24 juillet 2017

Tout change, rien ne change

En matière de politique gouvernementale, les temps changent paraît-il, mais derrière les artifices de communication, les incohérences subsistent.
On voulait espérer que le jeune et sémillant président de la république que la France s’est choisi, fasse preuve de plus d’audace, de détermination et de constance que ses prédécesseurs.
Hélas, à mesure que le temps passe, l’actualité semble démentir cet espoir.

Dans le but louable d’assainir les finances du pays, le chef de l'Etat et plusieurs de ses ministres nous ont annoncé à grands fracas des économies “jamais vues” sur les dépenses publiques, touchant tous les ministères sans exception.
Et pan dans l’Armée, sommée de trouver 850 millions d’euros avant la fin de l’année !
Après avoir vu le Président parader pendant tout le printemps auprès des soldats, après avoir entendu ses belles paroles vantant l'armée et le rôle majeur qu'il prétend lui voir jouer, l’injonction “jupiterienne” détonne si l’on peut dire. Pire, le président ouvre brutalement une crise avec la Grande Muette en prenant à rebrousse poil le chef d’état major Pierre de Villiers qu’il venait pourtant de renouveler dans ses fonctions, sans lui avoir de toute évidence révélé ce serrage de ceinture drastique. Résultat : démission dudit chef d'état major !

Quelques jours après le clash, en pleine polémique, maladroitement attisée par M. Castaner, porte-parole du gouvernement, on apprend ce jour que la ministre des armées a obtenu le dégel de 1,2 milliards d’euros sur 2017 !
Pour le péquin moyen, il faut reconnaître que cette politique ressemble à celle de Gribouille. Comment ne pas comprendre que l’Etat fait volte face et qu’en fait d’économies, il engage des dépenses supplémentaires ?
Certes, cette coquette somme "gelée" était inscrite au budget. Elle faisait même partie d’une enveloppe plus large, de 1,9 milliards d’euros…
Sans doute y a-t-il des finesses qui nous échappent à nous les béotiens, mais en fin de compte, n’eut-il pas été plus simple d’annoncer que le Chef de l’Etat, dans sa grande magnanimité, et ce malgré les contraintes budgétaires, débloquait immédiatement 1,2 milliards d’euros de cette enveloppe, ce qui revenait à faire une économie nette de 700 millions ! Trop simple sans doute...

Dans le même temps, on apprend que les allocations destinées à venir en aide au logement vont baisser dès le 1er octobre de 5 euros par mois. Et selon la bonne vieille habitude, le gouvernement tente de faire porter la responsabilité sur les autres en prétendant qu’il ne s’agit que de l’application d’une mesure votée lors du précédent quinquennat.
Pas de quoi fouetter un chat en somme. A peine 16 centimes par jour, c'est à dire trois fois rien !
Tout étant relatif, ça fait aussi soixante euros par an, ce qui n’est pas négligeable pour des étudiants, dont les représentants ont tôt fait de monter au créneau pour protester. Quant au gouvernement précédent, il s’est empressé, par la voix du peu regretté M. Eckert, de décliner toute responsabilité dans cette affaire. Il avait grignoté l’aide au logement par presque tous les bouts, mais pas par celui-là !
Certes il s’agit d’une réduction de la dépense publique, dont un libéral aurait sans doute tort de s’offusquer, mais c’est aussi une forme d’impôt puisque la mesure est unilatérale et qu'elle réduit le pouvoir d'achat. En d’autres termes on pourrait en accepter le principe si elle s’accompagnait d’une diminution des prélèvements obligatoires.
Car pour l'heure, c'est un peu comme si l’Etat décidait d’une diminution des remboursements de certains soins par la Sécurité Sociale sans baisser les cotisations (ce qu’il ne se gêne d’ailleurs pas pour faire...).
Bref, il s'agit une fois encore d'une demi-mesure dérisoire qui sera sans doute inefficace sur le mal dont souffre le pays, mais qui risque de coûter cher en crédibilité pour le Pouvoir…
Comme pour corroborer ce sentiment, un tout récent sondage révèle que la popularité du Président de la République vient de chuter de 10 points en un mois ! Décidément tout change mais rien ne change...

22 juillet 2017

Petit voyage dans le monde des quanta

En achetant l’ouvrage d’Etienne Klein, “Petit voyage dans le monde des quanta” je ne savais de lui que ce que la jaquette du livre en disait. Notamment qu’il avait créé et qu’il dirigeait le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA).
J’ignorais qu’il avait été mis en cause dans une affaire de plagiat par l’Express puis par Mediapart (notamment pour son ouvrage à succès “le pays qu’habitait Albert Einstein”)
C’est en cherchant à me renseigner un peu plus sur lui que j’appris ces accusations, sans doute fondées puisqu’il a été destitué il y a quelques mois par le Président de la République de ses fonctions de président de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie !


Tant pis, je viens de finir son bouquin et ne vais pas me priver de le commenter, en essayant de faire abstraction de cette histoire récente.
Ce petit traité n’apporte pas de révélations fracassantes sur l’univers étrange des particules, mais on peut y trouver quelques éléments de réflexion fort stimulants. La plupart des thèmes se rapportant au sujet y étant évoqués, l’ouvrage peut être enrichissant pour le béotien qui cherche à se faire expliquer les choses complexes avec des mots simples.


Tout commence évidemment avec l’expérience fascinante mais quelque peu ressassée, des fentes de Young, laquelle introduit d’emblée aux mystères de la physique quantique, en montrant que les particules élémentaires obéissent à une double nature, corpusculaire et ondulatoire, “à la fois indissociables et exclusives l’une de l’autre.”
De cette indécidabilité découle naturellement la question de l’indéterminisme apparent de certains phénomènes naturels, à l’échelon microscopique. C’est là qu’entrent en scène la fameuse constante de Planck  et le non moins célèbre principe d’incertitude de Heisenberg. La première définit le plus petit “paquet” d’action entre deux états, appelée précisément quantum. Le second stipule qu’il est impossible de mesurer précisément et simultanément deux propriétés intrinsèques des particules telles que leur position et leur quantité de mouvement (en d’autres termes, leur vitesse), les deux étant irrémédiablement liées par une incertitude fondée précisément sur la constante de Planck…


On peut porter au crédit d’Etienne Klein, une belle digression sur ce qui apparaît le plus troublant dans la mécanique quantique, à savoir l'indéterminisme. A ce sujet, il décortique brillament la querelle de fond qui opposa Einstein à Bohr.
Albert Einstein, pourtant père de la notion de relativité, n’admit jamais qu’une partie de la physique soit régie par les règles hasardeuses de la mécanique quantique. “Dieu ne joue pas aux dés” avait-il l’habitude de répéter… Sans remettre en cause les constats ni même les prédictions de la mécanique quantique, il tenta de démontrer en 1935 avec deux collègues (Boris Podolsky et Nathan Rosen) son incomplétude, c’est à dire son incapacité à décrire complètement la réalité. Il proposa en l’occurrence une expérience de pensée basée sur un corpus de règles connues sous l’acronyme EPR, faisant allusion aux trois signataires d’un article retentissant. La démonstration entend prouver que la théorie n’empêche pas la contradiction de survenir entre trois postulats suivants :
  • Les prédictions de la mécanique quantiques sont justes,
  • Rien ne peut se propager plus vite que la lumière (autrement dit deux objets très éloignés ne peuvent s’influencer simultanément)
  • le fait de pouvoir prédire avec certitude la valeur d’une quantité physique implique qu’il existe un élément de réalité physique correspondant à cette quantité physique.


Mais, ironie du sort, croyant démontrer les lacunes d’une théorie, Einstein n’a fait qu’en souligner les aspects paradoxaux, s’agissant notamment du principe de localité (il s’avère impossible de décrire l’intrication au moyen de la physique classique), et celui de causalité (impossibilité de déduire des résultats d’une expérience l’état d’un système avant les mesures).
Les auteurs de l’article EPR supposaient l’existence de “variables cachées”, dont la méconnaissance interdirait de décrire complètement les phénomènes et obligerait à conclure que certains seraient indéterminés.
Bohr ne partageait pas cet avis, mais ne parvint à être plus convaincant qu’Einstein. C’est le physicien John Bell, avec son fameux théorème sur les inégalités, qui démontra qu’il était impossible de ne pas violer les postulats EPR, dans une conception déterministe à variables cachées !
La confirmation expérimentale vint plus récemment, grâce au physicien français Alain Aspect, qui prouva que deux particules intriquées violent systématiquement le principe de localité (elles se comportent de manière corrélée quelque soit la distance qui les sépare, donc sans que l’une puisse influencer l’autre par la transmission d’informations). Les deux particules, bien que séparées et possiblement très éloignées, ne sont qu’une seule entité indissociable !
La conclusion s’impose sans appel, selon Etienne Klein : il n’y a donc pas de variables cachées, la théorie quantique est complète et, qu’Einstein le veuille ou non, elle intègre une part d’indéterminisme !


Les constats tirés de la mécanique quantique, font surgir d’intéressantes perspectives pratiques que détaille l’auteur.
Par exemple, les développements prometteurs en matière de cryptographie, faisant entrevoir la possibilité de mettre au point des clés inviolables sur le principe de la corrélation des particules. Il est en effet envisageable d’utiliser une règle de codage basée sur l’état d’une particule, conféré immédiatement et intégralement à sa jumelle sans nécessité de transmission et ce, quelle que soit la distance séparant les deux.
Le fantasme de la téléportation si souvent exploité dans les romans de science fiction pourrait trouver un début de concrétisation grâce au même principe d’intrication. Mais Klein montre que s’il est applicable a priori à l'information, il est illusoire d'envisager pouvoir téléporter de la matière. Au surplus, il oblige à envoyer préalablement à l'endroit désiré les substrats exprimant l’information, c'est à dire une partie des particules intriquées, ce qui en réduit l’intérêt, notamment lorsque les distances sont très éloignées.
Des ordinateurs quantiques pourraient également voir le jour, fondés sur le principe de superposition qui s’exprimerait par des bits quantiques, pouvant être dans plusieurs états simultanément. La rapidité de telles machines pourrait en théorie dépasser de loin les calculateurs classiques dont les bits ne peuvent prendre qu’une seule valeur 0 ou 1...
Enfin, le microscope à effet tunnel, est quant à lui déjà une réalité. Fondé sur la probabilité non nulle et fonction de la distance à parcourir, qu’ont les électrons de franchir la fameuse barrière de potentiel, même s’ils n’en ont pas l'énergie suffisante, il permet de cartographier très précisément un paysage microscopique. Le principe est de mouvoir une pointe métallique à quelque nanomètres au dessus de la surface à examiner, et d’en faire varier l’altitude de manière à garder constante “le courant tunnel” des électrons.


L’effet tunnel est une belle illustration de l’étonnant indéterminisme qui règne à l’échelle microscopique et qui paraît entrer en contradiction avec les lois de causes à effets de la physique classique.
En mécanique quantique, tout est possible tant que les choses n’ont pas été actées. La réduction du paquet d’ondes selon l’expression de Werner Heisenberg, exprime le fait que la superposition quantique permettant à une particule d’être dans deux états simultanément, disparaît dès qu’on mesure précisément l’état dans lequel elle se trouve.
La superposition quantique est donc “détruite par l’opération de mesure”. Pourtant, “l’indétermination n’est pas liée à une imperfection du dispositif expérimental, ni à une quelconque restriction de nos appareils de mesure.” Paradoxe bien difficile à admettre et qui exprime en définitive le fait que notre monde, régi par la loi de causalité, repose en fait sur un autre, totalement aléatoire...


Si les démonstrations et les constats faits dans le monde des particules semblent relever de la magie, celle-ci fond comme neige au soleil dès qu'on tente la transposition à l'échelle humaine humaine. La mécanique quantique est en effet atteinte d’une “décohérence” progressive lorsqu’on tente d’en faire l’expérience dans le monde macroscopique. Force est de constater en effet que “Lorsqu’on envoie des boules de pétanque à travers une plaque percée de deux fentes, cela ne donne lieu à aucun phénomène d’interférences...”
Pareillement, la probabilité qu’une bille passe un relief ou bien traverse un mur si la somme de ses énergies cinétique et potentielle est insuffisante, est nulle.
Quant au fameux chat de Schrödinger, personne évidemment ne peut se résoudre à le déclarer moitié-vivant moitié-mort tant que la boîte maléfique dans laquelle il est enfermé n’est pas ouverte…
Cette apparente impossibilité de faire entrer la mécanique quantique dans les schémas logiques du raisonnement fait dire à l’épistémologue Michel Bitbol, cité par Etienne Klein, “que nous sommes tellement impliqués dans le réel que nous ne pourrons jamais expliciter le rapport que nos théories entretiennent avec lui…” 
Ce n’est jamais que l’expression moderne du postulat kantien affirmant qu’il nous est impossible de connaître “la chose en soi...”

19 juillet 2017

Trop d'impôt tue l'impôt

Les annonces quelque peu contradictoires portant sur le programme de réformes gouvernementales commencent à faire sérieusement douter de la solidité des convictions du nouveau pouvoir en place, de ses vraies intentions, et de sa détermination.
S’agissant des contraintes budgétaires auxquelles le pays est plus que jamais soumis en raison de l'incurie des précédents gouvernements, il est permis de se demander si les économies annoncées seront en mesure de compenser les nouvelles dépenses.

En matière d’impôts et de taxes, les choses sont encore plus difficiles à démêler.

M. Philippe, premier ministre, voudrait nous convaincre qu’il souhaite une baisse significative pour provoquer “un effet de souffle fiscal”, propice au redémarrage économique, mais hélas chat échaudé craint l’eau froide.


Les deux mesures emblématiques du programme d’Emmanuel Macron, après avoir été ajournées, ont été réintroduites dans l’actualité brûlante. Mais s’agit-il d’une vraie baisse de la pression fiscale, on peut en douter.

L’exonération de la taxe d’habitation devrait paraît-il concerner 80% des foyers. Mais pour ne pas effrayer les “collectivités locales” en général assez prodigues avec les deniers publics, elle devrait être compensée “à l’euro près” par l’Etat. Le résultat immédiat sera donc d’accroître la centralisation bureaucratique et son corollaire désastreux, la déresponsabilisation. Quant à la baisse d’impôts, sera-t-elle autre chose qu'un trompe l’oeil, s’il ne s’agit que d’un jeu de vases communicants ?

Tout porte à penser qu’on assistera en définitive à un simple transfert de charge entre contribuables, les uns ne payant plus rien, et les autres se retrouvant encore un peu plus pressurés.

Dans un pays où 60% des ménages sont épargnés par l’impôt sur le revenu et où dans certaines communes 50% des foyers sont déjà exonérés de la taxe d’habitation, la réforme annoncée risque de dénaturer un peu plus le principe de l’universalité de l'impôt, en réduisant le nombre de citoyens assujettis, au lieu de tendre vers une contribution au bien public de chacun, à hauteur de ses moyens.

On pourrait s'interroger sur l'utilité et la nécessité d'une exonération catégorielle que personne ne demandait vraiment, alors que c'était une baisse générale des prélèvements qui était attendue.
On pourrait ironiser sur la délégitimation par les Pouvoirs Publics de la frange de population exemptée, considérée
de facto comme incapable d’assumer une partie de ses devoirs citoyens.
Mais le plus grave, comme bien souvent avec les lois empreintes de justice sociale, est qu’elle va instituer un acquis, particulièrement difficile à remettre en cause lorsque la conjoncture l’exige. Comment justifier le retour éventuel d’un impôt à des gens qui en ont été libérés ? Comment les empêcher de trouver en revanche tout naturel et d’autant plus logique qu’ils sont majoritaires, d’augmenter celui des autres, désignés comme “les riches” ?

C’est avec ce genre de politique bien intentionnée qu’on plombe progressivement et structurellement le budget de l’Etat. L’endettement massif du pays démontre qu’il est malade de ces pratiques, mais il continue de s’y enfoncer irrémédiablement...


La transformation de l’impôt dit de solidarité sur la fortune (ISF) en un impôt sur la fortune immobilière (IFI) constitue un autre exemple de cette perversité fiscale dont notre pays s’est fait le champion et dont le nouveau président de la république ne semble hélas pas guéri.

On sait l’ineptie de l’ISF, qui rapporte à l’Etat à peine plus que ce qu’il coûte à collecter, et dont la quasi totalité des pays démocratiques qui l’avaient adopté se sont débarrassés, à l’exception de la France et de l’Espagne.

Il s’agit d’un pur symbole inspiré par l’esprit de revanche, qui consiste à punir les riches en les faisant dégorger leur argent "pour le principe".

En limitant son assiette aux seuls biens immobiliers, M. Macron fait peut-être pire que s'il ne faisait rien. Il y a peu de chances avec ce genre de demi-mesures, qu’il rétablisse la confiance susceptible de faire revenir les exilés fiscaux. A contrario, il va désespérer un peu plus les familles dont l’essentiel de la fortune réside dans un patrimoine immobilier parfois chèrement acquis à l'issue d'une succession (et qui ne sera évidemment pas exonéré de la taxe d'habitation...). De toute manière, aux yeux de la Gauche,
il va donner l'impression de privilégier une fois encore les plus favorisés en leur faisant un beau cadeau. Pourtant, s'agissant de sa volonté affichée de les pousser à boursicoter ou à spéculer sur les entreprises, on pourrait rire, ne serait-ce qu’en lisant le récent rapport de la Cour des Comptes qui épingle sans ménagement la fameuse taxe sur les transactions financières (TTF), dite aussi “taxe Tobin”, que la France a cru bon de promulguer en 2012, de manière unilatérale en Europe.
La Cour souligne que cette taxe a « seulement déplacé dans d’autres pays » les opérations qu’elle visait, et elle déplore que les prestataires financiers, qui devaient supporter cette taxe, l’aient en réalité répercutée « dans les frais qu’ils facturent à leurs clients ».

Sourd à ces avertissements, M. Macron en rajoute même une couche en affirmant haut et fort « qu'il s’est engagé à soutenir l’instauration d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen ! »

On peut apprécier à cette occasion la cohérence de sa stratégie, qu’il qualifie en toute modestie de révolutionnaire...


Un autre revers cinglant auquel l’Etat français a dû faire face tout récemment, est la non moins fameuse taxe Google. Pour avoir tenté d’infliger une imposition exorbitante (plus d’un milliard d’euros) à l’entreprise américaine, qui a le malheur de faire travailler des employés sur le sol français, le gouvernement s’est vu opposer par le Tribunal Administratif une fin de non recevoir.

Résultat, pour avoir eu les yeux plus gros que le ventre et par excès de voracité, le fisc se retrouve gros jean comme devant, alors que d’autres pays moins gourmands (l’Italie par exemple) étaient parvenus à leurs fins…

Moralité, plus vraie que jamais: trop d’impôt tue l’impôt !


Cela n’empêchera pas malheureusement l’Etat de continuer à déployer des trésors d’imagination pour engranger toujours plus de recettes fiscales. On l’attend avec l'augmentation de la CSG, la taxe carbone, les taxes sur le tabac, et “l’harmonisation fiscale” du diesel face à l’essence (qui va consister à augmenter l'une sans toucher à l'autre, alors qu'il eût été si simple de faire exactement l'inverse...)

30 juin 2017

Inacceptable !

Quelle est poignante, la vertueuse indignation du Premier Ministre Edouard Philippe, au moment où il feint de découvrir l'abominable trou dans les finances publiques laissé par l'Administration Hollande !
Surtout qu'elle fait écho à l'audit opportun et implacable de la Cour des Comptes, qualifiant le budget prévisionnel établi par le précédent gouvernement "d'insincère".

Il n'est pas question ici naturellement de défendre la gestion calamiteuse du gouvernement socialiste, mais force est de constater que c'est bien une fois encore la comédie du Pouvoir à laquelle on assiste impuissant.
Personne n'est vraiment dupe évidemment tant on est habitués à ces simagrées.
Et chacun pressent trop bien que ces annonces mélodramatiques préludent surtout à l'évanouissement des belles promesses de campagne...
Décidément, le Nouveau Monde a du mal a se mettre En Marche !

Que représentent en effet huit milliards d'euros d'endettement, qui s'ajoutent aux plus de 2000 constituant l'ardoise de la France auprès de ses créanciers ? "Une paille" dirait Mélenchon pour qui de toute manière une dette s'efface d'un trait de plume.

Une chose est sûre, les électeurs sont comme de coutume, les dindons de la farce.
Qui peut croire qu'Emmanuel Macron, secrétaire adjoint du cabinet du Président de la République de 2012 à 2014, puis ministre de l'économie jusqu'en août 2016, fut ignorant des dérives budgétaires de l'ère Hollande ?
Dès lors, qui peut être impressionné par cette sinistre mascarade qui consiste à se défausser sur les autres, et à porter sur eux, un doigt accusateur ? Et pour quelles conséquences ?
Car si "le moment est grave", comme le clame l'actuel ministre du budget M. Darmanin, ne faudrait-il pas entamer des poursuites à l'encontre des aigrefins qui ont abusé le peuple, plutôt que de faire porter à ce dernier le chapeau, comme tout le laisse craindre ?
Gel du point d'indice des fonctionnaires, report de la réforme devant instituer le prélèvement de l'impôt à la source, probable ajournement de celles concernant la taxe d'habitation, l'ISF, ou l'allègement des charges pesant sur les entreprises... Le retour de bâton ne tarde pas à venir après l'euphorie de la victoire.
Qui peut imaginer désormais que l'ambitieux programme d'économies qui se profile, se fera sans augmentation d'impôt, comme le gouvernement l'affirme (sans pour autant remettre en cause l'augmentation de la CSG, ni celle portant sur le diesel...) ?
Diable, que sommes nous allés faire dans cette galère...

25 juin 2017

Macron, Acte III

Et bien c’est fait. Les légions “En Marche”, aux pieds légers et aux mains immaculées ont investi l’Assemblée Nationale !
On pourrait à l’occasion de cette razzia à l’allure de révolution molle, évoquer l’adage qui veut qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Tout semble aller tellement de soi qu'on devient fataliste, voire indifférent. Dans la chaleur de ce mois de juin, on croirait voir une marée languide monter en douceur et sans effort sur une plage offerte. Aucun obstacle, aucune digue à ce flux prévisible, mais  sans nom, ni étendard. Il n’y eut pas de combat, et à peine plus de controverse.

C’est un constat battu et rebattu, les partis traditionnels sont en pleine débandade. Plus aucun n’est en mesure à ce jour de mobiliser les électeurs. A l'occasion de ces élections législatives, ces derniers sont d’ailleurs restés chez eux pour le plus grand nombre, où bien ils ont renoncé à exprimer leur vote.
Avec le passage à l’Elysée du lénifiant et inconsistant Hollande, et la direction peu inspirée du hiérarque empesé Cambadelis, les Socialistes, qui l’ont bien cherché, sont ratiboisés. Exit Benoit Hamon, le frondeur, piteux candidat à la présidentielle, qui ne parvient même pas à passer le premier tour de l’élection législative ! Exit cette nomenklatura de l’ancien régime, balayée sans ménagement.
Les Républicains, dont l’emprise a rétréci comme peau de chagrin, auraient pu avec leurs alliés de l’UDI incarner un semblant d’opposition aux troupes en carton de Macron. Mais quoique défaits, ils ne pensent qu’à se diviser, histoire d'émietter un peu plus leur force de frappe. C’est devenu une armée mexicaine pleine de généraux, mais qui erre sans direction, sans programme et sans conviction. Les uns jouent les rebelles, par principe; les autres se veulent "constructifs" par opportunisme...
Résultat, le pouvoir est livré sans partage pour cinq ans à des candides dont la feuille de route est quasi vierge. Ils débarquent au Palais Bourbon comme une masse d’élèves déboussolés lors d’une rentrée scolaire. A l’autre bout, on voit s’agiter l’histrion Mélenchon, entouré de cancres hilares, auto-proclamés Insoumis. Ils font leur entrée théâtrale, le poing levé et l’esprit de revanche dégouline de leurs bouches tordues par les rictus de haine.

Dans ce brouhaha informe, le Président de la République, en dépit de son aura, rate complètement ses débuts. La nouvelle génération morale avec laquelle il entendait construire son action, s’effondre d’entrée de jeu comme un château de cartes. Un mois après avoir été nommés, quatre ministres, et pas des moindres, se retrouvent au tapis, pour de sordides affaires d’enrichissement douteux, de détournement de financement public ou d’emplois fictifs. Et ce n'est peut-être pas fini !

La “loi de moralisation de la vie publique” que nous promettait l’ineffable François Bayrou est rebaptisée à la hâte. Elle est devenue “loi pour la confiance dans notre vie démocratique”, mais ce n’est pas lui de toute manière qui la portera. On peut évidemment se réjouir de voir partir si vite en capilotade cette comédie montée par le président du Modem. C’était si mal joué qu’on ne pouvait y croire un instant
 
Mais on peut aussi s’interroger sur l’avenir : cet échec prélude-t-il à d’autres désillusions ? Une politique de reconstruction peut-elle être bâtie comme Venise sur des fondements sans consistance ?
Il va bien falloir un jour que le Président de la République précise la nature de la politique qu'il entend mener. Est-elle d'inspiration libérale ? Ou plutôt sociale ? De gauche ? de droite ? ou du centre ? De tout un peu et de rien beaucoup ? Le pied sur le frein ou l'accélérateur ou les deux à la fois ?
On ne sort paraît-il de l’ambiguïté qu'à son détriment, mais les atermoiements tuent à petit feu... Le nouveau gouvernement est au pied du mur. Il va falloir qu’il entreprenne quelque chose, mais quoi ? Que peut-on faire avec un programme bourré d’oxymores, de flatulences bien intentionnées, et de vides pusillanimes ?
Derrière les hausses d’impôts qui se profilent déjà et les trains de demi-mesures qu’on entrevoit au détour des belles paroles, y a-t-il encore de la place pour l’ambition, le courage et la volonté ? ça reste à voir...

24 juin 2017

Halte vénitienne

De retour de Venise, avant toute chose, c’est le bruit de la circulation automobile qui vous ramène aux dures réalités… Le rêve est bien fini.

Le long des canaux charriant les eaux lourdes d’une Italie hors d’âge, on oublie vite les horribles nuisances de notre univers contemporain. Les turbulents remous des vaporetti qui sillonnent sans cesse à toute allure ces boulevards liquides, la rumeur sourde de la foule qui se presse un peu partout ne parviennent à troubler le charme vénérable et fantasque de cette ville qui ne ressemble à aucune autre.

On dit qu’elle s’enfonce inéluctablement dans la lagune, cette laque tragique qui semble déjà se nourrir des reflets des voûtes marmoréennes des palais antiques, de leurs façades aux couleurs de fruits rouges, de terre et de sang.
Qui sait si les travaux gigantesques entrepris ou prévus pourront préserver ce trésor suspendu entre ciel et mer des lents ravages du temps. Venise est de toute manière une sorte de mirage; l’expression même de la vanité humaine. Paul Morand écrivait, en se comparant en toute modestie à la Sérénissime, qu’elle “résume dans son espace contraint, ma durée sur terre, située elle aussi au milieu du vide, entre les eaux foetales et celles du Styx”...
Plus loin, évoquant le fait qu'elle fut édifiée en dépit du bon sens : “elle a pris le parti des poètes, elle a bâti sur l’eau” (Venises, Gallimard 1971).
Par un paradoxe étonnant, elle a duré plus que maintes citadelles; elle a même très peu changé au fil des siècles. Devenue un musée à ciel ouvert, la cité lacustre a sans doute perdu de son faste et de son lustre. N’empêche, la fascination qu’elle exerce reste forte tant ses pierres savent faire naître l’émotion d’un passé majestueux.

Il y a bien sûr l’incroyable profusion architecturale que ses hauts lieux vous jette aux yeux, où qu'ils regardent. Il y a cette basilique San Marco, ouvragée jusqu’à la folie, avec sa fabuleuse dentelle d’inspiration byzantine qui rappelle la puissance évanouie d’une religion, devenue l’ombre d’elle-même après avoir incarné le génie triomphant du christianisme. 
On compte paraît-il plus de 120 églises dans Venise, et leur style éclatant donne une idée de la puissance passée de la foi. Sur la façade de la basilique on trouve en hommage à l’apôtre évangéliste, les chevaux du fameux quadrige, que les Croisés ramenèrent de Constantinople. Volés par Bonaparte qui les plaça sur l’arc de triomphe du Carrousel, ils retrouvèrent en définitive la cité des doges lors de la déconfiture de l’Empire en 1815. Il y a également ce lion ailé, qui fut la représentation souveraine de l’apôtre avant de devenir celle de la ville.

Derrière toute la magnificence de ce spectacle éblouissant, aux pieds duquel grouillent les touristes, Venise recèle nombre d’endroits charmants qui en font un hâvre de paix et de méditation.
Il y a ces innombrables fondamenta courant le long des canaux qu’une multitude de ponts enjambent gracieusement.

Dès qu’on s’éloigne des endroits les plus fréquentés, on y trouve aisément le calme, juste troublé par le bourdonnement grave de quelque vaporetto et les apostrophes des gondoliers qui se croisent.
Ici ou là des lauriers roses font jaillir gaiement leurs efflorescences, des brassées de pétunias dégoulinent des balcons et des fenêtres, et des jasmins parfumés montent à l’assaut des murs ou bien forment des haies enivrantes comme celle qui borde le parc où siège la Biennale di Venezia...

Il y a cette belle allée maritime qui court vers la pointe de la Douane et fait face à l'île de Giudecca. On y voit l’élégante église du Redentore, qui fut construite à la fin du XVIè siècle pour célébrer la fin de l’épidémie de peste qui avait décimé près d’un tiers de la population. Sur la petite île éponyme, la basilique San Georgio Maggiore dessinée comme la précédente par le crayon céleste de Palladio, ferme la perspective avec la grâce du style Renaissance imprégné de classicisme antique qui constitue la marque de fabrique de cet architecte.

Ainsi, au fil des heures qui passent, le jour doucement décline et Venise s’assoupit dans une indicible et coruscante nostalgie. Il faut hélas s’arracher à cette cité unique en son genre, dont les richesses paraissent si fragiles, quand on pense aux millions de piliers de bois millénaires sur laquelle elle repose, enfoncés dans la lagune au prix de la sueur et des larmes. Est-elle le symbole d’une énergie indomptable, toujours en quête de nouveaux défis, ou bien celui d’un monde qui s’éteint dans les délices d’un matérialisme nihiliste ?
Profitons encore un peu de l’instant magique, immortalisé par Musset :

Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge,
Pas un pêcheur dans l'eau,
Pas un falot.

Seul, assis à la Grève,
Le grand lion soulève,
Sur l'horizon serein,
Son pied d'airain.

Autour de lui, par groupes,
Navires et chaloupes,
Pareils à des hérons,
Couchés en rond,

Dorment sur l'eau qui fume,
Et croisent dans la brume,
En légers tourbillons,
Leurs pavillons...

10 juin 2017

The Ugly Duckling

Donald Trump est devenu le bouc émissaire de tout ce que notre pays et plus généralement l’Europe, voire le Monde, comptent de progressistes à la petite semaine. Ces gens sont prompts à s’enflammer en paroles pour défendre toutes les causes que Don Quichotte aurait sans doute fait siennes s’il avait été notre contemporain. Ils ont un coeur d’artichaut qui dégouline de bons sentiments et de belles intentions pourvu qu’elles n’impliquent pas leur petit confort personnel.

L’écologie est un de ces combats dans lequel ils expriment avec jubilation toute leur bravoure à deux balles, et qui leur permet de jeter des anathèmes aux contrevenants à l’idéologie consensuelle. Et nombre de Scientifiques, reproduisant hélas les vieux réflexes grégaires des anciens diafoirus, délaissent toute objectivité et humilité pour militer en masse au nom de principes.
Le bon vieux Socrate qui  avouait avec une tragique lucidité sa propre ignorance et le vénérable Kant, si attaché à la lumière de la raison et de l'esprit critique, doivent se retourner dans leurs tombes devant tant de forfanterie.


Quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, Donald Trump fait l’objet de quolibets, d’insultes et d’un mépris tenace de la part de ces ligues de vertu. Hormis le charisme, la truculence et les outrances du personnage, on serait tenté de l’appeler le vilain petit canard…

Passons sur cette grotesque histoire de connivence avec la Russie, à laquelle s’accrochent avec opiniâtreté les médias et le patron déchu du FBI, pour tenter de discréditer le nouveau président et d'installer dans les esprits l’idée qu’une procédure d’impeachment serait imminente à son encontre.


Elle n’est pas grand chose en somme face à cette somme de bêtise et d’hypocrisie qui entoura l’épisode du retrait de Washington des accords de Paris sur le climat.

Il faut être bien niais pour imaginer que ce pacte conclu à plus de 190 pays, sous l'égide de l'ineffable Laurent Fabius, soit autre chose qu’un pis-aller en forme de voeux pieux, un ersatz édulcoré d’accord sur un sujet qui lui-même ne vaut pas tripette.


Sur le point d’être balayés par la colonisation romaine, nos ancêtres les Gaulois craignaient dit-on que le ciel leur tombe sur la tête. Les Byzantins se querellaient sur le sexe des anges tandis que les Turcs s'apprêtaient à faire main basse sur Constantinople.

De nos jours, les villes un peu partout sont quotidiennement ensanglantées par des barbares dopés à l’islamisme, le Proche Orient est à feu et à sang, le Socialisme continue d’opprimer des millions de gens, et nous nous interrogeons gravement sur les méfaits supposés d’un hypothétique réchauffement climatique, causé paraît-il par notre mode de vie destructeur de la nature, mais auquel nous ne voulons déroger en rien. C’est toujours la faute des autres, et ces nantis d’Américains ont bon dos pour qu’on tape dessus.


L'anti-américanisme bourgeois calamistré trouve là une magnifique occasion d’aiguiser sa rhétorique versatile.

Il est navrant de voir notre sémillant président Emmanuel Macron prendre une posture néo-gaullienne pour emboucher la trompette de cette piteuse campagne.

Il fallait l’entendre débiter d’un ton docte et solennel, ce petit chef d’oeuvre de cuistrerie, mêlant le dithyrambe à la “très grande nation américaine” et les croche-pieds à son homologue qu'il s'amuse à narguer de manière infantile.
A croire M. Macron, “L'heure est grave”, le combat météorologique est “un des grands défis de notre temps qui s'impose avec une grande évidence à tous”.

Dans l’ivresse guerrière, les contre-vérités, les clichés et les slogans fusent comme des obus. 
Selon "le Marcheur" en chef qui aligna les truismes comme s’il s’agissait de certitudes révélées, “le réchauffement climatique affame, dévaste certaines régions, chasse les habitants de leur patrie, et annonce si nous ne faisons rien, un monde de migrations, de guerres, de pénuries de disparition d'archipels et de villes côtières”.

Comme si le douloureux problème des migrants relevait du climat, comme si les aléas de ce dernier pouvaient occulter la négligence des pouvoirs publics dans la prévention des risques élémentaires liés à la construction d’habitations “les pieds dans l’eau”. Et comme si l’on pouvait faire abstraction de la responsabilité des épouvantables dictatures dans la survenue de disettes qui ravagent tant de pays sous-développés !


Jean-François Revel reste décidément très actuel qui déplorait dans son ouvrage la Connaissance Inutile, l’inanité des connaissances et des preuves accumulées, lorsque personne ne veut les voir et que tout le monde regarde le doigt du sage plutôt que l’astre qu’il désigne (ce qui ne signifie pas pour autant que M. Trump soit ce sage)...

31 mai 2017

Baby Doll Art

Les frasques clinquantes de ce qu'il est convenu d'appeler l'art contemporain envahissent notre univers quotidien, qu'on le veuille ou non.
Ainsi les New-Yorkais ont pu contempler durant un mois la "ballerine assise" de Jeff Koons.
Cette gigantesque boursouflure en matière plastique de quinze mètres de haut a en effet pris possession du Rockfeller Center, affichant avec un indicible mauvais goût l'incroyable prétention de ceux qui font pleuvoir les dollars sur le marché florissant de l'art.
Il est vrai que cette sculpture éphémère est moins obscène que d'autres qui défrayèrent la chronique ("Tree", en forme de plug anal, de Paul McCarthy, érigé place Vendôme en 2014, ou bien le fameux "Dirty Corner" d'Anish Kapoor, élégamment rebaptisé "vagin de la reine", qui défigura les jardins du palais de Versailles).
Elle ne révèle pas moins l'impasse dans laquelle s'est enferrée la création artistique.

Pour acquérir ces trésors factices, les gogos argentés se pressent, et n'hésitent pas à débourser les fortunes qu'une spéculation insensée fait monter vers des sommets vertigineux. Il y a 4 ans à peine, le "chef-d'oeuvre" débile de Jeff Koons intitulé Balloon Dog fut adjugé pour 58 millions de dollars.
Il y a quelques jours ce fut un horrible griffonnage du peintre Jean-Michel Basquiat représentant un "masque grimaçant sur fond bleu" qui dépassa les 110 millions de dollars.


Au début du mois de mai, c'était Damien Hirst qui faisait son show en ouverture de la Biennale de Venise, avec la complicité du mécène François Pinault. Sur plus de 5000m2, il expose un fatras de sculptures hétéroclites, qui lui coûtèrent paraît-il près de 60 millions d'euros à fabriquer et dont il espère un profit bien plus important à la vente...
Combien de temps durera cette folie boursière sur des valeurs fondées sur le néant, la copie ou la répétition ?
Pourquoi  un tel déferlement de vanité, de naïveté, de cupidité qui fait injure à l'Art et qui pourrait faire penser à une véritable déchéance du sens artistique et de la culture ?
"Deux choses sont infinies", disait Einstein, "l'univers et la bêtise humaine. Mais pour le premier, je n'ai pas de certitude..."

19 mai 2017

Macron : Acte II

Sous une noria crépitante de flashes et de caméras, devant des forêts de micros affamés de scoops, dans un concert ronflant d'analyses et de commentaires lénifiants voire insipides, s'installe le nouveau Pouvoir, désigné en quelque sorte par le peuple, au terme d'un scrutin présidentiel des plus étranges.

Après l'intronisation « sans faute » mais un tantinet pompeuse du nouveau président, vient la nomination d'un premier ministre et de son gouvernement.
Quelques atermoiements en coulisse ont retardé l'évènement. Un délai causé officiellement par la patiente dissection des parcours, la décortication intransigeante du passé fiscal, judiciaire, moral des impétrants putatifs.
Mais enfin, ça y est ! Voici réunis les hommes et les femmes qui vont gouverner le pays, répartis selon une stricte parité sexuelle, et tout auréolés de leur quasi sainteté.
Ils sont censés, selon un dosage subtil, représenter toutes les composantes de la société et tous les horizons politiques ou presque.

Pour quoi faire, c'est désormais la question qui vient sur toutes les lèvres.
Il y a beaucoup de vœux pieux, et beaucoup de contradictions dans le programme bien intentionné qui fut porté par le candidat Emmanuel Macron. Il y a beaucoup d'oppositions entre les différentes tendances qu'incarnent toutes ces personnes, et la Presse cruelle a beau jeu de mettre à jour des incohérences au sein même des individus, dans leurs convictions affichées en fonction du temps...

Surtout, il y a l'échéance des élections législatives qui attend tous ces intrépides révolutionnaires en marche. Qu'en sortira-t-il ?
Certains prophétisent une majorité pour le Président.
L'effondrement des partis classiques auquel on assiste rend cette hypothèse probable, mais de quelle majorité s'agira-t-il ? Est-il possible de construire si vite sur des décombres fumants, quelque chose de solide ? Est-il possible d'engager des actions fortes et déterminées avec une équipe formée à la hâte, en piochant de ci de là des personnes caractérisées avant tout par leur sens de l'opportunité, la malléabilité ou l'indécision de leurs convictions, et qui furent parfois rejetées en leur nom propre clairement par les électeurs ?
Ce sont là toutes les questions qui se posent. Pour l'heure, 45% des Français seulement font confiance au président élu. L'état de grâce n'aura donc pas lieu. Mais rien n'interdit une éclaircie à venir, qu'il ne reste donc plus qu'à attendre et à espérer.
Le 18 juin inscrira le début d'un nouveau chapitre à cette aventure rocambolesque...

17 mai 2017

Kant parmi nous

Belle initiative de la part du magazine Le Point, que celle de consacrer un numéro hors série au philosophe allemand Immanuel Kant (1724-1804).

Le caractère rebutant et austère de ses ouvrages, dont le fameux pavé de quelques 600 pages de la Critique de la Raison Pure, empêche très probablement nombre de gens d’accéder à cette pensée dont la profondeur et la modernité ont été vantées par tant d’exégètes. Toute nouvelle approche de ce monument est donc bienvenue.
L’opuscule tient-il son objectif, cela reste à voir....


Oui sans doute pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur sa vie, son époque, son entourage, ses sources d’inspiration, ses disciples et sa postérité. L’opuscule se présente en effet de manière attrayante, richement illustrée, et fourmille d’anecdotes et d’encarts didactiques ou documentaires.
Lorsqu’il s’agit des aspects biographiques on reste un peu sur sa faim, tant la vie de l’homme paraît pauvre en péripéties, voyages, et autres aventures amoureuses, l’essentiel étant consacré à la réflexion.

S’agissant des parentés intellectuelles, on n’est pas beaucoup plus avancé. On savait que Kant puisa une partie de son inspiration chez Hume ou chez Rousseau, et s’agissant de la postérité, elle est évoquée plutôt nébuleuse ou trop générale, notamment des liens avec Hegel, Schopenhauer, Nietzsche, Heidegger, Deleuze, Lacan…


Quant à l’oeuvre elle-même c’est une autre aventure, car il s’agit d’une jungle difficilement pénétrable. Le risque était donc grand de rester à la lisière ou de ne pas parvenir à en retirer grand chose de nouveau par rapport aux innombrables exégèses existantes. Résultat, pas de révélations fracassantes mais tout de même quelques perles représentatives du trésor spirituel dont elles sont extraites.


La classique révolution néo-copernicienne qu’on attribue à Kant dans le champ philosophique est définie en quelques mots par Catherine Golliau : “l’homme n’est plus soumis à un ordre donné mais il utilise sa propre raison pour ordonner le monde.” Il s’ensuit qu’il ne tient qu’à lui “de définir ses propres règles par la force de sa volonté.” Autrement dit, l’homme est un être libre mais qui doit savoir se contrôler et s’auto-limiter, [pour être] l’acteur de sa vie en somme…”


Suit une analyse intéressante de Michaël Foessel selon laquelle Kant “libère la morale de la religion”. Il serait excessif d’y voir l’expression de l’athéisme, dont il n’était en rien le prosélyte, mais le souci de ne pas mélanger la foi et le rationnel, et de distinguer métaphysique et raisonnement scientifique. Point n’est besoin en effet, si l’on suit la théorie du sage de Königsberg, de poser l’existence de Dieu pour ressentir l’importance de la morale, aussi évidente pour lui que la voûte étoilée au dessus de nos têtes. Voilà expliqué le fameux impératif catégorique et qui débouche non sans une apparence de paradoxe, sur une vraie philosophie du libre arbitre.

Jean-Michel Muglioni précise en effet que “l’homme kantien se définit avant tout par la liberté” : il est son seul maître et par voie de conséquence, sa responsabilité est totale. “Telle est sa grandeur et sa dignité.../… la moralité réside dans un acte de la volonté qui ne doit rien à la sensibilité ou aux inclinations naturelles mais seulement à la raison.”

Loin de nier l’existence de Dieu, Kant ne fait en définitive que se garder de tout mélange entre le réel et l’hypothétique, entre la raison qui s’appuie sur le premier et l’espérance qui est permise par le second : “Nous ne pouvons savoir ce qu’il en est de Dieu et de l’immortalité de l’âme, notre science ne s’élevant pas au dessus de l’expérience. Mais il est permis d’espérer en l’accord de la moralité et du bonheur…”

En toute humilité, la philosophie kantienne peut se résumer en trois interrogations fondamentales : Que puis-je connaître. Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ?


On pourra trouver convaincante également l’interprétation de la morale kantienne donnée par Eric Deschavanne. Notamment lorsqu’il s’attaque au nom de l’impératif catégorique au “droit de mentir… ou pas”, et qu’il montre l’erreur de Péguy moquant l’excès de morale du kantisme en s’écriant “qu’il a les mains pures, mais qu’il n’a pas de mains”. L’article reprend pareillement l’argumentation de Benjamin Constant s’opposant au prétendu extrémisme moral de Kant, en affirmant que “nul homme n’a le droit à la vérité qui nuit à autrui”, et justifiant par la même le droit de recourir dans certaines situations à de pieux mensonges.

Deschavanne montre bien qu’à aucun moment Kant n’a fait preuve de jusqu’au boutisme moral. Au contraire, selon lui, il a pris soin “de restreindre l’interdit du mensonge aux cas où celui-ci ne porte pas atteinte au droit d’autrui.” Cette absence de prohibition du mensonge ne vaut évidemment pas octroi d’un droit à mentir. Elle apporte simplement un peu de pragmatisme à un concept dont l’éblouissante évidence ne doit pas égarer.

On ne peut qu’approuver cette mise au point, car c’est l’ardeur imbécile à suivre “à la lettre” les principes émis par Kant qui poussa Michel Onfray à faire de celui-ci un précurseur de l’idéologie nazie, pervertissant ainsi de manière éhontée le message kantien.


On pourrait regretter toutefois que ne soit pas souligné suffisamment ce qui fait toute l’originalité de l’approche kantienne, qui se veut critique tout à la fois du rationalisme et de l’empirisme. On aurait pu espérer des développements plus consistants sur deux petits ouvrages, d’ailleurs pas les plus ardus et mais si actuels : “Qu’est-ce que le Lumières ?” où il insiste tant sur l’importance de penser par soi-même, ce qui suppose “d’avoir le courage de savoir”, et “Vers la paix perpétuelle” qui véhicule des idées si novatrices au sujet des formes modernes de gouvernement, notamment la défense éclairée du fédéralisme.


Mais ce qui paraît somme toute le plus discutable, c’est l’idée de confier à l’ancien ministre Luc Ferry le mot de la fin. Le titre de son article lui-même, “Le crépuscule d’un génie”, sonne étrangement au terme de cette hagiographie. Rien à voir avec la déroutante analyse clinique que fit Thomas de Quincey de la fin de la vie de Kant, empreinte de la fascination que le mangeur d’opium éprouvait pour le déclin intellectuel de celui qu’il considérait comme une génie.

Tout se passe comme si Ferry cherchait à minimiser la portée du message kantien, en l'assujettissant aux médiocres critères du conformisme intellectuel contemporain. Ainsi l’ancien ministre n’hésite pas reprocher au philosophe son “racisme colonial” qui aurait dénaturé “la belle construction de l’idée républicaine”. Il conteste l’idée kantienne, celles des Lumières, selon laquelle l’homme est un être en perpétuel progrès.

Constatant que certaines civilisations primitives se trouveraient selon lui très satisfaites de vivre “dans l’immobilisme des traditions”, dans “la préservation des coutumes et du passé” et dans “le rejet de l’innovation”, il accuse Kant de considérer ces tribus comme des sous-hommes, plus proches de l’animal que de l’être humain ! Même reproche adressé à Tocqueville et même à son aïeul Jules Ferry.
La seconde critique consiste à confronter la doctrine kantienne aux évolutions sociétales modernes et à conclure qu’elle souffrirait de cette comparaison. C’est la cerise sur le gâteau si l’on peut dire ! 
On serait presque pris de fou rire lorsque très doctement Ferry définit par opposition à Kant et à sa morale intransigeante, un nouvel Humanisme fondé sur “la révolution de l’amour”, affirmant entre autres que “ce n’est pas seulement par devoir, mais bel et bien par amour que le sacré est descendu sur Terre”. Propos lénitif, bien dans l’air du temps, qui pourrait peut-être faire impression s’il était émis d’une chaire papale, mais qui passe complètement à côté du grand dessein kantien !

07 mai 2017

Souffler n'est pas jouer

Et bien c’est donc fait ! le pari est remporté sans suspense ni surprise.


Si le talent de séducteur d’Emmanuel Macron n’est évidemment pas étranger au triomphe romain que le peuple vient de lui accorder, ce succès  en trompe-l'oeil révèle également la maladie profonde dont souffre la démocratie française.

Passons sur le caractère météorique de la carrière du très jeune nouveau Président de la République. Passons sur le caractère nébuleux de son programme, rempli de vides prometteurs et plein de contradictions dans l’inspiration (ni de droite, ni de gauche ou plutôt de droite et de gauche comme il se plaît à le dire…). Passons enfin sur l’aspect très hétéroclite des troupes qui le soutiennent, aux premiers rangs desquelles on voit nombre de politicards rassis, quelques convaincus de la première heure sans doute, mais aussi beaucoup d’opportunistes et de ralliés par pur pragmatisme.

Le plus important pour l’heure est de constater l’effondrement des deux grands partis qui contrôlaient de manière bi-polaire l’essentiel du débat depuis des décennies.

La Gauche socialiste est à l'agonie. Minée par les divisions, décrédibilisée par l'échec du quinquennat Hollande, elle n'a pas su évoluer ni se rénover.
La Droite traditionnelle ne vaut guère mieux. Littéralement éparpillée par cette campagne calamiteuse, elle n’a plus que ses yeux pour pleurer. Sans vrai leader et sans ligne directrice, elle paraît au bout du rouleau. Elle peut faire mine d’imaginer s’imposer lors des prochaines Législatives, mais l’espoir est ténu car le désastre de la Présidentielle risque d'être suivi par une onde de choc qui n’a pas fini de secouer le Landerneau.

En réalité, elle doit sa défaite à l'indigence de son inspiration et à ses erreurs stratégiques, et celles-ci ne datent pas d’hier. Les affaires qui ont terni l’image de François Fillon et la désunion qui s'ensuivit ne sont qu’une petite partie du problème. Les causes de la déroute peuvent être recherchées beaucoup plus loin. Aussi loin sans doute qu’existe le Front National.


Ce parti créé en 1972 n’émergea réellement sur l’échiquier politique qu’au cours des années Mitterrand. On se souvient des efforts que ce dernier déploya pour en doper l’influence tout en veillant de manière machiavélique à le diaboliser.
La stratégie du vieux politicien retors qui avait ourdi ou participé à tant de combines était simple, consistant à plomber la Droite modérée avec un boulet équivalent pour elle à ce qu’avait représenté durant des décennies pour le Parti Socialiste, l’épouvantail du Parti Communiste.


Mitterrand était parvenu à neutraliser ce dernier en l’asphyxiant au sein du Programme Commun de gouvernement.

Mais alors qu’il avait sans scrupule fait alliance avec l’extrême gauche, la Droite elle, se laissa emprisonner dans l’impasse idéologique représentée par le Front National. Elle fit même du zèle pour tenter de démontrer qu’elle n'avait rien à voir avec lui, jusqu’à nier toutes les idées ou propositions qui en émanaient, même si certaines étaient défendables. 

A contrario, dans le but de séduire certains électeurs, les dirigeants de la Droite classique se mirent à d'autres moments à renchérir sur le langage du FN (on se souvient du “bruit et des odeurs” de Chirac, du “kärcher” de Sarkozy.
Mais comme dans le même temps ils maintenaient leur ostracisme, ils ne firent que déboussoler un peu plus les gens. Et incapables de traduire en actions leurs propos provocateurs, ils ne firent que se décrédibiliser un peu plus, comme Sarkozy avec sa “ligne Buisson” et son piteux débat sur l’identité nationale.


Aujourd'hui, nous nous trouvons à la fin d’un cycle. Il est trop tard pour la Droite d'espérer phagocyter le FN, devenu plus gros qu'elle. De l'autre côté, les deux Gauches sont qualifiées "d'irréconciliables". Près de 50% des électeurs votent pour les extrêmes, et en face, nous avons une sorte de magma idéologique raccroché au radeau de la méduse de la social-démocratie. Que peut-il sortir de tout ça ?


Partout, le libéralisme a marqué des points décisifs, même dans les pays scandinaves qui se sont débarrassés peu à peu de la gangue socialiste.
Emmanuel Macron sera-t-il l’héritier de Hollande, laissant dériver un peu plus le paquebot France vers je ne sais quels abîmes ?
Ou bien saura-t-il construire quelque chose de solide, pour faire suite au joli soufflé de son élection, et incarner un vrai renouveau fondé enfin sur l’esprit de liberté et l’ouverture au monde, that is the question...
Il y a un tout petit espoir pour ceux qui sont résignés à l’idée que ce renouveau ne peut venir dans notre pays que de la Gauche...