30 avril 2016

Le péril radical

Le retour aux sources est à la mode. Cette propension à remonter à ses racines est séduisante de prime abord. On peut y voir l'expression d'un besoin plutôt sympathique d'authenticité. Il y a tant d'artificialité dans le monde moderne, qu'on est même enclin à trouver cette aspiration des plus légitimes…

Tant qu’il ne s’agit que d’une tendance, et quoique son aspect grégaire puisse prêter à sourire, il n’y a en tout cas pas lieu d’y trouver à redire. Elle est même parfois sous-tendue par un bon sens qui invite à réfléchir.
Là où cela devient plus ennuyant, c’est quand le penchant se transforme peu à peu en toquade, voire en lubie pour ne pas dire en obsession, et lorsqu’une opinion individuelle se mue en revendication, donnant lieu à un prosélytisme de plus en plus insistant, puis à des actions coercitives sur les autres pour les amener à penser de même.

On voit alors des opinions ne reposant en réalité que sur des croyances, se transformer en certitudes de plus en plus arrogantes, avec au bout du chemin la porte ouverte sur le fanatisme. Le retour aux origines n’est rien d’autre en ce cas qu’une radicalisation, c’est à dire l’expression d’une pensée extrémiste, intolérante et bornée.


Les religions constituent le terreau classique de ces dérives terribles de l’esprit humain. 

On croyait ce danger à peu près écarté mais force est de constater qu’il ressurgit hélas brutalement sous nos yeux. Les atrocités commises par les nouveaux barbares invoquant le nom d’Allah sont de ce point de vue hallucinantes. Mais ces horreurs ne sont pourtant que la partie émergée d’un mouvement de fond au moins aussi inquiétant, qui propage dans les cervelles et dans les comportements un obscurantisme et un sectarisme dévastateurs.

La politique est également un domaine où sévit trop souvent cette arrogance intellectuelle. Le Socialisme représente sans doute de ce point de vue la pire des calamités “laïques” que le genre humain ait engendrées. Sous toutes ses formes, et sous toutes les latitudes il n’a jamais amené rien d’autre que la misère, l’oppression et la désertification spirituelle.
Dans de telles circonstances, on est frappé par l’aveuglement de gens, pourtant dotés d’une éducation solide et parfaitement informés, donc en position d'avoir une opinion la plus objective possible. 

Ainsi, lorsque sévissait la grande famine provoquée par Mao, au nom de son prétendu "Grand Bond en Avant", qui fit plus de 50 millions de morts dans les années 1958-1962, François Mitterrand de retour de Chine en 1961, confiait benoitement au magazine l’Express, sa certitude que "Mao n’était pas un dictateur mais un humaniste et qu’il n’y avait pas de famine en Chine…"
Pareillement, il est bien difficile d’expliquer la raison qui poussa le Président Giscard d'Estaing à gratifier cette immonde crapule du titre de “phare de l'humanité”, au moment de sa disparition en 1976.
On se souvient des prétendus intellectuels qui encensèrent successivement Lénine, Trotski, Staline, Castro, Mao, and co., et qui applaudirent à la soi-disant libération du Cambodge par les hordes de Khmers Rouges...
Autant de sottise confine à la complicité de crime contre l’humanité !

Ces exemples paraissent caricaturaux mais ils sont révélateurs de la fragilité de la société et du progrès face à la radicalisation des esprits. Or nombre de débats agitant la pensée contemporaine sont en proie à un extrémisme grandissant. Même si ce dernier est souvent le fait de minorités, elles sont de plus plus agissantes et leurs actions témoignent d’une intolérance et d’une violence croissantes. Au surplus, les médias, si friands de scoops, amplifient artificiellement leur importance.
Il en est ainsi du mouvement “Nuit Debout”, animé par des groupuscules hétéroclites, crispés de manière frénétique sur un vague projet de loi, supposé apporter un peu de liberté dans la jungle bureaucratique qui étouffe le travail, au prétexte de le réglementer.
On a vu aux États-Unis des initiatives similaires avec Occupy Wall Street, et en Espagne avec les Indignés.

Le point commun de ces “soulèvements populaires” est le rejet primaire de la société ouverte et libre, sous-tendu par une argumentation de nature “révolutionnaire” où se télescopent tous les poncifs de l’anti-capitalisme, de l’anti-libéralisme, de l’anti-mondialisme... Ils réunissent sous des slogans simplistes et haineux, nombre d’obédiences d’une gauche archaïque et une frange arrogante de la population vociférant de manière confuse contre tout ce qui fait la prospérité de nos sociétés.
Est-ce la faute des politiciens, incapables de proposer de grands desseins, de grandes perspectives, depuis la mort des idéologies ? Est-ce le fait d’une lassitude paradoxale à l’égard d’un bien-être matériel qu’on ne sait plus apprécier ? Est-ce cette fascination morbide que manifestent souvent les êtres humains pour la destruction ?

On peut s’interroger face à cette montée disparate mais réelle de l’intolérance, de la subjectivité, de la radicalité, et devant ces mouvements qui n’ont de cesse de s’attaquer aux piliers d’un système bâti sur tant de sacrifices, d’efforts, d’opiniâtreté, et qui procure en dépit de ses défauts, un bonheur matériel inégalé dans toute l’histoire de l’humanité.
On accuse parfois Descartes d’avoir promu le principe de la tabula rasa, consistant à faire table rase du passé, mais il s’agissait avant tout pour lui de pratiquer le doute méthodique qui consiste à « abandonner les croyances des choses qui ne sont pas entièrement certaines et indubitables aussi prudemment que celles qui sont entièrement fausses »
Manifestement, nombre de révolutionnaires ignorent cet enseignement, pour leur plus grand malheur et pour celui des gens qu’ils entraînent dans leur folie...

25 avril 2016

Un pensée très compliquée

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Voilà qui pourrait peut-être résumer le cheminement intellectuel suivi par Edgar Morin dans cette Introduction à la pensée complexe, qui bien que succincte, s’avère d’un abord des plus ardus, tant les notions exposées frisent souvent l’inintelligible.

Sont-ce les idées ou bien la manière de les présenter ? On penche assez rapidement pour la seconde hypothèse, tant l’auteur semble fuir la simplicité, par crainte peut-être de tomber dans le simplisme.
Il annonce d’ailleurs la couleur dès les premières pages : « Nous vivons sous l’empire des principes de disjonction, de réduction, et d’abstraction dont l’ensemble constitue ce que j’appelle le paradigme de simplification. »
A le croire, le responsable de cette schématisation excessive de la pensée, ce serait le bon vieux Descartes, qui aurait commis une faute majeure “en disjoignant le sujet pensant (ego cogitans) et la chose étendue (res extensa) et en posant comme principe de vérité les idées claires et distinctes...”

Le cher Edgar n’annonce rien de moins qu’une nouvelle révolution dont il serait en quelque sorte le porte-étendard. Elle consiste à substituer au “paradigme de disjonction/réduction/unidimensionnalisation”, celui de “distinction/conjonction”, qui permettrait d’après lui “de distinguer sans disjoindre, d’associer sans identifier ou réduire.”
Ressentant probablement la nécessité de préciser sa réflexion, il se lance dans une délicieuse digression au sujet de ce nouveau paradigme, “qui comporterait un principe dialogique et translogique, qui intégrerait la logique classique tout en tenant compte de ses limites de facto (problèmes de contradictions) et de jure (limites du formalisme). Il porterait en lui le principe de l’Unitas multiplex, qui échappe à l’Unité abstraite du haut (holisme) et du bas (réductionisme).”

Autant le dire tout de suite, même avec la meilleure volonté du monde, il devient vite très difficile de suivre le philosophe, sauf à vouloir se perdre dans une forêt de concepts tous plus nébuleux les uns que les autres, et dont on voit de moins en moins à mesure qu’on avance, les débouchés pratiques. Cette opacité est d’autant moins tolérable qu’elle se teinte d’un mépris assez épais pour tout ce qui précède la nouvelle ère dont il serait le prophète. Ainsi Edgar Morin n’hésite pas à affirmer que “nous sommes dans la préhistoire de l’esprit humain”, et qu’à ses yeux, “seule la pensée complexe nous permettrait de civiliser notre connaissance.”
Le problème est que cette “pensée complexe” ressemble sous sa plume, à une sorte de grand foutoir où tous les contraires s’affrontent, et dans lequel les circonlocutions et les périphrases masquent mal le fait qu’on tourne en rond. 

Lorsqu’il veut prendre de la hauteur, ce n'est pas mieux car il se met alors à généraliser à tout-va : “si le concept de physique s’élargit, se complexifie, alors tout est physique…/… et la biologie, la sociologie, l’anthropologie sont des branches particulières de la physique…/… Et si le concept de biologie s’élargit, se complexifie, alors tout ce qui est sociologique et anthropologique est biologique…”

Au bout du compte, à travers cette optique globalisante, tout repère s’efface, tout relief s’estompe, et si tout devient possible, rien ne prend vraiment forme. On apprend par exemple que “le monde est à l’intérieur de notre esprit, lequel est à l’intérieur du monde” ce qui nous fait une belle jambe, ou que “la biologie de la connaissance nous montre qu’il n’y a aucun dispositif dans le cerveau humain qui permette de distinguer la perception de l’hallucination , le réel de l’imaginaire…” Édifiant n’est-il pas ?
Mais à quoi bon vouloir progresser sur le chemin de la connaissance, quand rien ne nous permet de savoir si nous sommes sur la bonne voie ? Comment espérer conduire un raisonnement qui vaille si nous ne pouvons même pas tabler sur la cohérence de notre intellect ?

On peut certes s’interroger sur les paradoxes apparents et les incertitudes que la science moderne fait surgir, mais que peut-on réellement attendre de concret d’une démarche qui “loin de tenter une unification rigide”, se fait fort “d’assurer une connexion souple, mais indispensable, entre ouverture systémique et brèche gödelienne, incertitude empirique et indécidabilité théorique, ouverture physique/thermodynamique et ouverture épistémique/théorique ?”
Et comment peut-on entrevoir une issue pragmatique aux problématiques qui assaillent le monde si l’on admet comme ce discours nous y invite, “que la relation anthropo-sociale est complexe parce que le tout est dans la partie qui est le tout…”
La boucle semble bouclée, mais au bout de ce périple qui promettait de joindre l’alpha et l'oméga, le voyageur fait le constat qu’il n’a pas décollé du point de départ !


Cet opuscule, précisons-le, n’est qu’un concentré des solutions ébauchées dans les six épais volumes de ce qu’il a intitulé “La Méthode”, peut-être par analogie avec le discours du même nom, d’essence cartésienne.

Il faut admirer la patience des lecteurs qui ont pu parvenir au bout d’un tel pensum, sans doute écrit avec ce style plombé et redondant dont cet ouvrage donne un aperçu. On peine à réprimer un sourire lorsque, sans doute pour excuser les incessantes références à sa propre oeuvre, Edgar Morin déclare avec gravité : “Je suis un auteur qui s’auto-désigne”, tout en précisant non sans fausse modestie: “Je veux dire que cette exhibition comporte aussi de l’humilité…”
Il est enfin permis de s’interroger sur un homme qui dit “étouffer dans la pensée close, la science close, les vérités bornées, amputées, arrogantes” (Le Paradigme Perdu), ou qui affirme que “la maladie de la théorie est dans le doctrinarisme et le dogmatisme, qui referment la théorie sur elle-même et la pétrifient.”
Comment occulter que dans le même temps, il ne s’est jamais vraiment échappé de la pensée marxiste, si simplificatrice, si arrogante, si sectaire, affirmant notamment en 2012: “je vois clairement que j'étais marxien avant d'être marxiste, puisque je suis redevenu marxien avant de devenir méta-marxiste.” Et un peu plus loin: “j'ai toute ma vie, dans toute mon oeuvre, été fidèle à la perspective marxienne de mon adolescence.” (Introduction à l’ouvrage pour et contre Marx).
Comprenne qui pourra...

Je pense à mon ami Jeff qui m’a fait découvrir cette pensée complexe, dont je n’ai pour ma part pas saisi grand chose. J’espère ne pas l’avoir déçu avec ce commentaire un peu acide et j’espère qu’il pourra m’en dire un peu plus un jour...

17 avril 2016

Philippe de Villiers, l'imprécateur

Le récent livre de Philippe de Villiers a ceci de particulier, qu’il échappe à la retape pré-électorale dans laquelle s’inscrivent nombre d’insipides opuscules politiciens. Il relève bien davantage à l’évidence du pamphlet qui fut un genre prisé lorsque les opinions n’étaient pas encore devenues de vains mots.

Quoique un peu désabusé, car témoignant d’une destinée quasi révolue, le propos fait souvent mouche car il a du style et du panache. Philippe de Villiers écrit bien et cette qualité mérite à elle seule des éloges.
On retrouve la classe, la fougue et la sincérité du chouan, vibrant plus que jamais de toutes ses racines aristocratiques et de son tempérament rebelle. Mais on trouve également beaucoup d’excès, de convictions à l’emporte-pièce, et toutes les œillères idéologiques qui bridèrent son parcours en dents de scie, dont on retient avant tout le beau succès du Puy-du-Fou, et pas mal de ratages plus ou moins magnifiques.

Il est difficile de situer Philippe de Villiers sur l’échiquier politique. Ni vraiment à droite, sa famille naturelle, mais de laquelle il a souvent fait sécession, ni à gauche, qu’il exècre, mais avec laquelle il est prêt à certains compromis dès qu’elle exalte le concept de la nation souveraine. Pour la même raison, il côtoya souvent de très près le Front National sans jamais s’y associer… Enfin, comme cet ouvrage le démontre, il n’a pas grand chose d’un libéral.
En réalité Philippe de Villiers peine à se départir de ses gènes, qui le conduisent tantôt à se montrer sous un jour chevaleresque et quelque peu “vieille France”, et tantôt à se comporter de manière méprisante, si entière, si rentre-dedans, qu’il décourage toute sympathie durable.

Lassé de la politique et ayant abandonné toute ambition, il met à jour dans son dernier ouvrage, au titre un peu ronflant, quelques turpitudes du monde politique, mais qui les ignorait vraiment ?
Il dézingue à tout-va, insistant sur le caractère fluctuant, contradictoire et veule des convictions affichées par ses congénères, mais dans le tourbillon qu’il provoque c’est le bébé qui part avec l’eau du bain. Tout y passe. La classe politique dans son ensemble est qualifiée de “crapaudaille”, qui “a déclassé la France et l’a précipitée dans une impasse alors qu’elle avait mandat de la rétablir en sa grandeur…”
Même les gens avec lesquels il fit cause commune, furent de faux-amis. Ainsi son alliance avec Philippe Séguin et Charles Pasqua, fut de son propre aveu bien plus circonstancielle que sincère. La foi du premier s’évapora en respectueuses lâchetés devant Mitterrand lors du référendum sur le traité de Maastricht. Pire encore, après avoir fustigé l’Europe de Bruxelles, Séguin s’en accommoda fort bien lorsque son intérêt personnel l’exigea. Quant au second, il apparaît sous la plume du Vendéen sous les traits d’un homme sans foi ni loi, à part la sienne…
Cela dit, Philippe de Villiers a tendance à occulter le fait que lui aussi participa au jeu. Et s’il pourrait presque convaincre qu’il fut le seul à être honnête, doté de convictions et fidèle à ses principes, il ne fera pas oublier que ce fut au prix d’une intransigeance cassante, de ruptures navrantes, et d’un enfermement idéologique confinant parfois à l’absurde.

Tout au long de ce livre, la charge la plus violente, lancinante, qui revient sans cesse au fil des pages, c’est celle qui vise la Mondialisation, le Capitalisme, le Progrès, et in fine l’Amérique.
Outre son caractère désuet, imprégné d’un parfum d’ancien régime, et d’une nostalgie vaine de la France de jadis, cette vindicte participe hélas du tsunami morbide dans lequel se perd un pays refusant de voir la réalité, et incapable de s’adapter au nouveau monde. Par exemple, lorsque le chevau-léger s’attaque au libre-échange et à la mondialisation, il sombre dans la caricature. Ainsi, critiquant le traité ALENA et la perspective d’un éventuel accord trans-atlantique entre l’Europe et les Etats-Unis, il n’hésite pas à affirmer “qu’il nous faudra supprimer ce qu’il reste de nos protections et nous mettre à parité avec le moins disant social, écologique, sanitaire et culturel américain. Entreront chez nous librement la viande aux hormones, les farines animales, les volailles lavées à l’acide et à la chlorine, gorgés de pesticides interdits…”

Son aversion du progrès le fait condamner sans nuance toutes les techniques utilisées par l’agriculture moderne, responsables selon lui d’un “empoisonnement général”. “Depuis l’eau qu’on boit, l’air qu’on respire, où flottent de fines particules, la nourriture qu’on ingère et qui est chargée de molécules neurotoxiques…” Il éructe sa haine autant que son incompréhension de manière plutôt confuse face aux projets des nouveaux “technoprophètes” de la Silicon Valley. Sans doute hanté par le péché originel dont son éducation l’a empreint, il va jusqu’à voir dans le logo de la firme Apple “la pomme du Livre, croquée, rongée jusqu’au trognon même…”

Au total, Philippe de Villiers maîtrise mal sa fougue. Certaines de ses imprécations sonnent juste, notamment lorsqu’il vilipende le mercantilisme, le matérialisme, la cupidité du monde et la lâcheté, la versatilité des politiciens.
Mais ces vices ne sont pas d’aujourd’hui.
Surtout, cela ne le met pas à l’abri de certaines contradictions. Lorsqu’il rappelle qu’il fut soutenu financièrement par Jimmy Goldsmith, devenu milliardaire grâce au capitalisme, à l’industrie et à la mondialisation. Ou bien lorsqu’il ramena fièrement de Los Angeles en 2012 le Thea Classic Award, qu’un jury international décerna au “plus beau parc du monde”, en l’occurrence la cinéscénie du Puy du Fou, sans doute son plus beau titre de gloire...

13 avril 2016

Springtime

Le soleil darde des rayons
Remplis d’une joie printanière
Au mur s'égaient dans la lumière
Les couleurs de mille crayons
 

Cette journée est la première
D’une saison de sabayons
Poussant l’hiver et ses haillons
Au fin fond de l’année dernière
 

Mais si les temps semblent meilleurs
Si l’air a le parfum des fleurs
Qu’en est-il du bonheur de vivre ?
 

Qu’en est-il de la Liberté
Dans cette vaine égalité
Qui nous fatigue et nous enivre ?

29 mars 2016

Les fondements philosophiques de la mécanique quantique

On sait l'impact des théories scientifiques promues par Isaac Newton (1643-1727) sur la réflexion philosophique de son époque, et au delà. Par un raccourci à peine excessif on pourrait dire qu'elles furent à l'origine du mouvement intellectuel des Lumières qui illumina le XVIIIè siècle.

Ce n'était certes pas la première fois que la science marquait de son empreinte la pensée philosophique.
Depuis l'horizon de l'Antiquité, l'influence d'Archimède ou d'Euclide fut certainement immense. Lors de la Renaissance, Galilée et Copernic eurent de même un impact décisif sur le monde des idées, battant en brèche au passage certaines convictions religieuses.
Mais avec Newton, le choc fut plus grand encore. Car à la suite de ses découvertes, c'est la méthode scientifique même que certains penseurs anglais tels John Locke (1632-1704) ou David Hume (1711-1776) tentèrent d'appliquer à la philosophie. En France le principe séduisit Voltaire et d’une manière plus générale, les promoteurs de l’Encyclopédie.

Le concept de philosophie pragmatique était né. Il sera magnifiquement illustré par Immanuel Kant (1724-1804) qui le portera jusqu’aux confins de la métaphysique. Ainsi Kant sera amené à définir les limites entre les domaines du raisonnement et de la spéculation. S’appuyant sur les données de la science, il fut amené à faire le constat que la connaissance humaine ne pourrait jamais appréhender la nature des choses en elles-mêmes.
 
Dans le petit ouvrage assez excitant cité en titre de ce billet, c’est précisément cette limite qui s’impose à la raison que Grete Hermann (1901-1984) entreprit de transposer à la science, à l’occasion des découvertes définissant la mécanique quantique.
Celle-ci n'était pourtant pas prédestinée à soutenir une telle thèse. Werner Heisenberg (1901-1976) raconte en effet dans ses mémoires, qu’il fut frappé, lors des débats houleux qui opposaient les physiciens confrontés à cette science déroutante, par l’argumentation d’une jeune mathématicienne.
Celle-ci, en l’occurrence Grete Hermann, refusait à l’époque d'accorder au principe d’incertitude une valeur axiomatique. Tandis que Heisenberg affirmait qu’il était impossible de décrire la désintégration d’éléments radio-actifs autrement que de manière statistique, Grete répondait qu’il ne s’agissait que d’un aveu d’impuissance et qu’il était envisageable selon elle de prédire très exactement le comportement d’une particule, à condition d’en avoir une connaissance complète.

Paradoxalement, c’est un peu l’inverse qu’elle défend dans cet ouvrage, en faisant justement le parallèle entre la philosophie kantienne et la mécanique quantique.
Un des constats bien exposé ici, est que notre connaissance du monde est fondée sur la perception que nous en avons, directement ou par le biais de machines. Cette perception est partie intégrante de ce qu’on cherche à connaître. Elle induit donc une borne à la connaissance expérimentale, qui se heurte tôt ou tard à un plafond de verre infranchissable. Ainsi la mécanique quantique objective le fait que les conditions expérimentales modifient nécessairement le cours naturel des choses, l’expérience elle-même faisant partie du phénomène.


Il n’y a pas de rupture pour autant entre les différentes conceptions, classique ou quantique, de la physique. De même, la relativité d’Einstein n’abolit pas la mécanique newtonienne. Le fait nouveau, c'est l'incomplétude de la connaissance.
Il y a dans l’ouvrage de Grete Hermann une très belle citation d’un philosophe allemand méconnu Ernst Friedrich Apelt (1812-1859), qui vulgarise le concept de relativité de la connaissance humaine, en considérant qu’elle “ne ressemble pas à une surface plane qu’on pourrait embrasser complètement d’un seul regard à partir d’un point élevé, mais plutôt à un paysage vallonné dont l’image complète ne se laisse reconstituer qu’au fur et à mesure à partir de vues partielles. Plusieurs points de vue d’altitudes diverses existent, présentant chacun une perspective différente, et d’où certaines choses tantôt s’offrent, tantôt se dérobent à la vue…

La mécanique quantique accentue sensiblement ce caractère relatif de la description de la nature. On sait par exemple qu’il n’est pas possible de déterminer simultanément avec précision la vitesse et la position d’une particule. On sait également qu’il est impossible d’objectiver en même temps la nature corpusculaire et ondulatoire de cette même particule

S'appuyant sur les constats troublants de la physique, Grete Hermann explore la complexité de la relation de causalité qui lie entre eux les phénomènes naturels. Elle en exclut une bonne partie du déterminisme qu’on croyait acquis, notamment depuis que la nature pouvait s'appréhender un peu mieux, avec les merveilleuses horloges galiléenne et newtonienne.
C’est le couple cause-effet qui est mis à mal avec la mécanique quantique. De fait, comme l’observe Grete Herman, “il n’existe pas d’états chronologiquement voisins; il est donc impossible de désigner, pour l’état d’un système, un autre état qui l’aurait immédiatement engendré ou qui en serait immédiatement l’effet..”

Le parallèle entre la physique et la philosophie entrepris par Grete Hermann est très original, car il tend à inscrire les constats scientifiques dans le contexte des postulats philosophiques, à l’inverse de ce qui avait été proposé précédemment au temps des Lumières. Le titre de l’ouvrage lui-même est éloquent : il s’agit bien des fondements philosophiques de la mécanique quantique et non des fondements physiques de la philosophie kantienne...
C’est donc Kant en définitive, qui amène à penser la physique à l’aune des principes constituant l’idéalisme transcendantal, lesquels “ne garantissent pas une connaissance adéquate de la réalité en soi, mais seulement une connaissance bornée de la nature qui en reste à l’appréhension de phénomènes…”
On pourrait songer également au célèbre théorème de Gödel, qui inscrit dans le domaine de la logique cette même limite, en stipulant en substance qu’à l’intérieur d’un système formel, il existe toujours au moins une proposition indécidable…

Cette perspective à la fois incertaine et bornée peut évidement laisser songeur, voire être source de frustration. Mais tout bien pesé, elle constitue peut-être un fort stimulant pour l’imagination. Et on sait que celle-ci est sans limite...

20 mars 2016

Dans le coeur des robots

La victoire du robot Alpha Go sur Lee Sedol, un des meilleurs joueurs de Go au monde, ravive la polémique sur les limites et les dangers potentiels de l’intelligence artificielle.

A une époque où l’on a une peur névrotique de tout, et où l’on appréhende, à l’instar de nos ancêtres les Gaulois, que le ciel nous tombe sur la tête, quoi de plus normal en somme ?
On pourrait évidemment s’étonner que l’Homme finisse par craindre jusqu’à ses propres créations, mais au fond, il a bien raison. Toute machine, toute invention fait naître des risques. Du simple marteau avec lequel on peut malencontreusement se taper sur les doigts, jusqu’à la bombe atomique qui constitue une menace pour la planète entière, l’évidence est bien là : toute machine est potentiellement dangereuse.
La fable de l’Apprenti Sorcier a parfaitement décrit ce à quoi nous exposent les tâtonnements de la science lorsqu’elle est aussi prétentieuse qu’approximative. Il y aurait beaucoup à dire sur les abîmes qui se dérobent encore à la connaissance que nous avons de la nature, dans lesquels risquent de se précipiter nos téméraires mais fragiles inventions.


Mais faut-il pour autant oublier que la machine est là avant tout pour nous aider, pour améliorer telle ou telle capacité défaillante de notre nature chétive ?
De ce point de vue, il est surprenant que des gens comme Bill Gates, Stephen Hawking ou Elon Musk agitent frénétiquement un épouvantail à l'édification duquel ils ont consacré leur vie !
La gravité de leur message laisse même pantois. Ainsi Stephen Hawking, qui reconnaît que “les formes primitives d'intelligence artificielle que nous avons déjà, se sont montrées très utiles”, n’hésite pourtant pas à déclarer “qu'une intelligence artificielle complète pourrait mettre fin à la race humaine.
On peut se demander si l’Intelligence Artificielle ne représente pas un nouvel avatar du progrès, contre lequel nombre de grands savants se sont retournés après l’avoir promu…Tout est sans doute possible et la hantise de la fin du monde est un grand classique de science fiction. Mais à l'évidence, aucune machine n’est méchante "en soi". Elle ne fait qu’obéir à son maître et si elle dysfonctionne, c'est à cause de quelque négligence de sa part. L'homme n'est pas Dieu qui peut faire de sa créature un être libre, conscient et responsable.

Pour revenir à des interrogations plus triviales, après l’exploit de l’ordinateur au jeu de Go, la machine a-t-elle eu envie de sabler le champagne ?
Non bien sûr, pas plus qu’elle n’a eu conscience d’avoir participé à un jeu et d’avoir gagné la partie. Fort heureusement, elle n’en tire ni orgueil, ni fierté. Si elle le faisait ce ne serait qu’imitation d’un comportement humain, instillé dans ces circuits par l’entremise malicieuse des informaticiens.
Si la machine n’a rien d’humain, la tentation est grande pour l’être humain de lui donner son apparence, autant physique que comportementale. Rien de plus normal en somme, puisqu’il est amené à communiquer avec elle et qu’elle est en quelque sorte son prolongement.
Mais quelle est étonnante cette faculté que nous avons de se projeter sur tout ce qui nous entoure ! Nous humanisons facilement la nature, les animaux, les choses, même les plus banales, les plus inanimées. On se souvient de Robinson Crusoë et de son compagnon virtuel Vendredi…

Le pire serait toutefois que l'Homme un jour imagine pouvoir conférer à la machine tout ou partie de sa liberté, de sa responsabilité, en un mot de sa conscience.

Ce fut sans doute l’erreur de Turing, de considérer, avec son fameux test, que l’ordinateur serait parvenu à l’intelligence lorsqu’un être humain serait incapable en dialoguant avec lui, de faire la différence entre un congénère et un robot.
La machine peut singer l’homme, mais elle n’a pas d’autre conscience, pas d’autre sentiment que ceux que l’homme lui confère en la programmant. La science fiction se plaît à exploiter le fantasme de la machine sentimentale, mais qu’elle soit bienveillante comme dans le film Her, ou maléfique comme Terminator, il ne s’agit à l’évidence que d’un mimétisme un peu grotesque.
Si l’ordinateur n’a pas de conscience, il porte donc nécessairement celle de son concepteur, et Rabelais rappelait non sans prescience et non sans justesse, que “sans conscience la science n’est que ruine de l’âme…” Il faut sûrement s’en souvenir, aujourd’hui plus qu’hier, et sans doute moins que demain…

Il n’y a pas de Deus Ex Machina, mais pour l’heure l’intelligence artificielle constitue un espoir fabuleux d’amélioration de la condition humaine, à condition de s’en servir à bon escient. Non pas tant pour participer à des jeux de société, que pour rendre service au quotidien.

Dans cette optique, les derniers progrès en matière d’apprentissage (deep learning disent les anglophones), de reconnaissance de formes, d’algorithmique, sont fascinants.
Les performances stupéfiantes du moteur de recherche de Google ont transformé sous une apparence anodine, notre vie de manière très profonde. Cette efficacité pour dénicher des réponses adéquates dans la montagne de connaissances accumulées sur le Net, ce malaxage prodigieusement ordonné fascine. 

Faut-il en avoir peur ?
Sans doute pas, tant qu’il y a une maîtrise humaine derrière, et suffisamment d’esprit critique.

Car il faut peut-être craindre davantage l'abêtissement de l'homme soumis à la machine que l'humanisation des robots libérés de sa tutelle...

13 mars 2016

Trous noirs idéologiques

A force d'y avoir consciencieusement semé les mensonges et les balivernes démagogiques, le champ de la réflexion contemporaine est désormais miné. A cause d’une foule de tabous à connotation pseudo-sociale, il est devenu quasi impossible de tenir un raisonnement qui ne soit tôt ou tard contaminé ou entravé par un des innombrables ponts-aux-ânes du prêt-à-penser.

Il est certes comique, même jubilatoire, de voir François Hollande et son gouvernement en faire les frais, alors qu’ils cherchent désespérément une voie pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se sont fourvoyés.

A la manière de l’arroseur arrosé, ils prennent dans la figure tous les leurres avec lesquels ils ont mystifié le peuple depuis si longtemps !
Juste retour de bâton, mais catastrophe pour le pays décidément incapable de s’élever au dessus des chimères idéologiques. A ce stade, ce sont de vrais trous noirs ! Comme ces derniers, ils happent et détruisent tout ce qui s’en approche.


Les dirigeants de ce pays ne peuvent plus avoir ni trajectoire ni perspective claire dans ce gruyère.
Comment désormais progresser dans un tel néant truffé d'abîmes insondables en forme d’interdits ? Personne ne semble avoir la solution ce qui ne laisse pas d’inquiéter.
De fait, la société française est à bout de souffle. Elle a grignoté le gras accumulé à l’occasion des décades prodigieuses pendant lesquelles elle fut vivifiée par le grand vent de liberté et de prospérité venu d’Ouest. Mais il y a déjà longtemps qu’elle ne crée plus rien d’original et notamment plus de richesses nouvelles.
Elle n’est plus qu’un fantôme, une sorte de chrysalide vidée de sa substance.

A force d‘avoir prêché la lutte des classes, la justice sociale, l'égalité des conditions, et autres miroirs aux alouettes, les satrapes du socialisme ont perverti le peuple et massacré tous les grands idéaux.
Ainsi la liberté, la fraternité, l’équité, la solidarité, la justice ont été durablement dénaturés. Tout ce que ces valeurs représentent s’est dégradé dans un pays désormais rongé par les haines, les injustices, les égoïsmes, les rentes de situation, les a priori et la corruption. Aujourd’hui les gouvernants ne peuvent que constater le désastre qu’ils ont provoqué.
Pris dans la nasse de leurs propres manigances, ils n’ont d’autre choix que de se déjuger et d’affronter l’incompréhension, l’impopularité et la rébellion, ou bien de laisser filer le destin vers je ne sais quelles extrémités...

05 mars 2016

Le libéralisme pour les Nuls

L’épisode en forme de pantalonnade, causé par le projet de loi El Khomri, montre une nouvelle fois la profonde antipathie qu’a notre pays pour les idées de liberté et l’arriération profonde des mentalités en matière de démocratie.

A peine sorti des limbes légales, ce vague canevas soi-disant destiné à libérer les entreprises, déclenche un tollé ! En quelques jours, une pétition a même rassemblé plus de 700.000 signatures pour s’opposer catégoriquement par avance à cette initiative qui ressemble déjà à un pétard mouillé.
On pourrait certes se réjouir de voir la gauche se déchirer autour de ce non évènement. On pourrait sourire en entendant les diatribes laborieuses aussi grotesques que prétentieuses des dinosaures du collectivisme à la française, Martine Aubry en tête. Après les échecs accumulés des politiques qu’ils ont préconisées ou mis en oeuvre, les bougres ne manquent assurément pas d’air pour donner des leçons !
Mais au fond, on sait bien que tout cela n’est que gesticulations de façade, car on ne connaît que trop l’appétit du pouvoir, et la soif de prébendes qui poussent tous ces gens de la “gauche plurielle” plus ou moins décomposée, à se réunir envers et contre tout le moment venu, derrière l’étendard rapiécé de leur idéologie (le ci-devant Mélenchon ne s’est-il pas rangé sans réserve derrière François Hollande en 2012, après avoir déversé sur lui des torrents d’insultes et d’imprécations ?)

S’agissant du fond, il n’y a guère plus d’illusions à entretenir au sujet de ces revirements apparents de stratégie. Comment croire des gens qui affirmaient hier que leur ennemi était la Finance, qu’ils n’aimaient pas les riches, et qui font les yeux doux désormais aux entrepreneurs (Valls) et affirment “qu’il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardaires” (Macron) ? Ils mentent tellement depuis si longtemps que même en instillant un peu de capitalisme dans leur discours, on ne peut espérer de vrais changements. Juste un ralentissement du lent processus de pourrissement auquel ils ont livré le pays.

On a vu avec la récente loi dite “Macron” comment la montagne pouvait accoucher d’une souris. Hormis, la levée de l’interdiction pour les compagnies d’autocars de concurrencer la SNCF sur des trajets intérieurs supérieurs à 100 km, que reste-t-il ? Rien de bien significatif.
Évidemment, la pauvreté réformatrice de ce texte donne tout de même la mesure de ce qu’on pourrait faire pour doper l’emploi si l’on acceptait de faire sauter les innombrables verrous qui enferment les entreprises dans un carcan procédurier et remuer la crasse bureaucratique qui bride toute initiative. Six mois après l’application de cette micro-mesure libéralisant un peu le transport routier, on apprenait que 1,5 millions de voyageurs avaient pu en bénéficier et que 1300 emplois auraient été créés (Les Echos).

Le plus incroyable est qu’il soit communément admis que ce gouvernement pratique une politique “libérale”, voire “ultra-libérale”, en dépit de l’archaïsme de sa conduite. A l’instar de l’idiot qui regarde le doigt et non les étoiles, nombreux sont ceux qui semblent se contenter des mots, au lieu de juger sur les faits…
Les timides avancées du projet El Khomri paraissent bien anodines en regard du barouf médiatique qu’elles déclenchent. L’apparente libéralisation annoncée se noie dans un fatras de règles tarabiscotées. Citons celles destinées à chiffrer le plafonnement des indemnités prudhommales en fonction de l’ancienneté, à faire quelques entorses en termes de durée de travail aux sacro-saintes 35 heures hebdomadaires, ou bien à fixer le pourcentage de majoration de la rémunération des heures supplémentaires selon le nombre effectué au dessus du plafond légal.
Le projet promet également un assouplissement des règles encadrant les licenciements économiques (en gros les entreprises ne seraient plus obligées d’être au bord de la faillite pour ajuster leurs effectifs aux besoins…). Mais ces quelques allègements sont contrebalancés par l’annonce de la création d’un Compte Personnel d’Activité si nébuleux qu’on peut craindre par avance qu’il neutralise toute retombée pratique… Bref tout cela ressemble fort à un catalogue en forme de trompe l’oeil sans inspiration, sans but ni vraie perspective.

Toujours est-il que la Droite, obnubil
ée par sa guerre des petits chefs, est restée comme deux ronds de flanc face à cette initiative qui la prend à contre-pied. Quant au gouvernement, il a déjà amorcé un mouvement de retraite qui laisse entrevoir une fin en eau de boudin.
Ite missa est...

27 février 2016

La dette: chronique d'une gangrène 2

Une des particularités fort intéressantes du magazine TV animé par Marina Carrère d’Encausse, est d’être semé de citations édifiantes, émanant directement des hommes et des femmes qui furent ou sont aux affaires comme on dit. Avec, au sein de ce florilège de truismes, de petites lâchetés et de vaines promesses, quelques éclairs de lucidité, hélas sans lendemain...

Il y a ceux tout d'abord, qui minimisent l’importance que revêt la dette publique. Par exemple Henri Emmanuelli qui tente de rassurer à peu de frais l’opinion publique à ce sujet : “Qui peut croire au scénario catastrophe ?” s’exclame-t-il incrédule. Avec lui, il y a toute une gauche crispée sur l’idéologie, et peut-être un peu adepte de la méthode Coué, qui imagine que la dette n’est qu’une vue de l’esprit et que “ça va s'arranger avec le retour de la croissance”, allant jusqu’à clamer que “plus la crise est profonde plus le redémarrage est fort.”
Il y a même des économistes distingués, tel Paul Krugman, prix Nobel d’économie (un peu comme Barack Obama fut récompensé pour ses belles intentions sur la Paix) qui ne voit pas pourquoi on s’inquiète et qui compare la peur de la dette à une “maladie psychosomatique...”

A l’inverse, il y a ceux qui font un constat alarmiste, à l’instar d’Alain Juppé, affirmant il y a quelques années qu’il fallait “en finir avec le poison de la dette”, sous peine de voir “le système exploser.”
Il y a l’ancien ministre de l’économie Thierry Breton affirmant “ce n'est pas une honte d'avoir une dette, c'est une honte de ne pas en parler.”
Il y a Pascal Lamy, ancien Directeur général de l’OMC, avouant qu’un endettement continu durant 40 ans “est un signe grave d'un dysfonctionnement du système.”
I
l y a Dominique de Villepin renchérissant sur cet inquiétant diagnostic en affirmant qu’en laissant filer ses déficits, “la France a pris le risque d'un décrochage…”
Il y a enfin Valery Giscard d’Estaing révélant gravement que sans la dette et le fardeau du remboursement des intérêts qui y sont liés, “On pourrait supprimer l'impôt sur le revenu...”

Pourtant, malgré ces apparents éclairs de lucidité, personne ou quasi ne prit à aucun moment de mesure tendant vraiment à réduire l’endettement du pays. Peut-être, comme l’affirma Michel Charasse, en raison d’une indulgence due au fait “que tout le monde en profite”. Peut-être aussi comme le déplore Giscard d’Estaing, parce que les politiciens, par nature et sans doute aussi par démagogie, “ne proposent jamais de réduction des dépenses publiques, et surtout pas lorsque la croissance est là.”
De fait, les quelques décennies passées pourraient être comparées à un grand cimetière dans lequel ont été successivement ensevelies toutes les bonnes résolutions, toutes les actions pragmatiques, et dans lequel ont fleuri les croix et les pierres blanches marquant l’échec flagrant des politiques menées avec une obstination coupable par tous les dirigeants de tous bords idéologiques.

Il faut dire qu’en dépit de leur couleur politique affichée, tous reprirent peu ou prou à leur compte le vieux mythe de la relance keynésienne.
Cette chimère économique est bien commode pour des politiciens pusillanimes. Elle leur permet d’éluder les vraies mesures d’économies qui pourraient assainir les finances du pays, et en son nom ils peuvent se faire les défenseurs du fameux "modèle social" à la française, dont on mesure pourtant de plus en plus les effets calamiteux.
Chronologiquement, le désastre est évident même s’il fut amorti par quantité d’artifices dont quelques acquis sociaux trompeurs financés par l'emprunt. Il est ralenti également par l’appartenance de la France à la Communauté Européenne, qui quoique on dise freine un peu les programmes dispendieux et démagogiques des gouvernements successifs. Il est parfois suspendu grâce au contexte international enfin, qui procure quelques embellies de croissance, dont le pays ne profite malheureusement que trop peu.

Cette lente descente aux enfers débuta dès la seconde moitié des années 70, sous Giscard d’Estaing. On eut beau jeu alors, d’incriminer les chocs pétroliers. La réalité fut que malgré le plan d’austérité du professeur Barre, le gouvernement dépensa tant et plus. La ceinture fut surtout pour les contribuables, dont les impôts augmentèrent lourdement...
Avec le virage socialiste pris par le pays en 1981, le mirage keynésien s'imposa de plus belle. A l’initiative du président Mitterrand, on dépensa tant et plus, et la fiscalité continua son ascension, proportionnelle à la dette…
Jacques Chirac ne fit pas mieux. Après avoir martelé que "trop d’impôts tue l’impôt", il assomma littéralement les contribuables en invoquant "la fracture sociale", laquelle ne fit que s’ouvrir un peu plus au fil des dépenses publiques.
Après le fiasco de la dissolution de 1997, les Socialistes reprirent à nouveau, dans un souci de "justice" et "d'égalité" l’antienne keynésienne, et malgré une belle phase de croissance, dilapidèrent les quelques économies potentielles, qualifiées de "cagnotte". Le chantier inepte des 35 heures, promu par le tandem Aubry/Stauss-Kahn, acheva de ruiner les espérances, et l’endettement repartit de plus belle.
Au passage, le pacte de stabilité européen vola en éclat, faute d'être réellement appliqué, ouvrant la voie au surendettement, comme le déplora Dominique de Villepin. Devenu Premier Ministre, ce dernier bénéficia lui aussi d’une phase de croissance de l’économie mondiale. Mais si la dette française se tassa légèrement, les dépenses ne diminuèrent pas vraiment…
En 2007 on crut enfin à un nouveau cap, avec l’élection de Nicolas Sarkozy. La volonté affichée était de baisser les impôts et les charges pesant sur les entreprises, tout en réduisant les dépenses d’Etat. le Président claironna que cette politique audacieuse permettrait de ramener la dette en dessous de 60% du PIB, et François Fillon, premier ministre, promit l’équilibre budgétaire pour 2012.
Hélas, la crise dite des subprime changea la donne et bizarrement, ce qui était vrai hier devint faux. Nicolas Sarkozy subitement métamorphosé en Besancenot, se livra à de violentes charges contre le capitalisme. Il renia en bloc toutes ses prétendues convictions et se rallia piteusement aux lubies keynésiennes de la relance étatique.
En guise de réponse à la crise, il décida d'accélérer massivement les décisions d'investissement qui dormaient dans les cartons. Les dépenses flambèrent, la fiscalité itou. Oublié le paquet fiscal et notamment la mesure emblématique de bouclier fiscal…
La vraie raison de ce chambardement fut donnée sans doute par Eric Woerth: "il ne fallait surtout pas affoler les prêteurs et rassurer les Français pour qu'ils ne descendent pas dans la rue." Résultat, en 2009, le déficit est de 8% et la dette flambe mais la croissance de revient pas...
En haut lieu, personne ne nie qu'on soit "en situation désastreuse mais ce n'est pas une bonne idée de le dire..." Dans le même temps, les Agences de Notation dont personne n'avait jamais entendu parler, se font oiseaux de mauvais augure, multipliant les mauvaises appréciations, mais elles seront bien vite oubliées. 
T
andis que la crise se répand en Europe, notamment à Athènes, les réunions de crise se succèdent. Les nouvelles dépenses également. L'argent public renfloue le budget grec au bord de la banqueroute (13% de déficit, dette à 120% du PIB). Deux cent milliards d’euros sont ainsi collectés en deux ans, en vain…
Portugal, Espagne, Irlande ne valent guère mieux. C’est toute l’Europe qui vacille sur ses fondations trop fragiles aux yeux de certains. Ainsi Alain Juppé révèle qu’on a “sous estimé la différence de compétitivité entre Etats et que la convergence ne s'est pas produite.” Il ne dit pas pour autant combien de temps il sera possible de continuer avant l’effondrement...

En 2012 François Hollande arrive au pouvoir, goguenard, avec son slogan “le changement c’est maintenant”, et ses nouvelles promesses. Jouant les redresseurs de tort, il déplore les 600 milliards de dépenses de Sarkozy et promet l’équilibre en 2017, objectif qu’il qualifie même “d’obligation”. Cela ne l’empêche pas, sitôt élu, de se rendre comme son prédécesseur à Bruxelles pour négocier penaud, un nouvel assouplissement des contraintes budgétaires (le fameux 3% de déficit jamais tenu).
On connaît la suite...Nouvelles dépenses, report des économies, déficit, endettement, chômage, le roue tourne toujours dans le même sens.
Et le retour à l’équilibre est désormais vaguement envisagé à l’horizon 2020.... Autrement dit aux calendes grecques….

14 février 2016

La dette : Chronique d'une gangrène 1

La dette publique, on en parle puis on l'oublie...
Pourtant, tandis que la Bourse se remet à tanguer, avec quelques craquements sinistres faisant craindre l’imminence d’un nouveau krach, on peut s’interroger. Où donc en est l’Etat ?
Force est de constater que malgré les promesses d’économies et de croissance, les choses ne font qu’empirer. Au troisième trimestre 2015, le compteur dépassait les 2100 milliards d’euros, soit quasi 97% du PIB. Est-ce grave docteur ?

S’il est un sujet sur lequel les opinions divergent, c'est bien celui de la dette !
Elle fait beaucoup gloser, et de nombreuses théories s'opposent, les unes minimisant sa gravité, les autres au contraire pointant le risque énorme qu'elle fait peser sur l’Etat.
Mais en définitive, que de contradictions entend-on à son propos, que de contrevérités flagrantes, que de lâchetés également et d’affirmations irresponsables…

Il y a quelque temps, France 5 proposait sur ce thème une émission fort intéressante. Présentée par Marina Carrère-d'Encausse, elle partait d'un point de vue original, fondé sur le témoignage de politiciens et de dirigeants qui furent aux affaires. Ceux-là même qui conduisirent la politique économique du pays durant ces dernières décennies. Il y a de quoi être édifié tant leurs commentaires mettent en évidence leur responsabilité écrasante, souvent avouée sans complexe !
Le constat de départ est certes bien connu : il faut se reporter quarante ans en arrière, en 1974, pour trouver un budget national en équilibre, voire en léger excédent. L'endettement du pays quant à lui, n'excédait pas cette année là 15% du PIB...
Depuis cette date, la faute à un déficit systématique, la dette a grimpé chaque année, inscrivant une courbe vertigineuse qui culmine aujourd'hui à presque 100 % du PIB, soit plus de 2000 milliards d'euros ! Rien ne semble arrêter cette fuite exponentielle...

Nombre de politiciens déplorent cet état de fait. On se souvient de François Fillon avouant peu après son accession au poste de Premier Ministre en 2007 : “je suis à la tête d'un état qui est en faillite.”
Hélas, toute vérité n'est pas bonne à dire. Celle-ci fut considérée comme politiquement incorrecte et le Président de la République, Nicolas Sarkozy en personne, crut bon de la contredire pour ne pas désespérer le Peuple !
Il faut dire que lui-même contribua largement à augmenter les dépenses publiques, faisant flamber la dette comme tous ses prédécesseurs et successeurs…
Il ne fit en somme que donner un peu plus de poids à l’adage de Valery Giscard d’Estaing selon lequel “le milieu politique n'aime que la dépense, jamais on ne propose des économies...”

Il y a toujours de bonnes ou plutôt de mauvaises raisons pour augmenter les dépenses de l’Etat. Alors qu’il prétend aujourd’hui qu’il était en 1975 « partisan d'une dette réduite », le même Giscard d’Estaing, tirant argument du “choc pétrolier”, affirmait à l’époque lors d’une allocution télévisée, “qu’il fallait “stimuler l'activité économique pour créer de l'emploi” ! Le bon vieux mythe keynésien reprenait du service en quelque sorte, il fut invoqué nombre de fois par la suite, révélant à chaque fois son inanité, sans pour autant qu’on cessa de s’obstiner.
La lutte contre le chômage, priorité des priorités de tous les gouvernements successifs, et la quête de la “croissance” furent les deux principaux motifs justifiant la prodigalité étatique. Il n’est pas besoin d’être expert pour conclure que le remède n’est pas très efficace puisque parallèlement à l’inflation de la dette, le PIB resta plat ou quasi. Quant au chômage, il est devenu une fatalité en France, face à laquelle François Mitterrand lâcha même un jour “qu’on avait tout essayé…”
Étrange constat, un peu dur à accepter si l’on observe qu’à l’étranger, quantité de pays, semblent avoir eux trouvé des solutions.
Il faudrait sans doute que la France abandonne ses œillères idéologiques et cette détestable propension qu’ont les hommes et les femmes politiques à faire de la démagogie avant tout.

Un des mérites de l’émission de Marina Carrère d’Encausse, est d’objectiver l’échec flagrant des plans de relance keynésiens que notre pays mit en œuvre à plusieurs reprises : en 1975 par Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing, en 1981 par un François Mitterrand fraîchement élu, en 2008 par Nicolas Sarkozy à l'occasion de la crise née des subprime, et enfin par François Hollande au nom décidément bien pratique de la “Crise”...
Pire, la France ne tira aucun bénéfice des quelques moments de grâce où la croissance mondiale tira un peu notre char étatique empêtré dans la semoule. Non seulement ces embellies ne servirent pas à désendetter un peu le pays mais il arriva même qu’on transforma la diminution du déficit en “cagnotte” miraculeuse, qui fut dépensée illico, notamment sous la houlette de Lionel Jospin avec les fameuses 35 heures payées 39 !

Face à cette inexorable dérive des comptes, on fit mine d’élever des digues. La barre indépassable des 3% de déficit, inaugurée par l'administration Mitterrand en 1982 fut de ce point de vue une belle supercherie. Plutôt que d’annoncer un déficit de 100 milliards de francs, Laurent Fabius eut l’idée de rapporter cette somme au PIB et de transformer l'abîme budgétaire en un pourcentage beaucoup moins effrayant. Ainsi, sans aucune raison économique digne de ce nom, on érigea le chiffre de 3% du PIB comme une norme. C’est même ce ratio qui fut entériné lors de l’élaboration du traité européen de Maastricht !
Non seulement, il consacre de facto l’idée du déficit comme étant quelque chose de normal, mais force est de constater que loin d’être un maximum, il est devenu dans notre pays un minimum toujours dépassé...
 A suivre...

07 février 2016

Diplodocus and Co...

Ça y est ! Il est sorti de son oeuf le petit dernier de la famille diplodocus, destiné paraît-il à moderniser le système de santé !
Le 27 janvier dernier, le texte de loi a finalement été publié au Journal Officiel, après 2 ou 3 petits amendements du Conseil Constitutionnel.
Non seulement ils ne changent rien au fond, mais ils risquent d’ajouter un peu plus de complexité à ce programme écrit dans la plus belle tradition bureaucratique.

Ainsi le tiers payant généralisé voit sa porté limitée. Il ne concernera que la part assurance maladie, que le patient n’aura bientôt plus à avancer en aucune circonstance. Toutefois, s’agissant du ticket modérateur, restant à sa charge ou à celle de sa mutuelle, il faudra repasser, on ne sait pas trop bien pourquoi. Sans doute parce qu’en France on peine à faire les choses en une seule fois...

Ce qu’il y a de terrible dans ce type de loi, est qu’elles semblent procurer un bénéfice immédiat contre lequel il est difficile de récriminer, sauf à paraître masochiste. Au fond, cette disposition ne change pas grand chose puisque les praticiens sont de toute manière assujettis financièrement à l’Assurance Maladie, si ce n’est qu’elle gomme définitivement le coût des soins pour les patients. ça n’a l’air de rien non plus dans un pays ou l’immense majorité des gens croient que la santé est gratuite...
On sait qu’elle est appliquée depuis déjà longtemps dans les pharmacies, ce qui s’avère bien pratique au quotidien, il faut le reconnaître. Aucune avance de frais, tout est payé par le fameux tiers, comme par magie. Faut-il pour autant s’étonner que la France soit un des pays où l’on consomme le plus de médicaments ? Si vous n’avez pas l’impression de les payer, pourquoi mégoter ? Et pourquoi se contenter de médicaments moins onéreux mais non remboursés ? Les pharmaciens quant à eux, ont accepté cette complication administrative supplémentaire car si elle dope la consommation, elle fait de même pour leur chiffre d’affaires...

S’agissant des dispositions concernant les hôpitaux, la Loi Touraine, donne naissance à un nouveau monstre : le Groupement Hospitalier de Territoire ou GHT, destiné à remplacer les Communautés Hospitalières de Territoires (CHT) de la précédente loi et les Groupements de Coopération Sanitaire (GCS) de celle d’avant….
Bref, rien ne change vraiment dans la logique d’étatisation et de grande concentration mise en oeuvre dès les années quatre-vingt-dix. Qu’il est long le chemin papa, comme chantait Joe Dassin… Cette nouvelle mesure n’est probablement qu’une étape sur cet itinéraire baslisé qui devrait un jour nous conduire à quelque chose comme l’abomination du NHS, tel qu’il fut inventé par les travaillistes anglais en 1948.
Les GHT n’apportent aucun progrès par rapport aux CHT dont la plupart des expérimentations furent de vrais fiascos. La potion sortant du même tonneau, ils vont juste contribuer à démembrer un peu plus le tissu hospitalier mis en place dans les années où les concepts de décentralisation et de déconcentration étaient à la mode. Autre temps autre moeurs, ce qui était vrai autrefois, devient honni.

Ainsi les hôpitaux sont sommés de se regrouper le plus étroitement possible, tout en gardant leur indépendance juridique et budgétaire. L’incroyable obstination idéologique des Pouvoirs Publics se double d’une pusillanimité absolument consternante. Incapables de prononcer la fusion des établissements autour du mastodonte qu’ils désignent comme étant le “pôle de référence”, ils se contentent de continuer à vider peu à peu de leur substance les plus petits. Ainsi ces derniers se verront privés désormais, au moins en théorie, de la gestion de leur information médicale, de leur laboratoire d’analyses, de leur pharmacie, de leur plateau technique d’imagerie et in fine sans doute, de leur maternité et/ou de leur bloc opératoire lorsqu’ils avaient réussi à les sauvegarder jusqu’à présent…
Sans doute espère-t-on qu’un tel assèchement provoquera l’effondrement de lui-même des structures.
Après les GHT, peut-être les Kolkhozes Hospitaliers qui sait ?
Le plus étonnant dans l’affaire est la docilité des Français à se laisser claquemurer dans ce système infernal, dont il sera difficile de sortir. Il faut dire qu’appâtés par la réclame démagogique qu’en fait l’Etat, ils s’arrêtent généralement à ce qui leur est visible, négligeant le reste.

Peu avant cette nouvelle loi, le gouvernement, par l'intermédiaire de madame Touraine avait réussi à imposer en douceur une autre ukase faisant obligation à tous les employeurs de proposer à leurs salariés une mutuelle de santé, et d’en payer la cotisation pour moitié !
Supposée faciliter la généralisation de la couverture complémentaire par des mutuelles, et préludant probablement à de nouvelles diminutions des prises en charge par l’Assurance Maladie, monopole d’Etat, cette réforme donne l’illusion au péquin moyen de bénéficier d’une assurance à tarif réduit. Ce faisant il ne voit pas qu’il perd le choix de son assureur, et que dans le même temps le salaire qu’il pourrait espérer, se voit amputé de la participation de l’employeur à sa cotisation qui au total, est en règle plus élevée que celle qu’il aurait payée s’il avait lui-même négocié le contrat...
Naïvement j’attendais que mon employeur me fasse une proposition puisque le texte était censé s’appliquer au 1er janvier 2016. Las ! J’avais oublié que j’étais fonctionnaire. Le texte qui évoque à l’instar du mariage, “une mutuelle pour tous”, ne mentionne aucune obligation pour les entreprises publiques… Encore une filouterie garantie par le gouvernement !

L’affaire du paquet de cigarettes “neutre”, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours, illustre bien quant à elle l’effondrement du débat d’idées. Tandis que certains débattent gravement de la déchéance de nationalité, on retient du tissu d’inepties de la Loi Santé cette mesure dérisoire. Faut-il que le sens des responsabilités soit tombé bien bas pour qu’on en vienne à proposer un expédient aussi infantilisant !
Le plus hallucinant est que la suppression de la marque soit proposée par l’Etat, de loin le principal bénéficiaire de la vente de tabac en France : on rappelle à cette occasion qu’il touche 80% de taxes sur chaque paquet, tandis que le cigarettier n’en perçoit que 12 et le détaillant 8...
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes

05 février 2016

Cuba Libre, un jour peut-être...

Il fut chouette le “dîner d’Etat” organisé par notre vénérable président satrape auto-prétendu “normal” et son homologue cubain Raul Castro !
Sous les dorures du palais de l’Elysée on vit pour cette occasion festive, une belle brochette de happy few, s’y congratuler chaleureusement, et notamment tout ce que notre pays compte d’aficionados de l’immonde dictature communiste qui sévit sous les cocotiers de La Havane, depuis la fin des années cinquante.
Punaise, ça ne date pas d’hier !

On le sait, rien ou presque n’a changé depuis. Le peuple cubain n’a que le soleil pour se consoler du désastre sanglant dans lequel l’ont entraîné il y a plus d’un demi-siècle une bande de salopards prétentieux, bourrés de haine, et shootés à la lutte des classes.
Et c’est cette vieille carne de Raul, desséchée sur les vestiges idéologiques qui la tiennent encore debout, frère en massacres du non moins sinistre Fidel, que notre président élu démocratiquement a pris la liberté d’inviter à nos frais.
Et c’est pour honorer cette ordure indicible qu’une nuée de courtisans sans foi ni loi accoururent, ventre à terre. 
Et l’on vit ainsi parader fièrement sous les caméras, l’arrière garde la plus archaïque des légions enrôlées au nom de la doxa marxiste ! Ajoutons y quelques intellectuels confits dans un socialisme éthéré, quelques ministres dévoués dont une qui lorgne sur les Affaires Etrangères et se montre prête à n'importe quelle compromission pour donner corps à cette ambition, des artistes ignares ou cupides, en quête de débouchés commerciaux...

Et tandis que le peuple français qui souffre de l’inexorable paupérisation dans laquelle le plongent les mesures ineptes de celui qu’il a élu lors d’un moment d’égarement, tandis que les Agriculteurs se meurent dans l’indifférence polie des technocrates qui les asphyxient à petit feu tout en prétendant les protéger, tandis que le pays se déchire au gré des lois insanes cherchant à imposer une mixité sociale chimérique, et une laïcité confinant à l’absurde, tandis que tout s’écroule au ralenti, nos heureux élus se gobergent aux frais de la princesse.
Et Le chef d’un état en ruine se permet même des largesses, effaçant une partie de l’ardoise que ces tyrans ont laissé chez nous...
Le pire bien sûr est qu’autour, personne ne broncha, à part quelques rares exceptions et des exilés écoeurés.
L’indignation est manifestement en stand-by lorsque le scandale crève les yeux, mais qu’il ne s’agit que de dénoncer une des innombrables tares de la gauchisation des esprits...

31 janvier 2016

Pédalage et rétro-pédalage

Un constat s’impose. Hormis quelques exploits sportifs, quoique de plus en plus souvent galvaudés par le dopage autant que par les artifices, hormis les attentats terroristes dans lesquels s’exprime une atroce surenchère, l’actualité de la société française ne livre plus guère d’évènements marquants.
Tout est devenu si plat dans ce désert des tartares où l’on attend sans attendre et où les jours se suivent dans une consternante monotonie !
Parallèlement, la litanie des nouvelles taxes, et la ribambelle des lois et réglementations ponctuent l’univers normalisé dans lequel nous nous asphyxions chaque jour peu plus, au moins en pensée.
Aucune perspective émoustillante ne se présente à l’horizon. Les grands débats ne sont plus que des alignements de platitudes ronflantes, bornées par les limites de plus en plus étriquées de la correction politique. Malheur à celui cherche à en sortir. Il sera couvert d’infamie par les censeurs zélés de la bien-pensance..

Au sein de cet océan glauque, viennent parfois à passer quelques faits divers assez insignifiants. Les derniers livres publiés par quelques politiciens soucieux de redorer leur blason par exemple.
Celui de Nicolas Sarkozy est de ceux dont on parle, mais apporte-t-il des révélations utiles ou porteuses d’espérances ?
Il en ressort surtout pour le grand public, que l’ancien président reconnaît une foultitude d’erreurs, en général assez vénielles et relevant de la forme plus que du fond, mais était-ce vraiment l’objectif ? Le sentiment qui domine est qu’il était bien le seul à ne pas les avoir perçues !
A quoi peut donc servir cette pseudo-contrition à retardement ? Il y a peu de chances qu’un tel exercice amène à lui ses ennemis jurés ni même ramène celles et ceux qui crûrent en lui mais qui furent terriblement déçus par son mandat présidentiel incohérent. Ce que beaucoup attendaient, c'était un projet et des convictions, lesquels brillent par leur absence de ce fatras aussi bien-intentionné qu'approximatif. Une seule question parmi tant d’autres : il regrette de ne pas avoir aboli l’ISF, mais oserait-il le faire désormais ? Serait-il capable de défendre cette mesure avec plus de détermination et d'opiniâtreté qu'il en eut pour imposer le bouclier fiscal ?
Il est vrai que ses concurrents ne font guère mieux.
Alain Juppé, avec une navrante opiniâtreté, réclame un “Etat fort”, révélant bien qu’il n’a pas changé, droit dans ses bottes de bureaucrate attaché viscéralement au règne de l’Administration…
François Fillon de son côté s’était fendu, il y a quelques mois déjà, d’une déclaration d’intentions programmatique un peu plus affirmée frisant le libéralisme, mais s’il dit probablement ce qu’il pense, on sait aussi, pour l’avoir vu aux affaires, qu’il est incapable de faire ce qu’il dit !
Passons sur Copé à qui personne n’avait rien demandé et qui tente désespérément de faire un come-back, illustrant le principe qui veut qu’en France, tant qu’un politicien n’est pas mort, il n’a pas dit son dernier mot. Mais cette fois, l’indifférence qui entoure son appel semble profonde...
Beaucoup de bruit pour pas grand chose en somme.

Ah si ! Christiane Taubira démissionne enfin ! Elle en aura fait des simagrées avant de passer à l’acte…. Mais à dire vrai tout le monde s’en moque. Peut-être retiendra-t-on quelque temps le spectacle burlesque du départ de la dame patronnesse, plus radieuse que jamais, à l’idée du mauvais coup porté à François Hollande, lorsqu’elle enfourcha son grand vélo, casquée comme un fantassin d’opérette et caparaçonnée dans sa doudoune matelassée…
Que faisait-elle dans ce gouvernement ? Mystère... On suppose qu’elle apportait une caution de gauche. Sans doute pas celle dont on put juger le rayonnement lorsqu’elle rassembla moins de 3% des électeurs sur son nom lors de l’élection présidentielle de 2002…
D’autres évoquent la loi emblématique du quinquennat Hollande entérinant le Mariage pour tous : dérisoire bulle idéologico-juridique...
Toujours est-il que les commentateurs veulent voir dans ce départ, provoqué selon l’intéressée par " un désaccord politique majeur avec le gouvernement” (la déchéance de nationalité pour les terroristes bi-nationaux, tu parles…) le signe indéniable d’une droitisation de la ligne officielle.
Mais il n’en est rien hélas. Le tournant social-démocrate, la droitisation, voire le prétendu virage libéral du gouvernement sous l’impulsion de Manuel Valls et d’Emanuel Macron est une pure mystification. Elle repose sur quelques inoffensives petites phrases, souvent démenties dès le lendemain, et il faut être bien gogo ou ignorant de ce qu’est le libéralisme, pour voir un vrai changement dans l’action. Gageons que les mêmes trouveront dans cette pseudo inflexion libérale les raisons de l’échec, ce qui leur permettra de revendiquer un nouveau coup de barre à gauche…
Pour l’heure, le chômage continue sa lente et inexorable progression, dopé par toutes les mesures ineptes d’un gouvernement d’incapables. Et les médias en choeur, scrutent toujours la fameuse inflexion qui pourrait tendre à faire croire que l’inversion est en marche.
L’endettement du pays enfle doucement, ni vu ni connu. Personne ne s’émeut même des propositions de François Hollande, visant à dépenser 2 milliards d’euros de plus pour coller de nouveaux cataplasmes sur la jambe de bois du modèle social à la française !

Bref à force de pédalage et de rétro-pédalage, on fait surtout du sur-place, et le bilan des courses à 18 mois de l’élection présidentielle, est qu’on on se retrouve avec la probabilité de voir s’affronter 3 candidats principaux, rassemblant chacun contre eux au moins deux tiers des électeurs !

28 janvier 2016

The Trumpets of Anti-Americanism

A l’occasion de la candidature du Tycoon Donald Trump à la Primaire républicaine et de l’élan populaire inattendu et durable qui l’accompagne, se déchaîne à nouveau la vindicte pavlovienne des vigiles de l'anti-américanisme.

Si l'on parvient à prendre un peu de recul face à ce phénomène aussi étrange qu’excessif, le spectacle pourrait être plutôt jouissif. Enfin un peu d'ambiance !

Il est vrai que "l’obsession anti-américaine", pour reprendre l'expression de Jean-François Revel, était quelque peu en sommeil sous l’effet du lénitif Obama. Le soufflet de l’enthousiasme des admirateurs du beau gosse au teint d’ébène, si joli coeur, si drôle dans les salons, et de surcroît si délicieusement pacifiste et un brin écolo, était un peu retombé. A défaut d’efficacité, l’actuel président américain avait procuré un peu vacances à ceux qui avaient les oreilles meurtries par les vociférations répétitives adressées à son prédécesseur George W. Bush.

Aujourd’hui on retrouve les mêmes légions d’imbéciles, même pas heureux, qui se remettent de plus belle à hurler à la mort.
Évidemment les artistes se doivent d'être en tête de ce peloton de nigauds, auquel les médias complaisants et dénués de toute originalité, servent de caisse de résonance.
On voit par exemple de glorieux chanteurs s’offusquer de l’emprunt par le Donald de leurs chansons, destinées à égayer ses meetings.

D'autres enjoignent les grandes entreprises à cesser illico presto leurs relations d’affaires avec lui ou bien exhortent les citoyens politiquement corrects à signer des pétitions réclamant la censure du-dit candidat : Salma Hayek, Jane Fonda, Danny Glover, Kerry Washington...
Tiens, on ne trouve pas le nom de Sean Penn, "leftist" bien connu qui ne manque pas une occasion de manifester son indignation à sens unique, si prévisible. Il faut dire que le gars est empêtré dans une sale affaire : il n’a rien trouvé de plus intelligent que d’interviewer le baron de la drogue mexicain El Chapo, récemment arrêté, et accusé d’avoir par ses sordides trafics occasionné la mort de plus de 30.000 personnes...
On voit en revanche quelques illustres inconnus ne pas hésiter à se vautrer dans l’outrance pour tenter d’avoir leur quart d’heure de célébrité sur le dos de la bête. Ainsi, on peut évoquer au chapitre d’un indicible mauvais goût, l’oeuvre d’une certaine Sarah Levy, auto-proclamée féministe homosexuelle, qui a peint le portrait du candidat putatif républicain avec le sang de ses règles ou bien ce collectif de photographes exhibant fièrement un tableau figurant le même Trump à l’aide de 500 photos de pénis !

A l’extérieur des Etats-Unis, la vindicte n’est pas moins caricaturale. Citons par exemple la pétition exigeant l’interdiction de séjour au Royaume uni du leader républicain, lancée par une Ecossaise et relayée par certains députés travaillistes, qui a occasionné un débat aussi mouvementé que stérile à la Chambre des Communes, au motif qu’elle avait rassemblé plus de 500.000 signatures !

Il n’est pas utile en revanche de s'appesantir sur la France où l’on sait que Panurge est roi et où au moins 99% des gens sont résolument et définitivement anti-Trump !
A la limite, devant un tel concert de stupidités, on n’a même pas besoin d’essayer de juger Donald Trump. Toutes ces critiques volent si bas, s’attaquant à la forme plutôt qu’au fond, et montant en épingle la moindre petite phrase ! 

Il est vrai que M. Trump est un bon client, comme on dit. Il ne pratique pas la langue de bois. Il n’a pas son pareil pour asséner quelques truismes ciselés dans le plomb, et s’amuse manifestement énormément de ce petit jeu qui hérisse les cocottes conformistes, autant qu'il provoque la liesse chez ses partisans, de plus en plus nombreux.
Mais nous Français, avons nous des leçons à donner à la démocratie américaine, nous qui avons porté au pouvoir un champion du monde toute catégorie de l’inefficacité satisfaite, expert magnifique en bourdes, mensonges, contradictions, sentences haineuses, muflerie, et qui s’est entouré d’un ineffable gouvernement de bras cassés ?

25 janvier 2016

Refroidissement climatique... au Dévonien

Lu dans le magazine La Recherche, un petit article relatant la découverte récente dans l'archipel norvégien du Svalbard, par une équipe britannique de paléobotanistes, de fossiles provenant de forêts tropicales datant de 380 millions d'années.
Cela ne date pas d'hier certes. Pour tout dire, de l'ère du Dévonien ( qui s'étendit de -420 à -360 millions d'années), et la Norvège, qui n'avait pas encore dérivé vers le grand Nord, se situait peu ou prou à l'équateur de la Terre. Autres temps, autres conditions climatiques...

Ces forêts d'arbres primitifs dont les feuilles naissaient directement du tronc, n'étaient semble-t-il pas très hautes, la canopée ne dépassant guère 4 mètres. Mais elles étaient très denses, composées d'individus séparés tout au plus d'une vingtaine de centimètres.
Surtout, l'intense photosynthèse découlant de cette verdure luxuriante, en absorbant massivement le dioxyde de carbone de l'atmosphère, conduisit à en diviser le taux par quinze ! Il s'en serait suivi une importante chute des températures qui aurait, nous dit-on, entraîné une extinction de masse. Jusqu'à 70% des espèces présentes à la surface de la planète auraient en effet disparu à cette période !

De cette histoire édifiante, dans laquelle l'activité humaine n'a aucune responsabilité, on pourrait tirer deux conclusions :
La première est qu'il s'avère bien difficile de savoir s'il vaut mieux mourir de chaud que de froid.
La seconde, que pour lutter contre le réchauffement climatique du à la dissipation des fameuses énergies fossiles, c'est un juste retour des choses que de planter des arbres, mais pas trop quand même !

La Recherche Janvier 2016. D'après un C.M. Berry & J.E.A. Marshall, in Geology, 2015.