Pas de semaine sans une nouvelle victime expiatoire, sacrifiée sur l’autel de la Vertu. Cette fois c’est l’écrivain Gabriel Matzneff qui est cloué au pilori pour ses frasques sexuelles d’un autre siècle. Autrefois assimilées à un badin libertinage, elles sont désormais jugées à l’aune de la pédophilie la plus abjecte.
A l’époque, il était du dernier chic dans les milieux intellectuellement évolués et politiquement engagés, de célébrer toutes les transgressions à ce qu’il était convenu d’appeler “l’ordre bourgeois”. Cela n’excuse évidemment rien si l'on se réfère à l’absolu de l’impératif catégorique kantien, mais il était permis, pour ceux qui restaient rétifs à ces pratiques, de ne pas s’abandonner à la lecture de leurs errances assez glauques et misérables (selon l’aveu même de l’auteur…)
Le fait est qu’il ne s’agissait que de déviances “mineures” si l’on peut dire et globalement peu de gens s’intéressaient vraiment à cette littérature sulfureuse.
Le désormais vieillard Matzneff, rendu bien inoffensif par l’âge autant sans doute que par la solitude et par la lassitude, était depuis bien longtemps rangé des voitures, lorsqu’il fut amené brutalement sous les feux des projecteurs médiatiques. Et cela fit quelques victimes collatérales au passage. La foule anonyme de ceux qui n’ont pas moufté du temps des forfaits, mais surtout le cher Bernard Pivot dont l’extrait d’une émission datant de 1990 fait florès depuis quelques jours sur Youtube et se propage à la vitesse des virus via les réseaux sociaux. Le moins qu’on puisse dire est qu’il se révéla en la circonstance bien complaisant vis à vis de celui qu’il qualifia aimablement de “collectionneur de minettes”.
Face au tollé, l’animateur a bien tenté de se défendre et de minimiser les faits, mais c’était sans compter sur la force du tsunami qui s’abat sur l’opinion publique. Il a donc jugé prudent de faire amende honorable, regrettant en définitive “de n’avoir pas eu les mots qu’il fallait”...
La raison de tout ce tintamarre polémique ? Une des victimes supposées de l’écrivain, répondant au doux prénom de Vanessa, s’est souvenue tout à coup qu’elle avait été abusée par le prédateur, il y a plus d’une trentaine d’années, alors qu’elle n’avait que 14 ans (et lui 50). Elle se rappelle tout à coup que sa liaison qui dura plusieurs années avec le satyre, remplie de lettres d'amour et parfaitement connue de ses parents, n’avait rien d’une relation librement consentie.
On peut trouver étrange, si ce n’est quelque peu opportun, cette remontée subite d’un dégoût pour des faits si lointains, mais passons… Elle a bien le droit d’écrire au moment qui lui chante et de raconter les faits tels qu’elle les a vécus. A l’instar des récits de son ex-Pygmalion, personne n’est obligé de la lire ni de la croire...
Ce qui est le plus troublant dans cette histoire, c’est de voir tant de juges se lever soudain, et de les entendre, avec beaucoup, beaucoup mais vraiment beaucoup de retard, condamner des actes, en usant d’une violence et d’une intransigeance qui contraste singulièrement face à la mansuétude avec laquelle ils furent jugés à l’époque.
Les accusations portées après coup, alors que rien n’interdisait qu’elles soient émises au moment opportun sont d’une médiocrité affligeante. C’est le mal de notre époque. Les censeurs contemporains s’érigent en justiciers rétrospectifs pour faire le procès du passé. C'est commode, facile et peu risqué, mais cela ne sert à rien qu’à se donner bonne conscience à peu de frais.
Tel n’est pas le cas de Denise Bombardier, journaliste et femme de lettres québécoise, qui osa défier Matzneff il y a 30 ans sur le plateau de la fameuse émission Apostrophes, et lui envoya sans ménagement dans la figure tout son mépris et son indignation. A l’époque elle fut très mal vue pour cette audace et fut reléguée dans l’arrière-cour de la bonne société littéraire.
Autre temps autres mœurs. Bernard Pivot n’avait pas tort en évoquant cela lors de sa première intervention, après le scandale...
La sagesse serait de voir la société telle qu’elle fut et non telle qu'elle aurait dû être, et d’en conclure qu’à quelques exceptions près, les coupables étaient légions. Cela servirait probablement à mieux discerner les faiblesses du temps présent. Cela nous épargnerait également ces viles attaques ad hominem qui ressemblent de plus en plus à une chasse aux sorcières aux relents de curée, et cela nous éviterait le retour horrible de la délation systématique.
Cela préserverait enfin le repos d’âmes dont l’immoralité n’a quand même tué personne, contrairement à la “justice sociale” brandie par nombre d’idéologues bien pensants. La liste pourrait être longue de ces artistes maudits. Gauguin et ses vahinés, Nabokov et sa Lolita, Gainsbourg et son hymne acide au Lemon Incest, Thomas Mann et Visconti idéalisant l'éphébophilie avec Mort à Venise, Roger Peyrefitte et ses amitiés particulières, Verlaine déniaisant le jeune et “pas sérieux” Rimbaud, Degas et ses petits rats, Balthus et ses fillettes lascives, Radiguet et son arrogant diable au corps, Montherlant, Gide, Cocteau…
Si l'on condamne outre-tombe tous ces gens, où s’arrêtera-t-on sur la pente savonneuse de l’hypocrisie déguisée en morale ? 2020 et les années à suivre nous le diront peut-être...
Le fait est qu’il ne s’agissait que de déviances “mineures” si l’on peut dire et globalement peu de gens s’intéressaient vraiment à cette littérature sulfureuse.
Le désormais vieillard Matzneff, rendu bien inoffensif par l’âge autant sans doute que par la solitude et par la lassitude, était depuis bien longtemps rangé des voitures, lorsqu’il fut amené brutalement sous les feux des projecteurs médiatiques. Et cela fit quelques victimes collatérales au passage. La foule anonyme de ceux qui n’ont pas moufté du temps des forfaits, mais surtout le cher Bernard Pivot dont l’extrait d’une émission datant de 1990 fait florès depuis quelques jours sur Youtube et se propage à la vitesse des virus via les réseaux sociaux. Le moins qu’on puisse dire est qu’il se révéla en la circonstance bien complaisant vis à vis de celui qu’il qualifia aimablement de “collectionneur de minettes”.
Face au tollé, l’animateur a bien tenté de se défendre et de minimiser les faits, mais c’était sans compter sur la force du tsunami qui s’abat sur l’opinion publique. Il a donc jugé prudent de faire amende honorable, regrettant en définitive “de n’avoir pas eu les mots qu’il fallait”...
La raison de tout ce tintamarre polémique ? Une des victimes supposées de l’écrivain, répondant au doux prénom de Vanessa, s’est souvenue tout à coup qu’elle avait été abusée par le prédateur, il y a plus d’une trentaine d’années, alors qu’elle n’avait que 14 ans (et lui 50). Elle se rappelle tout à coup que sa liaison qui dura plusieurs années avec le satyre, remplie de lettres d'amour et parfaitement connue de ses parents, n’avait rien d’une relation librement consentie.
On peut trouver étrange, si ce n’est quelque peu opportun, cette remontée subite d’un dégoût pour des faits si lointains, mais passons… Elle a bien le droit d’écrire au moment qui lui chante et de raconter les faits tels qu’elle les a vécus. A l’instar des récits de son ex-Pygmalion, personne n’est obligé de la lire ni de la croire...
Ce qui est le plus troublant dans cette histoire, c’est de voir tant de juges se lever soudain, et de les entendre, avec beaucoup, beaucoup mais vraiment beaucoup de retard, condamner des actes, en usant d’une violence et d’une intransigeance qui contraste singulièrement face à la mansuétude avec laquelle ils furent jugés à l’époque.
Les accusations portées après coup, alors que rien n’interdisait qu’elles soient émises au moment opportun sont d’une médiocrité affligeante. C’est le mal de notre époque. Les censeurs contemporains s’érigent en justiciers rétrospectifs pour faire le procès du passé. C'est commode, facile et peu risqué, mais cela ne sert à rien qu’à se donner bonne conscience à peu de frais.
Tel n’est pas le cas de Denise Bombardier, journaliste et femme de lettres québécoise, qui osa défier Matzneff il y a 30 ans sur le plateau de la fameuse émission Apostrophes, et lui envoya sans ménagement dans la figure tout son mépris et son indignation. A l’époque elle fut très mal vue pour cette audace et fut reléguée dans l’arrière-cour de la bonne société littéraire.
Autre temps autres mœurs. Bernard Pivot n’avait pas tort en évoquant cela lors de sa première intervention, après le scandale...
La sagesse serait de voir la société telle qu’elle fut et non telle qu'elle aurait dû être, et d’en conclure qu’à quelques exceptions près, les coupables étaient légions. Cela servirait probablement à mieux discerner les faiblesses du temps présent. Cela nous épargnerait également ces viles attaques ad hominem qui ressemblent de plus en plus à une chasse aux sorcières aux relents de curée, et cela nous éviterait le retour horrible de la délation systématique.
Cela préserverait enfin le repos d’âmes dont l’immoralité n’a quand même tué personne, contrairement à la “justice sociale” brandie par nombre d’idéologues bien pensants. La liste pourrait être longue de ces artistes maudits. Gauguin et ses vahinés, Nabokov et sa Lolita, Gainsbourg et son hymne acide au Lemon Incest, Thomas Mann et Visconti idéalisant l'éphébophilie avec Mort à Venise, Roger Peyrefitte et ses amitiés particulières, Verlaine déniaisant le jeune et “pas sérieux” Rimbaud, Degas et ses petits rats, Balthus et ses fillettes lascives, Radiguet et son arrogant diable au corps, Montherlant, Gide, Cocteau…
Si l'on condamne outre-tombe tous ces gens, où s’arrêtera-t-on sur la pente savonneuse de l’hypocrisie déguisée en morale ? 2020 et les années à suivre nous le diront peut-être...
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