26 août 2013

Blue Mood


Lorsque le spleen s'appesantit sur l'âme en proie à cette langueur étrange dont parlait Verlaine, lorsque les dernières gouttes tièdes de soleil signent la fin prochaine d'un bel été, lorsque l'esprit cherche en vain le moyen d'échapper à un destin trop navrant, lorsque le temps présent se fait l'écho, tout à la fois de joies finies et de tortures en devenir, quoi de plus réconfortant que quelques notes de jazz virevoltant dans l'air ?

C'est exactement ce qui m'arriva aux oreilles, ce soir d'août, tandis que je flânais, cahin-caha dans Royan, au bras rassurant de ma chère et tendre, que les vacanciers rassasiés de sel, de sable et de chaleur, remontaient nonchalamment de la plage, et que d'autres commençaient leur soirée en s'adonnant en rangs serrés au lèche-vitrine.

Nous tombâmes en arrêt, sur une place tranquille, d'où venait le flot plein de gaieté d'un trio musical boppant avec maestria sous un petit chapiteau tendu de blanc. Trois jeunes gens sapés comme des étudiants de quelque grande école, se déchaînaient sur le fameux standard de Stevie Wonder : You are the sunshine of my life !
On apprit par la voix du pianiste qu'ils avaient pour nom Thomas Mayeras (au piano justement), Julien Daude (à la contrebasse) et Germain Cornet (à la batterie).

Si le Blues est dit-on, la musique du diable, ce petit quart d'heure avait quant à lui quelque chose d'angélique. Elégance, classe et swing était les maîtres-mots de ce moment enchanteur. Quel miracle qu'on puisse encore dans notre époque épuisée, déployer tant de grâce et tant d'optimisme ! Et avec ça une jeunesse éclatante !

Je ne me souviens plus hélas du titre suivant, mais j'ai retenu qu'il s'agissait d'un hommage au superbe pianiste McCoy Tyner, hélas aujourd'hui un peu rangé des voitures, mais qui magnifia des années durant, le hard bop aux côtés de John Coltrane. Ni une ni deux, j'ai saisi mon appareil photo que j'ai toujours sous la main et je me suis mis à filmer goulûment (cf ce clip posté sur Youtube) ...

Il y avait également ce soir là dans ces mélodies savoureuses, un peu de Wynton Kelly, de Hampton Hawes, de Red Garland, de Phineas Newborn...
Au clavier Thomas Mayeras semblait narguer malicieusement, mais non sans un vrai et original talent de mélodiste, ses aînés. La basse était quant à elle épatante, simple et bien carrée, et la batterie particulièrement fringante, libre et débordante de breaks délicieux et de brosses veloutées. 
Décidément, ceux qui ont la faculté de pouvoir tromper de cette manière, "les ennuis et les vastes chagrins qui chargent de leur poids l'existence brumeuse"  sont bénis des dieux !

Encore bravo et merci !

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