24 septembre 2009

Vita Nova


1969, année magique. Fin des sixties, achèvement d'une époque, début d'une nostalgie indicible... Abbey Road, le sublime point d'orgue des Beatles revient tout neuf quarante ans après sa création !
Même si cette remastérisation n'apporte qu'un assez modeste progrès technique, c'est tout de même l'occasion de se remettre dans les oreilles cette féérie musicale dans toute sa splendeur, et dans toute sa fraicheur. Bon Dieu, ça n'a pas pris une ride. Les subtils arrangements emplissent l'atmosphère suavement avec une acuité merveilleuse. Les voix sont belles et parfaitement posées. Les mélodies sont plus pimpantes et ensorcelantes que jamais, j'en ai des frissons...
Si le coffret intégral paraît un peu fou, les CD sortent isolément à un prix raisonnable. C'est l'occasion pour les plus jeunes de découvrir un passé qui approcha de si près le bonheur, et pour les vieux de la vieille, de repartir d'un nouveau pied. Dehors le ciel est bleu comme la joie, illuminé par le soleil qui vibre du feu de l'espérance. La vie est belle !

11 septembre 2009

Ici bas, seul le doute est une certitude


En son temps Socrate avait bien résumé la situation : « la seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien ».

Un peu plus de deux millénaires plus tard, les connaissances ont quelque peu progressé mais il serait vain de prétendre avoir acquis beaucoup de certitudes. La Terre est ronde sans doute, mais pour le reste il paraît bien téméraire de s'avancer. Au contraire l'euphorie déterministe a laissé la place à un doute envahissant. La mécanique quantique se heurte au principe d'incertitude d'Heisenberg et la logique semble bornée par le théorème d'indécidabilité de Gödel. Quant à l'univers il est plus infini que jamais et son expansion s'accélère...


Pourtant, à l'image de Charybde et Scylla, l'esprit humain navigue toujours entre deux écueils : le scientisme et la superstition. En ce 11 septembre on peut méditer sur les méfaits de l'un et de l'autre. La crise économique a déjoué les prévisions des experts, la vigilance des organismes de contrôle et toutes les lois et régulations dans lesquelles est empêtrée la bureaucratie moderne. La grippe nargue ceux qui croient pouvoir réglementer, et anticiper son génie évolutif. Tantôt qualifiée de grippette, tantôt de calamité mondiale, elle se joue des gigantesques et vaines manoeuvres et incantations destinées à enrayer sa progression. Le climat s'amuse des simulations informatiques en vertu desquelles les docteurs Diafoirus de la prévision météo nous bassinent avec leurs visions d'apocalypse, et qui leur permet d'imposer une ineffable taxe « à la tonne de carbone », dont les subtilités échappent à l'entendement du commun des mortels et probablement à eux-mêmes. Et dans la douceur de la fin d'été, reviennent en mémoire les affreuses images du World Trade Center pris dans un feu infernal que personne n'avait vu venir , mais qui prouve une fois encore que l'Homme est passé maitre dans l'art de faire du mal au nom du bien...

Face à ce mélange étrange de rationnalisme étriqué et de fanatisme bien intentionné, face à ces légions de pseudo-savants qui agitent sans fin leurs assourdissantes crécelles, il est encore heureusement des gens pour penser avec simplicité, et sans trop d'a priori ni de principe intangible. Il y a quelques jours, la chaine anglaise BBC interrogeait Alan Greenspan ancien Président de la Federal Reserve, à propos de la crise économique qu'il résumait avec un flegme désarmant : « c'est dans la nature humaine. A moins de changer cette dernière, il y aura encore d'autres crises et elles n'auront rien de commun avec celle-ci, si ce n'est la nature humaine...».
Car selon son opinion, «c'est une capacité inextinguible de l'être humain, lorsqu'il est face à de longues périodes de prospérité, de présumer qu'elles dureront toujours... et donc de se livrer à toutes les spéculations...» .
Et il termine avec cette recommandation frappée au coin du bon sens au sujet de l'excès de régulations : «le problème est qu'on ne peut pas faire coexister un commerce mondial libre avec des marchés intérieurs régulés de manière très restrictive»

Puisse-t-il être entendu...

04 septembre 2009

Taxez taxez, il en restera toujours quelque chose...


Les contorsions intellectuelles des politiciens au sujet de l'ineffable taxe carbone pourraient prêter à rire si elles ne donnaient pas plutôt envie de pleurer. Comment dire une chose et son contraire tout en gardant son sérieux, voilà l'exercice auquel se livrent ministres, élus et hauts fonctionnaires depuis quelques semaines. Ou comment mettre en place un nouveau prélèvement que rien ne justifie vraiment en dehors de vagues considérations démagogiques, tout en assurant qu'on s'efforce avant tout de contenir la pression fiscale.
Rien de plus simple en fait. Car en politique, tout est possible tant l'oxymoron est devenu habituel en matière de langue de bois. On peut donc déclarer en toute quiétude comme Alain Juppé : "Oui à la taxe carbone, non à un impôt de plus" (Figaro 1/9/09). Ou bien comme le premier ministre, annoncer le montant "définitif" de la taxe tout en assénant "qu'il n'y aura pas de hausse des prélèvements obligatoires"...
Stricto sensu, un esprit simple pourrait évidemment s'interroger sur l'intérêt de créer une taxe dont le montant sera c'est promis, "déduit de la feuille d'impôt" (dixit le ministre du budget Mr Woerth). Est-ce une lumineuse application du principe des vases communicants mise au service de la pédagogie écologique ? Ou bien du foutage de gueule pur et simple ?
Certes la protection de l'environnement exige bien quelques sacrifices. Mais 7 ou 8 centimes de plus en moyenne par litre d'essence est-ce bien raisonnable quand on sait que l'Etat prélève déjà plus 150% du prix de ce litre tel qu'il sort de la pompe, soit environ 80 centimes de taxes pour 50 de produit ( le calcul est simple et effrayant : TVA de 19,6% sur le prix de base, plus environ 60 centimes de TIPP, additionnée elle-même de 19,6% de TVA...).
Surtout comment croire une seule seconde à la neutralité d'un système fiscal de prélèvement-redistribution ? Comme le déplorait déjà en son temps l'économiste Frédéric Bastiat, la machine fiscale n'a rien d'une « rosée fécondante », redistribuant équitablement et intégralement ce qu'elle prélève. Si le prélèvement est certain, la restitution est beaucoup plus aléatoire et il est aisé de constater dans tous les cas, que l'engin « pompe » bien davantage qu’il ne redistribue en raison des lourdeurs de la bureaucratie qui lui est attachée.
La logique des gouvernants est souvent difficile à suivre. Il faut à chaque instant donner le sentiment qu'on agit, quitte à nager dans les contradictions et les incohérences. Exemple, un jour, pour doper la consommation, on promeut la vente des automobiles en instituant un « prime à la casse », le lendemain on multiplie les dispositions destinées à pénaliser leur utilisation... Comprenne qui pourra.

01 septembre 2009

Le gros oeil de l'Etat


Il y a quelques jours, le magazine Le Point s'interrogeait gravement sur sa couverture : « Sarkozy est-il de gauche ? » A part quelques banalités que chacun connaît déjà au sujet de l'entourage du président, de ses initiatives « sociales », et de l'ambiguïté de certaines déclarations publiques, on n'apprend toutefois pas grand chose à la lecture de l'article. Il faut dire que la question n'appelle pas vraiment de réponse dans un pays où les hommes politiques n'ont généralement guère de convictions. Sitôt parvenus à leurs fins c'est à dire au pouvoir, ils semblent n'avoir rien de mieux à faire que de démolir l'idée qu'ils s'étaient évertués à donner d'eux avant d'être élus.
La stratégie de Nicolas Sarkozy de ce point de vue n'échappe pas à la règle tant elle est fluctuante et parfois contradictoire. On dit souvent qu'elle témoigne d'un esprit pragmatique. Même avec un projet clair et la légitimité des urnes, il est si difficile en France d'appliquer un programme face à la pression de la rue et à la versatilité de l'opinion...
Tout de même, ce scoop des 3000 évadés fiscaux en Suisse dont Bercy serait parvenu à se procurer les noms a de quoi inquiéter. Derrière l'effet d'annonce dont sont si friands les Pouvoirs Publics, on prend conscience tout à coup que l'Etat de plus en plus omniprésent, et omnipotent est en passe de collecter désormais des informations de plus en plus précises sur un nombre de plus en plus grands de gens.
Sous on égide s'organise avec les meilleures intentions du monde la centralisation des fichiers et des identifiants. On sait que le Fisc et l'Assurance Maladie sont déjà en mesure de faire communiquer leurs bases de données nominatives. Avec la Loi HADOPI, les internautes seront traqués avec la complicité forcée des fournisseurs d'accès au Web. Tout ça avec la bénédiction de la CNIL, totalement débordée et de toute manière elle-même assujettie à l'Etat.
Certains s'inquiètent de la possibilité d'être espionnés par des organismes privés comme le fameux Google, mais ce n'est rien en comparaison de l'oeil de l'Etat. Une entreprise privée risque en effet gros à galvauder le secret de ses clients, l'Etat jouit quant à lui d'une totale impunité, et pour cause : c'est lui qui fait la Loi et sa clientèle est par définition captive. S'agissant de l'utilisation des données, si l'entreprise privée n'a guère d'autre objectif que celui bassement mercantile de cibler des campagnes publicitaires, on n'arrête en revanche difficilement le lourd char étatique. Le but vertueux affiché, en démocratie, consiste à chasser les contrevenants, mais en réalité comme on l'a vu si souvent par le passé, il n'est pas de limite au zèle purificateur du Pouvoir.

Cette histoire est édifiante. On peut comprendre que pour les besoins d'une enquête motivée par des délits ou des crimes avérés, les Pouvoirs Publics demandent à des prestataires commerciaux certaines informations concernant un ou plusieurs de leurs clients. Mais le recours à la dénonciation massive et prospective de toute une population a seule fin d'éplucher leurs faits et gestes pour tenter de débusquer d'éventuels fraudeurs, est plus que discutable et inquiétant (bientôt selon les déclarations de Mr Woerth ce matin sur BFM les banques devront dévoiler les identités de tous leurs clients dont les comptes enregistrent des transactions avec l'étranger...) On est d'autant plus étonné par ce ramdam que le Président de la République a tout lieu d'être échaudé, après s'être lui-même retrouvé à tort sur un listing de personnes suspectes de malversation dans le cadre de la fumeuse affaire Clearstream. A-t-il voulu donner l'impression au bon peuple qu'il agissait contre les puissances honnies de l'argent ? A-t-il voulu donner raison au Point en agissant comme pourrait le faire un homme de gauche?
Il a sans doute au moins en partie manqué son coup car Benoît Hamon avec son sens inimitable de la répartie l'accuse ni plus ni moins de vouloir protéger ses amis en les amnistiant. Quant à l'opinion publique, BFM en donnait un aperçu en publiant un sondage révélant que les deux tiers des Français comprennent qu'on cherche à échapper à la pression du fisc (une des plus élevées du monde faut-il le rappeler)...