07 mai 2017

Souffler n'est pas jouer

Et bien c’est donc fait ! le pari est remporté sans suspense ni surprise.


Si le talent de séducteur d’Emmanuel Macron n’est évidemment pas étranger au triomphe romain que le peuple vient de lui accorder, ce succès  en trompe-l'oeil révèle également la maladie profonde dont souffre la démocratie française.

Passons sur le caractère météorique de la carrière du très jeune nouveau Président de la République. Passons sur le caractère nébuleux de son programme, rempli de vides prometteurs et plein de contradictions dans l’inspiration (ni de droite, ni de gauche ou plutôt de droite et de gauche comme il se plaît à le dire…). Passons enfin sur l’aspect très hétéroclite des troupes qui le soutiennent, aux premiers rangs desquelles on voit nombre de politicards rassis, quelques convaincus de la première heure sans doute, mais aussi beaucoup d’opportunistes et de ralliés par pur pragmatisme.

Le plus important pour l’heure est de constater l’effondrement des deux grands partis qui contrôlaient de manière bi-polaire l’essentiel du débat depuis des décennies.

La Gauche socialiste est à l'agonie. Minée par les divisions, décrédibilisée par l'échec du quinquennat Hollande, elle n'a pas su évoluer ni se rénover.
La Droite traditionnelle ne vaut guère mieux. Littéralement éparpillée par cette campagne calamiteuse, elle n’a plus que ses yeux pour pleurer. Sans vrai leader et sans ligne directrice, elle paraît au bout du rouleau. Elle peut faire mine d’imaginer s’imposer lors des prochaines Législatives, mais l’espoir est ténu car le désastre de la Présidentielle risque d'être suivi par une onde de choc qui n’a pas fini de secouer le Landerneau.

En réalité, elle doit sa défaite à l'indigence de son inspiration et à ses erreurs stratégiques, et celles-ci ne datent pas d’hier. Les affaires qui ont terni l’image de François Fillon et la désunion qui s'ensuivit ne sont qu’une petite partie du problème. Les causes de la déroute peuvent être recherchées beaucoup plus loin. Aussi loin sans doute qu’existe le Front National.


Ce parti créé en 1972 n’émergea réellement sur l’échiquier politique qu’au cours des années Mitterrand. On se souvient des efforts que ce dernier déploya pour en doper l’influence tout en veillant de manière machiavélique à le diaboliser.
La stratégie du vieux politicien retors qui avait ourdi ou participé à tant de combines était simple, consistant à plomber la Droite modérée avec un boulet équivalent pour elle à ce qu’avait représenté durant des décennies pour le Parti Socialiste, l’épouvantail du Parti Communiste.


Mitterrand était parvenu à neutraliser ce dernier en l’asphyxiant au sein du Programme Commun de gouvernement.

Mais alors qu’il avait sans scrupule fait alliance avec l’extrême gauche, la Droite elle, se laissa emprisonner dans l’impasse idéologique représentée par le Front National. Elle fit même du zèle pour tenter de démontrer qu’elle n'avait rien à voir avec lui, jusqu’à nier toutes les idées ou propositions qui en émanaient, même si certaines étaient défendables. 

A contrario, dans le but de séduire certains électeurs, les dirigeants de la Droite classique se mirent à d'autres moments à renchérir sur le langage du FN (on se souvient du “bruit et des odeurs” de Chirac, du “kärcher” de Sarkozy.
Mais comme dans le même temps ils maintenaient leur ostracisme, ils ne firent que déboussoler un peu plus les gens. Et incapables de traduire en actions leurs propos provocateurs, ils ne firent que se décrédibiliser un peu plus, comme Sarkozy avec sa “ligne Buisson” et son piteux débat sur l’identité nationale.


Aujourd'hui, nous nous trouvons à la fin d’un cycle. Il est trop tard pour la Droite d'espérer phagocyter le FN, devenu plus gros qu'elle. De l'autre côté, les deux Gauches sont qualifiées "d'irréconciliables". Près de 50% des électeurs votent pour les extrêmes, et en face, nous avons une sorte de magma idéologique raccroché au radeau de la méduse de la social-démocratie. Que peut-il sortir de tout ça ?


Partout, le libéralisme a marqué des points décisifs, même dans les pays scandinaves qui se sont débarrassés peu à peu de la gangue socialiste.
Emmanuel Macron sera-t-il l’héritier de Hollande, laissant dériver un peu plus le paquebot France vers je ne sais quels abîmes ?
Ou bien saura-t-il construire quelque chose de solide, pour faire suite au joli soufflé de son élection, et incarner un vrai renouveau fondé enfin sur l’esprit de liberté et l’ouverture au monde, that is the question...
Il y a un tout petit espoir pour ceux qui sont résignés à l’idée que ce renouveau ne peut venir dans notre pays que de la Gauche...

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