27 octobre 2013

La volonté de croire

Pour celui qui aspire à travers la philosophie, non pas à courir derrière de belles théories, aussi savamment exprimées soient-elles, mais à trouver quelques clés pratiques utilisables dans la vie de tous les jours, la lecture des ouvrages de William James (1842-1910) est un régal. Il n'a pas son pareil en effet pour aborder les champs de réflexion les plus impénétrables, qu'il défriche avec grâce et humilité, en les balisant de repères rassurants, et en extrayant ici ou là quelques pépites dont il a l'art de présenter sans artifice à ses lecteurs la pureté naturelle. Sa prétention n'est pas de donner des réponses à tout, et surtout pas de se livrer à des constructions idéologiques péremptoires. Il propose simplement une vision du monde la plus ouverte qui soit, et considère notre rapport à ce dernier, avec une logique ductile, associant la fois limpidité, souplesse et liberté.

Dans un essai au titre évocateur*, il aborde le problème des croyances et de la foi religieuse, qu'il confronte à l'épreuve du pragmatisme. Tâche à peu près vaine pourrait-on penser de prime abord, tant l'antinomie paraît flagrante. Concilier l'insaisissable spirituel et les trivialités pratiques, quoi de plus impossible en apparence ?
En apparence seulement, pour James qui suppute qu'il y a peut-être en définitive quelques circonstances où la foi ne serait pas dénuée d'utilité.

Afin qu'il n'y ait aucun malentendu, le philosophe pose d'emblée qu'en l'occurrence, il ne cherche aucunement à renforcer l'importance des croyances, accordant notamment que « ce qui manque le plus à l'humanité ce n'est point la foi, mais l'esprit critique et la circonspection. »
Il rappelle pareillement que « si l'hypothèse scientifique la plus vraie est celle qui fonctionne le mieux, il n'en peut être autrement des hypothèses religieuses. »
Cela dit, il ajoute également que « si nombre de ces dernières se sont écroulées au contact d'une connaissance plus approfondie de l'univers, il n'en reste pas moins évident que certains articles de foi ont survécu et qu'ils ont même aujourd'hui plus de vitalité que jamais... »

Celui qui se définit comme empiriste radical, va même plus loin en affirmant que « la nature humaine n'offre rien de plus intéressant et de plus précieux que ses idéals et ses croyances en l'au-delà », ajoutant que « la fermentation religieuse est toujours un symptôme de la vigueur intellectuelle d'une société, et [que] nos croyances ne sont nocives que lorsqu'elles oublient leur caractère hypothétique pour émettre des prétentions rationalistes ou dogmatiques. »
Ceci posé, James, préoccupé d'efficacité, entreprend de débusquer les situations où la foi peut s'avérer utile, c'est à dire où « la foi en un fait peut aider à créer le fait », ou encore, des circonstances où « la croyance crée sa propre validation ». Et il n'éprouve guère de difficulté à en trouver légions. L'exemple le plus parlant qu'il donne est celui d'un train attaqué par des bandits. Tous les voyageurs se laissent en règle piller parce que si les bandits peuvent compter les uns sur les autres, chaque voyageur sait que sa résistance entraînerait sa mort. Or si chaque voyageur avait foi en la réaction des autres, il réagirait, et le pillage deviendrait impossible...

James excipe de ce cas bien concret, une observation de portée beaucoup plus générale. Il constate ainsi que pour voir une espérance se réaliser, mieux vaut y croire. Il en est ainsi pour un politicien en campagne électorale, pour un étudiant commençant des études difficiles, pour une personne cherchant un emploi, pour un sportif s'engageant dans une compétition, ou bien pour une armée livrant une bataille... Même s'il serait vain de nier l'importance d'une bonne préparation à l'épreuve, il est évident que la conviction de réussir peut s'avérer un facteur déterminant.
A l'appui de sa démonstration James cite opportunément un de ses amis, William Salter, membre de la Philadelphia Ethical Society : « De même que l'essence du courage consiste à risquer sa vie sur une possibilité, de même l'essence de la foi consiste à croire qu'une possibilité existe. »
Du « vouloir c'est pouvoir », c'est bien la volonté de croire qui est le primum movens de toute action, de tout progrès, de toute évolution. Et c'est même à ses yeux, un argument fort et optimiste qui permet d'affirmer que la vie vaut la peine d'être vécue...

William James fournit ainsi des prolongements spirituels bienvenus à la pensée empirique, un peu sèche si ce n'est froidement matérialiste, telle qu'elle fut illustrée par Locke, Hume, Mill où même Kant.
Il invite à dépasser une conception purement scientifique, soi-disant neutre et objective du monde, en montrant qu'elle est contraire à la nature humaine, considérée elle-même comme composante essentielle de La Nature. La force de cette proposition est de faire du substratum physique conditionnant notre existence, de « l'armée de molécules », dont il est constitué, un tremplin vers l'indicible, une vraie raison d'être en somme, « par delà les confins des sphères étoilées ».

Rien ne saurait mieux illustrer cette idée que ces deux réflexions livrées pour conclure (sans donner naturellement au mot Dieu une acception répondant à des critères de certitude) : « Un quatuor à cordes de Beethoven se ramène en fait à un bruit de boyaux de chat raclés par une queue de cheval, mais si complète et exacte que soit cette description, elle n'exclut en aucune manière une description tout autre.../... De même, une interprétation mécanique de l'univers n'est pas incompatible avec une interprétation téléologique car le mécanisme lui-même peut impliquer la finalité... »
« Dieu lui-même, en somme, peut puiser dans notre fidélité une véritable force vitale, un accroissement de son être »


* La volonté de croire. William James. Les Empêcheurs de tourner en rond/ Le Seuil. Paris 2005

23 octobre 2013

Endettement fatal


« L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
Cette citation de Frédéric Bastiat n'a jamais été aussi criante de vérité qu'aujourd'hui. Tout particulièrement dans le monde occidental où les gouvernements sont arrivés à un niveau d'endettement astronomique, à force de faire croire à leurs citoyens, qu'ils pouvaient subvenir à tous leurs besoins.

L'épisode du shutdown qui a ébranlé l'Amérique et fait couler pas mal d'encre durant quelques jours, illustre cette inconséquence de plus en plus préoccupante. En ce mois d'octobre, la dette accumulée par le gouvernement fédéral des Etats-Unis a dépassé le montant vertigineux des 17.000 milliards de dollars ! Elle représente plus de 100% du PIB de ce pays. Elle a augmenté de près de 70% depuis l'arrivé de Barack Obama au pouvoir en 2008... Yes he could do it !
Jusqu'où ira cette folie exponentielle ? Combien de temps peut-on tenir à ce rythme ?
C'est la question qu'ont posé, pour la troisième fois depuis 2011, les Républicains majoritaires à la Chambre des Représentants, en refusant de relever sans condition, une nouvelle fois le plafond de cet endettement. Ce qu'ils demandent, c'est que l'Etat s'engage à réduire enfin significativement les dépenses publiques, au moment où l'application de la réforme du système de santé voulue par le président américain promet une nouvelle flambée (au moins 1000 milliards de dollars à ce que l'on dit).
Simple question de bon sens évidemment.
Pourtant, les réactions de la plupart des commentateurs furent en la circonstance, proprement sidérantes. Pour les résumer, un article du Monde suffit. Intitulé « Le piteux spectacle de Washington », il ne s'appesantit guère sur le caractère dramatique de la situation de « la plus puissante démocratie du monde », mais sur le fait « qu'un groupe d'élus ultraconservateurs a décidé de barrer la route à une loi instituant une assurance-santé universelle. »

Les auteurs de cette charge lourdement lestée de plomb idéologique, qualifient donc l'attitude des Républicains de « chantage », de « spectacle affligeant », et n'hésitent pas à y voir l'expression des dysfonctionnements criants de la démocratie américaine ! Et pour ces gens incurablement amblyopes, les fameux Tea Party, dont le but est précisément de restaurer les idéaux des Pères Fondateurs de la République Américaine, incarneraient une extrême-droite revancharde et bornée.
Venant de Français, l'accusation pourrait faire rire. Elle traduit hélas une inconscience largement répandue qui fait froid dans le dos.

On a entendu il y a quelques jours à peine, les experts du FMI proposer pour éponger « une fois pour toutes » l'endettement public, l'instauration d'une supertaxe de 10% « sur tous les ménages disposant d'une épargne nette positive ». Comment des gens réputés sérieux peuvent-ils envisager et pire encore, rendre publique une telle hypothèse ? Elle vient tout d'abord contredire de manière flagrante le discours auquel cette institution nous avait habitués, suggérant de modérer la pression fiscale pour doper la confiance et la compétitivité, qui sont selon elle « les clés d'un redémarrage de la croissance ». Surtout, elle n'aurait évidemment aucune chance d'être plus efficace que la multitude d'impôts et contributions existants, puisque la dette nationale représente à ce jour en France, un montant de 30.000 euros par citoyen ! Au surplus, elle n'empêcherait pas dès l'année suivant cette ponction, la reconstitution du gouffre, car à ce jour rien ne semble pouvoir endiguer les dépenses publiques. Pour finir, elle ébranlerait sans doute un des derniers piliers tenant encore debout dans ce monde de gabegie et d'irresponsabilité, tuant définitivement la confiance en l'Etat et provoquant une panique mortelle...

Ruiner une fois pour toutes, tous ceux qui ne le sont pas encore, voilà comment on peut entendre cette proposition incroyable... Tout ça pour tenter de combler les déficits abyssaux d'Etats-Providence devenus pléthoriques, et incapables gérer leur budget. Vont-ils finir par nous entraîner tous dans leur faillite ? Au secours ! Les prédictions d'Ayn Rand sont en train de se réaliser !

18 octobre 2013

Le papillon de Brignoles


Certains événements, en dépit de leur caractère dérisoire, ou tout au moins anodin, peuvent parfois entraîner des conséquences majeures. On appelle cela « l'effet papillon ». Par l'importance qu'on donne à ces événements, ou bien parce qu'ils ont en soi un potentiel maléfique, ils peuvent engendrer des maux considérables. De grands conflits, de terribles catastrophes par le passé ont été causés par des faits que d'aucuns avaient considéré comme négligeables.

La victoire électorale d'un certain Laurent Lopez dimanche dernier concerne au premier chef le canton de Brignoles dans le Var. Problématique très locale en l'occurrence, qui n'en revêt pas moins une dimension nationale vu le battage qu'on fit autour de ce scrutin et vu le délire qui s'est emparé de l'ensemble de la classe politique, liguée au nom d'on ne sait quel « Front Républicain » pour empêcher le succès du candidat du Front National.  
Avec près de 54% des suffrages exprimés, M. Lopez l'a emporté haut la main, seul contre cette coalition baroque mais inepte, qu'on peut même juger honteuse au strict plan de la démocratie.

Quelle est en effet la raison, si terrible, qui justifierait qu'on doive décréter une telle mobilisation pour ostraciser un parti, pour le tenir écarté du débat politique, et l'empêcher par tous les moyens d'accéder à la moindre responsabilité ?
Cette attitude, venant de gens dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'ont guère brillé par l'efficacité dans l'exercice de ces responsabilités, pourrait paraître comique.
Venant de gens qui ont usé de tant de démagogie, qui ont abusé le Peuple avec tant de balivernes, qui ont professé tant de credo idéologiques imbéciles ou insanes, cela ne manque pas de sel.
Venant de gens qui dans un souci bassement électoral, se sont compromis dans tant d'alliances saugrenues, si ce n'est abjectes, notamment à gauche, c'est un vrai scandale pour parler comme le peu regretté Georges Marchais...
Venant de gens qui par incurie ou par calcul ont tout fait pour enfanter en quelque sorte ce parti, et lui donner de l'ampleur, c'est un comble.
Aujourd'hui, ils voudraient nous convaincre que leur créature est un monstre, et que c'est est un devoir de le terrasser, mais ça ne prend pas.

Dans une démocratie, les citoyens n'ont pas besoin qu'on leur administre des leçons aussi futiles. Non seulement cette méthode apparaît de plus en plus vaine, mais par son arrogance et sa négation de certaines réalités, elle a tendance à accroître la radicalisation de l'opinion d'un nombre croissant de personnes.
Maintenant que le Front National représente environ un tiers de l'électorat et qu'il est en mesure de s'imposer seul face à tous dans certaines circonstances, que faire ?

Il est trop tard pour reprendre ne serait-ce qu'une partie de ses thématiques. Nicolas Sarkozy tenta sans succès de le faire pour être réélu. François Fillon s'y est grillé les ailes d'une seule phrase. Manuel Valls enfin s'est attiré pas mal d'ennuis en abordant le sujet des Roms. Tout simplement parce que ces discours, jamais suivis d'actions en rapport, n'est pas crédible. La ficelle est un peu grosse.

Après avoir si obstinément cherché à exclure le Front National du jeu politique « républicain », il est désormais impossible sinon grotesque de vouloir s'en rapprocher ou même d'essayer d'en racoler les électeurs.
Pire, la stratégie stupide autant qu'obstinée d'isolement qui perdure depuis tant d'années, a conduit le pays dans une impasse démocratique préoccupante. Une partie grandissante de l'électorat se voit privée de toute représentation, tant que le Front National à lui tout seul ne rassemble pas plus de 50% des voix.
Ponctuellement, il y arrive, comme à Brignoles. Demain peut-être y parviendra-t-il sur des scrutins de grande envergure. Que se passera-t-il alors ? La rancoeur de ces gens qu'on aura si longtemps tenu à l'écart risque de s'exprimer avec virulence...

On pourrait certes gloser sur le programme quelque peu illusoire et lacunaire du FN. Mais que dire de ceux des autres qui nous mènent tranquillement à la ruine, à la déculturation et à l'explosion sociale ?
Le projet du Front National est certes hautement critiquable, mais qui devrait s'en émouvoir vraiment ? Sans doute pas ceux qui ont mené la France là où elle est, à force de démagogie, d'irresponsabilité, et par manque de courage et de convictions pragmatiques.
Seuls les vrais Amoureux de la Liberté, les adeptes du fédéralisme et du self-government, les Libéraux au sens tocquevillien du terme peuvent légitimement dénoncer ce corpus de propositions peu réalistes, et dans l'ensemble désespérément attachées au paradigme de l'Etat Providence, centralisateur et dirigiste.
Le paradoxe est qu'un amoureux de la liberté par définition, ne saurait empêcher au nom de grands principes à un parti le droit de s'exprimer, même si son programme apparaît non souhaitable voire même déraisonnable. Il ne saurait même le considérer comme définitivement infréquentable.
Mais combien y a-t-il encore d'amoureux de la liberté en France ? Hélas à peine une poignée.

Décidément le papillon de Brignoles est bien noir...

10 octobre 2013

Guignol's band


A chaque publication d'un rapport de la Cour des Comptes, épinglant telle ou telle administration, tel ou tel dispositif étatisé, la question qui vient aux lèvres est la suivante : Mais à quoi sert donc cette officine, elle-même sous tutelle étatique ?
Son diagnostic est en effet habituellement sévère et ses recommandations impératives, mais en réalité tout le monde s'en moque, le gouvernement en premier lieu.


Le dernier opus de cette vénérable institution, supposée pointer une fois de plus les dérives et la gabegie de l'Etat, consacré à la Sécurité Sociale, n'a pas échappé à la règle. Parmi la multitude de recommandations bien intentionnées, les médias avides de faits croustillants firent tout un plat de la proposition étonnante de « dérembourser » totalement les frais d'optique par la Sécurité Sociale. Proposition un tantinet saugrenue quand on songe que ce secteur d'activité est déjà largement abandonné aux mutuelles privées qui prennent en charge 3,7 milliards d'euros de dépenses, tandis que l'Assurance Maladie obligatoire n'en éponge que 200 millions...

Ça n'a pas empêché la ministre de la santé Marisol Touraine, de monter aussitôt au créneau et d'assurer le plus sérieusement du monde « qu'il n'y aurait pas de déremboursement des lunettes ! »

Peut-on imaginer situation plus grotesque ? Les uns brandissant pour la énième fois leur bâton pour sanctionner un dysfonctionnement flagrant du système qu'ils sont supposés contrôler, et l'autre, chargée d'en garantir la bonne gestion, faisant semblant d'ignorer ces admonestations, comme si de rien n'était ! On se croirait chez Guignol !


Pire, quelques jours plus tard, madame Touraine, comme si elle y prenait un malin plaisir, continuait de plus belle à l'encontre des préconisations des sages la Cour des Comptes. Elle annonçait en effet à grand fracas, la généralisation du « tiers payant » !

Déjà en vigueur faut-il le rappeler, pour la délivrance de médicaments en pharmacie, et pour tous les soins pour les bénéficiaires de la CMU-C et de l'AME (aide médicale d'Etat, destinée aux étrangers en situation irrégulière), cette disposition devrait achever de déresponsabiliser les assurés sociaux en même temps qu'elle signe la nationalisation du système de santé. Elle consacrera en effet le mythe de la gratuité des soins en France, et fera disparaître de fait, le paiement à l'acte.

A l'occasion de l'annonce de ces mesures insensées on a pu entendre quelques économistes distingués, lors de l'émission d'Yves Calvi Mots Croisés, affirmer que les dépenses liées à l'AME n'étaient qu'une goutte d'eau dans l'océan du déficit de la Sécurité Sociale. Certains considérant même qu'on pouvait tout simplement négliger ces quelques dérisoires centaines de millions d'euros si généreusement distribués ! Ils allèrent même encore plus loin, en clamant qu'il s'agissait d'une mesure de salubrité publique car selon eux, en facilitant ainsi l'accès aux soins, on évitait la propagation d'un certain nombre de maladies notamment contagieuses, parfois très résistantes...

Comment peut-on avoir une aussi courte vue, et occulter l'inflation inquiétante de ces dépenses ? Le coût de l'AME ne cesse de progresser. Il a été multiplié par 8 depuis sa création en 2000 par le gouvernement Jospin, passant d'à peine 75 millions d'euros à 600 ! Depuis 2009 la croissance annuelle n'est pas en dessous de 10%, largement supérieure à l'inflation et à la dérive des dépenses de santé du reste de la population (la progression de l'Objectif National des Dépenses de Santé de l'Assurance Maladie est quant à elle limitée à 2,5%). Il y a donc tout lieu de penser que cette manne, loin de contenir l'expansion des maladies, agit comme une pompe aspirante pour un nombre croissant d'étrangers rencontrant des difficultés pour se faire soigner chez eux. A continuer d'alimenter ce dispositif, on risque donc à l'inverse de ce que prétendent les beaux parleurs, de favoriser l'importation de pathologies lourdes ou délicates à soigner, et à vouloir le généraliser, de se ruer sur l'iceberg monstrueux qui se cache sous son apparence anodine...

29 septembre 2013

Ubu Roi de France



Au royaume de Ringardie, tout est permis. Même de tout interdire. Ou bien de permettre toutes les inepties. Et de dire tout et son contraire, en toute impunité.

Au royaume de Père Ubu-François, la pompe à Phynance tourne à plein régime et la machine à décerveler, itou.

S'agissant de la première, on croyait avoir tout vu. Mais non. Ce qui se prépare dépasse l'entendement de tout esprit normalement constitué (non socialiste). On pense désormais sérieusement dans les cercles intellectuels de gauche, après avoir purgé les richesses réelles, à taxer les revenus fictifs. Le Conseil d’Analyse Economique (CAE),  obscure officine crée par Lionel Jospin en 1997 pour  « aider le premier ministre », propose en effet de « (sur)taxer les loyers implicites nets des intérêts d’emprunt ou, à défaut, en relevant les taxes foncières via la mise à jour les valeurs locatives ». Extraordinaire ! On sera donc puni, selon la loi de redistribution égalitaire des richesses, au seul motif qu’on possède son logement et qu’on a le culot de l’occuper ! Décidément l'adage est vrai : lorsque les bornes sont franchies, il n'y a plus de limite…

Il ne s’agit certes que d’un projet, mais il s’inscrit parfaitement dans la pataphysique effrayante dont s’inspirent les comiques troupiers qui font semblant de gouverner notre infortuné pays.

La loi Duflot déjà votée en première lecture à l’assemblée est en effet du même tonneau. En toute absurdité, elle croit pouvoir nier celle bien réelle de l’offre et la demande, et ne craint pas de s’asseoir sur le plus évident bon sens. Elle remet en vigueur l’encadrement du prix des loyers, c’est à dire leur blocage, régi par des normes administratives. Maintes fois essayé par le passé, il a toujours conduit à détériorer un peu plus la situation initiale en aggravant le sentiment de pénurie, et en favorisant le marché noir et les dessous de table. Quant à la garantie universelle des loyers joliment appelée GUL, qui a la prétention de faire disparaître le versement de dépôts de garantie, elle va déresponsabiliser encore un peu plus les locataires (puisqu’ils vont payer en plus du prix du loyer une assurance garantissant leur défaillance, pourquoi donc se gêneraient-ils, sachant qu’ils sont en pratique indélogeables). Le nombre d'impayés va mécaniquement progresser et le coût de cette folie va reposer sur un organisme public en situation de monopole, à la manière de la Sécu…
Rappelons au passage que madame Duflot tire sa légitimité de la vague représentation d’un parti totalement effrité, dont la candidate officielle (qui ne fut pas elle) a totalisé 2,31% des voix lors de la dernière élection présidentielle !

Pendant ce temps ses petits copains du gouvernement s’en donnent à cœur joie pour démanteler les quelques pans de murs légaux qui soutiennent tant bien que mal une société à l’agonie.
Chacun mériterait un développement en soi : Peillon qui, dans le droit fil doctrinaire des révolutionnaires d’antan, voudrait achever la transformation de l’Education Nationale en centre d’endoctrinement de la jeunesse (pour l’heure il est bien occupé à coller ses inoffensives affichettes joyeusement colorées, intitulées charte de laïcité), Taubira et son obsessionnel besoin d’inverser le trop classique schéma victime-agresseur, Touraine qui rêve de soviétiser un peu plus le système de santé et au mépris de sa faillite, de renforcer encore le mythe de la gratuité des soins (tiers payant pour tous), Valls qui parle à tort et à travers,
qui sur le terrain se montre attaché à l’orthodoxie gauchisante, des plus laxistes, et qui pour faire diversion, n'hésite pas à surenchérir de manière éhontée sur les propositions du Front National.

Il faudrait en parallèle évoquer l’interventionnisme étatique, sur tous les rouages de la société, destiné à pérenniser l’emprise catastrophique du socialisme. Alors que la majorité présidentielle est en voie d’atomisation, on reparle tout à coup, comme par hasard, du droit de vote aux élections locales, cette fois non pas pour les étrangers (ça reste toutefois d’actualité) mais pour les enfants dès l'âge de 16 ans…

Dans le même temps, l’Etat-PS qui s’y connaît davantage en matière de copinage que d’ouverture, fait main basse sur le Comité National d’Ethique (« renouvellement en profondeur » comme titre pudiquement le journal Le Monde, de cette instance soi-disant indépendante mais totalement inféodée au Président de la République). On devine sans peine le but de la manoeuvre puisque F. Hollande avait par avance annoncé qu'il s'appuierait, lorsqu'il faudrait prendre des décisions délicates  ( procréation pour autrui et autres tarabiscotages...) sur les avis dudit comité...

Dernier sujet de délectation qui revient également tout à coup sur le tapis : la réglementation typiquement franchouillarde, interdisant sauf exceptions, l’ouverture des magasins le dimanche et les jours fériés, ou en soirée. Elle n’est certes pas nouvelle, mais fait reparler d’elle à propos de récentes actions en justice croquignolesques. Dans ces moments, on croit vivre le cauchemar si bien décrit par Ayn Rand dans son fameux ouvrage Atlas Shrugged.

Après la faillite de Virgin, et l’hécatombe touchant les commerces situés en centre-ville, la justice à la botte du Pouvoir et de son idéologie, contraint donc, à la suite d’une plainte des syndicats, la chaîne Sephora, à éteindre ses enseignes situées sur les Champs Elysées, dès 21 heures.
Pareillement, par un hasard étrange, Leroy Merlin et Castorama sont sommés de fermer leurs magasins les week-ends (ils bénéficiaient jusqu’alors d’une dérogation en forme de faille dans la jungle des textes légaux).

Le monde n’a donc pas évolué d’un iota depuis le Moyen-âge, pour les auto-prétendus défenseurs acharnés des travailleurs. Pour ces gens, qui estiment savoir mieux que les intéressés eux-mêmes ce qui est bon pour eux, la semaine doit rester rythmée par le chant du coq et le jour du Seigneur ! A l’heure d’internet, on décrète ex-cathedra qu’il est des moments où le commerce devient illégal et où le simple fait de travailler est un délit.

Il y a toutefois de savoureux instants de drôlerie dans cette navrante régression sociale. Lorsqu’on voit par exemple, les salariés mécontents de ne pouvoir travailler comme bon leur semble et privés d’une partie de leur pouvoir d’achat, se lancer dans une action en justice contre les syndicats censés les défendre. Ou bien lorsque l’ineptie des lois devient telle que les contrevenants mis au pilori, deviennent les alliés objectifs de la bureaucratie réglementaire : ainsi, c’est à la demande de Bricorama, que ses concurrents Leroy Merlin et Castorama sont à leur tour sanctionnés !

Pour toutes ces insanités, il semble que François Hollande qui occupe à ce jour la place de satrape en chef de ce pays de cocagne, et qui brille particulièrement par son sens inné de l'absurde, méritait bien la couronne d'Ubu, en l’occurrence celle de Bokassa 1er, totalement made in France...

26 septembre 2013

L'une triomphe, l'autre s'enfonce

Enfin une bonne nouvelle !
La victoire électorale éclatante de madame Merkel, c'est la garantie que l'Europe gardera pour quelques années encore un leader crédible et par voie de conséquence une certaine stabilité. C'était vital eu égard à l'état actuel, passablement délabré, de l'Union. Et pour ceux qui se désespèrent du naufrage socialiste dans lequel s'asphyxie la France, c'est comme une bouée de sauvetage. Une petite lueur d'espoir à l'horizon...
Forte de ce succès, et de la bonne santé de son pays, Angela Merkel va dominer de la tête et des épaules ses partenaires, notamment les dirigeants français, en pleine déconfiture. On peut espérer qu'elle sera en mesure de réduire un peu leur capacité de nuisance, et que bon gré, mal gré, ils se résigneront à passer sous les fourches caudines de sa politique pragmatique.

Évidemment, et c'est la seconde source de joie, il s'agit d'une claque monumentale pour nos socialistes arrogants et revanchards qui avaient cherché de manière abjecte à saper le crédit de la chancelière et même à souiller son image en lui jetant à la figure toutes sortes de sobriquets haineux. Outre l'incapacité à reconnaître ses erreurs, ce qui caractérise bien souvent les mauvais élèves, c'est la propension à cultiver la détestation des bons...

Un tel succès après huit années de pouvoir, devrait faire un peu honte à notre président dont la légitimité ne cesse de rétrécir depuis le jour funeste de son élection. Au moment même où Angela Merkel triomphe, on apprenait que la cote de François Hollande n'avait jamais été aussi basse. A peine 23% d'opinions favorables, un an et demi après son arrivée au pouvoir ! Beau résultat pour celui qui bombait le torse avec son slogan éculé du « changement maintenant » et qui godille à la tête d'un pays plongé dans les contradictions, les incohérences et totalement incapable de sortir de ses absurdes blocages idéologiques. Anarchie gouvernementale, politique illisible, pléthore administrative, tout se conjugue pour maintenir hélas le pays dans cette seconde zone où sa grandeur passée s'étiole doucement.

La seule ligne directrice de ce gouvernement anémique, aisément perceptible par tout un chacun, reste envers et contre tout la désespérante augmentation tous azimuts des impôts, taxes, prélèvements, spoliations et confiscations. Il y a deux jours le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault n'avait d'autre argumentaire pour défendre sa stratégie miteuse, que d'alléguer que son gouvernement avait été « obligé d'augmenter les impôts ». Il tentait par la même occasion une fois encore, de faire porter le chapeau à ses prédécesseurs. Mais la ficelle est usée. La vraie raison est ailleurs. Lorsqu'on n'a aucune imagination, pas la moindre inspiration, et qu'on se complaît dans les dogmes ringards et l'auto-satisfaction, il n'y a guère d'autre solution... Au risque de parvenir à assécher complètement un pays qui se vide peu à peu de sa substance...

Au secours Angela !

25 septembre 2013

Que faire ?

Avec l'interminable crise syrienne, on mesure avec tristesse et inquiétude, le degré d'inanité auquel est parvenu la communauté internationale, et au sein de cette déconfiture, l'évanescence grandissante des stratégies occidentales.

Toujours enclins aux paroles martiales mais paralysés par les bonnes intentions, les dirigeants des démocraties « avancées » ont montré ces derniers temps de manière inquiétante leur propension à se carapater lorsqu'il s'agit d'agir vraiment. Devant l'intolérable devenu quotidien, ils merdoient, et n'ont de cesse de repousser les limites de leur tolérance, comme pour différer le passage à l'acte. En Syrie, plus de 100.000 morts en deux ans et demi ne les ont pas fait bouger d'un iota, juste manifester de temps à autre et avec une vigueur croissante leur indignation.

Le gazage d'un millier de victimes supplémentaires leur a fait hausser encore un peu plus le ton. On crut même un moment que la goutte qui allait faire déborder le vase.

En définitive, il n'en fut rien. S'agissant des initiatives de terrain, on est resté en effet au point mort, malgré les gesticulations destinées à donner l'impression qu'on s'activait face à une abomination si spectaculaire, dont les images atroces furent complaisamment exhibées par les médias.

Notre microscopique leader national, autrefois champion du pacifisme, devenu belliciste à la suite de sa brillante campagne malienne, a bien tenté pour l'occasion de se faire justicier. Il fallait selon lui, « punir » le régime de Bachar Al Assad.

Mais de quel droit se prévalait-il pour juger cet abject régime socialiste néo-soviétique aux abois qui méprise depuis des décennies l'idéal démocratique? Quel brevet de vertu peut-il exciper, lui qui ose encore se réclamer, en tant que président "socialiste", de cette idéologie aux plus de 100 millions de morts à travers le monde ? Sans doute faudrait-il y voir de l'humour noir et sans doute involontaire ?

Le fait est que le justicier en forme de Tartarin se dégonfla bien vite, vue l'inconsistance de la détermination de son allié américain de circonstance. C'était, il faut bien dire, une autre guerre que l'étrange tragi-comédie malienne qui vit l'histrion partir la fleur au fusil et régler le conflit, sans besoin d'aucun allié, en deux coups de cuillers à pot, et quasi sans avoir à tirer un coup de feu. Belle épopée, dont ne vit rien que les lampions d'après la pseudo-bataille, et dont personne ne comprit vraiment à quoi elle servit...

Hélas, le spectacle donné par le duo velléitaire Obama-Hollande rappela bien davantage un numéro à la Laurel et Hardy, qu'un tête-à-tête de grands de ce monde au sommet des nations. Franchement je persiste à préférer de loin l'association Bush-Blair de 2003, lors du problème irakien. Quoiqu'on en dise, quoiqu'on en pense, elle avait plus de panache, plus d'envergure, plus d'ambitions, et portait nettement plus d'espérances ! Plus de passions également, comme dans tout vrai drame, car la violence des injures auxquelles durent faire face à leur époque les deux artisans de la libération de l'Afghanistan et de l'Irak n'eut d'égale que l'indifférence abyssale de l'opinion publique face aux événements de 2013. Pour tout dire tout le monde se contrefout de ce qui se passe en Syrie...

Il faut dire que le tango militaro-diplomatique auquel on assiste, n'est pas seulement grotesque, il est totalement à contre-temps. S'il fallait se poser la question d'une intervention en Syrie, il est évident que c'était bien avant le n-ième acte de barbarie de la dictature baasiste. Et surtout avec des objectifs un peu plus sérieux que celui de balancer deux ou trois bombes punitives.

Mais pour cela il eut fallu des tripes, des convictions, de la volonté, et de la préparation, ce qui semble faire cruellement défaut aux dirigeants d'aujourd'hui. Au surplus, la peur d'être comparés à George W. Bush fait sans doute l'effet d'un venin paralysant.
Comme pour accentuer le sentiment d'assister à une farce, c'est Vladimir Poutine qui arrivé à la manière d'un clown blanc, tira les marrons du feu en proposant un expédient auquel se rallièrent trop heureux, les larrons pusillanimes, plutôt emberlificotés dans leurs contradictions.

Et pour enfoncer le clou, le Président américain,à la tribune de l'ONU, tira la morale de ce lamentable épisode, jugeant qu'en la circonstance, « la communauté internationale n'avait pas été à la hauteur » : Quelle lucidité !

Et l'aveu en quelque sorte, que le spectacle horrifique pourra se prolonger...

Depuis le début de son mandat le président Obama a montré une incapacité inquiétante à mener une vraie politique internationale. Résultat: plus que jamais, l'Amérique est faible, ce qui n'est jamais bon signe. Face aux nombreux défis, ce fut soit l'inaction soit l'échec. Du côté du conflit Israélo-Palestinien, aucune vraie proposition ne vit le jour. Face à l'Iran, c'est l'impuissance. Devant les révolutions tunisienne et égyptienne, l'apathie. En Libye, après un discret soutien logistique à l'intervention française, suivit une incurie dont l'attentat qui coûta la vie à l'ambassadeur US à Benghazi fut une des conséquences tragiques. En Afghanistan et en Irak, depuis le désengagement militaire, le président américain a semblé observer sans réaction l'effilochage progressif des acquis durement gagnés en 2001 et 2003. Depuis 2008, arrivée d'Obama au pouvoir, on compte plus de 4000 morts en Irak et chaque jour la situation semble se dégrader davantage.

D'une manière générale, on assiste à une nouvelle montée des périls, qui pourrait préluder à des drames à venir sous nos latitudes. Les récents carnages survenus au Yemen (65 morts), au Pakistan (70 chrétiens sauvagement assassinés à la sortie de la messe par une bande de kamikazes décérébrés, avant d'être démembrés), et au Kenya (plus de 60 morts dans un supermarché) font froid dans le dos. impossible de ne pas voir que l'islam dans sa version la plus hideuse, la plus arrogante, la plus rétrograde, la plus vindicative ou simplement provocante ne cesse de progresser.

Il serait temps de s'en inquiéter, sans avoir pour autant besoin de faire des amalgames réducteurs, mais avec sang froid et réalisme. L'intolérable ne peut être toléré....

10 septembre 2013

Atlas Shrugged 3

La grande force de cet ouvrage, réside avant tout dans l'étonnante prescience de ses constats. Ayn Rand n'a pas son pareil pour mettre en scène le fiasco, lié de manière consubstantielle au mythe bien intentionné de la Justice Sociale, et décrire par le menu, les calamités qu'il ne manque pas de générer. A cette fin, elle ne prend pas le modèle brutal du communisme, qu'elle a bien connu mais qu'elle a jugé sans doute trop caricatural eu égard à la maturité de la société américaine, mais celui beaucoup plus insidieux de la Social-Démocratie, dont elle pressentait les dangers. Le totalitarisme de cette dernière n'est pas sanguinaire, simplement asphyxiant. Il n'éradique pas, il gangrène. Il ne frappe pas, il corrompt. Il ne martyrise pas, il assujettit. Il répond en somme parfaitement à l'appellation que lui donnait Friedrich Hayek : la Route de la Servitude.

Elle montre comment peu à peu se répand cette toxine à la saveur trompeusement suave, au sein d'une société florissante en l'imprégnant de principes sédatifs, qui endorment l'esprit critique, le bon sens, et finalement jusqu'au goût de la liberté.
Elle met par exemple en lumière les effets néfastes des sondages et de la recherche démagogique du consensus, qui amènent à confondre opinion publique et réalité objective, en donnant à des approximations, ou pire à des croyances, l'apparence de la vérité. De ce point de vue, le nom d'objectivisme qui a été donné au courant de pensée dont elle fut le fer de lance se justifie pleinement à cet égard.
Elle prétend qu'il ne suffit pas de se dire bien intentionné ou désintéressé pour être objectif, ou indépendant. Qu'il est au contraire plus sain dans toute controverse, toute stratégie, tout entreprise, de défendre des intérêts sans faux semblant, d'avancer en affichant clairement ses objectifs plutôt que ramper derrière le masque d'une pseudo neutralité.
Elle pointe avec un sens quasi divinatoire la peur du progrès qui s'empare trop souvent, et on ne sait pourquoi, des âmes prétendues charitables et même de certains scientifiques dévoués au culte de la Nature. Ainsi Hank Rearden qui invente un métal révolutionnaire par sa légèreté et sa solidité, et qui veut l'expérimenter sur les chemins de fer, est considéré tout d'abord comme un fou dangereux qu'il faut empêcher de nuire, puis lorsqu'il réussit, comme un profiteur éhonté qui doit être cloué au pilori et à qui il faut faire rendre gorge : « Notre pays a donné ce métal à Rearden, maintenant nous attendons qu’il donne quelque chose en retour au pays » s'exclame un des satrapes du Pouvoir Central à son encontre.
Ayn Rand montre avec sagacité la perversité du raisonnement qui considère le profit comme un mal absolu et qui ne conçoit le Service Public qu'au travers d'un monopole étatique.
Elle souligne enfin magnifiquement l'arrogance des politiques menées au nom de principes, leur incapacité à remettre en cause les postulats sur lesquels elles reposent, et leur propension à l'inverse, à aggraver les symptômes en persistant à infliger toujours les mêmes remèdes, à doses croissantes. De ce point de vue la description du désastre chronique qu'elle dépeint entre en résonance troublante avec le monde actuel...

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Quelques citations choisies permettront peut-être d'éclairer davantage le point de vue développé par Ayn Rand dans cette fresque qu'on peut certes critiquer mais qui ne saurait laisser indifférent, tant elle sort des sentiers battus, tant elle s'élève au dessus des clichés et des lieux-communs si rebattus...


Sur l'argent
« Vous pensez vraiment que l'argent est à l'origine de tous les maux ? …/... Et vous êtes vous demandé quelle était l'origine de l'argent ? L'argent est un moyen d'échange. Il n'a de raison d'être que s'il y a production de biens et des hommes capables de les produire. L'argent matérialise un principe selon lequel les hommes disposent, pour commercer, d'une monnaie d'échange dont ils admettent la valeur intrinsèque. Ceux qui pleurent pour obtenir vos produits ou les pillards qui vous les prennent de force n'utilisent pas l'argent comme moyen. L 'argent existe parce que des hommes produisent. C'est ça le mal pour vous ? »

« Quand vous recevez de l'argent en paiement d'un travail, vous l'acceptez parce que vous savez que cet argent vous permettra d'acquérir le fruit du travail d'autres personnes... »

« L’argent sert l’héritier qui en est digne, mais détruit celui que ne l’est pas. Dans ce dernier cas, vous direz que l’argent l’a corrompu. Vraiment ? Et s’il avait plutôt corrompu son argent ? »

« Celui qui méprise l’argent l’a mal acquis ; celui qui le respecte l’a gagné. »

A propos de la morale et du Libre Arbitre
« Il n’y a pas d’instinct moral, seule la raison permet d’exercer son sens moral. »

« Le seul impératif moral de l’homme est : tu penseras. »

« Un processus rationnel est un processus moral. A chaque étape, vous pouvez commettre des erreurs, sans autre garde-fou que votre exigence personnelle. Vous pouvez également tricher, nier la réalité et vous dispenser de l'effort intellectuel. Mais si la moralité est consubstantielle à la recherche de la vérité, alors, il n'y a pas d'engagement plus grand, plus noble, plus héroïque que celui de l'homme qui assume la responsabilité de penser »

« Seul ce qui est choisi est moral, non ce qui est imposé ; ce qui est compris non ce qui est subi. »

« Il n’y a pire autodestruction que de se soumettre à l’influence d’une autre pensée (que la sienne). »

« Dans toute situation à chaque instant de votre vie, vous êtes libres de réfléchir ou de vous exonérer de l’effort que cela implique. »

« Un homme qui meurt pour la liberté ne fait aucun sacrifice : il n’est juste pas disposé à vivre en esclave. »


Sur la dualité corps et l'esprit

« Deux types de maîtres à penser qui tirent profit de cette séparation entre le corps et l’esprit, enseignent la morale de la mort : d’un côté les mystiques de l’esprit que vous qualifiez de spiritualistes ; de l’autre les mystiques de la force physique, les matérialistes. Les premiers croient à la conscience sans existence, les seconds à l’existence sans conscience… mais tous deux exigent la capitulation de votre esprit, les uns devant leurs révélations, les autres devant leurs réflexes. » 

   
Sur la Justice Sociale et l'utopie égalitariste, la négation de la réalité...
« Ceux qui commencent par vous dire : « satisfaire vos propres désirs est égoïste, vous devez les sacrifier aux désirs des autres » finissent immanquablement par dire « être fidèle à vos convictions est égoïste, vous devez les sacrifier aux convictions des autres »

« Le Bien des autres, c’est la formule magique. Celle qui change n’importe quoi en or, qui sert de caution morale et de rideau de fumée à n’importe quel acte, y compris le massacre de tout un continent. »

« Vous redoutez l’homme qui a un dollar de moins que vous, car vous pensez que ce dollar devrait légitimement lui revenir, et vous vous en sentez moralement coupable. Vous détestez l’homme qui a un dollar de plus que vous car vous estimez que ce dollar devrait vous revenir, et vous vous sentez moralement frustré. Celui qui a moins est source de culpabilité, celui qui a plus est source de frustration… »

« Ils affirment que l'homme a le droit de vivre sans travailler, au mépris du principe de réalité ; qu'il a le droit à un « minimum vital » - un toit, des aliments, des vêtements – sans effort, comme si cela lui était dû dès sa naissance. Mais qui doit lui fournir tout ça ? Mystère... »
 
« Si vous adoptez une ligne de conduite qui n’instille aucune joie dans votre vie, qui ne vous apporte aucun avantage matériel ou spirituel, aucun profit, aucune récompense, si vous parvenez à ce néant absolu, vous aurez alors atteint l’idéal de perfection morale auquel on veut vous faire croire… »

« Admirer les vices de ses semblables est une trahison morale et ne pas admirer leurs vertus une escroquerie morale. »

« C’est toucher les bas-fonds de la dégradation morale que de punir les hommes pour leurs vertus et les récompenser pour leurs vices… »
 
« A chaque instant et en toutes circonstances, votre choix éthique fondamental est : penser ou ne pas penser, exister ou ne pas exister, A ou non-A, l'entité ou le zéro...

Une chose est elle-même. Une feuille ne peut pas être feuille et pierre en même temps, ni entièrement rouge et entièrement verte en même temps, pas plus qu'elle ne peut geler et se consumer en même temps. Vous ne pouvez pas en même temps manger un gâteau et le garder. A est A, la vérité est vraie, et l'Homme est Homme... »



Ayn Rand La Grève (Atlas Shrugged)
Traduit en français par Sophie Bastide-Foltz
Les Belles Lettres. Paris 2011

08 septembre 2013

Atlas Shrugged 2

Les esprits grincheux auront beau jeu de relever les longueurs qui plombent quelque peu ce colossal Atlas Shrugged. On peut même être rebuté par sa touffeur luxuriante.
Il y a des naïvetés également dans la narration des aventures picaresques de ces héros audacieux, qui tentent de s'opposer avec vaillance à l'emprise grandissante d’une froide et prétentieuse bureaucratie dirigiste. La foi inébranlable dans l'individualisme qui les anime envers et contre tout peut sembler caricaturale a bien des égards, le peu d'élévation spirituelle caractérisant leur morale également.

Pourtant, dans cette fabuleuse odyssée, dans les personnages hors normes qui la peuplent et qui véhiculent cette philosophie, que d'aucuns trouveront simpliste, il y a quelque chose de troublant, de vrai, d'attachant, et en fin de compte d’assez bouleversant. Ils sont malgré tout, très humains dans leurs passions, leur pragmatisme, leur manière de raisonner.
Dagny Taggart est le personnage le plus impressionnant de ce récit. Cette jeune femme d'allure fragile et élégante est un roc. Sur ses épaules repose l'empire légué par son aïeul, Nathaniel « Nat » Taggart, magnat des chemins de fer de la grande époque. Elle se révèle indomptable dans l'exercice qui consiste à pérenniser l'entreprise, et même lorsque tout s'écroule autour d'elle, à continuer de se battre avec un courage inflexible pour la faire fonctionner envers et contre tous les obstacles. En premier lieu contre son frère James, nabab asthénique, sans énergie ni conviction, incapable de prendre une vraie décision, mais prêt à toutes les compromissions, du moment que son intérêt personnel semble préservé.

Mais également, face à une kyrielle de hiérarques huileux et d'experts pontifiants, qui incarnent un Service Public baignant dans le jus des bonnes intentions, qui se gargarisent de vœux pieux, de paroles emphatiques mais creuses. Du Président de la République Thomson, gentil mais falot, jusqu’à l’aréopage sentencieux de donneurs de leçons et de redresseurs de torts qui gravitent à tous les étages du Pouvoir et s'en partagent sans vergogne les prébendes. Plus il paraît évident que leur politique conduit au désastre, plus ils jugent bon d’en renforcer la ligne directrice, et plus ils multiplient les mesures néfastes, imposant à tous des contraintes ubuesques, au nom de principes captieux qu'ils érigent en lois !
Le parallèle avec notre époque saute aux yeux. Mêmes causes, même effets. On est stupéfait de la prescience de l’auteur qui décrit avec précision l’engrenage infernal dans lequel le monde contemporain, notamment la France, semble emporté. En l'occurrence, les ressemblances, quoique fortuites, avec certaines personnes actuelles sont hallucinantes...



On retient également parmi les héros de cette puissante contribution à la mythologie du Nouveau Monde, Henry Rearden entrepreneur intrépide et inventif, modèle s'il en fut du self made man, qui parti de rien, se hisse à la force des poignets à la position de leader de l’industrie sidérurgique. Francisco D’Anconia héritier fantasque d’une fortune familiale gigantesque, acquise dans l’extraction du minerai de cuivre, aussi brillant et séduisant que désabusé vis à vis de ses contemporains. Chevalier des temps modernes, c'est l’énergie du désespoir et l'attachement passionné à la liberté, qu'il oppose aux lubies collectivistes, affichant une morale paradoxale, oscillant entre cynisme et puritanisme. Enfin, last but not least, le fameux John Galt, figure de commandeur, ténébreuse, mystérieuse, à la fois prophète, révolutionnaire, justicier, véritable Zorro de la civilisation industrielle, jamais où on l’attend, mais toujours présent dans l’ombre, prêt à l’action.
Qui est John Galt ? Telle est la question obsédante qui revient sans cesse, qui sert de fil conducteur tout au long de cette descente aux enfers, jusqu’au paroxysme final, en forme d’apocalypse. John Galt visionnaire impose alors l'évidence fracassante au peuple qu’il sort enfin de sa léthargie. Une roborative tirade qui s'étend sur plus de 60 pages et qui par sa portée messianique, réduit à d'insignifiants vagissements les vitupérations des soi-disant "Indignés", "Altermondialistes" et autres "Occupy".
Mais pour avoir dit la vérité, John Galt est supplicié par la clique dont il est parvenu à amorcer la déroute. Son calvaire christique s'achève toutefois par une libération triomphale. John Galt, tel un nouveau Prométhée, est en mesure, avec ceux qui ont eu la force de traverser ce moyen-âge des temps modernes, de propager ce message si simple, si limpide, si naturel, appelant à faire en sorte que s’exprime en toute liberté, en toute responsabilité, « ce qu’il y a de meilleur en nous. »