25 août 2011

Réflexions sur la beauté

Le mystère de la beauté est un des plus excitants qui soient. Y a-t-il seulement un être doué de conscience qui puisse y rester totalement insensible ? Imprimé au plus profond des fibres de l'être humain, il ne cesse de l'interroger, tout en provoquant son émerveillement. Pourtant, toute tentative d'analyse objective ou de démonstration logique se brise sur ce mystère, comme la houle acharnée sur les rochers impassibles. La beauté s'éprouve, elle ne se prouve pas disait le vénérable Kant.

Qu'est-ce donc que la beauté ?
Un vers du poète anglais John Keats fournit à mon sens une réponse magnifique, dans son évidente simplicité : "A thing of beauty is a joy for ever..."
Ainsi la beauté, tirée du réel (a thing), est conçue comme une source de joie, révélant par là même, l'expression de l'harmonie liant l'être humain au Monde. Quelque chose entre le Tao des Chinois, le Nirvana des Hindous, ou bien la béatitude chrétienne, ou encore la sérénité du sage. En d'autres termes, la beauté est au cœur de la problématique existentialiste, qu'on ne saurait mieux exprimer que par les mots du philosophe Schelling : "à travers l'Homme la nature ouvre les yeux et s'aperçoit qu'elle existe..."
Car sans nul doute, la beauté a besoin du regard de l'Homme pour avoir un sens. A quoi rimeraient de belles choses s'il n'y avait aucune intelligence capable de les apprécier ? On pourrait même aller plus loin, en affirmant qu'ici bas, seul l'Homme est en mesure de conférer à la beauté sa plénitude, en l'élevant au sublime. L'Homme donne son sens au monde et la Beauté donne son sens à l'Homme...

Pourquoi la Beauté est-elle si bouleversante ?
Kant encore lui, avait longuement porté son attention sur cette question et sur la double problématique du beau et du sublime qui la sous-tend, en précisant d'emblée ce qui les distingue : "Le beau charme, le sublime émeut" (Observations sur la nature du Beau et du Sublime). Le beau, isolé, ne serait en définitive qu'une aimable sensation, tandis que le sublime pourrait dans certaines circonstances n'être que de l'effroi. "Le jour est beau, la nuit est sublime" écrivait-il pour préciser sa pensée. Autrement dit, si les deux se renforcent mutuellement, tout ce qui est beau n'est pas sublime, et tout ce qui est sublime n'est pas nécessairement beau.
Une grande solitude a quelque chose de sublime sans être à proprement parler, belle. Un doux paysage champêtre dégage une indéniable beauté sans être sublime.
D'une manière générale, le plus fabuleux des spectacles donnés par la Nature n'est au mieux qu'une belle image : c'est la sensibilité du spectateur qui lui apporte la note sublime.
Seule l'association du beau et du sublime est donc vraiment bouleversante. Et c'est le propre du génie humain que de pouvoir catalyser cette alchimie, en donnant à ce qui est naturellement beau, la force du sublime.
Ainsi des notes de musique vont s'ordonner sous la volonté de Jean-Sébastien Bach pour donner le chef-d'oeuvre représenté par les variations Goldberg. Ainsi des pierres extraites laborieusement d'une carrière vont être sculptées et assemblées pour former une cathédrale. Ce qui peut faire dire à Saint-Exupéry qu'une telle construction "est bien autre chose qu'une somme de pierres. Elle est géométrie et architecture. Ce ne sont pas les pierres qui la définissent, c'est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification". Le travail humain et la magie de l'inspiration transforment la beauté naturelle de la matière en quelque chose de sublime, auquel ils donnent une dimension tragique : "On meurt pour une cathédrale, non pour des pierres " (Pilote de Guerre)

Cette dernière réflexion est révélatrice de l'essence du sublime. C'est ce par quoi la conscience mesure sa fragilité et sa finitude, et ce par quoi elle tente de s'élever au dessus de sa condition, de voir au delà du réel. C'est aussi le terrible vertige qui effrayait tant Blaise Pascal face au "silence éternel des espaces infinis". De fait, lorsque le terme de sublime est évoqué la mort n'est pas loin, ou en tout cas on sent la prégnance de l'indicible.

Ce frisson transcendant explique sans doute pourquoi on est souvent tenté de voir dans la beauté la manifestation de Dieu. Voire d'en faire une preuve de son existence.
Hélas, pas plus que le Bien, la Beauté ne révèle véritablement Dieu.
Car comme le Bien, et comme tant de choses ici bas, le Beau ne peut s'apprécier qu'au sein d'antinomies. Il est en effet impossible de l'imaginer sans son triste envers, la laideur. Et si Dieu était dans la beauté il serait également dans la laideur ce qui serait une aporie.
Et a contrario, ne pourrait-on alors gloser sur la beauté du diable ? Plus fort encore, ne dit-on pas non sans raison, que l'enfer est pavé de bonnes intentions ?

Nous ne pouvons exciper du beau pour attester du divin, et pas davantage statuer sur l'existence de Dieu car nous ne savons en définitive pas de quoi il s'agit, ni de quoi il pourrait être fait. "Dites moi comment vous définissez Dieu et je vous dirai s'il existe" expliquait Einstein ... "Donnez moi la matière, j'en ferai sortir un monde" avait de son côté affirmé Kant… Ces deux savants amènent non sans malice, le raisonnement à son point de rupture : personne ne peut définir Dieu, personne ne peut expliquer par quel sortilège se crée la matière.

Le mystère originel reste donc entier et la Beauté, au mieux, n'est qu'une voie, un passage. En y ajoutant le sublime, l'homme lui donne une direction, et en fait une espérance. Depuis l'antiquité, on sait bien que c'est le seul trésor laissé aux humains pour faire face aux fléaux, calamités, et misères dont ils ont hérité après que Pandore a laissé s'échapper le contenu de sa boite...


illustration : Pandore

2 commentaires:

  1. Anonyme1:19 AM

    vraiment
    quel beau texte philosophique sur la beauté

    bravo pour votre beau blogue
    sur la liberté de voir le beau:))

    permettez-moi de vous offrir
    une de mes chansons
    une vraie histoire vécue
    écrite sur le thème de la liberté

    SUFFIT D'UNE ALLUMETTE

    COUPLET1

    ma liberté
    une nuit un orage
    un jeune pouceux
    que j'ai connu s'a route

    à 25 ans
    y a perdu son courage

    j'ai 58
    c'est pas grave un naufrage

    l'un comme l'autre
    pas de sac de couchage
    rien à manger
    une chance ma gourde est pleine

    le jeune a mal aux pieds
    j'le vois dans son visage
    y va pleuvoir
    y a d'la glace dans ses veines

    REFRAIN

    que je lui dis
    suffit d'une allumette
    pour enflammer ta vie

    rêve d'une conquête
    d'un grand feu sous ta pluie
    d'un grand feu sous ta pluie

    COUPET 2

    ma liberté
    une nuit un orage
    j'ai dit au jeune
    va dormir en d'ssous d'l'arbre

    m'a prendre soin d'toé
    m'a m'occuper du feu
    mets mon manteau
    tu vas t'sentir au chaud

    une chance qu'on est
    en d'ssous d'un sapinage
    je casse des branches
    chu mouillé d'bord en bord

    la run est toffe
    pendant que le jeune dort
    je pris pour qu'il
    retrouve son courage

    COUPLET 3

    ma liberté
    une nuit un orage
    au p'tit matin
    chu complètement crevé

    y mouille encore
    mon feu est presque mort
    le jeune se lève
    y est comme énergisé

    y fonce dans l'bois
    y casse des gros branchages
    y est en pleine forme
    son feu m'monte au visage

    sèche mon linge
    lui son manque de courage
    y m'sert la main
    et reprend son voyage

    REFRAIN FINAL

    c'est lui qui m'dit
    suffit d'une allumette
    pour enflammer ma vie

    j'te jure
    que j'rêverai de ma conquête
    d'un grand feu sous ma pluie
    et le vieux
    je te remercie

    Pierrot
    vagabond celeste

    www.enracontantpierrot.blogspot.com
    www.reveursequitables.com
    google,
    video vagabond celeste,
    conteur Simon Gauthier

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  2. https://www.parclabelleidee.fr/docs/productions/Labeautecommeappat.pdf

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