30 mai 2018

Opposites #2

Si l’on cherche à comparer Philip Roth (1933-2018) à Tom Wolfe (1930-2018), on conclut bien vite que tout les oppose.
Les personnes tout d’abord. L’un est un aristocrate ombrageux, l’autre est un dandy fantasque.
Quant à l’oeuvre proprement dite, c’est le jour et la nuit si l’on peut dire.
On présente souvent Philip Roth comme un auteur provocateur, maniant une plume très acerbe pour décrire la société américaine contemporaine. En réalité Tom Wolfe apparaît bien plus subversif et son regard est infiniment plus corrosif.
Surtout, sa vision est également beaucoup plus riche et contrastée. S’il arrose de vitriol les excès et les travers de toutes sortes dont il est témoin, il est également capable de s’enticher des aventures extraordinaires qui se déroulent sous ses yeux et marquent une époque.

ça commence avec Acid Test, par une sorte de road movie déjanté racontant les péripéties hallucinées des années soixante. Wolfe s’est littéralement immergé dans ce trip fabuleux qui vit l’émergence des mouvements beatnik puis hippie générateurs d’une déferlante culturelle gigantesque. Au moment où l’on commémore en France les gesticulations des trublions de mai 68, on mesure à la lecture de l’enquête menée par Tom Wolfe, leur caractère microscopique par rapport à ce qui se passait alors aux USA.
Tandis que nos pseudo révolutionnaires s’ébrouaient dans un maoïsme de pacotille, pendant qu’ils sirotaient un jus de marxisme lénifiant à la terrasse des cafés germano-pratins en croyant réinventer le monde, tout en se gargarisant avec des slogans ineptes, l’Amérique s’abandonnait avec délice dans l’ivresse de la liberté.
Il y eut certes des outrances, et des chimères, mais de Kerouac à Grateful Dead et Bob Dylan, des Merry Pranksters à Timothy Leary et à Aldous Huxley, quelles belles illuminations, quelle poésie dans le sillage du Jazz et du Blues, au gré de l’extase psychédélique procurée par le LSD.
Tom Wolfe est un des rares écrivains à avoir su capter l’esprit de cette décade prodigieuse dont un autre aspect fut l’épopée des héros de l’aéronautique, aboutissant en 1969 à la conquête de la Lune. The Right Stuff (l'Etoffe des Héros) est une sorte de vibrant hommage à l’esprit de conquête et d’entreprise. Certains planaient en inventant des musiques nouvelles, d’autres s’envolaient dans l’espace à la poursuite de la dernière frontière...

On appela cela le Nouveau Journalisme. Tom lui s’imaginait en Balzac, en Dickens ou en Zola, constatant avec stupéfaction en se frottant de près aux évènements, que la réalité dépassait de loin la fiction.
Il usa de cette technique d’enquête par immersion pour pénétrer les milieux dits intellectuels de l’époque et cela se traduisit par quelques pamphlets décapants, tel l’hilarant “Gauchisme de Park Avenue” dans lequel il décrit avec cruauté la complaisance niaise de la bourgeoisie vis à vis des idéologies à la mode (par exemple, le chef d’Orchestre Leonard Bernstein organisant dans son appartement luxueux une fête en l’honneur des Black Panthers et s’encanaillant jusqu'à lever le poing gauche pour exprimer sa rébellion contre un système dont il était l'enfant chéri). Tom Wolfe appela cela le Radical Chic et cela lui valut d’être étiqueté comme conservateur par l’intelligentsia qui n’aime pas qu’on plaisante avec ses lubies. Quand il déclara benoîtement qu’il avait voté en 2004 pour George W. Bush, il fit proprement scandale, prouvant ainsi que lui était bel et bien dans la subversion, contrairement à tant de soi-disant rebelles à la petite semaine, si tristement conformistes...

Il n’en eut cure et cela ne l’empêcha pas de s’atteler avec succès au genre romanesque en se délestant de pavés bourrés de cocktails explosifs, distribués tous azimuts. D’abord sur le monde doré des yuppies imbus de leur supériorité de classe (Le Bûcher des Vanités), mais également sur l’insigne débauche régnant dans certaines universités (Moi Charlotte Simmons), ou la démystification de l’argent facile et de la réussite pour la réussite (Un homme un vrai)...
Autant les personnages de Roth semblent, froids et distants, murés dans un égocentrisme dédaigneux, autant ceux de Wolfe débordent de passion, d'espérances et de désespoir communicatifs. Ils sont parfois énervants mais ils sont vivants...

Au total, l'impression qui domine est que Tom Wolfe aime l'Amérique. Il la croque à belles dents et son admiration aussi bien que ses critiques sont joyeuses et jouissives. Le style est trivial mais efficace.
Tout porte à croire au contraire que Philip Roth méprise son pays dont il détaille de manière névrotique toutes les tares. Il touille une haine recuite dans le jus aigre de ses remords et turpitudes. C'est bien écrit mais c'est tragique...

Contrairement à Philip Roth, Tom Wolfe resta actif jusqu’à ses dernières années, luttant à sa manière contre les idées reçues. Une de ses dernières contributions prit pour cible la théorie de l’évolution de Darwin, portée aux nues jusqu'à devenir un symbole de la correction politique. Il en pointa les faiblesses, et critiqua sans ménagement certaines dérives, notamment ses applications au langage, par le fumeux Noam Chomsky...

26 mai 2018

Opposites #1

A dix jours d’intervalle, en ce joli mois de mai, deux éminents écrivains américains ont déserté ce monde sublunaire : exit Tom Wolfe et Philip Roth.
Vous aurez remarqué sans doute ami(s) lecteur(s) la différence dans le traitement qui leur fut réservé dans les grands médias français.
Concert de louanges pour Roth, statufié comme “un géant de la littérature américaine” (Le Monde, Hufftington Post). Un peu partout, on encense le grand homme, et on souligne l’injustice des Académies Nobel qui ne daignèrent pas le récompenser. "Avec Philip Roth le Nobel est mort !" titra même le magazine Le Point...
A l’inverse, la mort de Tom Wolfe fut mentionnée comme un fait divers. Il fut notamment qualifié de “journaliste, écrivain à succès et dandy provocateur” par le journal Le Monde, ce qui témoigne du mépris de l’intelligentsia pour le personnage...

Lorsque de telles disparités se manifestent, il est difficile de ne pas évoquer d’éventuelles connotations politiques.

On sait par exemple, comme le rappelle Le Figaro que Roth était “un démocrate façon Roosevelt”, ce qui, pour le mainstream qui fait l’opinion, s’apparente à un certificat de respectabilité.
Tom Wolfe en revanche, était considéré comme un “conservateur” aussi pur crin que la blancheur insolente de ses costumes. Il se dit même qu’il aurait soutenu George W. Bush en 2004. Quelle horreur !

Il n'est besoin de creuser longtemps pour comprendre qu'en réalité, Roth était bien plus qu’un démocrate pondéré. Il était farouchement anti-républicain.
En 2018, par exemple, il était sorti du silence de sa retraite pour régler son compte à Donald Trump qu’il avait traité “d’être inculte, incapable d’exprimer ou de reconnaître une subtilité ou une nuance », ajoutant qu’il utilisait « un vocabulaire de 77 mots. » De la part d’un écrivain attaché à décrire finement les choses on aurait pu attendre davantage de profondeur…
On connaissait depuis longtemps également sa haine pour Nixon qu’il avait caricaturé jusqu’à l’outrance dans son ouvrage “Our Gang”.

On sait qu’il n’appréciait pas davantage Ronald Reagan dont il avait affirmé qu"il avait l'âme d'une grand-mère d'un soap-opera et toute l'intelligence d'un lycéen dans une comédie musicale", (Le Point).
Naturellement George W. Bush ne valait pas mieux à ses yeux, dont il affirma qu’il était " incapable de faire tourner une quincaillerie, sans parler d'un pays comme celui-ci..."
En revanche il prit fait et cause pour Clinton, tout particulièrement lorsque ce dernier fut inquiété à juste titre pour avoir fait du Bureau Ovale le siège de ses orgies extra-conjugales. Il prit également un plaisir non feint à se faire décorer par Barack Obama dont il avait quelque peu ciré les pompes quelque temps auparavant à l'unisson des foules béates des bien-pensants...
Selon François Busnel, l'animateur TV de la Grande Librairie,  Philip Roth n’était pas un écrivain “engagé”. Heureusement…

Au plan littéraire, tout oppose également les deux écrivains dont la vision qu’ils donnèrent de leur pays et de leur société était des plus antinomiques.
S’agissant du talent de Roth, dont je ne peux juger pour ma part que par les traductions, il ne fait guère de doute. Mais s’il savait écrire, ce fut pour dire quoi ?
Les sujets qu’il aborda, et la manière de les traiter révèlent un conformisme épais, parfois graveleux, au service d’une littérature lourde comme du plomb. Depuis les égarements masturbatoires de son héros Portnoy jusqu’aux fantasmes libidineux du vieux professeur David Kepesh, beaucoup de complaisance et de racolage, et bien peu de profondeur sentimentale !

Au plan des idées, Roth est l’incarnation même de la mauvaise conscience de l’Amérique. On pourrait de ce point de vue le considérer comme un épigone du très oublié Théodore Dreiser, chef de file d’une lignée qui compta par la suite des gens comme Norman Mailer ou Russell Banks.
Disons le crûment, le catalogue des oeuvres de Roth donne l’impression qu’il n’eut qu’une idée en tête : démolir l’image trop radieuse d’une Amérique de progrès et de liberté. Il ne vécut en somme que pour remuer la fange avec une délectation morbide. Parfois même il inventa de toutes pièces des événements dont il aurait voulu se faire le contempteur. Il en est ainsi de la fable grotesque dans laquelle il imagine les Etats-Unis livré au délire nazi sous la férule de  l'viateur Charles Lindbergh.
La quasi totalité de l’oeuvre de Roth s’inscrit dans le registre éculé de la pseudo satire moralisatrice de gauche, de ce qu’il est convenu d’appeler le rêve américain. On peut égrener les titres, il en est bien peu qui échappe à ce moule idéologique, notamment parmi les plus connus: j’ai Epousé un Communiste, la Tache, Pastorale américaine, Complot contre l’Amérique...
En définitive le style de Roth, c’est l’alliage de concepts et de truismes à l’emporte-pièce, aussi pesants que dénués d’originalité, avec “l'extraordinaire sophistication des personnages, leur complexité psychologique et le détail apporté à leur comportement dans des situations banales de la vie...” (pour reprendre une expression de Laurent Bouvet dans le Figaro)

22 mai 2018

L'Europe c'est la paix !

A mesure que le temps passe, Donald Trump affirme non sans majesté son autorité et trace avec détermination le sillon qu’il avait prévu durant sa campagne électorale. Contrairement à ce que beaucoup de commentateurs prisonniers de l’instant ne cessent d’ânonner, ce chemin n’a rien d’incohérent, de capricieux ou de démentiel.


Dernier épisode en date, sa décision de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien, qui fait tant glousser dans les chaumières.
Primo, le président américain ne fait là rien d’autre que concrétiser une mesure qu’il avait annoncé clairement durant sa campagne.

Secundo, elle répond à la menace représentée par un pays qui ne respecte quasi rien et sûrement pas les principes démocratiques de base. Il faut être aveugle pour ne pas voir l’empreinte de la république islamique un peu partout autour d’elle, et il faut être bien naïf pour imaginer sérieusement que les programmes nucléaires militaires soient abandonnés. Faut-il donc attendre qu’il soit trop tard pour agir comme en Corée du Nord ?


Face à ces enjeux dramatiques pour tout le proche Orient, on ne peut qu’être stupéfait d’entendre les arguments des hordes anti-trumpistes pour lesquelles, c’est certain, Washington ne s’opposerait à Téhéran que pour contrarier les intérêts européens !

Songez nous dit-on, qu’à cause des nouvelles sanctions que les Etats-Unis vont infliger à l’Iran, Total va devoir peut-être renoncer à un gigantesque contrat au profit des Chinois ! Pour un peu, le géant pétrolier, dont les bénéfices colossaux irritent d’habitude tant les bien pensant gaucho-écolo, deviendrait presque sympathique !


Réunis en sommet extraordinaire le 17 mai pour évoquer le problème insoluble des balkans, les dirigeants européens ont donné à cette occasion un bien piètre spectacle.

Chacun ou presque est monté au créneau pour condamner “avec la plus grande fermeté” l’attitude américaine, et a brandi la menace de mesures de rétorsion ou de contournement. On a même ressorti un vieux traité de 1996 destiné à s’opposer à l’embargo cubain. En dépit de son inefficacité totale (il n’a jamais été mis en oeuvre), on se fait fort de l’appliquer pour pouvoir continuer à commercer avec les Gardiens de la Révolution au nez et à la barbe de l’Oncle Sam.

Décidément, l’argent n’a pas d’odeur, mais son pouvoir d’attraction dépasse largement les grands principes moraux et l’éthique avec laquelle on nous bassine sans discontinuer ! On aurait dit une guilde de boutiquiers défendant ses petits intérêts commerciaux et ses rentes de situation.


Pareillement, lorsque Donald Trump ordonne le transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, ce qu’il avait également annoncé avant d’être élu, et qui ne fait que se conformer à la décision de l’ONU de 1949, c’est le tollé. Tout le petit monde des couards, des poltrons et des pleutres jouent les vierges effarouchées, faisant mine de s’inquiéter de l’irritation qu’une telle décision pourrait provoquer dans le monde arabe. Hormis les légions enragées du Hamas, personne n’a bronché...


La seule question qui vaille est de savoir combien de temps ces petites faiblesses occidentales perdureront, pérennisant par la même cet interminable conflit. Faut-il encore des preuves de l’inefficacité d’une telle politique ?

L’Europe a raté une fois encore une belle occasion de montrer une vraie unité, un vrai dessein, et une perspective un peu plus élevée que celle d’un “syndic de copropriété” attaché à de sordides intérêts matériels. Le moins qu’on puisse dire est que M. Macron, dont je reprends ici à dessein la rhétorique, n’a pas brillé par son audace et son sens du tragique...


Illustration: Daumier, L'europe, c'est la paix !

09 mai 2018

Macron par Macron

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est sans doute ce qu’a pensé Emmanuel Macron en participant activement à l’édification de cette chronique d’une année passée au pouvoir, diffusée hier soir sur France 3.

Il est en effet difficile de nier le caractère quasi hagiographique de ce reportage, réalisé par un proche du président, et diffusé comme au bon vieux temps du gaullisme sur les ondes de la télévision d’État.

Mais plus que les images déjà vues et revues de la geste macronienne, les propos du chef de l’État, ponctuant ces séquences, révèlent davantage sur ses convictions et donnent la mesure de son tempérament. Et le moins qu’on puisse dire est que le style détonne face à l’ineffable médiocrité de son prédécesseur. On pourrait même considérer qu’il y a bien longtemps qu’on n’a pas entendu parler avec autant de liberté et de sincérité en France. Point de langue de bois ici mais un ton débridé pour aborder sur un ton à la fois grave et léger tous les problèmes de notre temps.

S’il ne fallait retenir que deux ou trois choses de ce film ce serait qu’Emmanuel Macron a une vraie ambition européenne, et un esprit pragmatique, ce qui n’exclut pas un sens aigu du tragique et de la solennité.
Sur l’Europe, son discours à la Sorbonne, comme l'a fait remarquer Alain Duhamel, fut à marquer d’une pierre blanche. Il faut en effet un certain courage pour défendre de nos jours l’idée d’une nation européenne, plus démocratique, plus souveraine et plus ambitieuse. Certes il y a des concessions un peu niaises à l’air du temps (la fumeuse taxe carbone et le renforcement de la fiscalité des GAFA). Certes, il manque l’affirmation du fédéralisme qui serait pourtant le ciment d’une vraie union. N’empêche, la vision du chef de l’État est bien éloignée de celle étriquée de "l’Europe des Nations", qu’on nous serine depuis des décennies. 

Se démarquant d'ailleurs de ses prédécesseurs, M. Macron affirme que lui « ne joue pas avec les cartes cachées ». Il fustige au passage l’idée qu’il suffise « de prendre un air intelligent » pour faire avancer les choses. de son point de vue, si le concept européen manque tant de crédibilité, c'est peut-être avant tout parce que les gens qui en parlaient jusqu’alors donnaient l’illusion "d’avoir un plan, qui en réalité ne venait jamais..." Non sans raison le Chef de l’État affirme « qu’on ne peut pas faire prendre aux gens un risque si on ne dit pas où on les emmène... »
Reste à savoir si ses discours vigoureux suffiront à chasser les vieux démons nationalistes et à redonner vigueur aux rêves inassouvis… 

L’esprit pragmatique, Emmanuel Macron le manifeste en s’attaquant sans vergogne aux symboles de l’immobilisme idéologique qui asphyxie le pays. Les lois que son gouvernement propose peuvent être jugées un peu pusillanimes, mais elles s’attaquent tout de même à des mythes qu’on croyait indéboulonnables. La SNCF, le code du travail, l’Education Nationale, la Sécurité Sociale, autant de vaches sacrées, de plus en plus efflanquées par l’incurie de leur gestion.
Le Président le dit, « la France n’est pas réformable ». Son histoire l’a pétrie de contradictions, « c’est un pays d’aristocrates égalitaires », où l’on veut des actions mais où l’on exige qu’elles préservent les principes et qu’elles ne remettent pas en cause les rentes de situation.
La meilleure démonstration de cette inconséquence et de cette mesquinerie, on la trouva dans les réactions offusquées de nombre de commentateurs, de politiciens et de syndicalistes, à son allusion au coup de rabot donné aux aides au logement.
Il fut pourtant savoureux et si juste ce moment où il s’éleva contre "les gens qui pensent que la France, c'est une espèce de syndic de copropriété où il faudrait défendre un modèle social qui ne sale plus, une république qui n’a plus d’odeur.../... et où l'on invoque la tragédie dès qu'il faut réformer ceci ou cela, et qui pensent que le summum de la lutte, c'est les 50 euros d’APL. Ces gens-là ne savent pas ce que c'est que l'histoire de notre pays..."

A ces batailles lilliputiennes, M. Macron oppose le sacrifice sublime du colonel Beltrame, symbole selon lui de l’esprit de résistance et d’un amour absolu de la liberté, de la fraternité, et de l’égalité réelle. On peut en l’occurrence trouver qu’il fait preuve d’un opportunisme un peu déplacé voire entaché d’angélisme, car les gendarmes ne sont pas supposés servir de martyrs. Mais on ne peut qu’adhérer à son propos lorsque visant les actes terroristes et la radicalisation de certains rebelles au système, il ajoute qu’on aurait tort de "laisser le tragique et l'absolu à des idéologies non démocratiques."
M. Macron voudrait redonner une dimension tragique à la démocratie. Selon lui, à l'instar de Roméo et Juliette, sans obstacle, sans drame, il n’y aurait pas d’amour (il en sait sans doute quelque chose...). Il fait même sienne la tirade d’Orson Welles dans le Troisième Homme,  comparant le fabuleux épanouissement artistique de l’Italie pendant le règne sanguinaire des Borgia, au chemin tranquille suivi par la Suisse qui n’aurait abouti qu’au Cuckoo Clock…
S’il paraît essentiel pour nos démocraties qu’elles prennent un peu de hauteur spirituelle et qu’elles affermissent leurs ambitions et leur détermination face aux extrêmes, le drame ne leur est toutefois pas consubstantiel, et la Suisse, pays paisible s’il en est, n’en est pas moins prospère, responsable et heureux. Que demander de mieux ?


Pour l’heure, ce film montre que M. Macron a redonné à la fonction présidentielle, du panache et de la respectabilité. Son discours est simple et il semble sincère. Le personnage n’est pas débarrassé de toute contradiction mais il a acquis une vraie stature internationale et entamé des réformes pour moderniser la France, ce qui n’est pas si mal en un an. 
Il n’a peut-être pas dit son dernier mot. Tant mieux, car comme le fait remarquer le journaliste helvétique Richard Werly, s’il s’agit d’une année de réussites, aucune des colères n'est apaisée, et la France a besoin de calmant...

24 avril 2018

La situation ubuesque de l'hôpital français

Une fois n'est pas coutume, juste un lien vers l'article que le quotidien OUEST FRANCE m'a fait l'honneur aujourd'hui de publier sous forme d'un point de vue libre.
Il reprend de manière condensée les éléments déjà évoqués dans ce blog, au sujet de la politique hospitalière menée dans notre pays...
Les déficits se creusent, la pression fiscale est à son maximum, l'irresponsabilité est quasi générale. L'heure est grave, le gouvernement est assailli de nombreux problèmes hérités de ses prédécesseurs. Espérons qu'il saura enfin trouver des solutions pragmatiques...

18 avril 2018

En marche, un an après

Face au duo grimaçant de pitres idiots-visuels, Plenel et Bourdin, auto-investis de mandats de commissaires du peuple bien plus que de journalistes, le Président de la République Emmanuel Macron a déployé tout le panache et tout l’art de la dialectique dont il est capable. Rien que pour cela, le spectacle qui nous fut offert par la chaine BFM TV ce dimanche 15 avril, valait son pesant de cacahuètes.
Face aux questions en forme de “plaidoyers” voire de réquisitoires, qu’ils lui adressèrent, assorties de rictus grotesques, les réponses du chef de l’Etat sifflèrent comme des balles aux trajectoires millimétrées, renvoyant tour à tour les deux procureurs morveux au fond du court.

Au bout d’une heure de ce petit jeu, les attaquants paraissaient bien plus fatigués et dépités que leur victime, si bien que leurs coups, s’ils fusaient certes encore, étaient tellement amortis, tellement à côté de la plaque, que pour tout un chacun la cause était entendue.


Mais derrière le show étincelant d’Emmanuel Macron, sous la verve mordante de son discours, on cherchait pourtant vainement les éléments révélateurs d’une politique claire et d’actions concrètes à venir.

Comme souvent dans ce genre d’exercice de style, la communication fut parfaitement maîtrisée, mais les propositions restèrent imprécises. La faute sans doute en grande partie aux interviewers, rechignant à s’élever au dessus de viles et démagogiques considérations partisanes, puisées souvent dans le registre ringard de l'extrême-gauche, et incapables de voir l’actualité autrement que par le petit bout de la lorgnette.
Ainsi, on perdit beaucoup de temps à discourir sur le bien fondé ou non des récentes frappes punitives sur la Syrie, on eut droit aux sempiternels couplets pleurnichards sur les inégalités croissantes entre les riches et les pauvres, sur les profits éhontés d’entreprises coupables de "plans sociaux", sur le mythe de la perte financière due à l’évasion fiscale, et on tourna en rond de manière lénifiante autour de l’islamisme, de l’immigration, et de la sinistre pantalonnade de Notre Dame des Landes...

C’est à peine si quelques problèmes pratiques furent esquissés. Celui récurrent des retraites par exemple, au sujet duquel M. Macron réaffirma son attachement exclusif au système par répartition. Comme ses prédécesseurs, il continue donc de tout miser sur cette véritable pyramide de Ponzi qui fait peser un poids croissant sur les jeunes générations, tout en réduisant comme peau de chagrin pour eux l’espoir de profiter un jour des fruits de cette pseudo-solidarité générationnelle.
Le grand âge, la dépendance et la situation tendue dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne furent qu’effleurés. Il évoqua rituellement la création d’une branche supplémentaire de l’Assurance Maladie en avançant pour seul financement la création d’un nouveau jour de travail non payé... Doux pays où l’on octroie généreusement des jours de repos supplémentaire au titre de la réduction du temps de travail (RTT), tout en rognant peu à peu sur les congés…
Sur le malaise profond qui mine le secteur hospitalier, le Président de la République se borna à envisager la solution illusoire consistant à sortir de la tarification à l’activité, tout en proposant d’un ton évasif “moins de bureaucratie...”
Rien de très clair s’agissant de la SNCF, hormis la promesse que l’Etat, c’est à dire les contribuables, reprendrait tout ou partie de la dette faramineuse de l’entreprise, à condition que les négociations avec les cheminots avancent. On ne voit pas bien le rapport et on ne voit pas bien comment l’Etat pourrait s’exonérer de la mission de résorber les déficits que sa gestion calamiteuse à creusés, sachant comme l’a réaffirmé M. Macron, qu’il n’a jamais été question de “privatiser” les chemins de fer.

Bref, si les mots du président sonnèrent souvent juste face à l’inconséquence de journalistes se faisant un devoir d’être agressifs par principe, on n’apprit pas grand chose de nouveau, comme le relevèrent nombre de commentateurs. Et l’Europe, pour laquelle le chef de l’Etat nourrit tant de projets ambitieux ne fut tout simplement pas abordée. Peut-être sera-ce pour un autre jour...

16 avril 2018

Zigs de ZAD

Les affrontements opposant les forces de gendarmerie aux auto-proclamés Zadistes, sur le désormais fameux site de Notre Dame des Landes, donnent une bien piètre idée de notre République.
De ce que le jargon bureaucratique nommait “Zone d’Aménagement Différé”, ils ont fait une “zone à défendre”, et c’est une vraie armée qu’il faut mobiliser pour la rendre à qui de droit.
Il est en effet consternant d’observer qu’il faille 2500 gendarmes pour déloger 250 énergumènes enragés accrochés à leurs ghettos insalubres, aux allures de campements crépusculaires post-apocalyptiques, bâtis en toute illégalité sur des terres appartenant à l’Etat. Ces zigs prétendent proposer, sans souci des réglementations et rétifs à toute régulation, "leurs" alternatives innovantes au modèle capitaliste. A voir les prémisses miteuses de cet autre monde, il y a quoi être inquiet...

Après un demi-siècle de tergiversations, de plans foireux, de pseudo consultations populaires, et surtout de reculades et de lâcheté de tous les gouvernements qui se sont succédé, le projet de construction d’aéroport contre lequel s’était formée cette rébellion a été définitivement enterré. Le Président de la République, qui hérita de cet abcès de fixation, eut beau rappeler ce dimanche, que ces friches anarchistes n’avaient donc plus aucune raison d’être, les manifestants continuent envers et contre tout leur occupation sauvage des lieux.

Le plus grave en la circonstance est qu’ils manifestent leur “insoumission” avec une violence quasi insoutenable si tant est qu’on soit encore dans un état de droit. Plus de 60 gendarmes ont été blessés durant la semaine écoulée, passée à tenter de déloger cette faune arrogante, qui promet de revenir dès que les représentants de la force publique auront tourné les talons.
Pour tout citoyen responsable et respectueux des lois, cette chienlit est intolérable et de vraies sanctions devraient être désormais appliquées avec détermination. On apprenait que le lundi, premier jour de l’opération, sept personnes avaient été interpellées, avant d’être relâchées dès le lendemain... Tout cela coûte fort cher et contribue chaque jour à discréditer un peu plus le modèle de société ouverte déjà passablement abîmé.

On finit en effet par s’habituer au triste spectacle de ces hordes, agissant en petits groupes, armés, cagoulés, encapuchonnés, qui se plaisent à installer le désordre, à casser le bien public et à soumettre à leurs lubies dévastatrices la majorité silencieuse, sous le regard impuissant des forces de l‘ordre.
Si  l'on ne voit guère la convergence des luttes que l’exécrable parti de M. Mélenchon appelle désespérément de ses vœux, la multiplication de ces micro foyers d’insurrection mine le moral et contribue à enkyster la morosité dans notre pays.
Et vu l’acharnement des Zadistes à poursuivre de plus belle leur lutte malgré le retrait du projet initial, qu’ils ont fini par obtenir, on peut se demander s’il n'eût pas été souhaitable de respecter les avis des experts et le verdict du référendum, et de le construire ce foutu aéroport….

07 avril 2018

Le prix de la Liberté

Aussi grand, aussi sublime que soit le sacrifice d’une vie, consenti pour en sauver d’autres, et tout particulièrement le geste altruiste d’un gendarme agissant avec bravoure pour protéger ses concitoyens, il pose question. Il ne saurait en effet se substituer à la mission première des forces de l’ordre. Celle-ci consiste avant tout à faire régner la sécurité en empêchant les délinquants de nuire et plus encore de récidiver.
Une clameur immense est montée dans le pays pour saluer l’acte héroïque du colonel Arnaud Beltrame lors de l’attentat terroriste de Trèbes. Elle donne la mesure de la vague compassionnelle qui traverse le pays à chaque évènement dramatique, théâtralisé à outrance par les médias. Cet élan est malheureusement très fugace. Pire, il exprime l’impuissance d’une société pétrie de bonnes intentions, mais de plus en plus incapable de faire face aux réalités du monde.
Le discours que le Président de la République tint à cette occasion s’est inscrit dans cette emphase un peu vaine. Bien qu’il fut plutôt digne et mesuré, ses références remontant une fois encore aux misères et aux vicissitudes de l’an quarante, avaient quelque chose de pitoyable.
C’est devenu un pont-aux-ânes que de commémorer ces moments tragiques de l’Histoire et d’évoquer avec force sanglots “l’esprit de résistance” qui régnait dans le pays, alors qu’ils furent marqués avant tout par la coupable faiblesse du monde démocratique face à l’ogre nazi.
S’il n’est pas absurde de trouver des similitudes entre les époques, ce serait plutôt la faiblesse de l’Etat, sa permissivité, voire sa passivité face aux périls qu’on pourrait à chaque fois mettre en parallèle.
La montée en puissance du fanatisme islamique et de son pendant hideux, le terrorisme, menace la liberté et fragilise nos démocraties. Sans une détermination inflexible et des convictions solidement ancrées, il est à craindre que le beau jardin de la Liberté soit peu à peu grignoté par les pestes qui ne demandent qu’à y proliférer. 

Pour répondre aux crimes pervers ou barbares, nous avons cru par exemple que l’abolition de la peine de mort était un progrès. En réalité, il s’agit d’un emplâtre soulageant la mauvaise conscience, mais qui ne résout rien, ni en termes d’efficacité contre la récidive, ni en termes de cruauté de la sanction.
La Liberté a un prix hélas et il ne se paie pas à crédit sous peine d'être contraint de devoir payer beaucoup plus cher ou bien de n’avoir d’autre choix que de pleurer à chaudes larmes la mort injuste d’un gendarme tombé sous les coups d’une brute sanguinaire...

24 mars 2018

Vers les étoiles

Il est difficile lorsqu’on est bien portant, d’imaginer le supplice consistant à se retrouver progressivement et inéluctablement paralysé, jusqu’à ne plus pouvoir bouger que les yeux et les paupières.
C’est le destin atroce qui fut celui de Stephen Hawking (1942-2018) devenu malgré cette infortune, le célèbre astrophysicien que chacun connaît. 

Il vient de s’éteindre, à 76 ans, après plus d'un demi-siècle d’impotence et de délabrement physique. Sort particulièrement cruel pour cet esprit avide d’infini, que de se retrouver totalement enfermé à l’intérieur d’un corps inerte, désespérément cloué à un siège et totalement dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne.

Il avait à peine plus de 20 ans lorsque les premiers signes de cette sclérose latérale amyotrophique se manifestèrent. On lui avait prédit à l’époque une mort rapide dans un délai de 2 ou 3 années.
Mais il aimait la vie sans nul doute. A force de volonté, des bons soins prodigués par son entourage, et peut-être en raison de la progression relativement lente de sa maladie, il parvint à s’accrocher à ce monde cruel, et fit même une carrière scientifique éblouissante. Un vrai pied de nez aux partisans de l’euthanasie...
Il disait qu’il devait sa célébrité avant tout à son handicap. Peut-être en partie...


Peu de gens peuvent mesurer objectivement ce qu’il apporta à la Science. Son talent de vulgarisateur fit beaucoup pour sa gloire. Sa "Brève Histoire du Temps" fut vendue à plus de 10 millions d’exemplaires à travers le monde et permit à beaucoup de gens d’appréhender les mystères de l’univers, de la physique et de la relativité à la lumière des connaissances actuelles.

Il travailla beaucoup sur les trous noirs, qui sont parmi les entités les plus énigmatiques du cosmos. Dans ces concrétions vertigineuses, résultat de l’effondrement de la matière sur elle-même, tout s’arrête. Même la lumière qui passe à proximité s’y engloutit sans retour et le temps se fige. On parle de l’horizon des évènements…
Selon Hawking les trous noirs ne seraient “pas si noirs que ça”. Ils pourraient être le siège d’émissions particulaires voire d’un genre d’évaporation énergétique. Surtout, ils pourraient être des portes ouvertes sur d’autres univers, via d’hypothétiques analogues inversés que certains appellent “trous blancs”...

Hélas, toutes ces notions sont tellement nébuleuses qu’il n’existe à ce jour pas la moindre ébauche de preuve de leur réalité. Et quand bien même cela serait, on se demande quels débouchés pratiques pourraient être imaginés.
D’une manière générale, le dessein d’Hawking était insensé : il voulait mettre au point une théorie donnant une explication universelle de l’univers (ou “des” univers), unifiant toutes les lois physiques et les forces qui régissent le monde, de la mécanique quantique à la relativité de l’espace-temps, en passant par la gravité. Qui trop embrasse, mal étreint, il ne put hélas concrétiser ce projet fou.

Il est permis également d’émettre quelques doutes sur ses dernières prises de position, concernant l’intelligence artificielle. Il manifesta un curieux pessimisme à ce propos en prédisant qu’elle serait capable un jour de dépasser l’Homme et qu’elle risquait de l’asservir, pour son plus grand malheur. Rejoignant les visions apocalyptiques de Bill Gates et Elon Musk, il affirma que ces techniques informatiques menaçaient l’humanité dont il alla jusqu’à prédire l’extinction avant l’an 2600 !
Il n’y a en l’occurrence que des supputations gratuites et l’on s’étonne qu’un savant aussi rigoureux et avide de preuve scientifique puisse se laisser aller à tant de subjectivité.
S’il existe un vrai danger, il réside dans l’utilisation par les hommes des machines soi-disant intelligentes, et non en elles-mêmes. Un fusil peut occasionner des ravages mais jamais de son propre chef !
Dans beaucoup de domaines, les techniques informatiques dépassent dores et déjà et de loin les capacités humaines. Une simple calculette est bien plus performante en calcul mental que la plupart des êtres humains “normaux”. Elle n’est pas intelligente pour autant. Elle reste un outil merveilleux mais irresponsable dont les erreurs éventuelles ne peuvent être imputées qu’à celui qui s’en sert ou à celui qui l’a fabriquée… En l’occurrence des êtres humains...

18 mars 2018

Noa Noa

Lorsqu’en 1891, Paul Gauguin (1848-1903) arrive à Tahiti, après « soixante-trois jours de fiévreuse attente, d’impatientes rêveries vers la terre désirée », ses premières impressions ne sont pas très joyeuses.
Il avait pourtant chanté par avance le paradis auquel il se livrait corps et âme:
« J’arrive en ce lieu où la terre est inconnue sous mes pieds.
J’arrive en ce lieu où le ciel est nouveau par-dessus ma tête.
J’arrive en cette terre qui sera ma demeure…
Ô Esprit de la terre, l’Étranger t’offre son cœur, en aliment pour toi... »

Mais le spectacle qui s’offre à ses yeux à l’arrivée « n’a rien de féerique », de son propre aveu, « rien de comparable par exemple à la magnifique baie de Rio de Janeiro. »
Débarqué à Papeete, seconde déception, il trouvera la ville bien trop civilisée à son goût : « C’était l’Europe – l’Europe dont j’avais cru m’affranchir ! – sous les espèces aggravantes encore du snobisme colonial, l’imitation, grotesque jusqu’à la caricature, de nos mœurs, modes, vices et ridicules civilisés. » 

Après quelques semaines, il se met en quête d’un endroit plus sauvage, qu’il trouvera dans le district de Mataiea : « D’un côté, la mer et de l’autre, la montagne, – la montagne béante, crevasse formidable que bouchait, adossé au roc, un groupe énorme de manguiers. »
Dès lors, il n’aura de cesse de relater son expérience dans un journal qu’il intitulera Noa-Noa et qu’il tiendra durant 3 ans, tantôt écrivant, tantôt dessinant.
Le résultat est un ouvrage poétique étonnant qui dit beaucoup de la personnalité du peintre, de l’île qu’il habite, de ses couleurs, de ses parfums, de ses habitants, de leur mythologie et parfois qui s’abandonne à quelques réflexions philosophiques. Ce carnet illustré sera complété ultérieurement par des poèmes en prose ou en vers composés par son ami Charles Morice, mais en si grand nombre, qu’ils alourdiront le texte, le dévoyant quelque peu le but de l’artiste.


Malgré sa bonne volonté, Gauguin aura du mal à se défaire de sa culture européenne, de ses habitudes de pensées, de ses conceptions esthétiques.
Ainsi, peu de temps après son arrivée, contemplant une Tahitienne, pourtant de haut rang, il la décrit de manière quelque peu méprisante : « Elle avait cette majestueuse forme sculpturale de là-bas, ample à la fois et gracieuse, avec ces bras qui sont les deux colonnes d’un temple, simples, droits et le haut vaste, se terminant en pointe…/… Je ne vis un instant que sa mâchoire d’anthropophage, ses dents prêtes à déchirer, son regard fuyant de rusé animal, et malgré un très beau front noble, je la trouvai tout à fait laide. »
L’instant d’après, après réflexion, il se reprend toutefois, comme sous l’effet d’une révélation : « Comme l’homme est changeant ! voilà que je la trouvai belle, très belle... »
Il s’agissait en fait de l’épouse du roi Pomaré qui venait de mourir et dont il avait suivi l’enterrement, submergé par une noire nostalgie : « Avec lui la tradition maorie était morte. C’était bien fini. La civilisation, hélas ! Triomphait – soldatesque, négoce et fonctionnarisme... »

L’acclimatation aux us et coutumes de son nouveau pays fut donc délicate. Après quelques mois se lamente-t-il « je me sentais là bien seul. De part et d’autre, les habitants du district et moi, nous nous observions, et la distance entre nous restait entière.»

C’est par la peinture qu’il va progressivement prendre possession de l’esprit polynésien et s’émanciper du carcan de sa vie passée: « le paysage, avec ses couleurs franches, ardentes, m’éblouissait, m’aveuglait. Jadis toujours incertain, je cherchais de midi à quatorze heures… Cela était si simple pourtant de peindre comme je voyais, de mettre sur ma toile, sans tant de calculs, un rouge, un bleu ! Dans les ruisseaux, des formes dorées m’enchantaient ; pourquoi hésitais-je à faire couler sur ma toile tout cet or et toute cette joie du soleil ? – Vieilles routines d’Europe, timidités d’expression de races dégénérées !… »

Peu à peu, il va apprendre à connaître « le silence d’une nuit tahitienne ». Progressivement, il se mêle à la population : « Mes voisins sont devenus pour moi presque des amis. Je m’habille, je mange comme eux ; quand je ne travaille pas, je partage leur vie d’indolence et de joie, avec de brusques passages de gravité. »

Il se sent même inspiré par la relation intime qu'ont ces gens avec la nature ambiante : « Les tons mats de leur corps font une belle harmonie avec le velours du feuillage, et de leurs poitrines cuivrées sortent de vibrantes mélodies qui s’atténuent en s’y heurtant au tronc rugueux des cocotiers »
Il se laisse doucement envahir par l’ensauvagement à la mode rousseauiste : « La civilisation s’en va petit à petit de moi. Je commence à penser simplement, à n’avoir que peu de haine pour mon prochain – mieux, à l’aimer. J’ai toutes les jouissances de la vie libre, animale et humaine. J’échappe au factice, j’entre dans la nature : avec la certitude d’un lendemain pareil au jour présent, aussi libre, aussi beau, la paix descend en moi ; je me développe normalement et je n’ai plus de vains soucis…. »

Son regard sur les femmes reste toutefois ambigu. Il se met vite à rechercher leur compagnie, tout en gardant sur elles des sentiments non dénués de condescendance. Par exemple d’une voisine venue le saluer : « Elle était peu jolie, en somme, selon les règles européennes de l’esthétique. Mais elle était belle. Tous ses traits offraient une harmonie raphaélique dans la rencontre des courbes, et sa bouche avait été modelée par un sculpteur qui parle toutes les langues de la pensée et du baiser, de la joie et de la souffrance. Et je lisais en elle la peur de l’inconnu, la mélancolie de l’amertume mêlée au plaisir, et ce don de la passivité qui cède apparemment et, somme toute, reste dominatrice. »
La vie sauvage contribue 
selon lui à l’égalité des sexes : « À Tahiti, l’air de la forêt ou de la mer fortifie tous les poumons, élargit toutes les épaules, toutes les hanches, et les graviers de la plage ainsi que les rayons de soleil n’épargnent pas plus les femmes que les hommes. Elles font les mêmes travaux que ceux-ci, ils ont l’indolence de celles-là : quelque chose de viril est en elles, et en eux quelque chose de féminin.../… Cette ressemblance des deux sexes facilite leurs relations, que laisse parfaitement pures la nudité perpétuelle, en éliminant des moeurs toute idée d’inconnu, de privilèges mystérieux, de hasards ou de larcins heureux – toute cette livrée sadique, toutes ces couleurs honteuses et furtives de l’amour chez les civilisés. »

Lorsqu'il aborde la sexualité, ses impressions pourraient choquer nombre d’oreilles prudes de nos jours. Pour lui en effet, « toutes veulent être prises, prises à la mode maorie (mau, saisir) sans un mot, brutalement ; toutes ont en quelque sorte le désir du viol... »

Il ne voit donc rien de mal lorsqu’une Tahitienne de son entourage, s’inquiétant de le voir sans compagne lui fait une proposition très directe: « Si tu veux, je vais t’en donner une. C’est ma fille... »
Apprenant la jeunesse de celle-ci, il éprouve certes quelques réticences, mais bien vite surmontées : « cette jeune fille, cette enfant d’environ treize années, me charmait et m’épouvantait. Que se passait il dans cette âme ? Et c’était moi, moi si vieux pour elle, qui hésitais au moment de signer un contrat si hâtivement conçu et conclu... »

Il se mettra en ménage avec Teura et cherchera à travers elle à comprendre l’âme maorie. Exercice délicat, car « elle ne se livre pas de suite ; il faut beaucoup de patience.../… Elle vous échappe d’abord et vous déconcerte de mille manières, enveloppée de rire et de changement ; et pendant que vous vous laissez prendre à ces apparences, comme à des manifestations de sa vérité intime, sans penser à jouer un personnage, elle vous examine avec une tranquille certitude, du fond de sa rieuse insouciance, de sa puérile légèreté... » 
Cette communion ne sera pas que spirituelle. Doté d’un appétit charnel débordant, Gauguin multipliera pendant ses deux séjours polynésiens les conquêtes de très jeunes filles, dont deux enfanteront de lui. Il serait pourtant excessif de voir dans ces relations quelque peu libertines une inclination perverse à la pédophilie. Elles conduisent plutôt à relativiser les règles qui pèsent sur ce qu’il est convenu d’appeler moralité. Tout au plus peut-on dire que Gauguin abusa des mœurs très libres qui régnaient dans les îles...

Le fait est que pendant les dernières années de sa vie, tout en concrétisant ses ambitions artistiques il donna de lui une image ombrageuse, voire déplaisante, empreinte d’égoïsme et d’indifférence. Victor Segalen arrivé à Tahiti en 1903, quelques semaines après le décès du peintre, décrivit en quelques lignes ce parcours illuminé mais désespéré : « Ce décor fut somptueux et funéraire, ainsi qu’il convenait à une telle agonie ; il fut splendide et triste, paradoxal un peu, et entoura de tonalités justes le dernier acte lointain d’une vie vagabonde qui s’en éclaire et s’en commente.../.. Gauguin fut un monstre. C’est-à-dire qu’on ne peut le faire entrer dans aucune des catégories morales, intellectuelles ou sociales, qui suffisent à définir la plupart des individualités.../… Il apparut dans ses dernières années comme un être ambigu et douloureux, plein de cœur et ingrat ; serviable aux faibles, même à leur encontre... »


Les amours versatiles et la débauche ne sont assurément pas à l’honneur de Gauguin, mais elles furent la source d’une inspiration qui se traduisit par une floraison de toiles enchanteresses. Lui-même exprimera cette renaissance artistique avec une béatitude non feinte : « Je m’étais remis au travail et le bonheur habitait dans ma maison : il se levait avec le soleil, radieux comme lui. L’or du visage de Teura inondait de joie et de clarté l’intérieur du logis et le paysage alentour. Et nous étions tous les deux si parfaitement simples ! Qu’il était bon le matin, d’aller ensemble nous rafraîchir dans le ruisseau voisin, comme au paradis allaient sans doute le premier homme et la première femme... »
En plus des soins et de l’attention qu’elle lui prodiguait, Teura initia l’artiste à la symbolique foisonnante du pays et de ses ancêtres, à la mythologie féconde dont il peupla ses tableaux, confondant à plaisir les allégories animistes, mystiques et religieuses.


Une chose est sûre, même s’il ne parvint à retrouver l’état sauvage idéalisé, auquel il aspirait, Gauguin aima sincèrement Teura dans laquelle se confondaient tous les effluves enivrants du paradis perdu qu’il chanta sans vergogne : « dans cette fête tahitienne, aux fumets des mets, aux odeurs des fleurs de l’Île, elle ajoutait, me semblait-il, un parfum plus fort que les autres et qui les résumait tous – Noa Noa ! »

10 mars 2018

Gauguin, ou l'impériosité de l'Art

Quelle mouche a piqué Paul Gauguin (1848-1903), paisible et prospère agent de change parisien, mari comblé et père de cinq enfants, pour tout quitter à l’âge de 34 ans, au profit de la destinée très aléatoire d’artiste-peintre ?

Nul ne peut expliquer cette nécessité subite passant avant toute autre considération. C’est la force étrange de la vocation, qui s’impose à celui sur lequel elle s’exerce. Gauguin est entré en peinture comme d’autres entrent en religion, lorsque la foi les saisit.
Cette rupture ira au delà du métier, de la famille et des conventions. Elle concerne la société, et in fine toute la civilisation sur laquelle elle repose. Dès lors, il ne s’agira plus tant d’une échappatoire que d’un nouvel enfermement, ce sera le drame de Gauguin.

De fait, si sa vie et son art recèlent des trésors incomparables il y a également des lacunes, des faiblesses, des échecs. Parmi ceux-ci, le premier est d’être resté largement incompris de ses contemporains. Car tout comme Van Gogh, Gauguin déroute, voire décourage ceux qui manifestent la volonté de s’intéresser à lui. Plus il se détache de la civilisation, plus elle “s’en va petit à petit de lui”, plus il devient étranger au monde qui l’entoure, lequel le lui rend bien. Entre autres exemples, avant d’embarquer pour Tahiti en 1895, une vente publique de ses œuvres ne voit partir que 9 des 47 tableaux proposés (deux seront achetés par Degas). Même dans son dernier éden polynésien il choqua nombre d’autochtones. Bien qu’il chercha sincèrement à aider les populations locales contre les rigueurs de l’administration métropolitaine, ses mœurs très libres, au relents de rébellion, d’addictions, de débauche, voire de pédophilie, ont laissé une empreinte déplaisante. De fait, il finira sa vie tragiquement seul.

Il y eut une première fuite en Bretagne, terre dont il tomba amoureux car elle lui parut sauvage, à l’image disait-il, de “ce ton sourd, mat et puissant que je cherche en peinture.”
Il y fit preuve d’audace picturale, et à la fois de mysticisme comme le révèle le très fort et symbolique “combat de l’ange”. De l’impressionnisme il passe ainsi au symbolisme puis au synthétisme.

Son périple le fit passer par la Provence où il rencontra de manière orageuse et inaboutie Van Gogh, autre solitaire invétéré. On retient entre autres, l’énigmatique perspective des Alyscamps.


Ce sera ensuite le grand départ vers Tahiti dont il s’était forgé une image ivre de liberté, de bonheur et d'inspiration artistique, un vrai retour aux sources qui conduira son art vers le primitivisme. Des couleurs à la fois tendres et profondes au service d’une vision éthérée de la vie au plus près de la nature. 
Mais malgré ses efforts, Gauguin ne deviendra jamais un polynésien au sens premier du terme, car il y a en définitive beaucoup d’artifices dans les tentatives qu’il fera pour retrouver l’esprit ancestral des tribus locales. Ses sculptures par exemple, sont des curiosités mais elles ne possèdent pas l’âme originelle empreinte de naïveté et de foi. Il n’a en lui ni l’une ni l’autre, même s’il affirme que le ridicule ne peut l’atteindre car il est “à la fois un enfant et un sauvage.”


Tout au plus parviendra-t-il à capter de manière très personnelle l’atmosphère des îles, ce qui n’est déjà pas si mal. Parti d’Europe pour échapper à une société trop technique et trop administrée, qu'il maudissait, et ne faire selon ses propres mots, “que de l’art simple”, il concevra une œuvre extrêmement originale, peut-être justement parce qu’elle n’est pas totalement libérée du génie de la civilisation  occidentale dont ses fibres étaient imprégnées.
En somme, contrairement à une opinion répandue, mais assez galvaudée, Gauguin n’est pas un peintre révolutionnaire. Il paraît excessif de prétendre comme on le fait parfois, qu’il ouvrit la voie à l’expressionnisme, au symbolisme, ou au cubisme. Il reste comme une île dans l’océan pictural.
En dépit de sa contribution au mouvement des peintres de Pont-Aven, il n’a pas vraiment fait école, peut-être parce que tout disciple aurait risqué de tomber dans l’imitation ou la parodie. Il a sans nul doute créé un monde à part, mais il en a tout dit, ne laissant quasi rien à ajouter pour d’éventuels suiveurs...


Y a-t-il d’ailleurs des peintres révolutionnaires ? Si l’on regarde attentivement les plus grands, Rembrandt, Velasquez, Michel-Ange, Vermeer, jusqu’aux impressionnistes, et jusqu’à Gauguin, on s’aperçoit qu’ils s’inscrivent dans une continuité évolutive. Les vrais révolutionnaires sont peut-être ceux qui ont contribué à la déconstruction violente de l’art, sans avoir rien à proposer de réellement nouveau. Après les dynamitages du XXème siècle, l’art moderne semble s’être enlisé dans un magma informe et clinquant, à l’image des inutiles et vaines compressions et autres coulées résineuses de César, ou des babioles superfétatoires et grotesques des Jeff Koons, Damien Hirst, McCarthy, Kapoor, Murakami, Serrano & Co... Aujourd’hui, tout est dans la forme, rien dans le fond. On dirait que les artistes n’ont plus rien à dire.


Ce n’est pas ce qu’on peut reprocher à l’œuvre de Gauguin. Elle nous parle, elle nous interpelle, elle nous interroge à l’instar du titre de sa fresque intitulée “D'où venons nous, qui sommes nous, où allons nous ?”
Il y a des beautés indéniables dans ces panoramas tropicaux alanguis, dans ces odalisques exotiques, ces féeries du bout du monde, inondées de couleurs et nimbées de mystère. Dans ces somptueuses effusions, l’Art se confond plus que jamais avec la Liberté...

09 mars 2018

Fugit Irreparabile Socialismus

Ce matin, on apprenait que M. Le Drian, ci-devant ministre des Affaires Étrangères du gouvernement d’Emmanuel Macron, quittait le Parti Socialiste. Avec sa mine contrite de dépressif incurable, il vient en effet d’annoncer sur la chaîne d’information télévisées CNews, qu’il se retirait du PS, “avec beaucoup d'émotion après 44 ans”, ajoutant que c’était avec “beaucoup de fierté mais aussi avec déception.”
La belle affaire que voilà !

Il est permis de penser qu’il lui a fallu beaucoup de temps pour s’apercevoir que cet engagement ne menait à rien de bon. On pourrait même, en étant un peu plus méchant, souligner qu’il pourrait surtout avoir honte d’être resté accroché avec une telle opiniâtreté à cette idéologie insane qui s’en va en piteux lambeaux.
Le bonhomme a dû avaler beaucoup de couleuvres, dans le sillage des démagogues de tout poil qui lui permirent de faire une carrière quasi muette  mais dorée d’apparatchik zélé. Il se fit le complice de bien des mensonges et de bien des hypocrisies pour faire accroire au bon peuple que le socialisme était un idéal en devenir.

Mais n’allez pas croire qu’il soit touché par le remords d’avoir trempé dans tant de manigances, et contribué à propager tant de tromperies. Ne vous imaginez pas que ses yeux se soient enfin dessillés à force d’avoir été témoin de tant de turpitudes sous les lambris dorés des palais de la République.
Il n’en est rien. M. Le Drian garde à ce qu’il paraît ses chimères de jeunesse et son aveuglement de notable rassis. Simplement il prend acte du fait que les actuels satrapes du parti, ou plutôt de ce qu’il en reste, ne le considèrent plus comme étant des leurs.
Sa décision fait en effet suite à la récente déclaration du “coordinateur national du Parti socialiste”, Rachid Temal, affirmant “qu'il n’y a pas de Socialiste au gouvernement.”

Si M. Le Drian n’est plus socialiste, on ne sait pas trop ce qu’il est, car pour l’heure, il refuse de rejoindre “La République en marche” qui porta M. Macron au pouvoir et qui soutient son action. Il se borne simplement à se réclamer de la “Majorité Présidentielle”. Bel acte de bravoure et surtout signe d’un opportunisme à toute épreuve…
Une fois n'est pas coutume, remercions tout de même au passage M. Hollande pour avoir œuvré avec tant d’efficacité, même si ce fut involontaire, au sabordage de sa propre formation politique.
Un sondage réalisé immédiatement après le débat opposant les 4 candidats au poste de premier secrétaire du PS, révélait que 60% des personnes interrogées n’en avaient trouvé aucun convaincant, et que 77% avaient une très mauvaise opinion du Parti Socialiste.

Si les derniers rats quittent le navire en perdition, que restera-t-il donc à la fin des fins ? Sans doute rien hormis de mauvais souvenirs...

26 février 2018

No Sport !

On connaît la fameuse réplique que fit Churchill à quelque journaliste qui lui demandait le secret d’une vie longue et saine : No Sport !
Dans notre époque où le culte de la forme physique est devenu une obsession et où l’on déploie des trésors d’imagination pour améliorer les performances sportives sans tomber dans cette nouvelle forme de damnation qu’est le dopage, le facétieux premier ministre anglais serait quelque peu décalé. Lui qui affirmait qu’il préférait les cigares et le whisky à la gymnastique, il aurait bien ri en apprenant que même au curling, on pourchasse les sportifs qui font usage de substances stimulantes…

Le nouveau puritanisme exige une totale pureté, au service de performances toujours plus folles. Il y a une vaste hypocrisie à pousser ainsi la nature humaine aux extrêmes, en jetant à la vindicte celui qui cède à la tentation, ou à la faiblesse.
Ayant à peu près atteint les limites physiques du corps, on peut d’ailleurs se demander ce qui pousse encore à vouloir enregistrer de nouveaux records et pourquoi donc s’user la santé dans des compétitions de plus en plus effrénées.
Mais derrière la vanité de cette fuite en avant, il reste toutefois de belles envolées, de beaux spectacles, et de magnifiques challenges.
Le tennis est une sorte d’oasis dans l’univers aride du sport. Il y a de l’élégance, de la grâce même parfois dans ces duels au soleil, acharnés mais non dépourvus de fair play.

S’il est un champion qui incarne mieux que quiconque cet état d’esprit, c’est bien Roger Federer.
Revenu à plus de 36 ans au sommet de la gloire, il affiche, tournoi après tournoi sa suprématie avec une souriante sérénité, qui n’empêche pas une once de désinvolture...
Il va, court, vole et nous venge de toutes les désillusions que le sport engendre par sa technicité, ses artifices et ses dérives marchandes.

Federer semble au dessus de tout cela. C’est une star parmi les stars mais il garde une incroyable fraîcheur, une inoxydable simplicité. Rien ne semble l’atteindre tant il paraît fait d’une autre essence que le commun des mortels. Il connut certes des échecs et des passages à vide, mais jamais le désespoir ne l’atteignit vraiment et sa force de caractère, sa détermination sont à l’évidence la cause principale de son exceptionnelle longévité.
Il est des mauvaises langues pour insinuer que sa domination s’explique par le manque de vrais rivaux. Mais n’est-ce pas plutôt son génie qui réduit à néant la concurrence ? A Wimbledon au début de l’été 2017, il n’accorda pas même un set à ses adversaire. Son jeu est un véritable enchantement tant il possède avec une précision millimétrique la quasi totalité des coups, qu’il sait faire varier pour retenir en permanence l’attention.
Dommage que les télévisions diffusent de moins en moins les matchs de tennis. La grande époque des Borg, Vilas, McEnroe, Nastase, Connors, et j’en passe, est loin mais le jeu en vaut encore la chandelle.
A ce stade, ce n’est plus du sport, c’est du grand art !