30 janvier 2019

PMA, GPA, aux confins de l'être

Les progrès scientifiques et techniques plongent de plus en plus dans l’embarras les docteurs es morales et autres comités habilités à définir ex cathedra ce qu’est l’éthique. Les manipulations génétiques, les tripatouillages sur l’embryon donnent le vertige aux censeurs de la bienséance, voire de la bientraitance pour utiliser un terme à la mode. Derrière les considérations philosophiques, surgissent également des problématiques économiques de plus en plus inextricables.
Les débats qui font rage actuellement sur la Procréation Médicalement Assistée (PMA) et la Gestation Pour Autrui (GPA) illustrent le désordre grandissant qui s’installe dans les esprits.
La PMA est positionnée jusqu’à présent, comme son nom l’indique, dans le champ médical. Ce sigle abstrus est utilisé pour décrire l’ensemble des techniques permettant d’offrir aux couples infertiles la possibilité d’avoir des enfants, soit par insémination artificielle soit par fécondation in vitro. Dans les deux cas l’embryon résulte chaque fois que possible, de l’union des gamètes de chacun des deux parents. L’impossibilité de procéder de la sorte oblige à recourir à un ou deux donneurs ce qui crée une complication en terme de filiation car la loi stipule dans ce cas que les donneurs ne peuvent revendiquer aucun droit sur leur progéniture biologique.
Le problème se complique encore lorsqu'il s’agit d’étendre ces techniques aux femmes célibataires ou vivant en couples homosexuels. Il est indispensable en effet de recourir dans ces cas à un donneur de sperme nécessairement anonyme, ce qui prive de facto l’enfant de père biologique. On objectera que cet état de fait existe déjà lorsque une maman accouche sous X par exemple. Mais est-il légitime d’exciper de ces cas de figure dramatiques et peu souhaitables pour permettre voire organiser légalement et prendre en charge financièrement des techniques aboutissant peu ou prou au même résultat ?
On atteint un niveau supplémentaire de confusion lorsque la démarche émane d’un homme ou d’un couple homosexuel masculin.
Dans les pays où cette pratique est légale, il faut alors non seulement recourir à une donneuse d’ovocyte mais également à une femme porteuse, assurant la gestation de l’enfant fécondé in vitro à partir du sperme d’un des deux conjoints, parfois aléatoirement, ce qui induit pour l’enfant un doute qui peut s’avérer déstabilisant.
Précisons enfin que si les donneurs de gamètes restent anonymes, il est impossible d’exiger l’anonymat de la mère porteuse. De fait, le rôle de cette dernière est ambigu, parfois objet de discorde, sans parler des problèmes liés à une éventuelle rémunération plus ou moins officielle de la prestation...

A ce stade, on peut se demander où commence et où finit la morale, si ce n’est l’éthique. Pourquoi ne pas imaginer un couple formé par un frère et une soeur, s’aimant d’amour tendre ? Pourquoi d’ailleurs ne s’agirait-il pas de couples de même sexe, associant deux frères ou bien deux soeurs ? Et pourquoi en définitive s’arrêter à deux personnes ? Qu’y a-t-il d’immoral à imaginer des unions à trois, voire davantage ? Pourquoi enfin, de telles “associations” seraient-elles exclues par principe, du champ de la PMA et le de la GPA ? Et en fin de compte, pourquoi interdirait-on à un couple “standard” de recourir à une mère porteuse pour éviter les désagréments d’une grossesse ?
Selon le principe qui veut qu’une fois que les bornes sont franchies il n’y a plus de limites, jusqu’où peut-on aller ? La pente est des plus glissantes. On voit bien qu’on est en passe de faire sortir la PMA de son cadre strictement médical pour le généraliser à toute convenance personnelle. Comment dès lors empêcher de faire de même pour la GPA, ce que certains pays ont déjà entériné ?
La moralité n’est en l’occurrence peut-être pas le problème principal. Après tout, qui suis-je pour décréter ce qui est moral et ce qui ne l’est pas ? En vertu de quel principe immanent puis-je réclamer l’interdiction de pratiques susceptibles de procurer du bonheur aux autres, sachant que je n’ai pas besoin d’y recourir personnellement ?
On a vu émerger une problématique similaire avec la fameuse “interruption volontaire de grossesse” (IVG). Bien que le législateur se soit prononcé depuis belle lurette sur le sujet, croyant naïvement et en toute bonne conscience avoir épuisé le sujet, la controverse fait toujours rage. Et les arguments relèvent le plus souvent de la subjectivité, se réclamant de la Morale ou bien de la Foi. Mais qui peut raisonnablement prétendre avoir raison ? Qui peut affirmer par exemple qu’avant 12 semaines de gestation le foetus ne soit qu’un embryon, et qu’il devienne un être humain dès ce délai passé ? Où donc s’arrête le bon sens et la raison et quand commence l’eugénisme ? On voit trop que le sujet prête hélas le flanc à tous les débordements, à tous les excès doctrinaux...
Même si l’on fait fi de la morale, il est toutefois un constat dérangeant. Celui qui permet d’objectiver que malgré des méthodes de contraception toujours plus efficaces et nombreuses, on compte une IVG pour quatre accouchements ! Pire, ce ratio n’a aucune tendance à s’infléchir au fil du temps, traduisant un vrai problème de société, surtout lorsqu’on sait que l’IVG est prise en charge par l’Assurance Maladie d’Etat.

Là est sans doute le noeud du problème. Est-ce à la Sécurité Sociale de couvrir des frais occasionnés par des convenances personnelles ? L’IVG et par extension les techniques de PMA ou de GPA, hors du champ strictement médical, doivent elles être considérées comme des risques de la vie ou des accidents de santé qui doivent nécessairement être couverts par un système de protection dont la particularité est d’être obligatoire, et en situation de monopole absolu ?
La dérive incessante depuis des décennies des dépenses de santé couvertes par le système étatisé devient préoccupante. A force d’étendre le périmètre des prestations prises en charge, le risque est désormais grand de plonger le système entier dans la faillite.
Qui dit liberté devrait dire également responsabilité… En définitive, la morale est peut-être à ce prix, même si comme toujours, certains seront nécessairement mieux lotis que d’autres !

2 commentaires:

  1. "Et en fin de compte, pourquoi interdirait-on à un couple “standard” de recourir à une mère porteuse pour éviter les désagréments d’une grossesse ?" Procédé archaïque ! L'utérus artificiel étant quasiment, au plan technique, au point, tous les obstacles humains et sexuels seront bientôt levés. Nous seront alors dans un système d'égalité absolue devant la procréation et de surcroît débarrassé du temps naturel de grossesse, fort coûteux au plan social... L'horreur !

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  2. Merci de ce commentaire pertinent Michel. Effectivement, j'ai l'impression d'être encore de "l'ancien monde" !
    Et que dire des Transhumanistes qui tel Laurent Alexandre, nous affirment gaiement que nous vivrons bientôt mille ans ! Il y a de quoi perdre les pédales...

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