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26 avril 2014

Turgot, lumineux (2)

Les Amoureux de la liberté peuvent se consoler de l’injuste discrédit qui frappa Turgot en se plongeant dans les quelques écrits d’une éclatante modernité, qu’il laissa à la postérité.

En premier lieu, le tableau philosophique des progrès successifs de l’esprit humain qu’il proposa sous forme de discours à la Sorbonne en 1750, alors qu’il n’était âgé que de 23 ans.
Il y développe des conceptions pragmatiques empreintes d’humilité assez caractéristiques de la pensée libérale.

Du spectacle de la Nature, il retient cette impression de perpétuel renouvellement, où “le temps ne fait que ramener à chaque instant l’image de ce qu’il a fait disparaître” et par contraste, “la succession des hommes qui offre au contraire, de siècle en siècle, un spectacle toujours varié.”
A l’inverse du credo égalitariste de Rousseau, il fait le constat que “la nature inégale en ses dons a donné à certains esprits une abondance de talents qu’elle a refusée à d’autres…” et y voit la raison profonde de la marche chaotique du monde sur la voie du progrès : “Les circonstances développent les talents ou les laissent enfouis dans l’obscurité; et de la variété infinie de ces circonstances, naît l’inégalité du progrès des nations.”
A contrario, “la barbarie égale tous les hommes”, notamment lorsqu’ils perdent l’ambition de devenir meilleurs, qu’ils ne manifestent plus l’envie de corriger leurs erreurs, ou qu’ils s’abandonnent à leurs vieux démons : “Quel spectacle présente la succession des hommes ! J’y cherche les progrès de l’esprit humain et je n’y vois presque autre chose que l’histoire de ses erreurs. Pourquoi sa marche si sûre dès les premiers pas dans l’étude des mathématiques, est-elle dans tout le reste si chancelante, si sujette à d’égarer ?”
Pire que tout cependant, est l’inclination aux croyances non fondées : “Ce penchant presque invincible à juger de ce qu’on ignore par ce qu’on connaît.../… Ces analogies trompeuses auxquelles la grossièreté des premiers hommes s’abandonnait avec tant d’inconsidération.../… Les égarements monstrueux de l’idolâtrie…”

Au total, une vision réaliste, qui fait de l’être humain l’artisan principal de son destin et le porteur de ses propres espérances, ce qui suppose une aptitude à se remettre en cause et à ne pas préjuger de ses capacités : “parce que l’orgueil se nourrit de l’ignorance, par ce que moins on sait, moins on doute; moins on a découvert moins on voit ce qui reste à découvrir…”

Dans une lettre à Hume datée de 1767, Turgot aborde certains problèmes économiques. Il rejoint le philosophe écossais dans sa définition du prix courant des marchandises, basée selon eux uniquement sur la loi de l'offre et de la demande. Turgot nuance un peu ce point de vue en définissant la notion de “prix fondamental” qui pour une marchandise, est ce que la chose coûte à l'ouvrier, et qui augmente dès que des impôts ou des taxes s’interposent. Ce constat l’amène à déplorer “les inconvénients de l’impôt sur les consommateurs, dont la perception est une atteinte perpétuelle à la liberté des citoyens.” Non sans humour, il détaille ainsi les multiples contraintes et effets pervers engendrés par le fisc : “il faut fouiller aux douanes, entrer dans les maisons pour les droits d’aides et d’excises, sans parler des horreurs de la contrebande, et de la vie des hommes sacrifiés à l’intérêt pécuniaire du fisc : voilà un beau sermon que la législation fait aux voleurs de grand chemin…

21 avril 2014

Turgot, lumineux (1)

Moins de deux ans, c’est ce que notre pays accorda au libéralisme pour faire ses preuves !  C'est vraiment peu pour une nation qui a inscrit la Liberté au fronton de tous ses édifices publics.
Au surplus, ces deux petites années ne datent pas d'hier. Elles s'étendent précisément d’août 1774 à mai 1776, période durant laquelle Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781) fut contrôleur général des Finances du Royaume de France. Cette époque aurait pu être bénie, or elle fut maudite...

Elle commençait pourtant bien.
Lorsque Turgot fut promu ministre par la volonté du jeune Louis XVI, celui-ci venait d'accéder au trône, et tous deux avaient en tête une foule d'idées audacieuses. Le pays en avait bien besoin, tant il s'asphyxiait dans des schémas sociétaux archaïques et tant il croulait sous les dettes.
De l’autre côté de l’Atlantique, à l’Ouest, un vent de liberté se levait, irrépressible. Il était porteur de grandes espérances et la France qui ne contribua pas peu à le faire naître, pouvait être le relais sur le vieux continent, de ces aspirations nouvelles.

Etrange pays que le nôtre ! Nombre de philosophes, d’économistes et de penseurs s’y illustrèrent dans la défense des idées libérales, et très peu de politiciens et d’hommes d’état ont tenté de les mettre en application.
Turgot constitue une exception notable. Il fut à la fois penseur brillant et homme d'action intrépide. Il servit un roi doté d’une grande ouverture d’esprit, apte sans aucun doute à mettre en oeuvre la grande révolution intellectuelle portée par les Lumières.
Mais, paradoxe navrant, il fut renvoyé dans ses foyers prématurément sous la pression d’intellectuels jaloux de leurs prérogatives, tandis que le roi fut la victime expiatoire de révolutionnaires obtus, se gargarisant de liberté ! Et si en définitive le ministre déchu n’eut pas un destin aussi funeste que son monarque, ce fut sans doute parce que la maladie le terrassa à 53 ans, quelques huit ans avant la prise de la Bastille !

Son passage aux affaires fut marqué par d’indéniables et rapides succès économiques, permettant notamment la réduction drastique de l’endettement du pays, non par l’accroissement des impôts ou le recours à l’emprunt, mais par une gestion budgétaire rigoureuse, et de substantielles économies. Le principe, décrit
dans la lettre qu’il adressa à Louis XVI suite à sa nomination, était simple : “Si l'économie n'a précédé, aucune réforme n'est possible”.
Tout en assainissant les finances du pays, il amorça toutefois en parallèle d’audacieuses réformes libéralisant le travail et les échanges commerciaux. Il supprima nombre de charges absurdes qui pesaient sur le peuple, dont les corvées royales qui contraignaient les paysans et les roturiers, à fournir à l’Etat des jours de travail non rémunéré, consacré à l’entretien des routes. Il abolit les jurandes, maîtrises et autres dispositifs corporatistes qui bridaient l’accès à nombre de professions et en réservaient les avantages à quelques élus.
Hélas, une cabale de privilégiés, et de très mauvaises récoltes dues aux aléas climatiques tuèrent dans l'oeuf ce vaste programme de modernisation de l’Etat. Louis XVI, bien intentionné mais influençable et manquant de détermination, le révoqua de ses fonctions. Résultat, de concessions en concessions, le pouvoir s’affaiblit et il ne fallut que quelques années pour que le pays bascule dans le grand désordre de la révolution.
Au moment de son éviction, Turgot avait mis en garde Louis XVI de manière prémonitoire : « N'oubliez jamais, Sire, que c'est la faiblesse qui a mis la tête de Charles 1er sur un billot... »

23 janvier 2014

Lueurs libérales

Dans la désespérante médiocrité du débat politique en France, qui végète dans les poncifs, les raccourcis caricaturaux, et les tabous idéologiques les plus archaïques, les amoureux de la démocratie et de la liberté guettent avec patience toute nouveauté susceptible de poindre à l’horizon.


C’est peu dire que l’espoir est ténu, tant l’esprit français semble à mille lieues du libéralisme. Première valeur du fameux triptyque républicain, et essentielle, puisque toutes les autres lui sont conditionnées, la Liberté ne semble pas passionner grand monde.
Pire, la France dont nombre de penseurs ont pourtant porté très haut au plan conceptuel les idées libérales, n'a pour ainsi dire jamais bénéficié de leur application pratique. Elles furent parfois instillées à doses homéopathiques et à certains moments même un peu plus, pour sauver de la ruine les théories socialisantes. Mais personne n'osa s'en réclamer clairement.

Il faut remonter à Turgot pour trouver un homme d'Etat épris de libéralisme. Celui-ci, qui aurait sans doute évité à la France bien des mésaventures, a malheureusement été très largement incompris par ses contemporains, au point que Louis XVI dut le révoquer en 1776, ironie de l'histoire, au moment précis où la Liberté trouvait sa terre d’élection en Amérique !
Depuis, en France, quasi personne n'a repris le flambeau… On connut des révolutions, des coups d'état, des empires, des retours de royauté, et une ribambelle de républiques, mais de régime libéral, point...


De nos jours, Alain Madelin tenta bien de faire renaître de ses cendres ces idées progressistes dans toute l’acception du terme. Hélas, il se heurta à un mur d’intolérance et de sectarisme. Il se retira de la vie politique, laissant en déshérence son parti “Démocratie Libérale”, après avoir essuyé un revers électoral cuisant lors de l’élection présidentielle de 2002, où il n’atteignit même pas la barre des 5% au premier tour. On se souvient que Jacques Chirac fut élu avec près de 83% des suffrages, à la grande honte d’un pays décidément en froid avec les règles démocratiques !

Depuis, on compta quelques initiatives sympathiques, mais tournant à peu près toutes au fiasco. Ainsi Alternative Libérale créée en 2006 par Edouard Fillias ne décolla jamais vraiment et ne put même pas présenter son candidat en 2007, faute d’avoir recueilli les 500 signatures requises. Il se rangea piteusement derrière François Bayrou, avant de fusionner en 2011 avec le Nouveau Centre d’Hervé Morin...
Le Parti Libéral Démocrate sorti des ruines d’Alternative Libérale ne fit pas mieux et soutint Bayrou en 2012 au premier tour de l’élection présidentielle (lequel se désista pour Hollande...), avant de se fondre dans l’UDI en 2013….


Sauf à sombrer dans le désespoir le plus noir, lorsqu'on est épris de liberté, on se raccroche à toute lueur dans ce tunnel politique infâme qui asphyxie le pays depuis si longtemps !
C'est dire l'intérêt avec lequel on peut considérer l'initiative audacieuse d'un entrepreneur un peu fou, Denis Payre. Après avoir été à l’origine de quelques belles réussites commerciales ayant rapidement acquis une envergure internationale (Business Objects, Kiala…), il s’attaque hardiment aux problèmes de notre société, en fondant un mouvement baptisé “Nous Citoyens”.

Sans cacher ses ambitions politiques, ce qui n’est pour l’heure qu’une association, aspire avant tout à donner le rayonnement qu’elles méritent à des idées fondées sur le bon sens et le pragmatisme. Les chantiers ne manquent pas : Vie Politique, Economie, Education, Santé, Logement, Europe, Environnement, lutte contre l’exclusion… Tous ces domaines où malgré son omniprésence, l’Etat se révèle de plus en plus dépassé, et incapable d’apporter de réelles solutions.
Parmi les tares qui sont dénoncées et auxquelles il est urgent de s’attaquer figurent une dépense publique hors de contrôle, une fiscalité confiscatoire, un chômage de masse désolant.

Tout se tient dans ce tourbillon qui tourne à la manière d’un cercle vicieux.
Pour le rompre, ce sera sans nul doute difficile et probablement douloureux tant il y aura de principes à remettre en cause, tant il sera problématique de désamorcer l’idéologie dominante de l’Etat-Providence. Chacun est invité à proposer son opinion dans cette démarche participative originale. C’est peut-être l’amorce d’un vrai débat, sans tabou. Une bouffée de liberté et une perspective de responsabilité citoyenne. Qui sait ?

20 novembre 2013

L'Europe en berne

En écoutant Michel Barnier interrogé le 19/11/2013 sur France Culture, pour peu qu’on ait encore quelques illusions, on ne pouvait qu’être  une fois de plus navré de constater la pusillanimité, la versatilité et pour tout dire, l’absence de réelle conviction de la plupart des politiciens ambitionnant de gouverner le peuple.

M. Barnier dont le port altier, l’élégance et le sang froid évoquent le gestionnaire avisé, a dans l’opinion publique l’image d’une personnalité plutôt libérale et européiste. il a fait toute sa carrière dans la droite néo-libérale française, et on connaît ses nombreuses responsabilités depuis des lustres, au sein du gouvernement français et de la Commission Européenne, dont il est à ce jour Commissaire aux marché intérieur et aux services. On apprend d’ailleurs qu’il brigue rien moins que la fonction de Président de ladite commission, au printemps 2014…

Pourtant, son discours, ciblé sur la politique européenne avait vraiment de quoi faire frémir.
Premier sujet d’étonnement, jamais cet homme qui fut au cours de sa longue carrière, tour à tour député, commissaire, et même ministre des affaires européennes, n’évoqua une quelconque responsabilité dans l’excès de bureaucratie, qu’il déplore comme tant de gens. Au contraire, il plaida pour régulation renforcée, en prenant l’exemple du secteur des banques.
A ce sujet, il en profita pour propager l’erreur si communément admise par les politiciens, consistant à mettre sur le dos de ces dernières, tout le poids de la crise actuelle. C’est évidemment commode pour s’exonérer de ses propres responsabilités.

M. Barnier reprit donc l’antienne éculée qui fait de la crise des subprime la cause de la panade européenne, et qui raconte “qu’à force de mal se comporter, à force de bonus insensés et de mauvaise gestion”, les banques se sont retrouvées en situation de quasi faillite, contraignant les contribuables à les renflouer.
Si seulement c’était vrai, on serait heureux en la circonstance d’être contribuable, puisque comme chacun sait, les banques ont remboursé leurs dettes, intérêts compris, en à peine plus d’une année ! Si seulement c’était vrai, car on se demande bien comment l’Etat, lui-même endetté jusqu’au cou aurait pu leur prêter l’argent qu’il n’avait pas… Ce qui est certain c’est que malgré cette bonne opération, ce dernier se retrouve toujours plus endetté !

Et de cela M. Barnier ne parle guère…

Au passage, il oublie d’ailleurs que si certaines banques ont été mises en difficulté, c’est souvent par la faute de l’Etat qui les a encouragées à prêter tous azimuts, même dans des conditions très risquées (notamment lors de l’affaire des subprime aux Etats-Unis). Il oublie également que les plus grosses faillites furent encore celles des banques étatisées, comme l’ardoise laissée à la charge du contribuable par le Crédit Lyonnais en atteste, plus de 20 ans après (encore un petit effort de 4,5 milliards d’euros…)
Mais tout cela importe apparemment peu à M. Barnier dont le principal souci est de réguler davantage, non l’Etat, mais le secteur bancaire, de “remettre de l’ordre dans la Finance Mondiale”, et de “la remettre au service de l’économie réelle plutôt qu’à son propre service...”

Au chapitre suivant il critiqua sans vergogne le libre-échange en allant jusqu’à prétendre qu’on a, non pas ouvert, mais “offert” l’Europe à la sauvagerie mondialisée, réclamant par corollaire implicite, un peu de protectionnisme. Extraordinaire ! Il occulte ce faisant, et bien qu’il fut aussi ministre de l’agriculture et de la pêche, toutes les mesures prises par l’Europe, en matière agricole notamment. Il ignore aussi apparemment les nombreux effets pervers que cette politique ne manqua pas de provoquer...
 
Bref, tout cela est grave.
D’abord parce qu’il s’agit de contre-vérités flagrantes. Pire, parce qu’en contribuant à discréditer un système dont il se dit par ailleurs le promoteur, il brise les repères et il conduit à l’incompréhension et à l’exaspération grandissante de la population.
Marc Voinchet assez finement fit remarquer qu’il se murmurait dans les couloirs des instances européennes que M. Barnier, était “plus à gauche que beaucoup de socialistes.” Et que croyez-vous que le cher homme répondit ? Tout simplement que “beaucoup de socialistes sont plus libéraux que lui”. Terrible aveu qui sonne comme le glas de belles espérances, et d'une "certaine idée" de l'Europe...

06 novembre 2013

New York Bad News


Avec l’élection triomphale aux fonctions de maire, d’un démocrate très progressiste, Bill de Blasio, la ville de New York s’apprête-t-elle à renouer avec les jeux dangereux qui en firent une cité maudite dans les années 70-80 ?

Durant ces « années de plomb » pour reprendre une formule adorée des journalistes, la ville, sous l’effet de politiques permissives et veules, fut abandonnée par ses maires démocrates gauchisants, à toutes les plaies du monde moderne : chômage, violence, endettement, drogue, prostitution... Mégalopole devenue crépusculaire, elle était même le théâtre de tous les scénarios catastrophes, l’inscrivant dans une seule et sinistre perspective : celle de devenir un enfer dantesque, livré à la loi de la jungle. Nombre de romans et de films exploitèrent ce filon juteux, mais quelque peu désespérant.
Il fallut l’arrivée de Rudolph Giuliani, républicain pourtant modéré, pour voir, à partir de 1993, peu à peu les choses changer. Sans révolution, sans effusion de sang, son administration nettoya avec calme et méthode, conviction et détermination, toutes les salissures et dégradations qui avaient fait de la Porte de la Liberté, un repoussoir nauséabond. Il assainit la gestion financière et redonna une vraie espérance. New York fut remise en selle et son rayonnement retrouva tout son lustre, attirant à nouveau artistes, touristes, entrepreneurs.


Hélas, il y a de bonnes raisons de s’inquiéter aujourd’hui.
Après douze ans de gestion plan-plan mais avisée, sous l’égide du magnat des affaires Michael Blomberg, New York semble prête à s’engager dans une nouvelle aventure. Il n’est pas besoin d’être devin pour affirmer que celle-ci s’avère hautement périlleuse au moment où la crise menace tout le monde occidental et particulièrement le budget fédéral américain, en quasi faillite.


Bill de Blasio, le héros du jour est trop à l’image des calamiteux coreligionnaires qui l’ont précédé pour inspirer confiance. C’est bien simple : il rassemble en lui toutes les tendances de l’art d’être bobo de gauche, branché et démago, dont on apprend vite à se méfier lorsqu’on est adepte de pragmatisme et de bon sens, de vraie justice et d’équité.
Premier constat, dans cette attitude, la forme prime le fond.

Le parcours politique du nouveau maire illustre à merveille l’adage. Comme une star du showbiz il a cru bon de changer son nom, Warren Willhelm, jugé sans doute trop terne et connoté de conservatisme anglo-saxon. Bill de Blasio en revanche, ça vous a un petit air latino, de soleil et de fiesta, propre à séduire les foules naïves et à racoler certaines communautés en mal de rêves.

Par son mariage, il a transformé l’essai si l’on peut dire. Epouser une femme noire, qui se vantait d’être poétesse et lesbienne de surcroît, il fallait le faire. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, affirmait Pascal. S’il n’est pas question ici de juger l’inclination amoureuse, force est de reconnaître qu’elle ne pouvait mieux servir les ambitions politiques du jeune loup progressiste…
Tout comme les enfants qui naquirent de cette union idyllique, métis of course, mais arborant un look résolument afro, rappelant furieusement les seventies, avec lesquels le candidat s’est affiché complaisamment durant toute sa campagne.

Tout comme son apprentissage de l’espagnol, au Nicaragua, auprès des révolutionnaires sandinistes qu’il a assidûment côtoyés autrefois, et dont il s’est dit très proche de l’idéologie socialiste néo-marxiste.

Aujourd’hui Le fringant quinquagénaire au look de banquier et stature de joueur de basketball, ne revendique plus trop ce passé sulfureux, mais le moins qu’on puisse dire est qu’il a laissé quelques traces.
Parmi les actions inscrites au programme sur lequel il a été élu, figurent en bonne place les mesures destinées à renforcer la mixité sociale, sensées réduire les clivages Pauvres-Riches qui paraît-il minent la Grosse Pomme. Pour éloigner le spectre misérabiliste du Tale of Two Cities, narré autrefois par Charles Dickens, M. de Blasio ressort la ritournelle éculée de « l’impôt pour les plus riches », et entend redistribuer au nom de la lutte contre les inégalités « 95% des richesses, détenues par les 5% les plus aisés », refrain connu... De ce point de vue M. de Blasio est bien dans la rhétorique illusionniste des Occupy Wall Street, dont il s’est dit à grand renfort de publicité l’ami. S’il suffisait d’appauvrir 5% de la population pour enrichir les 95% restants, cela se saurait, et personne bien évidemment ne serait contre. Mais va-t-il seulement réussir à les taxer, ou bien les faire fuir ?

Plus inquiétant encore, est son objectif de revenir sur une politique sécuritaire qu’il juge excessive. Il a par exemple, annoncé avant même son élection le limogeage du chef de la police, et la suppression des contrôles d’identité assortis de fouille, les « stop and frisk » aussi décriés par les bobos-gauchos outre-atlantique que les contrôles au faciès par notre intelligentsia de cul-bénis franchouillard
s.

Gageons que la réalité lui fera peut-être rabattre un peu ses prétentions idéalistes, puisque selon le magazine Le Point, il serait déjà revenu sur certaines propositions fantaisistes : il plaidait entre autres avec ferveur avant d’y renoncer, pour le bannissement des grands gobelets de coca-cola, pour la transformation de Times Square en espace piétonnier, pour l’interdiction des calèches touristiques autour de Central Park…

10 septembre 2013

Atlas Shrugged 3

La grande force de cet ouvrage, réside avant tout dans l'étonnante prescience de ses constats. Ayn Rand n'a pas son pareil pour mettre en scène le fiasco, lié de manière consubstantielle au mythe bien intentionné de la Justice Sociale, et décrire par le menu, les calamités qu'il ne manque pas de générer. A cette fin, elle ne prend pas le modèle brutal du communisme, qu'elle a bien connu mais qu'elle a jugé sans doute trop caricatural eu égard à la maturité de la société américaine, mais celui beaucoup plus insidieux de la Social-Démocratie, dont elle pressentait les dangers. Le totalitarisme de cette dernière n'est pas sanguinaire, simplement asphyxiant. Il n'éradique pas, il gangrène. Il ne frappe pas, il corrompt. Il ne martyrise pas, il assujettit. Il répond en somme parfaitement à l'appellation que lui donnait Friedrich Hayek : la Route de la Servitude.

Elle montre comment peu à peu se répand cette toxine à la saveur trompeusement suave, au sein d'une société florissante en l'imprégnant de principes sédatifs, qui endorment l'esprit critique, le bon sens, et finalement jusqu'au goût de la liberté.
Elle met par exemple en lumière les effets néfastes des sondages et de la recherche démagogique du consensus, qui amènent à confondre opinion publique et réalité objective, en donnant à des approximations, ou pire à des croyances, l'apparence de la vérité. De ce point de vue, le nom d'objectivisme qui a été donné au courant de pensée dont elle fut le fer de lance se justifie pleinement à cet égard.
Elle prétend qu'il ne suffit pas de se dire bien intentionné ou désintéressé pour être objectif, ou indépendant. Qu'il est au contraire plus sain dans toute controverse, toute stratégie, tout entreprise, de défendre des intérêts sans faux semblant, d'avancer en affichant clairement ses objectifs plutôt que ramper derrière le masque d'une pseudo neutralité.
Elle pointe avec un sens quasi divinatoire la peur du progrès qui s'empare trop souvent, et on ne sait pourquoi, des âmes prétendues charitables et même de certains scientifiques dévoués au culte de la Nature. Ainsi Hank Rearden qui invente un métal révolutionnaire par sa légèreté et sa solidité, et qui veut l'expérimenter sur les chemins de fer, est considéré tout d'abord comme un fou dangereux qu'il faut empêcher de nuire, puis lorsqu'il réussit, comme un profiteur éhonté qui doit être cloué au pilori et à qui il faut faire rendre gorge : « Notre pays a donné ce métal à Rearden, maintenant nous attendons qu’il donne quelque chose en retour au pays » s'exclame un des satrapes du Pouvoir Central à son encontre.
Ayn Rand montre avec sagacité la perversité du raisonnement qui considère le profit comme un mal absolu et qui ne conçoit le Service Public qu'au travers d'un monopole étatique.
Elle souligne enfin magnifiquement l'arrogance des politiques menées au nom de principes, leur incapacité à remettre en cause les postulats sur lesquels elles reposent, et leur propension à l'inverse, à aggraver les symptômes en persistant à infliger toujours les mêmes remèdes, à doses croissantes. De ce point de vue la description du désastre chronique qu'elle dépeint entre en résonance troublante avec le monde actuel...

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Quelques citations choisies permettront peut-être d'éclairer davantage le point de vue développé par Ayn Rand dans cette fresque qu'on peut certes critiquer mais qui ne saurait laisser indifférent, tant elle sort des sentiers battus, tant elle s'élève au dessus des clichés et des lieux-communs si rebattus...


Sur l'argent
« Vous pensez vraiment que l'argent est à l'origine de tous les maux ? …/... Et vous êtes vous demandé quelle était l'origine de l'argent ? L'argent est un moyen d'échange. Il n'a de raison d'être que s'il y a production de biens et des hommes capables de les produire. L'argent matérialise un principe selon lequel les hommes disposent, pour commercer, d'une monnaie d'échange dont ils admettent la valeur intrinsèque. Ceux qui pleurent pour obtenir vos produits ou les pillards qui vous les prennent de force n'utilisent pas l'argent comme moyen. L 'argent existe parce que des hommes produisent. C'est ça le mal pour vous ? »

« Quand vous recevez de l'argent en paiement d'un travail, vous l'acceptez parce que vous savez que cet argent vous permettra d'acquérir le fruit du travail d'autres personnes... »

« L’argent sert l’héritier qui en est digne, mais détruit celui que ne l’est pas. Dans ce dernier cas, vous direz que l’argent l’a corrompu. Vraiment ? Et s’il avait plutôt corrompu son argent ? »

« Celui qui méprise l’argent l’a mal acquis ; celui qui le respecte l’a gagné. »

A propos de la morale et du Libre Arbitre
« Il n’y a pas d’instinct moral, seule la raison permet d’exercer son sens moral. »

« Le seul impératif moral de l’homme est : tu penseras. »

« Un processus rationnel est un processus moral. A chaque étape, vous pouvez commettre des erreurs, sans autre garde-fou que votre exigence personnelle. Vous pouvez également tricher, nier la réalité et vous dispenser de l'effort intellectuel. Mais si la moralité est consubstantielle à la recherche de la vérité, alors, il n'y a pas d'engagement plus grand, plus noble, plus héroïque que celui de l'homme qui assume la responsabilité de penser »

« Seul ce qui est choisi est moral, non ce qui est imposé ; ce qui est compris non ce qui est subi. »

« Il n’y a pire autodestruction que de se soumettre à l’influence d’une autre pensée (que la sienne). »

« Dans toute situation à chaque instant de votre vie, vous êtes libres de réfléchir ou de vous exonérer de l’effort que cela implique. »

« Un homme qui meurt pour la liberté ne fait aucun sacrifice : il n’est juste pas disposé à vivre en esclave. »


Sur la dualité corps et l'esprit

« Deux types de maîtres à penser qui tirent profit de cette séparation entre le corps et l’esprit, enseignent la morale de la mort : d’un côté les mystiques de l’esprit que vous qualifiez de spiritualistes ; de l’autre les mystiques de la force physique, les matérialistes. Les premiers croient à la conscience sans existence, les seconds à l’existence sans conscience… mais tous deux exigent la capitulation de votre esprit, les uns devant leurs révélations, les autres devant leurs réflexes. » 

   
Sur la Justice Sociale et l'utopie égalitariste, la négation de la réalité...
« Ceux qui commencent par vous dire : « satisfaire vos propres désirs est égoïste, vous devez les sacrifier aux désirs des autres » finissent immanquablement par dire « être fidèle à vos convictions est égoïste, vous devez les sacrifier aux convictions des autres »

« Le Bien des autres, c’est la formule magique. Celle qui change n’importe quoi en or, qui sert de caution morale et de rideau de fumée à n’importe quel acte, y compris le massacre de tout un continent. »

« Vous redoutez l’homme qui a un dollar de moins que vous, car vous pensez que ce dollar devrait légitimement lui revenir, et vous vous en sentez moralement coupable. Vous détestez l’homme qui a un dollar de plus que vous car vous estimez que ce dollar devrait vous revenir, et vous vous sentez moralement frustré. Celui qui a moins est source de culpabilité, celui qui a plus est source de frustration… »

« Ils affirment que l'homme a le droit de vivre sans travailler, au mépris du principe de réalité ; qu'il a le droit à un « minimum vital » - un toit, des aliments, des vêtements – sans effort, comme si cela lui était dû dès sa naissance. Mais qui doit lui fournir tout ça ? Mystère... »
 
« Si vous adoptez une ligne de conduite qui n’instille aucune joie dans votre vie, qui ne vous apporte aucun avantage matériel ou spirituel, aucun profit, aucune récompense, si vous parvenez à ce néant absolu, vous aurez alors atteint l’idéal de perfection morale auquel on veut vous faire croire… »

« Admirer les vices de ses semblables est une trahison morale et ne pas admirer leurs vertus une escroquerie morale. »

« C’est toucher les bas-fonds de la dégradation morale que de punir les hommes pour leurs vertus et les récompenser pour leurs vices… »
 
« A chaque instant et en toutes circonstances, votre choix éthique fondamental est : penser ou ne pas penser, exister ou ne pas exister, A ou non-A, l'entité ou le zéro...

Une chose est elle-même. Une feuille ne peut pas être feuille et pierre en même temps, ni entièrement rouge et entièrement verte en même temps, pas plus qu'elle ne peut geler et se consumer en même temps. Vous ne pouvez pas en même temps manger un gâteau et le garder. A est A, la vérité est vraie, et l'Homme est Homme... »



Ayn Rand La Grève (Atlas Shrugged)
Traduit en français par Sophie Bastide-Foltz
Les Belles Lettres. Paris 2011

08 septembre 2013

Atlas Shrugged 2

Les esprits grincheux auront beau jeu de relever les longueurs qui plombent quelque peu ce colossal Atlas Shrugged. On peut même être rebuté par sa touffeur luxuriante.
Il y a des naïvetés également dans la narration des aventures picaresques de ces héros audacieux, qui tentent de s'opposer avec vaillance à l'emprise grandissante d’une froide et prétentieuse bureaucratie dirigiste. La foi inébranlable dans l'individualisme qui les anime envers et contre tout peut sembler caricaturale a bien des égards, le peu d'élévation spirituelle caractérisant leur morale également.

Pourtant, dans cette fabuleuse odyssée, dans les personnages hors normes qui la peuplent et qui véhiculent cette philosophie, que d'aucuns trouveront simpliste, il y a quelque chose de troublant, de vrai, d'attachant, et en fin de compte d’assez bouleversant. Ils sont malgré tout, très humains dans leurs passions, leur pragmatisme, leur manière de raisonner.
Dagny Taggart est le personnage le plus impressionnant de ce récit. Cette jeune femme d'allure fragile et élégante est un roc. Sur ses épaules repose l'empire légué par son aïeul, Nathaniel « Nat » Taggart, magnat des chemins de fer de la grande époque. Elle se révèle indomptable dans l'exercice qui consiste à pérenniser l'entreprise, et même lorsque tout s'écroule autour d'elle, à continuer de se battre avec un courage inflexible pour la faire fonctionner envers et contre tous les obstacles. En premier lieu contre son frère James, nabab asthénique, sans énergie ni conviction, incapable de prendre une vraie décision, mais prêt à toutes les compromissions, du moment que son intérêt personnel semble préservé.

Mais également, face à une kyrielle de hiérarques huileux et d'experts pontifiants, qui incarnent un Service Public baignant dans le jus des bonnes intentions, qui se gargarisent de vœux pieux, de paroles emphatiques mais creuses. Du Président de la République Thomson, gentil mais falot, jusqu’à l’aréopage sentencieux de donneurs de leçons et de redresseurs de torts qui gravitent à tous les étages du Pouvoir et s'en partagent sans vergogne les prébendes. Plus il paraît évident que leur politique conduit au désastre, plus ils jugent bon d’en renforcer la ligne directrice, et plus ils multiplient les mesures néfastes, imposant à tous des contraintes ubuesques, au nom de principes captieux qu'ils érigent en lois !
Le parallèle avec notre époque saute aux yeux. Mêmes causes, même effets. On est stupéfait de la prescience de l’auteur qui décrit avec précision l’engrenage infernal dans lequel le monde contemporain, notamment la France, semble emporté. En l'occurrence, les ressemblances, quoique fortuites, avec certaines personnes actuelles sont hallucinantes...



On retient également parmi les héros de cette puissante contribution à la mythologie du Nouveau Monde, Henry Rearden entrepreneur intrépide et inventif, modèle s'il en fut du self made man, qui parti de rien, se hisse à la force des poignets à la position de leader de l’industrie sidérurgique. Francisco D’Anconia héritier fantasque d’une fortune familiale gigantesque, acquise dans l’extraction du minerai de cuivre, aussi brillant et séduisant que désabusé vis à vis de ses contemporains. Chevalier des temps modernes, c'est l’énergie du désespoir et l'attachement passionné à la liberté, qu'il oppose aux lubies collectivistes, affichant une morale paradoxale, oscillant entre cynisme et puritanisme. Enfin, last but not least, le fameux John Galt, figure de commandeur, ténébreuse, mystérieuse, à la fois prophète, révolutionnaire, justicier, véritable Zorro de la civilisation industrielle, jamais où on l’attend, mais toujours présent dans l’ombre, prêt à l’action.
Qui est John Galt ? Telle est la question obsédante qui revient sans cesse, qui sert de fil conducteur tout au long de cette descente aux enfers, jusqu’au paroxysme final, en forme d’apocalypse. John Galt visionnaire impose alors l'évidence fracassante au peuple qu’il sort enfin de sa léthargie. Une roborative tirade qui s'étend sur plus de 60 pages et qui par sa portée messianique, réduit à d'insignifiants vagissements les vitupérations des soi-disant "Indignés", "Altermondialistes" et autres "Occupy".
Mais pour avoir dit la vérité, John Galt est supplicié par la clique dont il est parvenu à amorcer la déroute. Son calvaire christique s'achève toutefois par une libération triomphale. John Galt, tel un nouveau Prométhée, est en mesure, avec ceux qui ont eu la force de traverser ce moyen-âge des temps modernes, de propager ce message si simple, si limpide, si naturel, appelant à faire en sorte que s’exprime en toute liberté, en toute responsabilité, « ce qu’il y a de meilleur en nous. »

25 juin 2013

Coup de froid sur la liberté d'expression

Ce n'est pas un fait nouveau, mais il s'inscrit dans l'actualité avec une acuité plutôt préoccupante. La France, terre de liberté à ce que l'on pouvait croire, semble livrée à une insidieuse censure dont les progrès plombent désormais de plus en plus le quotidien.

La Gauche, qui a toujours eu la manie d'invoquer la liberté, tandis qu'elle l'asphyxiait de ses contraintes hypocrites reste fidèle à ses principe si l'on peut dire. Même diluée dans le bain capitaliste, et plus ou moins convertie à la démocratie, elle montre toujours qu'elle tolère difficilement les opinions contraires à ses dogmes.


Dotée des pleins pouvoirs par l'inconséquence populaire et une organisation constitutionnelle défaillante, elle ne se gène pas pour en abuser.

On se rappelle les outrances verbales de certains porte-drapeaux du socialisme, au soir de victoires électorales: « nous sommes passés des ténèbres à la lumière » (Jack Lang), « Il ne suffit pas de dire que des têtes doivent tomber, il faut dire lesquelles » (Paul Quilès), « Vous avez juridiquement tort car vous êtes politiquement minoritaires » (André Laignel)... On se souvient également qu'à l'initiative de maints députés et sénateurs communistes, Gayssot et Lederman en l'occurrence, la République s'est avilie en votant des lois liberticides, sur des thèmes soi-disant sensibles. Ainsi, les élus de la nation, majoritairement à gauche, n'hésitèrent pas en 1990 à emboîter le pas en matière de restriction des libertés, à des représentants de l'idéologie la plus tyrannique de toute l'histoire de l'Humanité, ouvrant la voie à quantité de textes insanes, dits mémoriels, instituant en réalité le délit d'opinions !

Selon la même logique on voit aujourd'hui sanctionnés de manière insensée quelques égards de langage, ou quelques manifestations hostiles au pouvoir en place.
La plus navrante illustration de cet état de fait est la mise à pied temporaire du journaliste Clément Weill-Raynal par son employeur France 3, au motif qu'il osa révéler au grand jour le comportement scandaleusement partisan et sectaire de certains magistrats.

Non seulement cette chaîne télévisée financée par les deniers publics, devrait avoir honte de recourir à un telle extrémité, mais elle devrait s'interroger sur le fait que le journaliste ait cru bon de choisir un autre média qu'elle pour faire ses édifiantes révélations. Car en l'occurrence cette intolérance sonne comme l'aveu qu'elle scotomise l'actualité en fonction de considérations partisanes et pire, qu'elle est capable de couvrir à ce titre, des comportements inacceptables.

La quasi indifférence générale de l'opinion, et particulièrement de la sympathique confrérie journalistique, face à cette incroyable décision, révèle au mieux la léthargie intellectuelle dans laquelle est tombé notre pays, au pire une complicité passive qui rappelle de sinistres moments du passé. La Presse est décidément tombée bien bas. Elle s'intéresse davantage à commenter d'insignifiants tweets, ou à propager n'importe quelle rumeur non fondée, qu'à défendre la liberté d'expression !

On a certes un peu plus parlé de l'arrestation musclée d'un opposant au mariage gay et du verdict assez hallucinant prononcé à son encontre, au motif qu'il aurait refusé un prélèvement ADN qui lui était imposé, pour avoir manifesté avec un peu trop d'insistance son opinion sur la voie publique : 4 mois de prison dont 2 fermes et 1000€ d'amende !
Le contraste avec la clémence habituelle des juges face aux actes de violence, de déprédations et de saccages auxquels se livrent de plus en plus fréquemment des hordes de vandales est évidemment choquant. Dans un cas c'est la dégradation de biens publics et l'atteinte à la propriété privée et même aux personnes qu'on néglige de sanctionner, dans l'autre c'est la liberté d'expression qu'on punit avec une sévérité disproportionnée.

Il faut croire que le Pouvoir est vraiment aux abois face à la contestation, puisqu'on compta le fameux soir du "délit", pas moins d'une centaine de fourgons de CRS mobilisés pour protéger le Président de la République venu réciter son lénifiant catéchisme sur M6...

14 avril 2013

Une femme vraiment populaire

Il peut paraître étrange de qualifier ainsi Margaret Thatcher (1925-2013), eu égard à l'incroyable virulence des critiques et des insultes qui se déversèrent sur elles à jet continu, avant même sa prise de fonction en 1979 et bien après son départ du 10 Downing Street en 1990.
Ce torrent d'imprécations l'a poursuivie sans relâche jusqu'à sa mort, survenue tout récemment. Et sur sa dépouille encore fumante, on voit nombre d'enragés continuer de baver leur haine démente...


En France, il est bien difficile de rencontrer des gens osant attribuer quelque mérite à la « Dame de Fer ». Le consensus à son sujet est proprement effrayant tant il est massif et dénué de nuance. Seul George W. Bush peut rivaliser avec elle en quantité de quolibets reçus d'imbéciles arrogants, n'hésitant pas à nier la légitimité des urnes.
Pourtant, malgré ces tombereaux de haine cuite et recuite, personne aux yeux de l'Histoire, ne pourra jamais lui enlever d'avoir été portée au pouvoir, successivement trois fois par son peuple, et ce, le plus démocratiquement du monde.


Et de garder une place enviable dans le cœur de beaucoup d'Anglais, car avec le recul elle reste aujourd'hui le meilleur premier ministre depuis la seconde guerre mondiale, devançant même Churchill !

Au sens premier, Margaret Thatcher, fille d'épicier, était d'extraction on ne peut plus populaire. Tout dans sa personne et dans son allure était d'ailleurs empreint de simplicité. Chez elle, l'absence totale d’afféterie contrastait toutefois avec une inflexible détermination. Et l'insensibilité apparente qui lui valait tant de qualificatifs enfiellés, n'était en somme que l'expression d'une grande pudeur, d'une indicible vaillance et d'un pragmatisme clairvoyant.


Elle eut à affronter plusieurs épreuves qui chacune auraient mis en déroute plus d'un gouvernement, et qui permirent de démontrer ses capacités exceptionnelles de leader. La plus difficile fut sans doute représentée par l'interminable conflit avec les mineurs (1984-85), qui tourna à l'affrontement idéologique le plus absurde et caricatural qui soit. L'idéologie « travailliste » c'est à dire socialiste d'inspiration marxiste, qui régnait en Angleterre à l'époque, refusait de se résoudre à l'évidence : les mines de charbon avaient perdu l'essentiel de leur rentabilité et il était grotesque de maintenir pour les exploiter, une armée d'ouvriers condamnés à travailler de manière inutile.
La majorité des mineurs étaient d'ailleurs hostiles à s'engager dans un conflit social de grande envergure. Les leaders syndicaux décidèrent pourtant, sans vote, l'entrée dans la grève, avec la volonté affichée d'en faire un terrible bras de fer avec le Premier Ministre.
Mais Margaret Thatcher avait soigneusement préparé le pays à cette grève qu'elle prévoyait très dure. Elle ne lâcha sur rien, et s'appliqua méthodiquement à ruiner la capacité de nuisance qu'une minorité de nervis tentaient d'opposer à la loi. Elle contraignit notamment les piquets de grève à "s'installer là où ils ne gênaient personne" et n'hésita pas à fournir une escorte aux mineurs non grévistes pour qu'ils puissent se rendre au travail.



Au bout d'un an elle avait gagné. Non seulement, elle put procéder aux réformes jugées nécessaires, mais elle avait discrédité les syndicats et le socialisme archaïque qui asphyxiaient le pays depuis des décennies. Les conséquences de cette victoire se prolongèrent durablement et le Parti Travailliste en tira enfin des leçons utiles, sous l'autorité de Tony Blair.
Il faut constater hélas au passage, qu'en France, c'est le mouvement inverse qui s'est produit. Après les années folles de Mitterrand, l'avachissement généralisé du temps de Chirac et les velléités sarkozystes, nous sommes revenus au niveau du jurassique en matière idéologique. La crise des hauts-fourneaux de Florange n'est pas sans rappeler celle des mines de charbon. Mais hélas, il n'y a pour faire face à ces terribles défis, que merdoiement politique et préjugés soi-disant bien pensants. Le pays lui-même est emporté vers on ne sait quelles extrémités par le tourbillon socialiste...

La fermeté de « Maggie » lui fit tenir bon également face aux terroristes de l'IRA. Elle n'a manifesté aucune indulgence vis à vis de ceux qui s'étaient rendus coupables d'actes criminels. Bobby Sands en fit les frais avec quelques uns de ses amis. Lorsqu'il finit par périr après 66 jours de grève de la faim (parce qu'il refusait le statut de prisonnier de droit commun), elle eut ces mots cinglants, mais frappés au coin du bon sens : « Mr. Sands was a convicted criminal. He chose to take his own life. It was a choice that his organisation did not allow to many of its victims. »

En ardent défenseur de la Liberté, elle n'a pas non plus cédé aux dictateurs, soviétiques puis argentins. Ayant acquis une vraie stature internationale, elle eut un rôle déterminant avec Ronald Reagan, dans l'effondrement du régime soviétique, ce qui lui valut une grande popularité en Europe de l'Est. Lorsque la junte argentine procéda à l'invasion stupide des Iles Malouines, appartenant au Royaume-Uni, elle ne faiblit pas en dépit du caractère en apparence microscopique de l'enjeu. A l'image de l'intervention américaine dans la l'Ile de la Grenade, il s'agissait d'affirmer la détermination de son pays et de marquer le seuil de tolérance face à ce type d'agression.


Cette intransigeance ne l'empêcha pas cependant d'évoluer en fonction de la tournure des événements. Elle eut par exemple la clairvoyance de reconnaître en Mikhail Gorbatchev un leader d'un genre nouveau et misa sur la sincérité de sa Perestroika, et ne ménagea pas ses efforts pour en convaincre ses partenaires américains.
Elle n'hésita pas non plus à soutenir le général Pinochet, qui était sous le feu roulant des diatribes que l'Internationale gauchisante orchestrait à son encontre, à l'aide de ses puissants réseaux médiatiques. Ils n'avaient pas digéré qu'il ait mis fin à l'aventure d'Allende, quand elle voyait en lui celui qui avait évité à son pays la dérive communiste et qui en avait fait qu'on le veuille ou non l'endroit le plus prospère d'Amérique du Sud, non sans lui avoir rendu la démocratie de son vivant.

Au terme de son action, Margaret Thatcher pouvait se vanter d'avoir modifié en profondeur la société anglaise, jusqu'à la mentalité de ses adversaires travaillistes (Elle considérait l'évolution du New Labour sous l'impulsion de Tony Blair comme faisant partie de ses plus belles réussites). Parmi les bons indicateurs économiques, un seul révèle à lui tout seul l'ampleur du changement : l'inflation qui passa de 27% à 2,4 entre 1975 et 1986 (The Economist). S'agissant du chômage, passé avant qu'elle n'arrive au pouvoir, de 2,6% en 1974 à 8,1% en 1979, elle parvint à le ramener à 5,8% en 1990 (après un pic à 12% en 1983).


Parmi les actions qu'elle ne put ou ne voulut pas entreprendre et qu'on lui impute souvent à tort, figurent la privatisation des Chemins de Fers Britanniques (réalisée par John Major en 1993) et la réforme du désuet et pachydermique National Health Service. Il fallut attendre Tony Blair pour le voir quelque peu dépoussiéré...

La politique que mena Margaret Thatcher apparaît donc sous un jour favorable, pour tout libéral.  Hélas, comme l'a fait remarquer le magazine The Economist : « A cause de la crise, le pendule s'éloigne à nouveau des principes promus par madame Thatcher. Dans la plupart des pays riches, la part de l'Etat dans l'économie ne cesse de progresser. Des régulations excessives sont en train de ligoter le Secteur Privé. Les hommes d'affaires et les entrepreneurs font l'objet d'une suspicion systématique, et les banquiers sont partout présentés comme d'odieux épouvantails... » Cela n'augure rien de bon.

08 mars 2013

A quand, la fonte des illusions ?

Les lecteurs de ce blog connaissent mon aversion pour le socialisme, et d'une manière générale, pour l'idéologie dite « de gauche ». C'est bien simple, à mes yeux, il s'agit au plan conceptuel, de la plus grande supercherie de tous les temps, et au plan pratique de la pire calamité dont les hommes aient eu à souffrir ! Rien moins...

Cela ne m'empêche pas d'avoir une certaine fascination pour les gens qui en défendent les thèses. Sans doute un peu par esprit de contradiction. Il est tellement stimulant de débattre avec des personnes d'avis contraire au sien...

Sans doute également par souci de roder ma conception du monde à l'épreuve de leurs théories. Sans doute enfin, parce que voir des gens que j'estime, et dont je suis certain de la probité, s'enferrer, par pur principe, dans cette voie si étroitement délimitée, relève pour moi d'un grand mystère.

« Je suis de gauche, c'est dans mes fibres » me rétorque-t-on souvent lorsque j'exprime mon incompréhension angoissée... Je ne parviens à me satisfaire de cette réponse. C'est une vraie souffrance et une source continue de désarroi. Comment peut-on accepter en toute conscience, de mettre ainsi en berne sa liberté, et s'assujettir à ce point à une idéologie ? N'y a-t-il donc rien à faire pour faire sortir ces gens de ce tunnel intellectuel, pour détourner leurs yeux de cet horizon irréfragable ?
Mais après tout, peut-être me trompé-je moi aussi, qui juge tout à l'aune du principe de liberté. Cet état d'esprit n'est-il pas paradoxalement, assimilable à un enfermement comparable ? M'empêche-t-il de voir certaines réalités ?
« Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle » professait Descartes...

En lisant récemment une interview donnée par Jean-Claude Michéa sur le très intéressant site pédagogique Bios Politikos, puis en écoutant récemment sur France Culture (6/3/13), le philosophe, réputé incarner « une autre gauche », j'avoue avoir été un peu émoustillé... et une fois encore plutôt déçu.

Il est difficile au demeurant, de mettre en cause l'honnêteté intellectuelle de Jean-Claude Michéa, dont l'humilité est la marque des vrais philosophes. Au surplus, enseigner la philosophie pour des étudiants qui seront tout sauf des philosophes, voilà un challenge plus que méritant !
Mais certains de ses propos peuvent toutefois susciter la controverse, car ils font du libéralisme et du capitalisme une critique quelque peu biaisée... Au surplus, ils témoignent, quoiqu'il s'en défende, d'une vision socialiste pas vraiment émancipée du dogme.

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Passons sur le dilemme classique proposant de « vivre ma liberté sans nuire à autrui » que M. Michéa illustre en évoquant l'opposition frontale entre les conceptions de Lady Gaga et celles des Musulmans indonésiens sur le mariage gay. La première, étant évidemment frénétiquement « pour », les seconds, fanatiquement « contre ». Il aurait pu trouver plus pertinent car ici se font face, d'un côté l'inconsistance versatile et niaise du showbiz, et de l'autre l'intolérance religieuse, tout ça pour juger d'un texte où l'on cherche à déconstruire par la loi ce que la loi avait érigé en repère social, et ce, par pur dévoiement « progressiste » pseudo « égalitariste ». Ubu serait ravi...

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Plus sérieusement, on peut reprocher à M. Michéa une certaine propension à assimiler le libéralisme au capitalisme marchand, tel que les marxistes l'entendaient. Cela lui fait dire des contre-vérités flagrantes, où malheureusement, l'idéologie affleure, bien davantage que le bon sens.

Un libéral peut s'interroger lorsqu'il lit par exemple, que « le défaut du libéralisme, est cette volonté de privatiser les valeurs morales et la philosophie comme on privatise l’eau, l’électricité ou l’école » ? Ne serait-ce pas a contrario son mérite, que de s'opposer au socialisme qui prétend lui, les régenter de manière étatisée, collective, irresponsable ?

Plus grave, lorsque M. Michéa affirme qu'il va falloir « choisir entre le marché ou le peuple », ou lorsqu'il s'écrie « qu'il est clair que le développement du libéralisme rend de moins en moins acceptable pour les élites l’intervention du peuple », il fait tout simplement fausse route.
La pluie de bienfaits du capitalisme a tellement bénéficié au peuple, qu'on pourrait désormais affirmer que les deux ont partie liée, en dépit de ce qu'on cherche à faire croire, et qu'il n'y a pas de marché sans peuple et réciproquement...

Aussi, considérer la croissance comme un « simple accroissement de capital », comme il le fait régulièrement, apparaît un tantinet réducteur. A l'évidence, c'est de richesses qu'il s'agit avant tout. Et en régime capitaliste, lorsque les richesses s'accroissent, tout le monde en profite, même si certains plus que d'autres. Dans cette optique, l'endettement, qu'il a tendance a fustiger, n'est donc pas tant « un moteur » pour la spéculation, qu'un outil. Il permet sans être immensément riche, d'acquérir des biens, avant d'en avoir les moyens, ce qui ne saurait a priori déplaire à un vrai ami du peuple. Chacun ou presque, a pu en faire l'expérience au moins une fois dans sa vie. Il s'agit d'une chance, à n'en pas douter, sous réserve de ne pas en abuser bien sûr...
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Souvent évoquée par les médias, et à ranger dans les lubies de la théorie du complot, « l'obsolescence programmée » des produits manufacturés, est reprise par M. Michéa comme un dévoiement du commerce libre, un procédé éhon des fabricants, destiné à doper la consommation. C'est pourtant un mythe qui attend toujours confirmation, même si la camelote a indéniablement tendance à proliférer dans les rayons des supermarchés. L'explication la plus simple quoique très prosaïque et pas très politiquement correcte, est qu'on ne peut vouloir acheter aux prix les plus bas, et dans le même temps exiger une qualité à toute épreuve...

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Pour terminer, qu'il soit permis enfin de douter du bien fondé de cette affirmation trop connue prétendant que « les comportements altruistes restent massivement plus répandus dans les quartiers populaires que dans les quartiers résidentiels ». Le moins que l'on puisse dire est que M. Michéa, comme beaucoup de gens de gauche, prend un peu ses désirs pour des réalités, et en l'occurrence, fait preuve dune certaine dose de subjectivité.

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Au total, la conception défendue par M. Michéa, est certes éloignée de celle des sycophantes Hollande, Mitterrand ou Mélenchon, mais elle l'est encore plus du libéralisme. Elle reste surtout ancrée dans le socialisme, dont il n'a hélas pas éliminé nombre d'archaïsmes. Sa réaction au récent décès d'Hugo Chavez en témoigne une fois encore : « En Amérique Latine, contrairement à la gauche occidentale, les différentes gauches ont su conserver un rapport minimal avec la vieille tradition socialiste, dans laquelle la notion de patrie joue un rôle central. »

On peut retenir toutefois comme positive, sa reconnaissance de l'universalité des valeurs marchandes : « C’est le marché qui va réunir des gens que tout divise par ailleurs ». Peut-être dans sa bouche s'agissait-il d'ironie, à moins que finalement, il rejoigne de manière inattendue Montesquieu, ce grand défenseur du commerce, dans lequel il voyait un vecteur de paix et de prospérité ?

Une autre gauche est-elle toutefois possible ? Décidément, je ne le crois pas...