09 mars 2025

The Clash (2) : la panique

Les réactions outrées de nombre de commentateurs, suite au clash '’historique'’ opposant Donald Trump à Volodymyr Zelensky le 28 février dernier, posent véritablement question. Dans toute l’Europe, les belles âmes semblent prises de panique. Elles se mettent à courir en tous sens, se répandent en lamentations, jérémiades et glapissements, pour finir en dérisoires imprécations.
De (presque) partout, les voix s’élèvent pour condamner une Amérique qui nous délaisse et nous méprise”. Si l’on écoute la voix de fausset du président déchu Hollande, Trump "n’est pas l’allié de la France", et il faut tout mettre en œuvre pour "lui faire très mal". Le pauvre bougre ne souvient manifestement plus du dédain avec lequel Barack Obama répondit à ses sollicitations obséquieuses, et ses courbettes serviles.
Comme trop souvent, notamment quand un président républicain est au pouvoir, le vieux fond anti-américain revient de plus belle.
En matière d’interprétation de la politique US, on voit et on entend tout et son contraire mais c’est toujours dans l’optique du conflit. Passons sur les imbéciles chroniques qui en sont toujours à réduire Trump à Hitler ou à Don Corleone. On peut lire ici ou là que l’administration Trump s’est rendue coupable de trahison, qu’elle mène une offensive contre l'Europe, et même qu’elle lui déclare la guerre commerciale. Pour ces gens qui voient le bout du doigt plutôt que l’astre qu'il désigne, c’est clair, désormais la force l’emporte sur le droit (comme s’il en fut un jour autrement), et une foule de questions angoissantes se font jour : Donald Trump veut-il vassaliser l’Europe ? Comment le faire plier ? Comment casser l’axe Trump-Poutine ?

Le cénacle des dirigeants est en émoi. Les sommets exceptionnels et les réunions de crise s'enchaînent à un rythme effréné. Passons rapidement sur la légitimité précaire ou discutable de bon nombre de participants, et sur leur unité plutôt décousue. Notre président, qui cherche à prendre le leadership de la coalition européenne, est l’objet d’échecs électoraux à répétition. Olaf Scholz récemment battu est en partance, Ursula von der Leyen ne dispose d’aucun mandat électif, Justin Trudeau, très impopulaire, est démissionnaire…
Le pire pour cette équipe évoquant les branquignols est qu’elle agit à contretemps (si tant est qu’elle agisse). Elle veut continuer de soutenir envers et contre tout l’effort de guerre d'une Ukraine épuisée et se veut plus agressive que jamais face à la Russie au moment où la paix se profile peut-être enfin. Macron qui n’est plus à un dérapage incontrôlé près, traite Poutine “d'impérialiste révisionniste”. Face à “la menace existentielle” qu'il ferait peser sur l'Europe, il en appelle à “la force d'âme des Français”.
Le quoi qu'il en coûte ressort pour financer “une économie de guerre” bien chimérique. Ursula van der Leyen annonce le déblocage de 800 milliards d’euros sans préciser d’où ils pourraient venir et à quoi ils serviraient ? Après avoir endetté jusqu’au cou son pays, Macron est prêt à faire une nouvelle fois les poches de ses concitoyens mais il n’y trouvera plus grand chose. Il y a puisé les dernières ressources qu’il a dépensées en pure perte pour financer d’extravagantes chimères écologiques et tenter  de maintenir à flot un modèle social en plein naufrage.

Il serait pourtant temps pour l’Europe de prendre son destin en main. Mais encore faudrait-il du courage, une vraie volonté politique et un projet concret. Qui peut croire qu’une défense commune européenne soit encore possible aujourd’hui ? Elle aurait dû s’imposer depuis des décennies, mais elle est restée au stade des vœux pieux, à l’abri confortable du parapluie américain. S’il venait à se refermer, qui prendrait la relève ?
Soyons un peu lucides. On adresse beaucoup de critiques, souvent féroces, à l’ami américain, et on n’hésite pas à faire défection à l’alliance sacrée quand cela nous défrise, mais on a toujours compté sans vergogne sur la protection de l’oncle Sam. On fait beaucoup de procès d’intention à Donald Trump, et on l’insulte à longueur de journée, mais on ne voudrait surtout pas qu’il quitte l’OTAN et on est effrayé à l’idée qu’il abandonne l’Europe. Il n’a heureusement jamais dit qu’il le ferait. Il souhaite simplement des alliés unis, loyaux et fiables, et une contribution de chacun qui soit équitable, ce qui objectivement est loin d'être le cas à l'instant présent. En vérité, confronté au morcellement européen, il pourrait poser la même question que celle lancée en 1970 par Henry Kissinger ”L'Europe, quel est le numéro de téléphone ?
Pour l’heure, notre président se comporte en histrion. Il se répand en palabres et en belles promesses, et voudrait dresser une ligne Maginot contre l’ours russe mais il est incapable d’endiguer le chaos migratoire, l’islamisme radical, le narcotrafic et les violences urbaines qui rongent la cohésion de notre société. Comment ne pas être consterné de voir une France qui veut tenir la dragée haute à Poutine mais s’aplatit comme une limande devant le petit tyranneau Tebboune ?

On peut approuver sans réserve le titre du récent éditorial de Franz-Olivier Giesbert qui rend grâce à Trump d’avoir provoqué enfin une réaction européenne, une prise de conscience. Le fond de l’article est moins convaincant hélas, notamment lorsqu’il affirme qu’il n’y a plus rien à attendre de l’Amérique. En réalité, c'est l’hostilité et l’inconstance de beaucoup de pays européens qui déclenche l’ire du président américain. Il n’a pas totalement tort lorsqu'il s’exclame que l’Europe a été créée pour emmerder les USA.
Ce conglomérat bancal qui n’a jamais “fait nation”, pour parler le sabir contemporain, a trop souvent manifesté un anti-américanisme méprisant, et un protectionnisme dédaigneux face au modèle culturel, économique et social régnant outre-atlantique. En d’autres termes, l’alliance est bonne quand elle garantit la sécurité. On se serre frileusement sous le parapluie, tout en crachant sur la main qui le tient.
Comme s’il s’agissait d’illustrer ce comportement bas et lâche, on voit ressurgir la bonne vieille rengaine du boycott visant les produits américains.
Cette quarantaine revancharde est non seulement vile et inopérante mais elle est néfaste à nos propres intérêts. Elle ne fait en tout cas pas honneur à l’intelligence de ses promoteurs car elle conduit à échauffer les esprits, risquant d’ouvrir la voie à des actes de vandalisme. Adieu vieille Europe, que le diable t’emporte…

07 mars 2025

The Clash (1) : la stupeur

Le violent clash opposant au sein du bureau ovale de la Maison Blanche Donald Trump, JD Vance et Volodymyr Zelensky fera date dans l’histoire des relations internationales.
Rarement langage fut plus cru dans un cadre diplomatique réunissant deux chefs d'État. Rarement on vit un tel entretien diffusé publiquement dans son intégralité. Sans doute y a-t-il parfois des désaccords et des éclats de voix mais ils se produisent habituellement hors du champ des caméras.
Cette liberté d’expression et de ton est-elle choquante ?
Oui, bien sûr si l’on est anti-trumpiste primaire et si l’on est obtus à son mode de pensée, ce qui est très répandu en Europe.
Non, si l’on est exaspéré par la langue de bois et par les circonlocutions coutumières à ce genre d’évènements et au discours politique en général.

L’opinion publique est tellement anesthésiée par des décennies de correction politique qu’elle se choque facilement du franc parler. Dans le même temps, elle éprouve comme une sorte de plaisir malsain à ces joutes verbales qui donnent lieu à des polémiques croustillantes, dont on adore faire tout un plat mais qui s’avèrent le plus souvent très vaines.
Bien que l’épisode dura près d’une heure, les médias ressassèrent en boucle les quelque quatre minutes les plus spectaculaires, qui ne constituaient pourtant qu’une réponse du berger à la bergère si l’on peut dire.

Venu pour évoquer l’appui américain à une perspective de cessez-le-feu entre son pays et la Russie, menant à une possible paix et au développement de nouveaux échanges commerciaux, le président ukrainien s’est montré plus belliciste que jamais.
Il exigea notamment, avant d’arrêter les combats, des garanties de sécurité assurées par des troupes en armes sur le sol ukrainien et déclara ne pas vouloir de compromis avec Vladimir Poutine qu'il qualifia de "tueur".

Cette arrogance conduisit Donald Trump à mettre les points sur les i sans s’embarrasser de politesses ni modération. Mais qu’a-t-il dit en substance ? Que les Etats-Unis ont abondamment aidé l’Ukraine sans beaucoup de résultats positifs hélas et que, sauf à prendre le risque d’un conflit majeur, et de jouer avec le feu nucléaire, il est temps de stopper ce qui s’apparente de plus en plus à un inutile jeu de massacre.
Il insista sur la position très fragile du dirigeant ukrainien. En dépit d’un sondage paraît-il flatteur, on peut en effet avoir de sérieux doutes sur sa popularité réelle et sa légitimité s’essouffle faute d’élections. Après 3 années de guerre, son pays est dévasté, en situation d’échec militaire, en dépit d’un coût humain exorbitant.
A Washington, le couperet est donc tombé de manière brutale mais somme toute, logique : “Si vous voulez continuer à vous battre, vous devrez le faire sans nous” a martelé Donald Trump, ajoutant toutefois “avec nous vous avez des cartes en main, sans nous, vous n’en avez pas”. On ne saurait être plus clair mais on ne saurait prétendre que le président américain ait abandonné l’Ukraine pour autant.

(à suivre)