09 février 2014

L'ère de l'art laid

Éternellement sans doute on s'interrogera sur la nature de la chose artistique. Mais, plus que jamais, le trouble est dans les esprits. Les sentiments extatiques qu'on peut éprouver en regardant un tableau de Rembrandt, en écoutant la musique que Bach ou en lisant une poésie de Baudelaire, n'ont pas grand chose à voir sans doute avec ceux que suggèrent nombre d'oeuvres d'art modernes.

Un nouvel exemple en est donné depuis quelques jours, avec la polémique née de l'installation d'une bizarre statue du sculpteur Tony Matelli dans le parc du prestigieux Wellesley College (Massachusetts). Bizarre en ceci qu'elle représente de manière hyperréaliste mais on ne peut plus triviale, un homme errant comme un somnambule dans la neige, avec pour seul vêtement, un slip informe. Les bras mollement tendus en avant, le visage livide, les yeux a demi clos et la bouche entrouverte, ce personnage sans âme, sans âge, et sans expression semble sorti d'un mauvais film d'horreur.

Censé promouvoir l'exposition dudit sculpteur dans les locaux de l'université (exclusivement féminine soit dit en passant...), cet individu égaré ne déclenche pas vraiment la sympathie des étudiantes puisqu'elles sont à ce jour plusieurs centaines à avoir demandé son retrait au motif qu'il serait « source d'appréhension, d'effroi, susceptible de raviver des souvenirs traumatiques d'agressions sexuelles chez certains membres de la communauté. »

En réponse à cette réprobation, le président de l’université et le directeur du musée ont fait une réponse délicieusement académique, affirmant notamment que «les meilleures œuvres d’art ont le pouvoir de stimuler des émotions profondes et de provoquer de nouvelles idées, cette statue ne faisant pas exception», avant de se réjouir qu’elle ait déclenché «une conversation passionnée sur l’art, le genre, la sexualité et l’expérience individuelle, à la fois sur le campus et les réseaux sociaux.» L'artiste quant à lui, probablement ravi in petto du petit effet produit, a fait mine de tomber des nues : «Je n'ai absolument pas voulu choquer quiconque...»

Chacun est juge naturellement, mais je suis prêt à parier qu'avec le recul du temps, « l'émotion profonde » provoquée par les œuvres de Matelli sera bien peu de chose face à celle éternelle qu'on éprouve en admirant les statues de Praxitèle, de Michel-Ange ou Rodin. Baudelaire s'attachait à transcender la laideur du monde pour en faire surgir la beauté. Rien de cela ici. Juste une laideur atrocement banale...

2 commentaires:

  1. Un art tout à l'image de son slip ! :-(

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  2. Anonyme10:20 AM

    on constate que " tous à poil" n'a pas que des avantages

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