22 octobre 2020

Désarroi

S’agissant de la tectonique des plaques, on prétend qu'elle conduit à la dérive des continents. On pourrait appliquer le raisonnement aux sociétés humaines et aux civilisations. Il arrive parfois dans leur mouvement plus ou moins indéfini, qu’elles entrent en collision. L’affrontement peut être violent, colossal, de l’ordre du séisme en quelque sorte. Après le choc, il y a parfois création de montagnes ou parfois encore fusion des plaques. Il se peut également que la confrontation se fasse 
de manière moins frontale, une entité glissant peu à peu sur une autre la faisant peu ou prou disparaître.
C’est un peu ce qui se passe avec la société démocratique occidentale. Elle semble en passe de s’engloutir peu à peu dans les abysses, faute d’avoir encore assez d’énergie et de détermination pour s’imposer face aux autres.
L'événement atroce que notre pays vient de vivre n’est qu’un signe de cette déroute. A l’occasion d’un acte abominable, on semble prendre tout à coup conscience qu’un péril nous menace directement et on constate avec effroi que ses manifestations gangrènent toutes les strates de la société. Aujourd’hui c’est l’enseignement, hier c’était le journalisme satirique, puis le monde de la culture et du spectacle, puis même le cœur de l’institution policière.
La faute évidemment incombe à une politique laxiste et couarde durant des décennies, qui se paie de mots et de discours mais qui s’avère incapable de réagir avec force à ces torrents de haine et d’intolérance qui déferlent quotidiennement, heurtant de plein fouet notre mode de vie, notre culture, notre religion, notre système démocratique, nos libertés, bref tout ce qui fait le monde doré dans lequel nous vivions insouciants, au mépris même de tous les sacrifices consentis par nos aïeux pour nous permettre de profiter de cette situation privilégiée, sans doute jamais connue dans toute l’histoire de l’humanité.
La barbarie, lorsqu’elle surgit à nos portes, provoque une sorte de sidération. L'incompréhension et le désarroi s’emparent des esprits. Pourtant, comme à chaque fois, on apprend vite que l’horreur fut précédée de signes avant-coureurs, qui auraient dû mettre en alerte mais qui furent totalement négligés. Cette fois, l’assassin était un tchétchène musulman, bénéficiant du droit d’asile depuis mars dernier, et pour 10 ans, on ne sait pas trop pour quel type de persécution subie dans son pays, la Russie. Après avoir été accueilli par la République française si généreuse, non seulement, il ne fit rien pour se conformer à ses règles sociales, mais il s'est rapidement fait connaître par des actes de violence et dégradation de biens publics ! 
Quant à la victime, on sait qu’il s'agissait d'un enseignant très apprécié, qui pour son malheur osa évoquer auprès de ses élèves la liberté d’expression, en prenant pour exemple les désormais fameuses caricatures publiées par Charlie Hebdo. On apprend également mais un peu tard qu’à la suite de cet épisode, il avait été l’objet de menaces explicites, et de doléances exprimées par certains de ses élèves musulmans, et par leurs parents, au point d’avoir jugé nécessaire de porter lui-même plainte en diffamation. Plainte hélas non suivie d’effet...

Après coup, les Pouvoirs Publics font toujours mine de réagir. Quelques actions ponctuelles mais habituellement sans lendemain. Et beaucoup de compassion, beaucoup de cérémonies. Des fleuves de larmes, des tombereaux de discours, d'hommages et de paroles…
En la circonstance, les plus horripilantes sont celles qui font référence à des entités creuses ou inappropriées. Passons sur le pitoyable “Ils ne passeront pas” que M. Macron lança après la bataille, avec la voix blanche d'un général vaincu. Passons sur les lieux communs débités avec componction par le Premier Ministre M. Castex: “Cet assassinat barbare est un acte contre la vie et la République.” Passons enfin sur le jargon incompréhensible du ministre de la justice, qui réussit à dire en une seule phrase tout et son contraire...
S’il est quelque chose d’insupportable, c’est l’emploi immodéré de ces mots valises “république”, “laïcité”, “liberté d’expression”, “diversité”...
Parlons de république. Il en existe de toutes natures et parmi les pires, soviétique, populaire, islamique… Ça veut tout et surtout rien dire. Mieux vaut évidemment une monarchie parlementaire éclairée qu'une république en loques !
Parlons de liberté d'expression. Elle est à deux vitesses. On condamne Zemmour, on censure et on insulte Trump, on s'acharne en enquêtes foireuses sur tel ou tel politicien incorrect politiquement, on parvient même à interdire, sur les réseaux sociaux devenus justiciers, "l'Origine du Monde" de Courbet, au motif que le tableau constitue un outrage aux bonnes mœurs. Mais dans le même temps, on laisse libre cours aux prêches guerriers, aux propagandes haineuses, aux anathèmes abjects...
Décidément, tout cela est profondément écœurant. Il est si désespérant de voir le monde dit libre glisser peu à peu dans les profondeurs obscures du renoncement et de l’inconsistance. Seule consolation, puisque les gouvernants sont devenus des dames patronnesses et que la justice n'est plus que l'ombre d'elle-même, il reste la police. Quand on lui laisse la possibilité de faire son travail, elle parvient à neutraliser définitivement les brutes sanguinaires qui sèment la terreur, tout en sachant trop bien qu'ils ne sont que les combattants de la première ligne d'armées plus que jamais conquérantes...

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