Comme suite à mon précédent billet, je ne peux trouver meilleur prolongement que l'intervention récente de l'amiral Edouard Guillaud , chef d'Etat-Major des Armées, lors d'un colloque organisé à l'instigation du Conseil Economique de Défense, à Brest.
Évoquant les nouveaux défis stratégiques mondiaux, il a fait le constat du décrochage militaire entre l'Amérique et l'Europe. Un chiffre résume la situation : depuis la fin de la guerre froide, 80% des troupes américaines qui y étaient stationnées en permanence, ont quitté le théâtre européen. Un chose apparaît désormais clairement : l'Europe n'est plus pour les USA un « continent prioritaire ». Quant à l'OTAN qui devrait plus que jamais être la charnière permettant l'articulation des politiques de défense des deux continents, elle peine à conserver sa légitimité et se voit contestée régulièrement par nombre d'Européens (au premier rang desquels... figurent les Français !)
L'amiral Guillaud n'a pas caché les doutes et la déception qui étreignent désormais les Etats-Unis au sujet de l'Europe : «27 pays de l'Union européenne peuvent-ils être considérés par les États-Unis comme des partenaires fiables quand ils refusent de partager le fardeau afghan ?». On pourrait ajouter, bien qu'il commence à dater, le manque de cohérence lamentable manifesté à l'occasion de l'intervention irakienne (avec ses deux sièges au conseil de sécurité de l'ONU, l'Europe n'a pas réussi à adopter une position commune, et la France, minoritaire, n'a pas hésité à maintenir une position très hostile à celle adoptée par les Américains).
Face à cette faille qui ne cesse de s'agrandir, la défense européenne, même si elle a tendance à s'organiser un peu mieux depuis quelques années, reste très en retrait de la puissance américaine, massée derrière un seul chef et dotée de plus du double de moyens financiers. La crise actuelle risque d'aggraver encore cet état de fait, ce qui à terme peut constituer un vrai risque pour la sécurité du vieux continent, que sa situation géographique amène à côtoyer des zones de tensions grandissantes.
Pire, pour le chef des Armées Françaises, si l'absence actuelle de volontarisme se pérennise, on risque à moyen terme, rien moins qu'une «démission de l'Europe», qui deviendrait spectatrice au lieu d'être actrice.
L'amiral Guillaud a rappelé que ce n'est pas ce que veulent les États-Unis, qui préfèrent « une Europe puissante à une Europe vassale ». Comble de l'ironie, plus l'Europe perd en puissance militaire et économique, plus elle manifeste sa volonté de se démarquer de la politique américaine... Y a-t-il encore un espoir que les pouvoirs politiques et l'opinion publique prennent conscience du danger représenté par ce trou noir, nourri d'orgueil, de vanité et d'inconscience, qui commence à grignoter par tous les bouts l'aspiration européenne et la menace du déclin ?
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