29 avril 2009

Un printemps américain (1)


4 Avril 2009. L'Amérique nous accueille comme des rois.
Aéroport de Washington Dulles, un samedi ensoleillé saluant joyeusement le début du printemps, à la tombée du soir. Nous débarquons en force, ma petite famille et moi. Quatre Français un peu gauches, découvrant le nouveau Monde...
En sortant de l'avion, comme un citadin trop longtemps confiné dans les pestilences du quotidien, qui gonfle avec délectation ses poumons de la vivifiante brise marine retrouvée, je cherche tout de suite à m'emplir de l'air de ce pays si cher, et dont j'approche dès le premier jour le coeur battant.

Washington ! Ville au nom si sonore, véhiculant encore tant d'idéals : le bruit de la belle révolution, la soif d''indépendance et l'ivresse de la liberté. Washington, je touche ton sol avec une terrible émotion.
Ce voyage, je l'espérais, le rêvais, l'appréhendais depuis tant d'années. Qu'allait-il advenir de ces songes emphatiques, de cet amour platonique, maintenant que j'abordais la réalité triviale de cet univers gigantesque au mode de vie réputé si brutal ?

Nous n'arrivons pas en terre totalement inconnue. De bons amis autochtones nous attendent derrière les arides barrières de la douane aéroportuaire. Mais avant d'espérer les revoir, il faut s'affranchir de formalités plutôt procédurières. C'est vrai qu'il faut montrer patte blanche avant d'entrer sur le territoire américain. J'avais déjà rempli des formulaires fastidieux (ESTA) par l'intermédiaire d'internet mais il a fallu tout recommencer dans l'avion, sans rature, sans surcharge, sans erreur (j'ai dû m'y reprendra 3 fois...). Non je ne n'ai jamais eu maille à partir avec la justice, non je me suis jamais livré à des actes terroristes, non je n'ai jamais eu d'accointances d'aucune sorte avec le régime nazi...
Après l'attente sage derrière une ligne jaune, la famille rencontre enfin l'officier d'immigration. Il nous pose un tas de questions. Contrôle méticuleux du passeport. Prise électronique des empreintes digitales des cinq doigts des deux mains. Photo, sans lunettes please.
Puis enfin, le sas s'ouvre : « Welcome in America !». C'est écrit en toutes lettres sur des chartes affichées un peu partout. L'Amérique est heureuse de vous accueillir. Elle fera tout pour rendre votre séjour agréable et vous faciliter la vie...

Nos bons amis sont là et nous tombons dans leurs bras ouverts, un peu abasourdis et fatigués, mais heureux.
En route pour Baltimore, dans leur confortable Mercury qui nous accueille sans peine à six. Découverte des autoroutes américaines. Circulation dense mais tranquille (75 mph maxi), sur plusieurs voies. Les voitures passent de l'une à l'autre sans contrainte apparente. On double aussi bien sur la gauche que sur la droite et le téléphone au volant paraît ici assez courant. Les autos ne sont plus si grosses qu'autrefois semble-t-il. Il y a des pick-up larges comme des baignoires à bestiaux, de nombreux quatre-quatre massifs, mais dans l'ensemble pas d'énorme différence avec les routes européennes. Pas de trucks ni de trailers aujourd'hui, c'est samedi. Outre les autos made in America, il y a des japonaises, des allemandes, quelques italiennes,et même anglaises, mais je ne vois pas une française...
La nuit tombe déjà. Pourtant pour nous le jour s'était levé il y a près de vingt heures...

***

Après une bonne nuit dans un lit queen size moelleux, nos hôtes ont prévu après un solide breakfast, de nous emmener... à Washington !
Le soleil est radieux. Le long de la route les nombreux bois et forêts sont encore dénudés au sortir de l'hiver. Nous passons devant le Goddard Space Flight Center de la NASA. Mais pas de fusée ici, juste de la matière grise. réfléchissant inlassablement aux moyens de toujours dépasser les limites de la Nouvelle Frontière. De toute manière la conquête spatiale n'est plus ce qu'elle était. Il n'y a pour l'heure plus guère de grande aventure humaine vers les mondes éloignés. On travaille dans le cosmos de manière pragmatique pour améliorer les télécommunications, affiner les prévisions météo, mieux connaître la planète, ou bien approfondir la recherche de matières premières. Les galaxies sont disséquées par le bout affûté des télescopes, jusqu'à des millions d'années-lumière mais l'homme quant à lui n'a pas dépassé et sans doute pour encore un bon bout de temps, la distance de 400.000 km, séparant la Terre de la Lune

.Arrivée à la station New Carrollton, au bord de la rocade de Washington. Nous pénétrons à l'intérieur du premier cercle ! Celui formé par les interstate 495 et 95 qui constituent l'emblématique Capital Beltway. A l'intérieur de ce périmètre, sont situées à peu près toutes les institutions importantes du pays : Maison Blanche, Capitole, Cour Suprême, Pentagone, ministères, administrations... « Inside the beltway » disent les Américains pour parler du centre névralgique de leur pays.

Nous prenons le métro. Moderne – il n'a qu'une trentaine d'années – il baigne dans une curieuse ambiance. Tout en voutes alvéolées, il est plongé dans une étrange semi-obscurité, à peine percée de faisceaux issus de néons blanchâtres. Le système de la SmartTrip Card est pratique. Il permet de circuler sans ticket en rechargeant périodiquement la carte aux bornes de paiement. Curieusement ma carte de crédit est rejetée après l'acquisition de deux smartrip card. Il faut acheter les deux autres avec du cash...
Au sortir du sous-sol, nous arrivons à proximité des Smithsonians, vaste enfilade de musées jouxtant le National Mall.
Notre promenade va consister à sillonner cette immense esplanade, joignant le Capitol au Lincoln Memorial. Il y a moins de trois mois, elle était noire de monde au moment de l'investiture de Barack Obama. Aujourd'hui malgré les touristes venus pour le National Cherry Blossom Festival, elle paraît presque vide.
Première étape de ce parcours initiatique, le gigantesque obélisque dédié à la mémoire de George Washington. Haut de près de cent-soixante-dix mètres et entouré d'une nuée de dérisoires mâts blancs sur lesquels flotte la bannière étoilée, il semble percer l'azur de son cône aigu. Sa pointe est faite d'aluminium, métal rare et presque aussi précieux que l'or à l'époque où il fut érigé. On peut y accéder paraît-il par un escalier, que nous n'essaierons pas d'emprunter...

La suite de la promenade est un véritable enchantement sous les innombrables voutes des cerisiers en fleurs. Nous avons la chance d'arriver au moment idéal pour visiter ce site et le soleil donne un air estival à cette journée. L'ambiance est détendue et la foule très débonnaire.
Nous cheminons le long du Tidal Basin d'où nous voyons progressivement se rapprocher le Jefferson Memorial. Sorte de rotonde blanche reposant sur des colonnes au style antique, elle abrite la statue en pied du troisième président américain dont on devine la silhouette sombre qui se détache en ombre chinoise sur le ciel.
En gravissant les marches marmoréennes du monument, j'avoue être parcouru par de délicieux frissons. Le souvenir des Pères Fondateurs est bien vivace sous mes yeux. Ce que j'ai imaginé est en somme conforme à la réalité. Ces temples modernes ne sont pas un vain mot. Ils impriment leur marque à la société dont ils sont encore les références, les symboles vivants. Je relis avec une indicible joie les fortes paroles gravées dans le marbre, qui ont entouré la naissance de cette nation et l'avènement de la liberté sur le monde.
Jefferson est un des hommes d'état auquel je voue la plus grande admiration. Il incarne à merveille à mon sens l'idéal démocratique moderne, exigeant pour l'individu l'indépendance d'esprit, la liberté d'opinion, mais aussi la responsabilité, et pour l'Etat l'organisation fédérale, la décentralisation, autant que la modestie administrative.
Hélas en ces temps troublés, la sagesse libérale est mise à mal et ces repères rassurants sont quelque peu perdus de vue par certains, un peu trop prompts à lâcher la proie pour l'ombre ou trop enclins à suivre de faux prophètes agitant leurs vieilles crécelles.

Nous passons devant le curieux monument édifié pendant le mandat de Bill Clinton, à la mémoire de Franklin Delano Roosevelt. Le président qui ne pouvait se tenir debout est représenté assis, couvert d'une lourde cape de bronze, et son chien à ses pieds, dans un style réaliste manquant singulièrement d'emphase. Non loin de lui son épouse se tient figée dans une alcôve. Le monument est constitué de blocs de granit sombre aux connotations symboliques. Au détour de l'un d'eux apparaît une funèbre procession de statues, évoquant les chômeurs des années noires. Seule note un peu légère, une cascade s'écoulant de ces stèles est censée signifier la paix retrouvée.

Nous n'aurons pas le temps d'en faire beaucoup plus en cette journée radieuse, fatigante pour les jambes, mais qui restera toutefois dans nos esprits comme une merveilleuse introduction à l'Amérique.

Revenus à Baltimore nous passons le début de soirée attablés à la terrasse d'un restaurant de spécialités italiennes. En face le Safeway, le supermarché local, est animé d'un ballet incessant de clients qui entrent et sortent. « A quelle heure ferme-t-il ?»,demande-je à mon ami.
« Jamais », me répond-t-il amusé. C'est ouvert 24h sur 24 et 7 jours sur 7. On y fait un petit tour par curiosité. On y trouve vraiment de tout y compris les médicaments. Quant aux fromages, réputés rares aux USA, on les voit à peu près tous à l'étalage, mais pas vraiment bon marché...

1 commentaire:

  1. Je reprends ts les articles depuis le début !!
    Je me pense incapable de supporter toutes les tracasseries administratives obligatoires pour entrer aux US (comme pour Israel)...
    J'ai encore la phobie des uniformes, même si je vais mieux de ce côté!! (J'arrive à téléphoner sans crainte depuis déjà 4/5 ans! et je n'ai plus ou presque le réflexe de vérifier si je suis suivie dans la rue)
    Mais lors du dernier controle de police à St Malo, c'est à l'hopital que je me suis retrouvée, suite à une crise d'angoisse!
    Donc tres peu pour moi, les passages de frontières comùpliqués..Peut être dans quelques années...
    MC

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