04 janvier 2021

Démarrage à plat

L’année nouvelle ne démarre pas sur les chapeaux de roues en France. C’est le moins qu’on puisse dire. Le sinistre COVID y règne plus que jamais en maître. Pas forcément plus durement qu’ailleurs pourrait-on dire, mais pas moins non plus.
Le fait est que le pays est atteint de dépérissement chronique, couvre-feu oblige. Quantité d’activités sont en état d’hibernation. Pour combien de temps ? Nul ne sait…
Le vaccin dont on nous rebat les oreilles depuis des semaines, arrive. Sa mise au point, qui relève d’un vrai tour de force, révèle une fois encore le dynamisme des pays anglo-saxons et le génie du capitalisme. Ce n’est pas très politiquement correct à dire, mais c’est un constat. Deux des laboratoires pharmaceutiques à l’origine de cette innovation sont dirigés par des Français : Stéphane Bancel pour Moderna et Pascal Soriot pour Astra-Zeneca. Hélas ces compatriotes sont bien loin de leur pays d’origine, comme tant d’autres qui n’ont pu réaliser leurs projets et donner toute la mesure de leur talent qu’à l’étranger.

La France qui n'a de force qu'en paroles, a laissé mourir son industrie pharmaceutique et les quelques survivants au désastre n’investissent plus guère le champ de la création et de l’invention. On connaît les déboires de Servier avec le Mediator et l’acharnement que nombre de gens bien intentionnés, mettent à discréditer définitivement l’entreprise. Sanofi qui n’a plus grand chose de français était de son côté englué dans le scandale de la Dépakine. Voilà que son vaccin contre le coronavirus prend un retard catastrophique par rapport à ses concurrents. Quant à l’Institut Pasteur, il y a belle lurette qu’il ne fabrique plus rien, hormis des conseils et des recommandations…

Est-ce pour ces raisons que la France a raté le départ de sa campagne de vaccination ? Non, sans doute.
Les raisons sont à trouver comme toujours dans cette ineffable technostructure étatique et centralisée, qui nous a déjà lourdement pénalisés lorsqu'il fallait des tests et des masques. Le retard à l'allumage est désormais un fait aussi prévisible que le tonnerre après l’éclair.
Face à cette lenteur d’escargot, notre cher Président Emmanuel Macron “s'irrite contre une bureaucratie tatillonne”. Il fustige “un rythme de promenade en famille, qui n’est pas à la hauteur ni du moment, ni des Français”. Il exige que cela change “vite et fort”. Et il se distingue des incapables en s’attribuant, non sans un brin de fatuité, le beau rôle : “Moi je fais la guerre le matin, le midi, le soir et la nuit.”

En réalité, sauf les affidés très crédules, il ne saurait convaincre que lui-même. Car il n’a véritablement rien fait pour alléger cette fameuse bureaucratie que tout le monde constate mais contre laquelle toutes les bonnes volontés semblent impuissantes. Pire, on pourrait prétendre qu’il n’a fait qu'aggraver les choses avec son fameux “en même temps” qui le pousse en chaque circonstance, à simultanément affirmer une chose et son contraire, et à dire l'opposé de ce qu'il est supposé penser, pour “faire plaisir” à son interlocuteur.
Présidant le "Conseil de Défense" qui décide de tout, et notamment de la politique vaccinale face au COVID, n’est-ce pas lui qui nomma un “monsieur vaccin”, lequel ne trouva pas mieux à dire le jour de son investiture, qu’il était dubitatif sur les bienfaits dudit vaccin, et qui aujourd’hui prétend qu’il n’est pas un expert en logistique. A quoi sert-il donc, à part ruiner un peu plus le crédit de l’Etat ?
N’est-ce pas M. Macron, qui prit la décision de mettre sur pied, en plus de toutes les instances existantes, un «comité scientifique chargé du suivi de la vaccination» et d’y ajouter un “collectif de citoyens” composé de 35 personnes tirées au sort, dont la mission sera "d'émettre des observations et de formuler des recommandations sur la politique vaccinale” ?
Après le fiasco d’une initiative similaire en 2016 par l'administration Hollande, après le cafouillage de la concertation citoyenne sur le climat, M. Macron persiste donc dans l’erreur et prend le risque d’alourdir encore un peu plus les circuits déjà empesés du char étatique au nom de la démagogie.
Comment ne pas être affligé lorsqu’on apprend que la première réunion du collectif de citoyens n'aura lieu que le 16 janvier, et que les résultats de son travail sont attendus au mieux pour l’été… Comment ne pas être saisi par le désespoir lorsqu’on entend que le vaccin Astra-Zeneca, conçu plus classiquement que ses concurrents mais désormais parfaitement au point, facile à conserver dans un simple réfrigérateur, et qui coûte une bouchée de pain, ne sera pas autorisé par les kyrielles d’autorités “compétentes” avant le mois de février, en étant optimiste ?

Pendant ces temps d'interminable confinement, les Anglais quittent l'Europe en fanfare. Pendant ce temps les teufeurs, qui se moquent des virus et des lois comme d'une guigne, se défoncent à donf 36 heures durant, sous les yeux médusés des médias et des forces de l'ordre impuissantes. Pendant ce temps Bordeaux "l'assoupie" devenue l'écolo-bobo, sombre dans la voyoucratie meurtrière. Et pendant ce temps d'autres pays vaccinent à tour de bras...

Illustration: le char de l'État par C.J. Traviès, 1833.

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