07 octobre 2011

In memoriam : Steve Jobs


Il était l'incarnation idéale de l'entrepreneur. Selon la conception libérale naturellement. Marchand autant qu'inventeur. Créateur autant que décideur. Magicien autant que gestionnaire.
Un chef d'entreprise et un self-made man comme seule l'Amérique sut et sait encore en produire tant.

Alors que l'Occident vacille sur ses bases, qu'il perd la foi en ses valeurs et semble s'abandonner à un défaitisme et une frilosité paralysantes, sa figure tutélaire de commandeur jette en disparaissant, une clarté quelque peu irréelle sur ce monde crépusculaire.

Luttant contre la fatalité qui se mit plusieurs fois en travers de son chemin, il sut tirer parti de ses échecs et de ses infortunes, donnant par son énergie et sa soif d'innovation, une signification lumineuse au fameux concept schumpeterien de destruction créatrice.
Renaissant sans cesse de ses cendres, ce Phénix à l'allure si austère, si énigmatique, fut un révolutionnaire au sens le plus noble du terme. Il administra la preuve éclatante que le génie individuel peut prendre le pas sur l'adversité, sur toutes les administrations, tous les mastodontes organisationnels, toutes les planifications, tous les dogmes, et qu'il peut changer en mieux le monde. Il montra qu'il ne faut avoir aucune crainte à produire des richesses pourvu qu'elles s'inscrivent dans un but louable, qu'elles aient quelque utilité et qu'elles rendent plus douce la vie.
En faisant le pari insensé que l'ordinateur, qu'on imaginait réservé aux administrations et à la bureaucratie, serait l'outil individuel par excellence et un formidable moyen d'émancipation et de communication, il ébranla sérieusement le mythe grimaçant de Big Brother.

Steve Jobs enchanta le quotidien de millions de personnes qui sont des êtres humains avant d'être des consommateurs. Mieux, il parvint à susciter du désir et à faire rêver, avec de froides machines. Au passage il démontra avec brio qu'en matière économique, contrairement à une opinion répandue, l'offre précède souvent la demande ("Ce n'est pas le rôle du client de savoir ce qu'il veut" confia-t-il malicieusement au moment du lancement de l'Ipad). Il prouva également qu'on peut être compétitif en misant sur la qualité et la séduction plutôt que sur la productivité et les bas prix. Bref, comme beaucoup d'hommes d'action, il fit mentir les théories.

Certes, parvenu aux cimes de son art et au sommet de sa puissance, il fut rattrapé par les inconvénients du gigantisme, et eut une certaine propension à se satisfaire de la position dominante qu'il était presque parvenu à acquérir, à céder à la tentation du monopole. Commerçant génial, il eut tendance en usant de procédés discutables, à vouloir rendre captive la clientèle qu'il avait conquise.

Mais, tout bien pesé, le "pour" l'emporte largement dans cette destinée hors du commun. Il avait le plus beau nom qui soit pour un entrepreneur générateur d'emplois. Fasse le ciel qu'il perdure comme le symbole d'une société décidée à rester ouverte, en quête perpétuelle de progrès, de bonheur et de désir.

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