Pendant 7 ans de 1932 à 1938, Arthur Koestler "a défendu une illusion, et sa vie entière, jusqu'à sa mort, il s'emploiera à combattre un système qui en dupera plus d'un, en assassinera des millions avant d'apparaître sur la scène hideuse de ce siècle pour ce qu'il est : une imposture."
C'est ainsi que Dan Franck conclut ce petit texte édifiant écrit à la fin des années 50, par quelqu'un qui crut, par foi sincère, au communisme, mais qui eut la lucidité et le courage de le répudier dès lors qu'il en découvrit la nature perverse. Au risque d'être catalogué de rénégat par ceux qui préférèrent continuer de collaborer à ces odieux mensonges.
Comme tant d'autres, Koestler devint communiste comme on entre en religion. Inutile selon lui chercher une quelconque argumentation logique ou rationnelle à cette conversion : « la foi ne s'acquiert pas par le raisonnement.»
Il avoue tout de même que ce qui le poussa, fut la classique révolte contre les injustices et disparités du monde : "Je me pris à détester cordialement ceux qui affichaient leur richesse -(l'envie joue un rôle bien moindre dans les conflits sociaux, qu'on ne l'imagine) non pas parce qu'ils pouvaient se payer ce qui leur plaisait, mais parce qu'ils étaient en état de le faire sans mauvaise conscience."
Il ne se doutait pas qu'ensuite, ce serait l'engrenage infernal, l'incarcération douce dans une dialectique implacable, celle de la Cause, fondée sur un axiome majeur : "Aussi bien moralement que logiquement, le Parti est infaillible".
Évidemment c'est un peu dur à avaler pour un esprit éclairé et Koestler décrit bien les hésitations et les doutes qu'il ressentit pendant son parcours initiatique. Mais il décrit bien également comment on lui apprit à raisonner de manière dialectique et non pas « mécanistique ». Comment on lui fit comprendre qu'un fusil dans les mains d'un policier était une arme d'oppression au service du capital et de la bourgeoisie tandis que dans celles d'un révolutionnaire il devenait un outil de libération du prolétariat.
Il décrit comment on lui fit apprécier les choses d'une façon « dynamique » et non « statique ». Peu importait par exemple que le taux de pauvreté des pays socialistes fusse largement supérieur à celui des pays capitalistes puisqu'il ne pouvait s'agir que d'un état transitoire trompeur, l'un étant condamné à croître et l'autre à diminuer...
Un patient endoctrinement l'amena ainsi à accepter que la Cause justifiait tous les moyens et que toute chose pouvait s'interpréter à sens unique. Pour lui comme pour ses camarades, devenus des zéros sans individualité, plus rien n'était vraiment un problème : « Le camarade Ivan Ivanovitch des usines Poutilov était notre Buffalo Bill », « Nous placions la Révolution mondiale comme des vendeurs d'aspirateurs »
Avec le recul cependant, et à mesure que se yeux se déssillaient, l'auteur du « Zéro et l'infini » fit bientôt un constat terrible sur son aveuglement : "La foi est chose vraiment étonnante; elle rend les hommes capables non seulement de remuer les montagnes, mais de prendre un hareng pour un cheval de course."
Ce fut alors l'horreur d'avoir fait sienne « sans difficulté, suivant la voie toute tracée de la foi », « la nécessité :
-du mensonge et de la calomnie
-de l'intimidation des masses pour les sauver de leur propre myopie
-de la liquidation des groupes d'opposition et des classes hostiles
-du sacrifice d'une génération entière au bénéfice de la suivante. »
La fin de cette confession, qui aurait dû éveiller tant d'idiots et d'odieux pédants qui croyaient ou qui croient encore du fond de leur salons feutrés aux vertus du Collectivisme prend les accents d'un remord inexpiable et d'une accusation terrible :
« Chacun de nous porte un cadavre dans le fond de son coeur; il y a là de quoi faire un beau charnier. »
« Ayant moi-même trouvé des excuses pendant sept longues années, à toutes les absurdités, à tous les crimes commis au nom du marxisme, le spectacle de cette acrobatie mentale, sur la corde raide de la dialectique, par laquelle des hommes intelligents et de bonne foi parviennent à se tromper, est plus décourageant encore que les atrocités commises par les simples d'esprit. »
« Je n'ai cité la façon dont je m'accrochai au dernier lambeau de l'illusion que parce qu'elle est bien caractéristique de la lâcheté intellectuelle si courante à gauche. »
INDEX-LECTURE
C'est ainsi que Dan Franck conclut ce petit texte édifiant écrit à la fin des années 50, par quelqu'un qui crut, par foi sincère, au communisme, mais qui eut la lucidité et le courage de le répudier dès lors qu'il en découvrit la nature perverse. Au risque d'être catalogué de rénégat par ceux qui préférèrent continuer de collaborer à ces odieux mensonges.
Comme tant d'autres, Koestler devint communiste comme on entre en religion. Inutile selon lui chercher une quelconque argumentation logique ou rationnelle à cette conversion : « la foi ne s'acquiert pas par le raisonnement.»
Il avoue tout de même que ce qui le poussa, fut la classique révolte contre les injustices et disparités du monde : "Je me pris à détester cordialement ceux qui affichaient leur richesse -(l'envie joue un rôle bien moindre dans les conflits sociaux, qu'on ne l'imagine) non pas parce qu'ils pouvaient se payer ce qui leur plaisait, mais parce qu'ils étaient en état de le faire sans mauvaise conscience."
Il ne se doutait pas qu'ensuite, ce serait l'engrenage infernal, l'incarcération douce dans une dialectique implacable, celle de la Cause, fondée sur un axiome majeur : "Aussi bien moralement que logiquement, le Parti est infaillible".
Évidemment c'est un peu dur à avaler pour un esprit éclairé et Koestler décrit bien les hésitations et les doutes qu'il ressentit pendant son parcours initiatique. Mais il décrit bien également comment on lui apprit à raisonner de manière dialectique et non pas « mécanistique ». Comment on lui fit comprendre qu'un fusil dans les mains d'un policier était une arme d'oppression au service du capital et de la bourgeoisie tandis que dans celles d'un révolutionnaire il devenait un outil de libération du prolétariat.
Il décrit comment on lui fit apprécier les choses d'une façon « dynamique » et non « statique ». Peu importait par exemple que le taux de pauvreté des pays socialistes fusse largement supérieur à celui des pays capitalistes puisqu'il ne pouvait s'agir que d'un état transitoire trompeur, l'un étant condamné à croître et l'autre à diminuer...
Un patient endoctrinement l'amena ainsi à accepter que la Cause justifiait tous les moyens et que toute chose pouvait s'interpréter à sens unique. Pour lui comme pour ses camarades, devenus des zéros sans individualité, plus rien n'était vraiment un problème : « Le camarade Ivan Ivanovitch des usines Poutilov était notre Buffalo Bill », « Nous placions la Révolution mondiale comme des vendeurs d'aspirateurs »
Avec le recul cependant, et à mesure que se yeux se déssillaient, l'auteur du « Zéro et l'infini » fit bientôt un constat terrible sur son aveuglement : "La foi est chose vraiment étonnante; elle rend les hommes capables non seulement de remuer les montagnes, mais de prendre un hareng pour un cheval de course."
Ce fut alors l'horreur d'avoir fait sienne « sans difficulté, suivant la voie toute tracée de la foi », « la nécessité :
-du mensonge et de la calomnie
-de l'intimidation des masses pour les sauver de leur propre myopie
-de la liquidation des groupes d'opposition et des classes hostiles
-du sacrifice d'une génération entière au bénéfice de la suivante. »
La fin de cette confession, qui aurait dû éveiller tant d'idiots et d'odieux pédants qui croyaient ou qui croient encore du fond de leur salons feutrés aux vertus du Collectivisme prend les accents d'un remord inexpiable et d'une accusation terrible :
« Chacun de nous porte un cadavre dans le fond de son coeur; il y a là de quoi faire un beau charnier. »
« Ayant moi-même trouvé des excuses pendant sept longues années, à toutes les absurdités, à tous les crimes commis au nom du marxisme, le spectacle de cette acrobatie mentale, sur la corde raide de la dialectique, par laquelle des hommes intelligents et de bonne foi parviennent à se tromper, est plus décourageant encore que les atrocités commises par les simples d'esprit. »
« Je n'ai cité la façon dont je m'accrochai au dernier lambeau de l'illusion que parce qu'elle est bien caractéristique de la lâcheté intellectuelle si courante à gauche. »
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