04 octobre 2012

Ratages Scientifiques

La récente publication d'un article arguant de la toxicité des organismes génétiquement modifiés (OGM) a permis une fois encore, de mesurer l'incroyable pression médiatique dirigée à sens unique contre les fabricants de tels produits, et en particulier contre le groupe industriel américain Monsanto qui en a fait l'essentiel de son fonds de commerce. Elle a démontré une fois encore la crédulité effarante de la presse, et a mis en évidence la facilité qu'il y a de nos jours de colporter de très douteuses controverses en leur donnant les apparences de l'objectivité.
Rarement on aura vu autant d'a priori et de mauvaise foi servis à l'appui d'une thèse. A tel point que ce qui se présentait comme un travail scientifique rigoureux a tourné au véritable procès en sorcellerie, si ce n'est à la pantalonnade, ne faisant guère honneur à ses auteurs, au premier rang desquels figure Gilles-Eric Seralini, chercheur en microbiologie à Caen.

Avant même de s'intéresser au contenu de l'article, l'orchestration insensée qui a entouré sa publication plaidait contre lui.
Dans la presse Grand Public, ce fut en effet un déluge de titres aussi définitifs que partisans, pour saluer ce travail de manière unanime. Dès le 18/09/12, jour même de la parution de l'article dans le journal Food And Chemical Toxicology, alors que personne n'avait pu raisonnablement en faire une lecture un peu approfondie, le ton fut donné par le Nouvel Observateur, toujours prompt à promouvoir des supercheries, qui s'exclamait victorieusement : « Oui les OGM sont des poisons ».

Le plus élémentaire bon sens aurait pourtant incité à la retenue face à une étude portant non sur l'homme mais sur le rat. La prudence aurait conseillé d'y regarder à deux fois eu égard au petit nombre d'animaux étudiés (200 parmi lesquels seuls 20 étaient considérés comme groupe « témoin », c'est à dire non soumis à une alimentation à base d'OGM). Le questionnement aurait du s'imposer devant le caractère spectaculaire pour ne pas dire la monstruosité des tumeurs atteignant les animaux, exhibées comme preuves absolues de la nocivité du maïs transgénique NK603.
Comment expliquer en effet une telle toxicité, alors que jamais on n'entendit parler de surmortalité chez les millions animaux de laboratoire ni le bétail, couramment nourris depuis plus de 20 ans par ce type de produits. Et comment expliquer que les Américains qui eux-mêmes les consomment au quotidien depuis plus de 10 ans ne présentent pas plus de maladies cancéreuses que les Européens qui n'y touchent pratiquement pas ?
En bref, comment peut on être aussi affirmatif sur la foi d'une seule étude ? C'est un tel non sens scientifique, qu'il paraît à peine croyable qu'on ait pu lui accorder si vite autant de crédit.

Ce qui devait arriver arriva. Il ne fallut que quelques jours pour que les critiques fusent de toute part à travers le monde. Ce fut bientôt évident : l'étude était entachée de biais méthodologiques en si grand nombre qu'il était impossible d'en accepter les conclusions, sauf à en être convaincu d'avance ! Le seul choix des animaux inspire la suspicion : la littérature scientifique montre en effet qu'au bout de deux ans, 90 % des rongeurs de la variété dite "Sprague-Dawley" attrapent un cancer. Qu'ils aient mangé ou non des OGM !
L'opinion publique étant par nature versatile, le revirement fut brutal. Les mêmes qui avaient tambouriné haut et fort les conclusions alarmantes de l'essai, se firent du jour au lendemain l'écho du scepticisme montant.
En revanche, la réaction des auteurs face à cette bronca, aggrava leur cas. Non seulement ils ne firent pas amende honorable mais ils se braquèrent en se prétendant "attaqués de manière extrêmement malhonnête par des lobbies" et en refusant toute contre-expertise, même par des organismes aussi officiels et indépendants que l'Agence Européenne Chargée de la Sécurité des Aliments (EFSA).
S'agissant de l'indépendance revendiquée des auteurs, elle pourrait quant à elle prêter à sourire si l'enjeu n'était pas aussi sérieux. M. Seralini est le président du Comité Scientifique du CRIIGEN, qui se consacre exclusivement à la recherche des effets toxiques des organismes transgéniques. Et il n'est entouré que de gens qui ne font pas mystère de leur militantisme: entre autres, Joël Spiroux de Vendemois, médecin homéopathe et acupuncteur, Corinne Lepage, figure bien connue d'une écologie qui ne fait pas dans la nuance....

A quelque chose malheur est bon. Cette pitoyable controverse pourrait se révéler utile. Puisque l'expérimentation animale s'avère capable de produire des résultats inadéquats au but qu'elle se fixe et, plus grave encore, puisque ceux-ci sont manipulables, il s'avère délicat d'en tirer des extrapolations trop affirmatives. Aussi bien à l'appui d'une thèse qu'à son discrédit.
On mesure par là même, la difficulté qu'il y a de mener des expérimentations crédibles, pourtant indispensables au progrès. 
Si après plusieurs décennies d'utilisation, la toxicité des OGM fait toujours débat, leurs bénéfices sont légions. Les retombées de ces techniques s'étendent d'ailleurs largement au delà de l'alimentation. Nombre de médicaments sont obtenus à partir de bactéries transgéniques, et les essais de thérapies géniques modifiant les gènes de l'homme ne choquent personne. Ils sont même régulièrement présentés comme une source d'espoir et donnent lieu à de vibrants appels à la charité publique (téléthon).
Il n'en reste pas moins que la vigilance doit rester de mise. La fable de l'apprenti sorcier doit toujours hanter l'esprit des scientifiques. Mais sans paralyser leur génie inventif, et sans prendre le masque sectaire de l'idéologie. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » disait en son temps le bon Rabelais. Science livrée à la passion n'est que perdition, pourrait-on renchérir...
Aujourd'hui même, on apprenait, après l'incroyable tohu-bohu déclenché par l'affaire dite du Mediator, que 85% des demandes d'indemnisation avaient jusqu'à présent été retoquées faute de preuve. Alors que certains accusateurs, sans disposer de données objectives suffisantes, n'avaient pas hésité à évoquer 500, puis1000 voire 2000 morts....

1 commentaire:

  1. Récupération de commentaires :

    04/10/12
    extrasystole a ajouté un nouveau commentaire sur votre message "Ratages Scientifiques" :

    merci,
    La lecture de tes écrits devraient être remboursés par la sécurité sociale. Ce serait la seule initiative intéressante qu'elle prendrait depuis de nombreuses années. Mais il faudrait sans doute créer une commission de remboursements et une équipe de contrôleurs pour s'assurer que tu a été lu. Si cette lecture n'a pas été tracée et signée le contrevenant aurait a rembourser et payer des amandes ad hoc. Autant laisser tomber.
    fraternité
    extrasystole

    05/10/12
    Pierre-Henri Thoreux a ajouté un nouveau commentaire sur votre message "Ratages Scientifiques" :

    S'agissant de Sécurité sociale, il y aurait beaucoup à dire à propos des contrôles ;)
    Merci en tout cas de ta visite !

    06/10/12
    Anonyme a ajouté un nouveau commentaire sur votre message "Ratages Scientifiques" :

    l'obsession de faire peur jointe a la généralisation de la théorie du complot alliées à un certain terrorisme écologique à tendance totalitaire abêtissent nos contemporains et contribuent à détruire tout espérance dans le progrès .
    C'est une triste particularité de nos temps mornes et angoissants

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