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30 novembre 2022

Late November Blues

Dans la saison qui s’avance vers une fin d’année déprimante, plutôt que de s’abandonner aux "sanglots longs des violons de l’automne", pourquoi ne pas recourir une fois encore au blues qui agit paradoxalement comme un puissant revigorant, comme une vraie source de sérénité ?

Le blues ne s’exprime jamais mieux et plus directement qu’en musique. Et la plus apaisante est peut-être celle qui swingue, car elle diffuse une douce chaleur, et génère dans la foulée un bien-être qui fait instantanément se sentir mieux. Qui d'autre que Count Basie pourrait incarner le mieux cette pulsation indicible ? Personne, sauf évidemment son frère d’armes, au moins son égal, j’ai nommé Oscar Peterson.
Ces deux diaboliques compères n’ont pas leur pareil pour faire chanter le spleen et tenir l’âme en lévitation. Ils se sont tellement souvent livrés à ce jeu subtil ensemble ! La magie de Youtube permet de les retrouver dans quelques sessions extatiques, dont celle-ci, datant de 1974, à l'occasion du festival de jazz de Prague. Ou bien une autre, émaillée de dialogues savoureux, enregistrée en 1980, avec le fin et élégant guitariste Jim Hall, et une section rythmique douce comme le plus chatoyant des velours damassés, associant l’excellent Niels Henning Orsted-Pedersen à la basse et le pétillant Martin Drew à la batterie… On retient notamment un Blue And Sentimental qui vaut toutes les romances, toutes les plus tendres divagations…
On retrouve Oscar Peterson en 1987 capturé au Japon, en compagnie des mêmes musiciens sans Basie hélas, et avec David Young à la basse.

Enfin, sans image, mais saisies magnifiquement dans l’intimité d’un studio feutré, deux sessions extatiques ont été gravées pour le compte de la maison Pablo :
Satch & Josh 1975 avec Louie Bellson (batterie), Freddie Green (guitare), Ray Brown (basse) et Satch & Josh again en 1977 où John Heard remplace Ray Brown.

Mon Dieu, faites que nos imbéciles de politiciens, parmi la multitude de mesures ineptes qu’ils nous imposent, ne parviennent pas durablement à nous couper la lumière pour nous empêcher de voir la beauté d’une ville la nuit, si propice au Blues…

16 mai 2007

Black pearls


Cette expression pour caractériser deux DVD trouvés par hasard dans les rayons d'un grand magasin, consacrés à Lester Young et à Count Basie.

Edités à très petits prix par la maison EFORFILMS, il s'agit de véritables petites merveilles (collection Stars of Jazz).

Naturellement en la circonstance il ne faut pas attendre d'images haute définition ou de "son multi-canal 5.1". Il faut prendre ces enregistrements en noir et blanc pour ce qu'ils sont : des témoignages émouvants d'une époque malheureusement évanouie.

Intitulée Jammin' the blues, la première session, hélas un peu courte, met en scène Lester Young en petit comité, en 1944 (il avait environ 35 ans). Dans une sorte de clair obscur flottant, sa silhouette altière mais alanguie, coiffée de son chapeau plat, exhale du saxophone une indicible musique qui déroule ses volutes comme la fumée des cigarettes. De la moindre de ses interventions, il émane une telle tendresse, un tel mélange de douceur et de mélancolie, qu'on se sent comme suspendu hors du temps. Une seule phrase mélodique contient un univers entier de sentiments. On y plonge et on ne voudrait surtout pas en sortir. Cet homme avait en lui une parcelle d'éternité qui vibre sous la grâce nonchalante.
Auprès de lui, on retrouve le trompettiste Harry Edison, particulièrement inspiré, mais aussi Illinois Jacquet au saxo, les magnifiques Sid Catlett et Jo Jones à la batterie, et la délicieuse chanteuse Mary Bryant, dont les inflexions vocales ne sont pas sans rappeler Billie Holiday, la soeur spirituelle de Lester Young.

La session consacrée à Count Basie date de 1968. Il est juste accompagné de Norman Keenan à la contrebasse, Sonny Payne à la batterie et Freddie Green à la guitare.

Bien que Basie soit connu avant tout pour ses swingantes envolées à la tête de son grand orchestre, je me suis personnellement toujours délecté de ses prestations en petite formation. On peut y apprécier la légèreté inimitable de son toucher au piano, le velouté délicat de son phrasé. Il cultiva ce type d'expression intime jusqu'à la fin de sa vie (en 1984), notamment avec Zoot Sims, Dizzy Gillespie, Harry Edison, Roy Elderidge ou même Oscar Peterson, le tout solidement encadré par des sections rythmiques hors pair au sein desquelles on compte bien sûr le fidèle Freddie Green, le batteur Louie Bellson et le contrebassiste Ray Brown. Nombre de ces sessions furent gravées pour le compte de la maison Pablo.

C'est dans le même esprit décontracté et libre que se situe ce petit épisode « soixante-huitard »... au bon sens du terme !