, c'est puissant et c'est superbement organisé. Pour une fois le candidat semble pétri de vraies convictions et son programme ne s'embarrasse guère de faux semblants. Bien sûr il y a des effets de rhétorique un peu faciles et quelques artifices de séduction mais l'ensemble est cohérent, fort et plutôt encourageant.

Le meeting enthousiaste d'hier à Bercy fut le point d'orgue d'une aventure parfaitement maîtrisée. Un sans faute époustouflant comme on dit.
Il y a naturellement cette capacité à inscrire en termes clairs l'avenir dans le bon sens et l'efficacité. Cette affirmation tranquille d'idées simples qu'on n'osait même plus évoquer tant la raison était engluée dans des principes abrupts et des dogmes amidonnés. Le plus jouissif fut d'ailleurs le moment où il renvoya d'un geste impérial tous ceux qui cherchent encore à pérenniser ces leurres idéologiques en aboyant haineusement à ses basques, tous ceux dont le verbiage arrogant s'acharne à nier les évidences et qui donnent depuis si longtemps aux autres des leçons qu'ils s'abstiennent de s'appliquer à eux-mêmes.
Parce que Mai 68 fut une caricature de l'esprit de liberté, un pâle succédané de l'inspiration qui à la même époque rayonna sur le monde anglo-saxon, Nicolas Sarkozy a eu raison d'en flétrir les effets dévastateurs et les inepties gonflantes. Moi qui suis toujours sous le charme des beatniks, du jazz, du blues, du rock et des poèmes acidulés de Jack Kerouac ou de Bob Dylan, je ne me suis jamais reconnu dans les niaiseries trostkystes ou maoïstes qui abîmèrent en France l'esprit mutin mais illuminé de ces vagabondages artistiques.

Nicolas Sarkozy a donné un coup de pied dans la fourmilière, créant un joli désordre parmi la multitude qui rongeait tranquillement le terreau intellectuel du pays. Ils sortent de partout effarés et dans la confusion, jettent bas les masques de prétendue objectivité derrière lesquels ils cachaient leur travail de sape. Le Syndicat de la Magistrature, la Ligue des Droits de l'Homme avouent qu'ils ne sont rien d'autre que des officines au service de la pensée « de gauche ». Les beaufs prétentieux de Canal Plus ou de Charlie Hebdo qui brandissaient l'alibi de l'ironie pour couvrir la bêtise de leur humour pachydermique, exhibent au grand jour leur esprit partisan et borné.
Face à une vague qui grossit irrésistiblement, Ségolène quant à elle ne sait plus à quel saint se vouer. Contrainte en permanence de réagir, faute d'avoir une vraie aspiration, elle pourfend l'argumentaire de son adversaire sans rien trouver de plus original que de répéter qu'elle n'y voit que brutalité et violence. Faisant feu de tout bois, elle affirme un jour qu'elle pourrait prendre François Bayrou comme premier ministre, et le lendemain elle évoque Dominique Strauss-Kahn dont la quasi inexistence à ses côtés est un signe évident du malaise régnant au PS.
Quant au leader de l'UDF, le flux de la marée montante l'encercle chaque jour un peu plus. Après le choix de raison exprimé par ses deux plus proches lieutenants Hervé Morin et Maurice Leroy, sa situation devient de plus en plus intenable.
Ainsi va le temps. Après avoir accepté durant des décennies les oeillères, la France aura peut-être dans "huit petits jours" vraiment décidé de voir les choses autrement...


27 avril 2007

Stratégie insulaire ?


Etonnante stratégie que celle de François Bayrou.
Alors qu'il ne cesse de parler de rassembler, et qu'il se présente comme le fédérateur tant attendu, il ne parvient qu'à vider inexorablement de sa substance son vivier d'origine l'UDF... au profit de celui de Nicolas Sarkozy ! (et c'est ce dernier que certains accusent de "diviser" et de "faire peur"...) Depuis quelques mois jusqu'à ce jour, on ne compte plus les ralliements et pas des moindres : Christian Blanc, André Santini, Simone Veil, Valéry Giscard d'Estaing, Pierre Méhaignerie, Gilles de Robien, Pierre Albertini...
Il est difficile pour autant d'évoquer une redistribution politique car de la Droite traditionnelle vers le Centre, les mouvements sont plutôt rarissimes. Facteur aggravant pour lui, le « leader orange » ne peut se targuer d'aucun ralliement significatif à partir de la Gauche ou du Centre Gauche en dépit de quelques timides propositions faites par Michel Rocard et Bernard Kouchner avant le premier tour.
Et c'est ce moment précis, alors qu'il vient de rater son pari de figurer au second tour de l'élection présidentielle, que François Bayrou choisit pour annoncer la création d'un grand « Parti Démocrate ». Quelle mouche l'a donc piqué ? Avec qui diable peut-il sérieusement envisager de constituer une telle force de novo ? Et pourquoi prend-t-il un tel risque de saborder ce qui reste d'UDF si près du scrutin législatif ?
On a beau dire que les électeurs se moquent des mouvements au sein des appareils des partis, il paraît illusoire d'imaginer l'émergence aussi rapide d'une réelle alternative politique, basée sur la simple ferveur populaire. Le score de Bayrou au premier tour paraît témoigner davantage d'un effet de conjoncture que d'un réel enthousiasme pour un projet solide et novateur. Et tout cela peut très vite fondre comme neige au soleil en laissant le Béarnais gros jean comme devant.
Eu égard à l'incapacité du Parti Socialiste à se régénérer, il était sans doute envisageable de propulser sur l'échiquier politique une formation social-démocrate comme en possèdent de nombreux pays. Il eut fallu pour cela y songer depuis plusieurs années, et tenter d'arracher dans les deux camps traditionnels un certain nombre de bonnes volontés (et sans doute avoir des convictions un peu plus précises).
Au lieu de cela, François Bayrou a cultivé avec opiniâtreté une indépendance hautaine qui le mène aujourd'hui au faîte de sa popularité mais aussi à une sorte de splendide isolement. Curieusement il semble avoir un penchant pour le chant d'une Ségolène subitement tout miel pour lui.
Pourtant, on serait enclin à penser que son intérêt passe par l'échec de cette dernière. Que peut-il espérer de sa victoire : un ou deux strapontins bancals dans une coalition hétéroclite dans laquelle il perdra son âme en même temps que son prétendu non-alignement ?
S'il veut avoir une chance de mettre en oeuvre
derrière son panache blanc, cette fameuse recomposition, qu'il appelle de ses voeux, il lui faut avant tout mordre par lui-même sur l'électorat de gauche. Or la défaite du PS pourrait lui offrir cette occasion en portant le coup de grâce à un parti bien mal en point depuis quelques années en raison de l'absence d'idées nouvelles et d'incessantes guerres entre petits chefs. Il lui serait alors loisible de séduire de ce côté (encore faudrait-il qu'il parvienne à conserver avec lui au moins une partie du Centre Droit...).
Quant à l'idée d'un débat médiatisé avec Ségolène, voilà une bien extravagante idée ! Comment imaginer qu'il s'agisse d'autre chose qu'une manoeuvre grossière (et peu démocratique) pour tenter de faire oublier que le second tour se jouera sans lui. Qu'elle soit jugée opportune par des socialistes vindicatifs qui sentent l'Histoire se dérober sous leurs pieds, rien d'étonnant. Tout ce qui peut éclipser le rival qui leur donne de si douloureuses coliques est bon à prendre.
Mais que fera Bayrou lorsque ce soufflet sera retombé et qu'il se retrouvera tout seul avec la gueule de bois, sur son île déserte ?

24 avril 2007

De la nature dévoyée du credo anti-libéral


La France terre de paradoxes, cultive opiniâtrement, surtout lors des grandes échéances électorales, un rite étrange, nourri de croyances archaïques et de craintes fantasmatiques.
Cette religion, accrochée à la vieille souche marxiste-léniniste, n'en finit pourtant plus de s'effriter en exhalant de pestilentiels remugles, au dessus d'un jus d'épandage nauséabond où surnagent comme de dérisoires falots fumants, les vestiges figés d'illusions évanouies.

Mais faisant fi de leurs désastreuses erreurs passées, les prêtres de cette foi obtuse continuent d'ânonner leurs antiennes éculées, comme de vieux calotins égrenant compulsivement leurs chapelets. Et plus ils sentent l'avenir leur échapper, plus ils deviennent sectaires et venimeux.
Cette manière de penser, crispée sur une idéologie défaite, incapable du moindre effort de rénovation, tente de pérenniser envers et contre tout une vision névrotique et rétrograde de la société. Et, forte des chimères démagogiques instillées sans relâche depuis des décennies dans les cervelles, elle parvient encore à entretenir un semblant de rayonnement, basé sur des a priori réducteurs et une haine féroce pour tout ce qui dévie de ses dogmes arrogants quoique moribonds. Grâce à ses innombrables relais médiatiques et à la complaisance veule et masochiste de bourgeois farcis de mauvaise conscience, elle exerce une police permanente sur les esprits et continue d'asséner comme vérités révélées ses contresens diaboliques.

Elle semble avoir définitivement refusé de confronter ses grands principes au verdict de l'expérience et du pragmatisme, et comme l'avare serre jalousement ses trésors inutiles dans des coffres obscurs, elle maintient enfermées ses rogues certitudes derrière les murailles grises d'une dialectique de plus en plus étriquée. Mais à l'image des bandelettes sur une momie, ses imprécations revanchardes ne défendent plus qu'un corpus sans vie, en voie de dessiccation. Son coeur est devenu un caillou noir et ses aspirations soi-disant altruistes sont pétrifiées dans une gangue égocentrique qui se dégrade en anathèmes de plus en plus approximatifs. Plus rien ne trouve grâce à son regard de poisson mort.
Dans son aveuglement incurable, elle refuse obstinément de voir la liberté qui forme le terreau du libéralisme. Assise sur les belles espérances des Lumières, elle ne croit ni au génie humain, ni à l'initiative individuelle et n'imagine le contrat social que dans l'omnipotence étatique, le planisme administratif et la bureaucratie procédurière.
Ses dignitaires enturbannés qui méprisent le petit peuple du haut de leurs snobs salons dorés se vantent avec un pharisaïsme insolent de n'aimer pas les riches et encensent de louanges hypocrites l'Impôt qui fait la charité des uns avec l'argent des autres...
A la manière de comptables filous qui confondent leur portefeuille avec la caisse de l'entreprise, ils démolissent les repères établis, et bousillent par leur mauvaise foi inoxydable toutes les problématiques auxquelles ils s'attaquent. Assimilant par exemple leur engagement politique à la vertu immanente, ils se croient autorisés à donner à tour de bras, des leçons de morale aussi doctrinaires que celles de l'Inquisition. Mais leurs oeillères idéologiques bornent désespérément le champ de leur imagination. Ils n'ont aucun sens de la perspective, aucune notion pratique, et noient sous des peurs irrationnelles quelques uns des plus beaux progrès de la civilisation technique. Plutôt que d'en prôner une maîtrise éclairée et responsable, ils opposent des veto moyen-âgeux à ce qui participe de l'émancipation réelle du genre humain, tout en qualifiant d'avancées, de sordides bricolages scientistes, pourvu qu'ils satisfassent leur éthique froidement matérialiste.

Ces cuistres qui ne comprennent rien du monde réel, le rejettent avec dédain. Après avoir voulu imposer à l'univers entier le morne et brutal totalitarisme collectiviste, ils déclarent une guerre stupide contre le libre-échange, et le fédéralisme démocratique au nom d'une alter-mondialisation prétentieuse et destructrice. Pire, en brandissant le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, ils avalisent les plus affreuses tyrannies et refusent à des peuples martyrs la liberté dont ils profitent égoïstement, sans avoir rien fait pour la mériter.

Cette doctrine qui emprunte l'essentiel de sa quincaillerie conceptuelle au vieux socialisme révolutionnaire, a répandu partout ses poisons pernicieux déguisés en grandes idées généreuses. Mais à force de donner du bonheur une vision emphatique qui n'aboutit en règle qu'à la tristesse et à la désolation, ces sophismes trompeurs font de moins en moins illusion et laissent apercevoir à travers le voile qui se déchire, leur vraie nature faite d'intolérance et de ressentiment.
Les yeux trop longtemps abusés semblent se dessiller enfin. Là où les armes et la dictature ont fini par devenir impuissantes à les garder, les remparts de la forteresse mordent la poussière par pans entiers sous la pression de populations assoiffées de liberté. Les uns après les autres les fiefs soumis au carcan se libèrent et voient enfin le jour autrement qu'à travers les barreaux d'une doctrine désespérante.
Même en France les grands étendards se ratatinent comme des chiffons dérisoires, durcis par le jus aigre des rancoeurs accumulées et le sang desséché des combats perdus.
L'élection présidentielle voit encore s'aligner 11 candidats sur 12 se réclamant peu ou prou de ces conceptions obsolètes, de ce rejet primaire du monde, mais l'idéal a rétréci comme une peau de chagrin.

Le programme de ces tartufes bornés se réduit au misérable slogan « Tout sauf Sarkozy » qu'ils répètent apeurés en agitant fébrilement leur vieilles crécelles. Accrochés à leurs chaires qui s'effondrent, ils tentent désespérément d'enfermer dans leurs pièges sémantiques usés, le seul qui ait osé utiliser des mots neufs, et briser quelques tabous.
Mais tout ça sonne de plus en plus faux et le royaume arrogant d'antan se transforme en microcosme lilliputien.
Encore un peu de patience et le bocal se refermera peut-être sur ces derniers résidus lyophilisés, qu'on pourra ranger alors définitivement au musée, dans le rayon des horreurs déconfites...

18 avril 2007

Intemporalité de la beauté

Il y a quelques jours à peine, en parcourant les vastes allées du Giardino di Boboli, devant le Palazzio Pitti à Florence, je tombai en arrêt devant une statue. Immédiatement elle me rappella une aquarelle de John Sargent (1856-1925). Je la photographiai pour emporter la trace de cette impression de déjà-vu.

Lorsque de retour d'Italie, je compulse les ouvrages consacrés à ce peintre américain imprégné d'Europe, je retrouve sans hésitation la déesse Cérès couronnée de lauriers et tenant à la main une brassée de céréales.

Détenue par le Brooklyn Museum, cette oeuvre est datée de 1907.

Etonnante et minuscule coïncidence. 1907-2007 : un siècle exactement sépare les deux regards. Tant de tumultes séparent ces instants, tant d'horreurs barbares, tant d'illusions et de vanité. Et pourtant autour de cette silhouette altière, règne une tranquillité inchangée. On entend le pépiement intemporel des oiseaux et la lumière traverse l'ombre des cyprès majestueux avant de frapper le marbre froid sur lequel elle se répand en flaques mobiles d'une blancheur éblouissante.

Devant cette scène, l'oeil de Sargent fut comme un prisme qui décomposa les rayons du soleil en traits multicolores, transformant ces contrastes graciles en une sorte de délicate extase expressionniste. L'éclat de la Renaissance colorant les vestiges du monde antique en quelque sorte...

17 avril 2007

Retour vers le passé...


Après une semaine d'évasion en Italie, retour dans la gangue hexagonale.
Il est vrai que pendant 7 jours j'étais sorti de cet univers borné. Aucune nouvelle de la France. Pas de télé, pas de radio, pas de journal. La tête uniquement peuplée des collines ensoleillées de la Toscane. Les vignes et les oliviers déroulant leur doux tapis sur ces paysages ondoyants jusqu'aux lointains veloutés, ponctués par les silhouettes sombres et silencieuses des cyprès hiératiques...
Plus dure est la chute.
Premier avatar : grève des « aiguilleurs du ciel » parisiens qui chahute quelque peu le voyage vers la mère patrie. Vol annulé au départ de Florence, obligé de changer d'aéroport en catastrophe, direction Pise pour un autre avion qui lui non plus ne part pas, attente, nouveaux retards, incertitude, puis enfin départ... Confusion à l'arrivée à Roissy. La routine quoi.
Cette pagaille ne donne qu'un entrefilet dans l'édition du « Monde » du jour.
Et pour le reste, beaucoup d'encre mais rien de nouveau sous le ciel d'une campagne électorale qui tire en longueur, sans imagination, sans conviction, sans idée. Douze candidats pour rien ou quasi.
Sarkozy va se recueillir rituellement à Colombey sur la tombe du grand Charles « pour faire oublier son atlantisme » (journal de France 3). Son autoritarisme mâtiné d'ultra-libéralisme « qui fait peur » s'arrête à l'ISF que même la Suède vient d'abolir.
Ségo voudrait que chaque Français possède son drapeau tricolore et chante la Marseillaise au petit déjeuner. Et elle jacte sur Bush comme s'il incarnait Satan !
Bayrou s'accroche à sa bulle de néant, paraît-il fédérateur, en évoquant les personnalités éminentes et audacieuses de gauche qui seraient prêtes à le rejoindre mais qui préfèrent prudemment garder l'anonymat en attendant le moment fatidique. La question fondamentale du moment : ces tractations obscures sont-elles les prémices d'une alliance UDF-PS ?
Le Pen rabâche de plus en plus laborieusement ses refrains névrotiques et le conglomérat hétéroclite de la Gauche anti-libérale continue d'éructer sa haine du monde réel.
Dans un flots de sarcasmes tristes, me revient à l'esprit la chanson de Jacques Dutronc : Merde in France (cacapoum) !

04 avril 2007

World Trade Center


Oliver Stone donne une vision extrêmement sobre, presque dépouillée des atroces événements survenus le 11 septembre 2001 à New York. Une fois n'est pas coutume, le cinéaste "engagé" n'interprète pas les faits. Il se borne à en montrer l'absurdité, à travers le destin haletant de 2 policiers arrivés tout de suite sur les lieux, et dont la vie tranquille bascula tout à coup dans une horreur absolue et inexplicable. L'exercice était extrêmement délicat. Le risque était grand en effet de tomber dans le film catastrophe spectaculaire, ou bien de se laisser aller à des digressions grandiloquentes, voire de céder à la théorie obscure du complot qui fit tant de ravages dans les cervelles obsédées par l'antiaméricanisme. Même si le scénario n'évite pas certains clichés un peu "mélo", il reste fort car très proche au sens le plus physique qui soit, du drame que beaucoup d'êtres humains ont vécu ce jour là.