29 novembre 2018

Vers la fin des démocraties molles ?

Dans la confusion sociale qui ronge actuellement le pays, plusieurs titres de la Presse attirent l’attention.
La couverture du Point du 22/11 par exemple qui pose crûment la question à propos d’Emmanuel Macron et des “réformes qui ne peuvent plus attendre” : “Est-il Thatcher ou bien Hollande ?”

Pendant ce temps Nicolas Sarkozy répondait aux questions de l’Obs, affichant un pessimisme assez effrayant: “Nos démocraties sont devenues des caricatures, des régimes d’impuissance.” Sur l’Europe il n’était pas moins expéditif, affirmant qu’elle est devenue un “système en pilotage automatique, que plus personne ne maîtrise.../... Que vous mettiez quelqu'un de très intelligent ou de très bête à la tête de la Commission européenne, c'est pareil.”
Il y a peu, c’était Telerama qui avait choisi une stèle funéraire, pour évoquer sur sa couverture, la fin inéluctable des démocraties.

Il n’est pas certain qu’il faille prendre au pied de la lettre ces oiseaux de mauvais augure. Tout d’abord parce que derrière les constats, les interprétations divergent. Dans l'esprit des Français, devoir choisir entre Hollande et Thatcher, c'est se trouver entre Charybde et Scylla. Écouter les leçons de M. Sarkozy, c'est se pâmer dans le néant quand on connaît le fiasco dans lequel s'est achevé son mandat présidentiel. Quant à prendre au sérieux les voix de gauche telle celle de Telerama, c'est s'abandonner à la reductio ad hitlerum qui assimile à des dictateurs tous les politiciens parlant haut et fort, un langage pragmatique et compréhensible. Pour décrire ce qui se passe aux Etats-Unis, en Pologne, en Hongrie, en Italie, au Brésil... le vocabulaire varie, mais il relève du délire monomaniaque : populisme, nationalisme, fascisme, extrême, démocrature…
On sait bien que rien n’étant jamais acquis, le risque existe bel et bien que de la liberté on passe à la tyrannie, mais il y a quelque lassitude à écouter ce lamento obsessionnel qui rappelle à chaque instant l’arrivée au pouvoir du National-Socialisme.
Comparaison n’est pas raison comme disent les politiciens.
Ne s’agit-il pas plutôt d’une saine réaction à la décomposition du modèle démocratique à laquelle on assiste depuis quelques décennies ? Une vigoureuse remise en cause de la mièvre dictature des bonnes intentions dans laquelle s'étiolent peu à peu nos libertés ?


Outre les problèmes économiques (tout particulièrement en France), nos nations sont confrontées à des menaces sociales croissantes, nées de décennies de démagogie et d’indécision. A la manière d’étoiles usées, nos sociétés risquent de s’effondrer sur elles-mêmes dans de profonds trous noirs.
Le modèle sur lequel elles furent édifiées est perpétuellement remis en cause, et les valeurs sur lesquelles il s’appuie s’effilochent au vent mauvais d’une rébellion insane aux slogans incohérents. Derrière la mise en accusation récurrente du capitalisme, du libre-échange, ou du libéralisme, c’est la liberté qu’on tente d’étouffer.
Elle guida les pas de nos aïeux, mais aujourd’hui, il semble qu’on soit prêt à la sacrifier au nom de l’égalité des conditions, de la bureaucratie régulatrice, d’un protectionnisme frileux et de la confiscation fiscale généralisée. Partout le sens des responsabilités s’éffrite au profit hypothétique d’une corne d’abondance qui permettrait à l’Etat Providence omnipotent de distribuer les droits, les prébendes et les subventions.
Mais la poule aux oeufs d’or ne recèle aucun trésor immanent. Lorsqu’elle rendra l’âme sous les coups de boutoir des écervelés qui veulent lui faire rendre gorge au motif “qu’il faut chercher l’argent là où il est”, ces derniers comprendront mais un peu tard que rien n’est jamais acquis dans ce monde sublunaire, et que ce n’est hélas pas en appauvrissant les riches qu’on enrichit les pauvres. Ce serait trop facile.
Face à ces périls, l’espoir est peut-être qu’une nouvelle espèce de gouvernants prennent enfin conscience qu’il faille parler au peuple comme à des adultes, lui faire comprendre que le scandale n’est pas qu’il y ait des riches mais des pauvres, et quantifier les libertés nécessaires aux citoyens à l’aune des responsabilités qu’ils acceptent d’endosser. Les unes ne vont pas sans les autres et point n’est besoin de multiplier les réglementations a priori. Tout est affaire de confiance. A l’enseigne de ce que préconisait Montaigne, il est de l’intérêt de tous que les lois soient rares et de portée générale.
Sauf à considérer que les gens soient forcément mauvais ou immatures, il n’est pas souhaitable de s’échiner à leur imposer des contraintes préventives, dans la crainte qu’ils ne respectent pas la loi. En contrepartie, les sanctions doivent être réelles et appliquées.
Dans les limitations de vitesse, ce qui est stupide, ce ne sont pas les sanctions, même si elles sont sévères, mais les règles elles-mêmes, qui par leur rigueur excessive deviennent absurdes et quasi inapplicables. Il en fut ainsi lorsqu’on tenta de prohiber l’alcool par des lois qui transformèrent du jour au lendemain de paisibles distillateurs en dangereux gangsters. De même, c’est dévoyer le sens de la contribution des citoyens au bien commun que d’en faire l'essence d'une machine redistributive, voire une punition infligée par principe aux riches comme dans le cas de l’impôt dit “de solidarité” sur la fortune. Il est tout aussi inepte de considérer “la pompe à phynances” comme une sorte de deus ex machina ayant l’ambition d’influencer le comportement des citoyens ou de les rendre plus vertueux (selon le principe fumeux de la Transition Ecologique).

Il n’est pas moins essentiel de s’affranchir de tout tabou mais également de toute faiblesse coupable vis à vis de nombre de problématiques qui assaillent notre univers qu’il serait trop long d’aborder ici dans le détail : religion, immigration, éducation, justice morale, esprit civique.

En revenant aux principes de base de la démocratie, sans faiblir sur leur mise en œuvre et sans faillir sur la liberté et l’équité (l’égalité des droits et des chances), il est sans doute possible de régénérer le vieux modèle, quelque peu émoussé mais qui n’a pas encore perdu tous ses ressorts. Ce ne serait qu’appliquer les conseils du très sage et inspiré Tocqueville...

27 novembre 2018

Sauve qui peut les Gilets Jaunes

La manifestation des “Gilets Jaunes” qui s’est déroulée pour l’essentiel sur les Champs-Elysées ce samedi 24 novembre, et le déferlement de violence qui l’a accompagnée suggère plusieurs réflexions.
La première est relative au faible nombre de manifestants. Les estimations ont fait état de 8000 personnes environ alors que 30.000 au bas mot étaient annoncées. C’est un échec en termes de mobilisation, même si 100.000 personnes se sont exprimées en parallèle selon des modalités variées dans l’ensemble du pays..
Les contraintes imposées par les forces de l’ordre et les débordements rapides auxquels on a assisté dès le début de la matinée expliquent sans doute pour partie cette désaffection sur Paris. Il n’empêche que le spectacle ne fut pas très beau à voir, et par vraiment représentatif de “la philosophie du mouvement” comme l’a déploré l’un de ses leaders auto-proclamés.

Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a beaucoup d’incohérence entre les déclarations d’intentions et les actes. Comment justifier les dégradations du bien public et “la mise à sac de la plus belle avenue du monde” lorsqu’on se dit opposé à toute augmentation d’impôts ou de taxes ? Comment expliquer que pour défendre la liberté de circuler et le pouvoir d’achat, on se plaise à bloquer les ronds-points routiers et les commerces ?
Quant aux revendications, on y trouve tout et son contraire. Derrière la lassitude légitime face à la pression fiscale, les interprétations divergent et certains n’hésitent pas à demander plus de services publics tout en réclamant la baisse des prélèvements obligatoires. D'autres veulent le rétablissement de l'ISF, toujours plus d'impôts pour les riches et le durcissement de la chasse aux fraudeurs du fisc. Comme le constatait ironiquement un commentateur : “on ne veut pas des impôts qu’on paie mais on exige le maintien et l’augmentation de ceux qu’on ne paie pas”. CQFD...
Il faut espérer que beaucoup de sympathisants ne se soient pas retrouvés dans ce désastre, mais encore eut-il fallu le dire haut et fort, avec fermeté, et se désolidariser très rapidement de tels agissements.

Si cette journée du 24 novembre n’a pas servi le mouvement, elle n’a guère été plus favorable au gouvernement. L’image de la France est une fois encore ternie aux yeux des étrangers. Le spectacle était quelque peu surréaliste, de la belle perspective illuminée par les décorations de Noël, allant jusqu’à l’Arc de Triomphe, livrée à la dévastation. Les installations publiques en ont pris un coup mais également les propriétés privées. On estime à plus de 1,5 million d’euros les dégâts dont 500.000 rien que pour la boutique Dior, livrée au pillage (Le Figaro). En dépit de l’intervention musclée des forces de l’ordre, une fois encore ce dernier n’a pas été respecté.
Les Gouvernants n’ont pas brillé par leur intelligence ni par leur clairvoyance en ce jour sinistre, notamment le Ministre de l’Intérieur qui s’est emmêlé les pinceaux, accumulant les exagérations et les affabulations. Dès le début des échauffourées, il n’hésita pas à incriminer le parti de Marine Le Pen en qualifiant les manifestants de “séditieux de l’Ultra-Droite”. M. Darmanin, ministre “de l’Action et des Comptes Publics” alla encore plus loin, en évoquant à leur sujet la “peste brune”...
Etaient-ils mal renseignés, mal inspirés ou bien carrément de mauvaise foi ? Le fait est que le lendemain, le magazine Le Point révélait que les plus enragés des insurgés dont 103 furent interpellés par les policiers, appartenaient en fait pour la plupart à l’extrême gauche (Le Point) !

On peut certes accuser certains politiciens de tenter de récupérer le mouvement, mais également les Pouvoirs Publics lorsqu'ils manquent à ce point de discernement, tout en étant aussi désemparés dans l’action.


Lorsqu’à l’instar du peu regretté Nicolas Hulot, ils en sont réduits à proposer d’accompagner par des aides l’augmentation irrépressible des taxes on peut se poser des questions. Il faudrait donc subventionner les citoyens pour qu’ils continuent à acheter le carburant que l’Etat contribue largement à rendre de plus en plus cher dans le but de moins en consommer ! Jacques Dutronc avait donc raison : les gens sont fous, les temps sont flous...

17 novembre 2018

Jour de Révolte

On ne sait trop comment qualifier le jour qui vient tant il ne ressemble à rien de ce qu’on a connu. On ne sait vers quelles perspectives il est susceptible de nous entraîner.
Le fait est que la révolte gronde, prenant quelque peu au dépourvu les Pouvoirs Publics, mais également les partis politiques, les syndicats, et tous les fameux “corps intermédiaires” en somme...
Il faut dire que cette rébellion montait pourtant doucement en puissance depuis quelque temps, à la manière d’une lame de fond. Peut-être sera-t-elle anodine, peut-être ne durera-t-elle qu’un jour. Qui sait ?
Elle révèle toutefois un malaise profond dans la genèse duquel les gouvernants portent une très lourde part de responsabilité, qui ont noyé l’action dans les promesses, la politique dans la démagogie, la bienveillance dans l’indifférence, la responsabilisation dans le laisser-aller, la gestion dans l’incurie, et qui ont fait preuve en définitive de plus de lâcheté que de courage.
Ils ont étouffé la liberté et les initiatives dans une inextricable forêt de réglementations dans laquelle plus personne ne s’y retrouve. Aujourd’hui un peu partout les gens sont en perte de repères. Toutes les institutions publiques sont en voie de perdition, rongées par une infernale et galopante bureaucratie. Quant à l’esprit civique, laissé en friche, il est en pleine déliquescence. Comme se lamentait le poète Hôlderlin, “que la vie perde ainsi tout sens, c’est une souffrance sans égale, un sentiment continuel d'anéantissement (Thalia Fragment).

C’est souvent par le biais des impôts et des taxes que surviennent les insurrections populaires. On se souvient des soulèvements causés par la gabelle sur le sel, la révolte du papier timbré qui mit la Bretagne à feu et à sang, et bien sûr le Boston Tea Party qui fut le point de départ de la révolution américaine, boutant les Anglais hors du pays et menant à l’indépendance. Enfin, tout récemment de nouveaux Bonnets Rouges se levèrent violemment contre la stupide écotaxe, qu’il fallut abroger piteusement...

Le Gouvernement actuel ferait bien de se souvenir de ces épisodes. Ses membres ont beau rejeter l’augmentation vertigineuse des prélèvements en tous genres sur le dos de leurs prédécesseurs, ça ne prend plus. Chacun voit bien que les mauvaises habitudes perdurent en dépit des beaux discours, tandis que le train de vie de l’Etat est toujours plus dispendieux.
Il est urgent d’enrayer cette folle spirale fiscale qui ne mène qu’à la désespérance et à l’appauvrissement général.
Il est non moins urgent de mettre enfin un frein à l’inflation de lois et de contraintes qui s’abattent sur nos têtes.
Nos dirigeants seraient bien inspirés de commencer par renoncer aux nouvelles augmentations des taxes sur les carburants prévues en 2019 et de revoir les dernières réglementations sur la circulation automobile. Si M. Macron veut encourager comme il le prétend le travail, il ne peut continuer à pénaliser le trafic routier qui est au pays ce que la circulation sanguine est à l’organisme humain.
Il faudrait également qu’il médite le lumineux conseil de Tocqueville demandant à l’Etat d’aider avant toute chose, les citoyens à se passer de lui...

16 novembre 2018

Itinérance douteuse

Qu'il fut pénible ce laborieux marathon entrepris par le Président de la République, pour commémorer la fin d’un conflit atroce et vanter la paix, tout en agitant le spectre de la guerre et en instrumentalisant les peurs !
Tout semblait faux et décalé dans ce douteux théâtralisme sur fond de grisaille automnale. A commencer par cette nouvelle resucée de polémique au sujet du maréchal Pétain.
C’était presque inévitable tant les mentalités sont restées crispées, confites dans un manichéisme simpliste sur ce sujet. Il serait certes excessif d’en faire porter l’entière responsabilité sur le chef de l’Etat qui s’est pris les pieds dans le tapis en tentant de justifier ce qui reste injustifiable aux yeux des grands prêtres de la bien-pensance mémorielle.

Plus graves en revanche furent les allusions lourdingues comparant notre époque aux années trente. M. Macron s’exonère en la circonstance un peu facilement de ses échecs et de son incapacité à réconcilier le peuple et ses dirigeants, comme il fut contraint d'en faire l’aveu quelques jours plus tard. La radicalisation des esprits n’est que la conséquence de la faiblesse insigne du pouvoir, incapable d'affronter les réalités les plus triviales et de nommer les périls. Le Président actuel n’échappe donc pas à cette incurie générale.

Mais le pire était à venir, notamment lorsque sur Europe 1 il se fit le partisan d’une armée européenne pour "nous protéger à l'égard de la Chine, de la Russie et même des Etats-Unis". Ces propos furent logiquement jugés insultants par Donald Trump qui venait justement commémorer à Paris la fin de l'infernale boucherie européenne, obtenue grâce au débarquement de quelques deux millions de soldats américains sur le continent !
Pendant toutes les cérémonies du 11 novembre M. Macron n’eut de cesse de narguer de manière infantile le président américain, faisant chanter sous son nez une de ses plus virulentes opposantes ou bien s'amusant à vanter le  patriotisme contre le nationalisme, faisant passer peu ou prou son homologue américain pour un épigone du nazisme.
Quoiqu’on pense de M. Trump, il n’est pas étonnant qu’il ait répliqué à sa manière par tweets interposés ironiques, sur le défaut de popularité de son ancien ami et sur la médiocrité de ses résultats concrets après un an et demi au pouvoir…
Quelle tristesse de voir gâcher une relation qui avait plutôt bien commencé et qui se termine en eau de boudin, sans qu’on puisse espérer la moindre retombée favorable pour notre pays.

Quelques jours plus tard, M. Macron tentait d’atténuer les tensions qu’il avait stupidement fait naître, mais il se montrait plus arrogant que jamais et imbu de certitudes vis à vis du peuple français. Passons sur la symbolique contestable du porte-avions servant de décor à l’entretien qu’il donnait à la chaîne télévisée TF1. Alors que le pays croule sous les impôts et les taxes et qu’une grande jacquerie se prépare pour s’opposer à la voracité fiscale, il maintient “droit dans ses bottes” le programme insensé d’augmentation des taxes sur les carburants.
Non seulement l’argument de la protection de l’environnement ne porte plus, mais le chef de l’Etat prend le risque de discréditer l’écologie aux yeux des citoyens excédés d’être sans cesse punis en son nom, tandis que les Pouvoirs Publics toujours plus prodigues, semblent s’en moquer royalement. On bassine le peuple avec la fameuse transition écologique, mais de quelle transition s’agit-il ? Grâce aux efforts des constructeurs, jamais les moteurs diesels n’ont été si propres. Ils ne produisent quasi plus de particules, ils consomment moins que leurs équivalents “essence”, et rejettent donc moins de CO2 ce qui leur vaut d’ailleurs des malus moins punitifs à l’achat. On sait d’autre part que les voitures électriques posent au moins autant de problèmes que celles roulant aux carburants fossiles. Après avoir encouragé le gazole durant des décennies, dans quelle folie l'Etat continue-t-il de nous entrainer ? Envisage-t-il de nous contraindre à revenir aux chevaux ou bien à la marche à pied et au vélo ?

Pour tenter d’apaiser la colère des contribuables le Président va jusqu’à prétendre qu’il se bat à l’international pour "faire baisser le prix du baril de pétrole". Il vaut mieux rire d’une telle naïveté car sinon on pourrait être tenté de croire qu’il se moque carrément de nous.
Cerise sur le gâteau enfin, pour justifier la hausse incessante des prélèvements en tous genres, M. Macron n’a pas trouvé mieux que de dire qu’ils permettaient de financer les dépenses de l’Etat ! Qu’attend-il donc pour les diminuer enfin ?