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13 mai 2019

Or Noir et Gilets Jaunes

Tout ça pour en arriver là…
On pourrait en rire si la situation n’était pas si grotesque. Après 26 semaines de manifestations des Gilets Jaunes, les prix des carburants n’ont jamais volé aussi haut !

Principal sujet de mécontentement exprimé au début du mouvement, cette problématique est paradoxalement passée aux oubliettes, ainsi d’ailleurs que la limitation de la vitesse sur les routes secondaires. Bien malin est celui qui parvient encore à discerner ce que veulent les derniers enragés du samedi. 
Ainsi va la France. Un mouvement qui aura coûté quelques dizaines de milliards d’euros à l’État et entamé sa ligne directrice au point de la rendre définitivement illisible, ce mouvement part en eau de boudin au remugle pestilentiel d'extrême-gauche, et se dilue dans les borborygmes de la campagne électorale européenne.
Trente trois listes, dont les trois quarts n’auront pas même un député, et des programmes à la noix, sans conviction, sans ambition. C’est donc ça la démocratie post-moderne !

Pendant ce temps, le prix de l’essence sans plomb a donc connu sa plus belle envolée depuis 2013. Certes ce n’est pas la conséquence de nouvelles taxes mais de l’effet conjugué de l’augmentation du cours du baril et de la hausse du dollar. Bien que l'augmentation désespérante  de la fiscalité soit pour un temps gelée, elle  est toujours là, écrasante, et le gouvernement se garde bien de mettre en œuvre la fameuse taxe flottante qui permettrait d’endiguer les fluctuations trop importantes des prix à la pompe. Comme il semble avoir oublié de remettre en cause les 80km/h dont il avait envisagé d’assouplir l’application. Au contraire, il prévoit d’intensifier la guerre sournoise qu’il a déclarée aux contrevenants. Il s'apprête ainsi à déployer sur les routes, une armada de voitures radars privées, totalement banalisées, qui vont passer leur temps à griller du carburant à seule fin de traquer les automobilistes trop pressés !
Qui sont les dindons de la farce, on se le demande tant les débats, controverses et polémiques semblent futiles par les temps qui courent…

Cela dit, je commence à croire personnellement que la voiture électrique pourrait avoir de l’avenir. Le diabolique M. Musk qui projette de faire débouler sur le vieux continent ses Model 3 à prix cassés est somme toute assez convaincant. Il pouvait passer pendant un temps pour un hurluberlu, mais force est de constater que ses autos ont presque tout pour plaire: lignes agréables et fluides, confort et silence, système d’aide à la conduite, performances époustouflantes, elles revendiquent désormais une belle autonomie (entre 400 et 600 km). Sachant que les chargeurs ultra-rapides que Tesla installe un peu partout, permettent de retrouver 80% des capacités énergétiques en 30 minutes, la crainte de partir pour un long parcours pourrait être bientôt infondée.

N’était le problème du recyclage des batteries et le bilan carbone de leur fabrication, on serait enclin à penser que l’alternative écologique au pétrole est enfin trouvée.
Comme toujours, l'État est mauvais élève. Pas de voiture électrique ou quasi dans les administrations. Tous les bus, tous les trains express régionaux (TER) roulent au bon vieux diesel qui pue. Quant au fameux ferroutage ou aux transports fluviaux, réclamés par les Écologistes, ils sont resté dans les limbes... Combien faudra-t-il de ministres soi-disant amoureux de la nature et des petits oiseaux, pour voir enfin des propositions plus originales que le lancinant accroissement des impôts et taxes ?
Les Américains ont encore une longueur d’avance au plan technologique et l’Asie, notamment la Chine, dispose d’atouts pratiques puisque la plupart des batteries y sont fabriquées. L’Europe est une fois encore prise au dépourvu. Les grandes firmes allemandes mettent les bouchées doubles pour proposer sous peu à leur clientèle des modèles équivalents aux Tesla, mais on peut être plus que dubitatif sur l’initiative bureaucratique qui consiste à injecter des milliards d’euros dans la mise en place d’un “Airbus des batteries”.
N’est-ce pas déjà le temps de regrets ?
Et comment fera l’État pour pallier le manque à gagner dû à la désaffection pour les produits pétroliers. Va-t-il se mettre à taxer l'électricité plus qu'il ne le fait déjà ?

26 avril 2019

Souffler n'est pas jouer II

Cherchant un titre pour mon commentaire, suivant la conférence de presse du Président de la République, je pensais à l’expression tirée de la règle du Jeu de Dames “souffler n’est pas jouer”, et je tombe sur un précédent billet pour lequel je l’avais déjà utilisée en 2017, juste après l’élection dudit Président…
Et pour cause: je ressens ce soir un peu la même impression.
Emmanuel Macron
parle bien. Son style est délié, souple et rapide. Mais il pêche par un excès d’emphase et surtout d’indécision et de vacuité dans l’action.

Avant de répondre aux questions des journalistes, le chef de l’Etat s’est fendu d’un discours de près d’une heure destiné à clôturer le fameux Grand Débat qu’il avait lui-même proposé, tout en s'efforçant d'apaiser 
la colère des Gilets Jaunes. Sans doute attendait-on trop de cette intervention...

Il commença par délivrer quelques belles formules lénitives, rappelant par exemple que nous sommes “les enfants des Lumières”, qu'il ne faut pas céder à "l'obscurantisme", à la "haine" ou au "complotisme". Il insista sur la nécessité de mettre “davantage d’humain” dans l’action publique, sur sa volonté, pas très originale, de lutter contre la bureaucratie pyramidale de notre système. Suivirent des actes de contritions et quelques mea culpa : “J’ai pu donner l’impression d’être dur et injuste, je le regrette”.../… “J’ai changé et beaucoup appris…”

Au chapitre des actions concrète hélas, on en est resté aux annonces et aux déclarations d’intention. Certes elles ne sont pas toutes mauvaises, mais après quatre mois on était en droit d’attendre un peu plus de concret et davantage d'audace.
Par exemple, M. Macron nous assène qu’il faut vraiment envisager de travailler plus dans notre pays. Mais comment, puisqu’il ne veut pas remettre en cause les 35h, pas supprimer de jour férié et pas reculer l'âge de départ en retraite. Subtile contradiction au passage (ou hypocrisie), dans le même temps il annonce un système de retraite "à points" et une augmentation du nombre de trimestres de cotisations pour bénéficier d’une pension à taux plein…
S’agissant de la revalorisation des retraites, il promet de manière évasive d'instaurer un plancher à 1000€, tout en confirmant un peu tard son erreur de désindexer les pensions de l'inflation. Dont acte, sauf que les mesures  sont distillées au compte goutte à la manière d'un apothicaire: en 2020 pour les “petits retraités touchant moins de 2000€/mois” et un peu plus tard
pour tous les autres (en 2021, c'est à dire si la conjoncture le permet...)

S’agissant de la technocratie étatique, il dit son souhait de supprimer l’ENA, mais pour la remplacer par une autre école de la fonction publique, plus efficace, mais possiblement dans les mêmes locaux et avec le même personnel qui n’a pas démérité. Comprenne qui pourra…
Il plaide également pour la disparition du statut inamovible de haut-fonctionnaire et affirme vouloir supprimer beaucoup d’organismes inutiles. Mais lesquels, sachant qu’il évoque simultanément la création d’un nébuleux "Conseil de Défense Écologique", pour “répondre à l’urgence du climat” et qu'il voudrait revigorer le très superfétatoire Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) en y intégrant 150 citoyens “tirés au sort”.

Au détour d'une phrase, il révèle qu’il est prêt à abandonner l’objectif de suppression de 120.000 postes de fonctionnaires et il prévoit enfin un grand plan de décentralisation, avec création de 2000 "maisons de services publics" (une dans chaque canton), et l’arrêt de toute fermeture d’école ou d’hôpitaux sans l’accord des maires concernés.
On comprend de facto que la baisse des dépenses publiques est de plus en plus incertaine !
C’est d’autant plus gênant qu’il promet une baisse significative de l’impôt sur le revenu, d’environ 5 milliards d’euros. Ce fut sans doute l'annonce la plus fracassante, encore qu'elle ne précise ni comment elle serait mise en œuvre et pour qui, ni comment elle serait financée hormis par la suppression de certaines niches fiscales exclusivement destinées aux entreprises. Le lendemain, on apprenait de la bouche de M. Darmanin  sur RTL que cette allègement fiscal ne passerait  probablement pas par le réaménagement des tranches d'imposition, mais qu'il s'apparenterait à une nouvelle niche, réservée aux gens modestes, donc un nouveau bidouillage dans l'invraisemblable pipotron fiscal...

En matière de politique générale et d'affaires internationales, il y eut quelques voeux pieux sur la nécessité de faire payer les pensions alimentaires aux maris indélicats, quelques vagues résolutions sur la laïcité et sur l’immigration (fermes comme toujours dans les mots mais floues dans les actes).
Une réforme constitutionnelle est envisagée "pour améliorer le débat démocratique", mais elle n'a rien de révolutionnaire. Elle se caractériserait selon le président par l’introduction d’une dose de proportionnelle (de l’ordre de 20%) à l’Assemblée Nationale, et la réduction arbitraire et hypothétique de 25 à 30% du nombre de parlementaires. En revanche et heureusement, pas de prise en compte du vote blanc, pas d’obligation de vote non plus, pas de Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) réclamée rituellement par les excités du samedi. Juste une porte entrouverte sur un hypothétique Référendum D’Initiative Partagée (par au moins 1 million de citoyens) et une plus grande considération pour les pétitions locales.
A propos de l’Europe enfin, M. Macron, non sans un certain culot, s’exclama qu’il était partisan de réduire le nombre d’États dans l’espace Schengen, notamment s’il s’avérait qu’ils se comportent de manière “non solidaire” ou “laxiste”. Autant pisser dans un violon tout en prenant le risque de renforcer l’inimitié déjà croissante que certains manifestent à l’égard de la France, mauvaise élève et donneuse de leçons...

Au terme de ce marathon, survolé avec un certain brio par le Chef de l’Etat, semblant très à l’aise avec les représentants des Médias, et assisté d’un peuple muet de ministres mi-figue mi-raisin, on pouvait faire un constat: il n’y eut pas un mot, pas une allusion sur les deux principales récriminations des Gilets Jaunes dès le début du mouvement, à savoir la stupide limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, et rien sur le devenir de la fiscalité impactant le prix des carburants. On est donc bien avancés….

27 mars 2019

Grand Débat : L'Etat et les Services Publics

Dernier volet du Grand Débat, celui qui concerne l’organisation de l’État et des Services Publics. Il y a beaucoup à dire, même si malheureusement, "à lire ce qu’on lit, à voir ce qu’on voit et à entendre ce qu’on entend", les Français, plus étatistes que jamais attendent tout de lui et réclament toujours plus de prestations sociales. Le questionnaire proposé par les Pouvoirs Publics est à l’image de cette dépendance de plus en plus exigeante.

Les questions n’abordent donc que très superficiellement la structure et le fonctionnement de l’État, préférant se focaliser sur l’Administration et sur les Services apportés à la population et aux individus.
Dans ce contexte j’avais intitulé ma contribution: «Qu’est-ce qu’un service public ?» et tenté d’y répondre à l'occasion de la dernière question, la seule un peu ouverte à l’imagination...


L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Que pensez-vous de l'organisation de l’État et des administrations en France ? De quelle manière cette organisation devrait-elle évoluer ?
Elle est devenue beaucoup trop lourde et complexe, laissant trop peu de place aux initiatives citoyennes. Il est impératif d'alléger le tissu administratif en simplifiant les réglementations et réduisant le nombre des officines d'état (Agences, hautes autorités, comités, commissions, conseils, défenseur des droits...)

Selon vous, l’État doit-il aujourd'hui transférer de nouvelles missions aux collectivités territoriales ?
Oui

Si oui, lesquelles ?
Donner plus de marge de manœuvre aux collectivités oui, mais en simplifiant également d'abord leur organisation dantesque à laquelle personne en comprend plus rien. Faire appel également aux initiatives privées pour réduire l'emprise de l'état (enseignement, établissements de santé, assurance maladie, transports....)

LES SERVICES PUBLICS POUR TOUS


Estimez-vous avoir accès aux services publics dont vous avez besoin ?
Oui

Quels nouveaux services ou quelles démarches souhaitez-vous voir développées sur Internet en priorité ?
L'offre est déjà assez riche. Le vote électronique serait une perspective très intéressante et on ne comprend pas bien ce qui s'y oppose alors qu'on peut gérer les comptes bancaires en toute sécurité . Peut-être faudrait-il veiller à aider davantage les personnes qui ont des difficultés pour utiliser ces services.

Avez-vous déjà utilisé certaines de ces nouvelles formes de services publics ?
Non

Quand vous pensez à l'évolution des services publics au cours des dernières années, quels sont ceux qui ont évolué de manière positive ?
Grâce à l'internet, presque toutes les démarches et formalités sont devenues plus faciles et rapides. Il manque parfois un peu plus de convivialité, notamment avec la CARSAT (branche retraites de la Sécurité Sociale) qui reste très rigide et dont les informations sont données au compte goutte à sens unique. La personnalisation des échanges via le web serait tout de même un progrès.

Quels sont les services publics qui doivent le plus évoluer selon vous ?
Le défenseur des droits (aucune réponse aux sollicitations, on se demande à quoi il sert). La CARSAT très rigide et peu conviviale. Les Agences Régionales de Santé, totalement déconnectées des citoyens. Les ministères qui restent peu accessibles, ainsi que les élus sauf exception (députés sénateurs, et même maires des grandes villes)

Connaissez-vous le "droit à l'erreur", c'est-à-dire le droit d'affirmer votre bonne foi lorsque vous faites un erreur dans vos déclarations ?
Oui

Si oui, avez-vous déjà utilisé ce droit à l'erreur ?
Non

Pouvez-vous identifier des règles que l'administration vous a déjà demandé d'appliquer et que vous avez jugées inutiles ou trop complexes ?
Les règles sur la fiscalité, horribles et tarabiscotées, et trop variables. Les réglementations sur la Recherche Clinique tellement complexes et changeantes qu'on ne parvient plus à déterminer si on est dans son bon droit. D'une manière générale, le principe de précaution qui génère au quotidien quantité de réglementations toujours plus contraignantes, souvent inapplicables ou même contradictoires entre elles. Les réglementations en matière immobilière, illisibles, ou tellement protectrices ou dirigistes qu'elles cassent l'envie d'acheter de vendre ou de louer... Le système de facturation des soins qu'on ne parvient plus à comprendre même lorsqu'on est un professionnel. Les règles de prescription médicale de plus en plus lourdes et contraignantes. Le code de la route avec ses limitations de vitesse généralisées, ubuesques (notamment les 80 km/h...) Le code du travail bien sûr et entre autres ses ukases stupides sur les dates et heures d'ouverture des magasins. Bref, décrire toutes les tracasseries que l'administration génère est un sujet inépuisable.

Faut-il donner plus d'autonomie aux fonctionnaires de terrain ?
Oui

Si oui, comment ?
En favorisant enfin de vraies délégations de gestion (par exemple à l'hôpital +++) et en facilitant l'émulation par la possibilité de récompenser à leur juste valeur les initiatives heureuses

Faut-il revoir le fonctionnement et la formation de l'administration ?
Oui

Si oui, comment ?
En en finissant avec les écoles d'endoctrinement au mythe de l’État-providence (EHESP, ENA..). Revenir sur l'inamovibilité des statuts et des personnes. Lutter contre les rentes de situation, les placards dorés et le pantouflage, notamment dans la Haute fonction publique. Encourager les initiatives heureuses.

Comment l’État et les collectivités territoriales peuvent-ils s'améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté ?
En déconcentrant les pouvoir et appliquant mieux le principe de subsidiarité. Mettre fin aux chimères idéologiques asphyxiantes et génératrices d'inégalités et d'injustices : carte scolaire, autorisations d'équipement et d'activité dans les hôpitaux, contraintes en termes de logement social, encadrement des loyers, incapacité d'agir quasi imposée aux forces de l'ordre, lois non respectées...

LES SERVICES PUBLICS POUR LES PARTICULIERS


Si vous avez été amené à préparer votre retraite, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Absence d'écoute et de compréhension de la part de la CARSAT qui notamment interprète les réglementations à sa manière sans recours ni appel possible (notamment pour l'attribution du supplément lié au fait d'avoir élevé au moins 3 enfants). D'autres organismes sont beaucoup plus clairs et honnêtes (IRCANTEC)

Si vous avez été amené à demander un remboursement de soins de santé, pouvez-vous indiquer les éléments de satisfaction et/ou les difficultés rencontrés en précisant, pour chaque point, l'administration concernée :
Le parcours de soins dit coordonné est un modèle du genre en matière de complexité. Le prélèvement par l'Assurance Maladie d'une franchise sur chaque boite de médicaments et sur chaque acte reste très largement incompris alors qu'il était fait pour responsabiliser davantage les patients. Le tiers payant généralisé, appliqué dans les pharmacies, et dont la généralisation avait été envisagée est séduisant mais déresponsabilisant (tout comme la prise en charge soi-disant intégrale des lunettes et des soins dentaires...)

Y a-t-il d'autres points sur l'organisation de l'Etat et des services publics sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?
La question reste plus que jamais posée : qu'est-ce qu'un service public ? Est-ce une prestation gratuite ? Ce ne serait qu'un leurre puisque chacun sait que tout ici bas se paie, directement ou indirectement. Est-ce un service fourni par l’État ? Dans ce cas, le risque est de lui conférer la situation détestable de monopole, et de lui donner une emprise excessive sur les citoyens, grignotant peu à peu leur liberté et leur responsabilité. il y a donc lieu de redéfinir le périmètre d'action de l’État. Que dire par exemple des prestations offertes par certaines entreprises privées comme GOOGLE (moteur de recherche web, navigateur, géolocalisation, messagerie, gestion de blogs, de photos, partage de documents, suite bureautique…) Toutes ces applications font partie du quotidien pour beaucoup de gens et sont pour les utilisateurs, totalement gratuites. N'est-ce pas, de facto, un vrai service public, qu'on cherche étrangement à surtaxer par tous les moyens, sans doute pour en diminuer l'efficacité... 

Illustration : Leviathan, gravure destinée à orner l'ouvrage du même nom de Thomas Hobbes.

21 mars 2019

Grand Débat : Démocratie et Citoyenneté

Au moment où est publié, sous l'égide de Jérôme Fourquet, le constat accablant de la décomposition de notre société, sous le titre évocateur de l'Archipel Français, il semble bien temps de se préoccuper de ses valeurs cardinales que sont la démocratie et la citoyenneté.
Le sous-titre de l'ouvrage donne la mesure du désastre, en qualifiant notre pays de "nation multiple et divisée".
Les citoyens se regroupent désormais en tribus de plus en plus indifférentes les unes aux autres quand elles ne se vouent pas une franche détestation réciproque. Il n'y a plus guère de dessein commun et la démocratie elle-même s'effrite au gré des combats et revendications communautaires.
Au nom d'une vaine égalité, la liberté est chaque jour un peu plus rognée, et l’État plus lâche et indéterminé que jamais, fait peser toujours plus sur le pays son emprise à la fois molle, contraignante et stérilisante...
Le questionnaire proposé par les Pouvoir Publics peut donc paraître assez éloigné de la réalité et les réponses ne peuvent être que bridées, telles celles qui sont relatées ci-dessous :

VIE INSTITUTIONNELLE ET DÉMOCRATIQUE

En qui faites-vous le plus confiance pour vous faire représenter dans la société et pourquoi ?

Je ne sais pas trop tant j'ai l'impression que l'idéal d'une démocratie libre et responsable ne cesse de s'éloigner. Je ne me sens proche d'aucun programme politique. Même l'échelon local est loin des préoccupations de terrain, miné qu'il est par les réglementations, la peur du risque, l'irresponsabilité et la bureaucratie

En dehors des élus politiques, faut-il donner un rôle plus important aux associations et aux organisations syndicales et professionnelles ?
Oui

Si oui, à quel type d'associations ou d'organisations ? Et avec quel rôle ?
Oui aux syndicats sous réserve qu'ils ne vivent pas des subsides de l’État ce qui est indécent, qu'ils soient indépendants des partis et des idéologies politiques et qu'ils prennent en compte l'intérêt des salariés avec plus de pragmatisme. Même remarque pour les associations et les lobbies de tout poil...

Que faudrait-il faire pour renouer le lien entre les citoyens et les élus qui les représentent ?
Que les élus se montrent moins démagogues et qu'ils mettent vraiment en œuvre leurs programmes. Qu'ils fassent preuve de plus de conviction et de détermination dans leur politique et qu'ils veillent à apprendre aux citoyens à se passer peu à peu de l’État, comme le préconisait Tocqueville. Qu'ils soient plus économes des deniers publics et qu'ils réduisent la bureaucratie administrative et réglementaire.

Le non-cumul des mandats instauré en 2017 pour les parlementaires (députés et sénateurs) est :
Je ne sais pas...

Pourquoi ?
Ce n'est pas tant le cumul qui paraît néfaste que les véritables rentes de situations dont semblent bénéficier à vie les politiciens, restant toujours très éloignés de la société civile. En somme il faudrait des mandats moins longs et sans trop de renouvellement.

Que faudrait-il faire pour mieux représenter les différentes sensibilités politiques ?
Il eut mieux valu ne pas ostraciser le Front National depuis des décennies, ce qui a fini par poser un vrai problème de représentation démocratique. J'ai eu honte que le candidat élu à la présidence de la république soit élu avec 82% des voix en 2002, alors qu'il n'avait fait que 19% au premier tour. La même remarque pourrait s'adresser à Emmanuel Macron, vainqueur sans surprise en 2017, même si le score final était moins "soviétique"... A ce jour le paysage politique est totalement dispersé et peu crédible à l'exception du Rassemblement national qui fait un bloc portant les idées d'un tiers des Français sans qu'il lui soit possible de gagner un scrutin national. Quoique peu enclin à partager ses idées, je trouve cet état de fait désolant et grave pour notre république.

Pensez-vous qu'il serait souhaitable de réduire le nombre d'élus (hors députés et sénateurs) ?
Oui

Si oui, lesquels ?
Les députés pourraient être moins nombreux (300 suffiraient amplement), les sénateurs également (100 tout au plus), à condition de rééquilibrer les poids respectifs des 2 chambres. Il faudrait également faire un grand ménage dans les collectivités territoriales pléthoriques, mais leur donner en contrepartie plus de pouvoir.

Que pensez-vous de la participation des citoyens aux élections et comment les inciter à y participer davantage ?Elle est nécessaire au bon fonctionnement d'une démocratie, pour peu qu'on redonne du sens au jeu politique, ce qui découle de tout ce qui est dit plus haut.

Faut-il prendre en compte le vote blanc ?
Non, ce n'est qu'un marqueur navrant de la désaffection des citoyens pour le jeu démocratique.

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour mieux associer les citoyens aux grandes orientations et à la décision publique ? Comment mettre en place une démocratie plus participative ?
Faire plus confiance au terrain. En France tout descend de Paris, mais rien n'y remonte ou quasi. Le principe de subsidiarité est excellent, qui veut qu'on parte de l'échelon local et qu'on ne confie à celui au dessus que ce qui ne peut être traité. Dans cette perspective, les consultations et/ou les référendums locaux sont souhaitables, comme en Suisse.

Faut-il faciliter le déclenchement du Référendum d'Initiative Partagée (le RIP est organisé à l'initiative de membres du Parlement soutenu par une partie du corps électoral) qui est applicable depuis 2015 ?
Non, si cela s'entend à l'échelon national
. C'est un leurre, irréalisable en pratique, qui n'aboutit qu'à déstabiliser le pouvoir ou à générer des frustrations dans la population.

Que faudrait-il faire pour consulter plus directement les citoyens sur l'utilisation de l'argent public, par l’État et les collectivités ?
Inverser le sens des communications, qui doivent pouvoir remonter du terrain et non descendre du haut de la pyramide comme des certitudes intangibles. Il faudrait que les Pouvoirs Publics soient plus à l'écoute de ce qui se passe dans les villes et dans les campagnes et qu'ils soient mus par des impératifs pragmatiques plus que par des principes idéologiques.

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?
Le Sénat doit accroitre son poids tout en réduisant ses effectifs et son train de vie à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis. Il doit jouer le rôle de contrepoids à l'Assemblée. Le Conseil Économique et Social pourrait tout bonnement être supprimé (tout comme nombre d'autres instances...) Il n'y a pas un Français sur dix qui sait à quoi il sert... Ou plutôt, la plupart pensent qu'il s'agit d'une des nombreuses officines de l’État, qui servent à recaser les politiciens sur le carreau...

Faut-il les transformer ?
Oui

Si oui, comment ?
En réduisant les effectifs du Sénat (un ou deux sénateurs par département par exemple) et lui donner plus de pouvoir législatif. Supprimer le Conseil Économique est Social et Environnemental...


VIE CITOYENNE


Que proposez-vous pour renforcer les principes de la laïcité dans le rapport entre l’État et les religions de notre pays ?

Au point où nous sommes rendus, la situation est quasi désespérée... L'Islam est conquérant et les Pouvoirs Publics sont impuissants pour enrayer cette progression qui grignote peu à peu leur emprise. Les autres religions ne sont pas sources de tant de problèmes.

Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?
Par le respect des lois. Des lois moins nombreuses mais plus fermement appliquées ! Le recours à la jurisprudence chaque fois que possible. Une justice plus impartiale et plus indépendante de l’État et des idéologies politiques.

Que faudrait-il faire aujourd'hui pour renforcer l'engagement citoyen dans la société ?
Faire comprendre aux citoyens que la liberté implique la responsabilité et que l’État ne peut pas tout...

Quels sont les comportements civiques qu'il faut promouvoir dans notre vie quotidienne ou collective ?
Le plus urgent serait sans doute de sanctionner vraiment toutes les incivilités du quotidien.

Que faudrait-il faire pour favoriser le développement de ces comportements civiques et par quels engagements concrets chacun peut-il y participer ?
Désengager l’État de notre quotidien dans lequel il s'immisce à tout moment.

Quelles sont les incivilités les plus pénibles dans la vie quotidienne et que faudrait-il faire pour lutter contre ces incivilités ?
Les dégradations du bien commun (déjections canines, tags, casse...) Bruit (vélomoteurs), manifestations violentes, consommation ostensible de boissons alcoolisées, tension latente (mendicité, chiens)

Que peuvent et doivent faire les pouvoirs publics pour répondre aux incivilités ?
Être plus ferme dans l'application des lois et dans les sanctions pour leur violation...

Quel pourrait être le rôle de chacun pour faire reculer les incivilités dans la société ?
Se montrer soi-même bon citoyen.

Quelles sont les discriminations les plus répandues dont vous êtes témoin ou victime ?
Aucune, personnellement, fort heureusement. Les vraies discriminations sont de nos jours auto-infligées par des communautés revendiquant haut et fort leur "différence" et rejetant à ce titre les autres...

Que faudrait-il faire pour lutter contre ces discriminations et construire une société plus solidaire et plus tolérante ?
Vaste programme...

Pensez-vous qu'il faille instaurer des contreparties aux différentes allocations de solidarité ?
Oui

Si oui, lesquelles ?
Le respect des objectifs pour lesquels ses aides sont faites, le comportement citoyen, l'irréprochabilité vis à vis des lois....


IMMIGRATION ET INTÉGRATION


Que pensez-vous de la situation de l'immigration en France aujourd'hui et de la politique migratoire ? Quelles sont, selon vous, les critères à mettre en place pour définir la politique migratoire ?

Le sentiment qui domine est que l'immigration n'est pas maitrisée et que par voie de conséquence, elle se solde par un accueil assez déplorable de la part de notre pays, et un communautarisme arrogant et in fine, peu de volonté d'intégration de la part des migrants...

En matière d'immigration, une fois nos obligations d'asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ?
Oui à condition de définir clairement quelles sont les "obligations d'asile", trop souvent galvaudées.

Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ?
Difficile en quelques lignes de proposer des solutions concrètes s'opposant au laisser aller navrant auquel on assiste depuis tant de temps.

Quelles sont, selon vous, les modalités d'intégration les plus efficaces et les plus justes à mettre en place aujourd'hui dans la société ?
Être plus exigeant sur les engagements des migrants à s'intégrer et à respecter les lois françaises. En contrepartie, leur faciliter certaines démarches et leur montrer plus d'empathie


En définitive, à l'issue de ce questionnaire, l'avenir s'inscrit dans l'interrogation-titre de l'ouvrage de Jérôme Fourquet : "Où allons nous ?"

17 mars 2019

Grand Débat : Dépenses Publiques et Fiscalité

Le Grand Débat est à peine clos que la flambée de violences commises au nom des Gilets Jaunes reprend de plus belle. Dispersées depuis longtemps, les revendications initiales ont laissé la place à un déferlement insoutenable de haine, rappelant les pires moments de notre histoire. Cette fois, plus de doute, c’est bien l’extrême gauche la plus vindicative et la plus revancharde qui mène cette danse sinistre, avec ses slogans soi-disant anti-capitalistes, anti-riches, anti-tout. Insondable bêtise, haine abjecte, effrayant nihilisme.

De nouveau les Champs-Élysées ont été mis à sac sous l’œil impuissant des forces de l’ordre. Le Président de la République a dû écourter son weekend montagnard pour revenir en catastrophe à Paris. Sous l’empire d’une colère froide, il a accusé tous les manifestants de samedi, qualifiés pour la circonstance "d'émeutiers" d’être responsables des dégradations ignobles, soit directement soit par complicité passive.
Il a raison mais ses mots très forts masquent hélas une incapacité chronique à s’opposer à ces dévoiements populaires qui commencent sérieusement à miner le pays et donnent un triste spectacle au reste du monde qui le regarde interloqué.
Les Pouvoirs Publics, terrifiés à l’idée même d’un dérapage, d’une bavure, auront-ils enfin le courage de mettre fin à ces exactions hebdomadaires ? Sauront-ils résister à la démagogie conduisant la France dans une spirale infernale de laquelle elle aura de plus en plus de mal à s’extraire.
La thématique de la fiscalité et des dépenses publiques risque bien d’être noyée dans ce déluge d’insanités.
A ce jour on n’entend que des propositions de taxations supplémentaires : successions, plus-values immobilières sur les résidences principales, taxe carbone, ISF, nouvelles tranches de l’impôt sur le revenu… A longueur de journée on nous rebat les oreilles avec les inégalités, l’injustice sociale, la fraude fiscale, les riches de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres… C’est un comble dans le pays désormais le plus imposé au monde, le plus protecteur au plan social, le plus redistributeur de la manne fiscale, un pays où moins de 45 % des foyers paient l’impôt sur le revenu, où 70 % des impôts sont payés par les 10 % les plus riches. On nage en pleine absurdité et l’État en est réduit à vendre les aéroports pour boucler son budget désespérément déficitaire.

Dans ce contexte le questionnaire proposé dans le cadre du Grand Débat paraît lénifiant, illusoire et pour tout dire complètement à côté de la plaque, même si je me suis quand même efforcé d'y répondre : 

Quelles sont toutes les choses qui pourraient être faites pour améliorer l'information des citoyens sur l'utilisation des impôts ?
Information claire sur le site web des impôts

Que faudrait-il faire pour rendre la fiscalité plus juste et plus efficace ?

Avant tout la simplifier, en stabiliser les règles, lui donner une assiette très large, et un taux le plus faible possible.

Quels sont selon vous les impôts qu'il faut baisser en priorité ?

Le seul impôt qu'il serait encore possible de baisser en France est la CSG car avec son assiette large, il touche tout le monde et pèse lourdement sur les revenus du travail et les retraites. Hélas, ce prélèvement obligatoire en forme de cotisation ne cesse d'augmenter. Tout espoir semble donc perdu...

Afin de financer les dépenses sociales, que faut-il faire selon vous...
Reculer l'âge de la retraite
Augmenter le temps de travail
Revoir les conditions d'attribution de certaines aides sociales Introduire un étage de capitalisation dans le système des retraites
…. C’est à dire tout sauf l’augmentation des impôts  (et surtout penser enfin à réduire les dépenses sociales).

S'il faut selon vous revoir les conditions d'attribution de certaines aides sociales, lesquelles doivent être concernées ?
Toutes, car elles sont en général mal ciblées et peu réactives face à l'évolution des besoins réels et des situations individuelles.

Quels sont les domaines prioritaires où notre protection sociale doit être renforcée ?

La santé, en assouplissant le système et en abrogeant le monopole archaïque de la Sécurité Sociale. Les retraites en abordant enfin le sujet sans tabou idéologique (encouragement de l'épargne, de l'assurance vie, capitalisation)

Pour quelle(s) politique(s) publique(s) ou pour quels domaines d'action publique, seriez-vous prêts à payer plus d'impôts ?

Aucun, la coupe est pleine en matière d'impôts ! Il faut faire preuve d'imagination et alléger le poids de l'Etat-Providence pour évoluer enfin vers une démocratie faite de citoyens libres et responsables, c'est à dire exactement l'inverse de ce à quoi nous ont mené tous les gouvernements jusqu'à ce jour.

Y a-t-il d'autres points sur les impôts et les dépenses sur lesquels vous souhaiteriez vous exprimer ?

Sur le poids et le coût de l'Administration, notamment les agences et officines d'Etat devenues innombrables et dont le coût annuel a été estimé à 50 milliards d'euros par la Cour des Comptes. Il serait souhaitable par exemple de supprimer sans délai les Agences Régionales de la Santé dont l'efficacité est quasi nulle et qui sont génératrices d'inertie avec leurs plans quinquennaux d'un autre temps (SROS, PRS)

Illustration: La Corne d'Abondance, vase antique

25 février 2019

l’État dans tous ses états

Que restera-t-il du mouvement des Gilets Jaunes, qui pour l’heure s’étiole et s’étire en longueur au fil des week-ends avec son cortège écœurant de violences et de dégradations ?
Où nous emmène le Grand Débat qu’Emmanuel Macron eut l’idée de lancer dans l’espoir de freiner la révolte populaire ?
Quelles seront les propositions susceptibles d’être retenues pour être inscrites dans le projet présidentiel, en dehors de ce lancinant Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) qui veut tout et rien dire ?
S’agira-t-il d’abaisser la pression fiscale pour tous ?
Dans ce cas sera-t-il possible de diminuer enfin les dépenses de l’État ?
Et si oui, quel consensus pourra-t-il se dégager pour cibler les secteurs où les économies devront s’imposer ?
Beaucoup de questions en somme et à ce jour beaucoup d’incertitudes demeurent alors que le pays s’enfonce dans des querelles idéologiques relevant, soit de lubies égalitaristes, soit de préjugés archaïques.

La France avec son modèle social à bout de souffle, n’a pourtant plus guère de choix si elle veut sortir de l’impasse dans laquelle elle s’est enferrée. Ce système est un des plus redistributif des richesses, un des plus protecteurs qui soit. Pourtant, on n’a jamais autant entendu crier à l’injustice. On n’a jamais vu tant de gens se plaindre des inégalités et affirmer souffrir de la pauvreté.
Il est donc devenu indispensable de redéfinir la notion de service public et de manière plus générale le périmètre des prérogatives de l’État. Celui-ci doit impérativement se réduire, conformément au vœu de Tocqueville, ce qui suppose que les Français comprennent enfin que la maturité d’une société se juge à la capacité de ses citoyens à vivre libres et responsables bien plus qu’à l’emprise de l’État-providence.

Il n’est sans doute pas nécessaire d’annoncer comme certains politiciens maladroits l’ont fait, qu’il faille réduire le nombre de fonctionnaires. Cela ne peut pas être un but en soi mais tout au plus la conséquence d’une meilleure gestion des institutions des services et des entreprises.
Il faut en revanche tordre le cou au mythe de la gratuité des services publics. Toute peine mérite salaire, et les fonctionnaires ne vivent pas plus d’amour et d’eau fraîche que les salariés du privé. Ils ne sont donc pas les derniers à réclamer rétribution pour leur travail.
Les services prétendus gratuits ne se le sont donc qu’en apparence. Ce sont tous les fameux prélèvements obligatoires, charges, impôts et taxes qui les financent. Ainsi, contrairement à une idée très répandue, ni l’éducation ni la santé ne sont gratuites dans notre pays, loin s'en faut.
Au surplus, les prestations fournies par des entreprises assujetties à l’État ne sont pas toutes fournies gracieusement. Sauf erreur, chaque citoyen paie son électricité, son gaz, son eau, ses billets de train, de bus ou de métro…
De l'autre côté, il est devenu très tendance de conchier les grands groupes américains, communément assimilés aux GAFA et de réclamer à grands cris de nouvelles taxes pour sanctionner leurs bénéfices exorbitants. Tout le monde à notre époque utilise Google et beaucoup de gens sont devenus adeptes des réseaux sociaux ou bien d’outils de communication tels les serveurs de messageries électroniques, Skype, Whatsapp... Ont-ils réalisé que dans leur grande majorité, ces applications logicielles sont gratuites ? Ne s’agit-il pas en somme de "services publics" d’un nouveau genre ? A vouloir trop leur en demander, ne risque-t-on pas de tuer la poule aux œufs d’or ?

Selon quel principe immanent, serait-il possible d’affirmer que l’État soit meilleur qu’une entreprise privée pour garantir les services qui n’ont de public que la vocation à être à la disposition de tout un chacun ? Et quelle loi pourrait l’autoriser à s’affranchir de la concurrence en lui conférant un statut intangible de monopole ?
Au fil des ans, les gouvernants, même les plus entichés de socialisme ont bien dû convenir : l’État ne peut pas tout faire.
L’exemple le plus emblématique est Renault, brillante et innovante entreprise à ses débuts, mais spoliée par l’État à son patron Louis Renault à la fin de la seconde guerre mondiale, pour en faire une régie poussive, puis à nouveau privatisée, avec le succès que l’on connaît (fors les mésaventures actuelles de Carlos Ghosn).

Pour peu que l’on accepte ces constats avec pragmatisme, quelques préconisations pourraient être avancées afin de rééquilibrer le rôle de l’État et redonner un peu d’air à la Nation :
-En premier lieu, se garder de jeter l’opprobre sur les fonctionnaires, et tout faire pour préserver leurs émoluments et leurs retraites, voire même les augmenter, au même titre que ceux des salariés du privé. La baisse de la CSG pourrait y parvenir le plus simplement du monde...
-Faire enfin avancer concrètement la réflexion sur la bureaucratie administrative supposée entretenir la forêt de réglementations. Élaguer cette jungle étouffante et tailler dans les agences d’État, qui coûtent au bas mot 50 milliards d’euros par an. Pareillement, veiller à juguler la pléthore des collectivités locales et territoriales, tout en renforçant leur pouvoir dans le cadre d’une subsidiarité bien pensée. Réduire dans le même temps le nombre d’institutions quasi inutiles (Conseil Économique et Social, Défenseur des Droits, Cour des Comptes, Commission Nationale du débat public, Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, CNIL, Hautes Autorités en tous genres : HAS, HALDE,HADOPI, HATVP...)
-Faire maigrir le char de l’État. S’il n’est pas question de toucher au principe éprouvé d’un parlement bi-caméral, il semble indispensable de revoir à la baisse le nombre d’élus. A l’exemple des États-Unis, on pourrait par exemple limiter à 2 par département les sénateurs, ce qui en ferait tout au plus 202 au lieu de 348. Il serait logique de diminuer en proportion l’effectif de l’Assemblée Nationale qui compte à ce jour pas moins de 577 députés (contre 435 aux USA, cinq fois plus peuplés). Il y aurait lieu enfin de resserrer le gouvernement sur ses missions prioritaires et redonner du sens aux ministères, trop nombreux et dont l’intitulé même est souvent des plus abscons.
-Donner plus d’autonomie et de responsabilité à nombre d'institutions publiques : hôpitaux, écoles, collèges, lycées, universités...
-Supprimer le monopole de la Sécurité Sociale (régime général et indépendants) et ouvrir à la concurrence le champ de l’assurance maladie.
-Réformer vraiment le système des retraites en introduisant, à l’instar de presque tous les pays voisins de la France, un étage de capitalisation. ce qui suppose d’encourager l’épargne, a contrario de la politique actuelle.
-Redonner à l’impôt sa fonction : ni punitif, ni redistributif, mis servant le bien commun et proportionnel aux moyens de chacun, répondant au quadruple impératif : assiette large, taux faible, simplicité et stabilité…
En dépit de quelques petites phrases bien senties, du chef de l’État, rien ne permet de supposer qu’on adopte ce type de mesures avant longtemps, hélas...
Illustration: Le Char de l'Etat . Carte Postale

19 février 2019

Fisc encore, fisc toujours

Pour compléter le précédent billet, et puisque le Grand Débat s’apparente de plus en plus à une vraie foire aux taxes, quelques remarques me viennent à l’esprit, doublées de suggestions.
La réflexion peut s’articuler autour d’une double problématique, celle de la pression fiscale d’une part, et celle des dépenses publiques d’autre part. Les deux sont liées, on peut en convenir, et peuvent être ressenties comme étant complémentaires ou bien contradictoires.
On critique souvent les Gilets Jaunes parce qu’ils veulent tout à la fois une diminution de la pression fiscale et une augmentation des services publics. Il est vrai qu’au premier abord, il semble difficile, selon le bon sens populaire, d’exiger le beurre et l’argent du beurre.
Pourtant ce double challenge n’est pas obligatoirement antinomique. Tout dépend de ce qu’on entend par allègement fiscal et par service public.
S’il s’agit comme on l’entend parfois d’exiger la baisse des taxes qu’on paie, tout en réclamant l’augmentation de celles qu’on ne paie pas, c’est pure hypocrisie. S’il faut de l’autre côté entendre le service public comme étant nécessairement l’ensemble des prestations sous contrôle de l’Etat, définies par les démagogues comme étant gratuites, alors c’est évident, tout le monde paiera à un moment ou un autre…
La crainte est donc que le Grand Débat soit largement biaisé et qu’en définitive il finisse par s’enliser dans une impasse bornée par les lieux communs et les chimères idéologiques.

Le prélude à la révolte dite des Gilets Jaunes fut le constat que la cote d’alerte avait été atteinte en matière de prélèvements obligatoires. En cause à n’en pas douter : les hausses incessantes des taxes sur les carburants, au motif de moins en moins crédible de la protection de l’environnement. Également fautive, la nouvelle augmentation de la Cotisation Sociale Généralisée (CSG), prétendument compensée mais de manière inintelligible par les baisses de certaines charges salariales. Enfin, la diminution des aides personnalisées au logement (APL), même dérisoire, fut ressentie comme très agressive sur le pouvoir d’achat.
L’allègement de l’ISF fut dans ce contexte une maladresse insigne. Il vint fort mal à propos, donnant l’impression qu’on prenait au pauvres pour donner aux riches. Quant à la suppression annoncée, puis remise en cause avant d’être à nouveau promise, de la taxe d’habitation, il faut bien dire que personne ne la demandait, et que tout un chacun imagine sans doute à juste titre, qu’il ne s’agit que d’un simple transfert de charges.

Le fait est que la France est désormais devenue championne toute catégorie des impôts, taxes et prélèvements obligatoires. On peut rire des gens qui réclament une harmonisation fiscale européenne. Elle ne pourrait se faire à l’évidence qu’au détriment de l’Etat français…
On est effrayé par exemple par la hausse régulière et irrépressible de la CSG depuis sa création en 1991 par Michel Rocard. Pudiquement qualifiée de cotisation, elle n’est qu’un prélèvement obligatoire de plus, même si elle ne figure pas habituellement au chapitre des impôts. Son taux initialement presque indolore (1,1%) s'est accru au fil des ans pour atteindre grâce à M. Macron le chiffre de 9,2 %, faisant d’elle la deuxième source de ressources piochées dans les poches des contribuables, après la TVA, et loin devant l’impôt sur le revenu. Elle fait rentrer bon mal an 100 milliards d’euros dans les caisses de Bercy. Lorsqu’elle fut mise en oeuvre, le déficit budgétaire de l’Etat était déjà routinier, mais la dette publique n’était “que” de 400 milliards d’euros. Or non seulement ce trou n’a pas été résorbé par ce nouveau prélèvement mais il s’est creusé démesurément pour dépasser aujourd’hui aujourd'hui les 2300 milliards d’euros !
La CSG qui se voulait simple, modeste, et d’assiette large a failli à tous ses objectifs. Elle n’a cessé d’enfler, de se complexifier, et s’est vue pondérée par une kyrielle de dérogations et d’exonérations de plus en plus illisibles. Pire que tout, elle a fait des petits, bâtis sur le même modèle pervers : CRDS de Juppé (1996), CSA de Chirac (2004), puis plus récemment Prélèvement social, contribution additionnelle au prélèvement social (CAPS), prélèvement de solidarité (RSA)...

La preuve est donc faite que l’impôt n’est rien face à la gabegie des gouvernants, régulièrement pointée par la Cour des Comptes, institution sérieuse et vénérable mais dont les rapports accusateurs s’avèrent totalement inutiles…
Aujourd’hui le gouvernement se trouve dans une impasse. Face un déficit qui flambe, à une croissance et un chômage qui végètent, il ne sait plus comment ponctionner le contribuable. Il en est réduit à envisager à nouveau l’alourdissement de la taxe carbone, celle-là même qui provoqua la crise actuelle !
Si la révolte des Gilets Jaunes nous a appris quelque chose c’est qu’on ne peut plus augmenter la fiscalité, et qu’il est devenu impératif de l’atténuer. Le vrai problème est de savoir comment, puis de trouver les moyens d’inverser la courbe des dépenses publiques.

Pour être parlante et efficace, la diminution de la pression fiscale doit être visible par tous. Il aurait été intéressant de supprimer purement et simplement l’Impôt sur le Revenu qui paie à peine les intérêts de la dette mais plus de la moitié des foyers n’y verront que du feu puisqu’ils en sont exonérés. On a vu que la suppression de la taxe d’habitation n’est qu’un leurre, qui de toute manière ne touche qu’une partie des ménages et qui conduit à renforcer encore un peu plus le centralisme bureaucratique tout en déresponsabilisant les “territoires périphériques”.
Il est impératif d’éviter la création de nouvelles niches fiscales dont on voit les effets pervers.
Les seuls impôts qu’il serait envisageable d’alléger sont ceux qui s’exercent indirectement. Il semble difficile de diminuer la TVA ce qui aboutirait certes à augmenter le pouvoir d’achat mais sans doute au bénéfice de produits importés.
Il ne reste donc plus que la CSG… Sa diminution, voire son abolition (notamment celle qui pèse sur l’activité) serait immédiatement perceptible sur les salaires et les pensions de retraite. Elle favoriserait les particuliers mais également les employeurs et après tout, c’est une invention récente dont on a prouvé plus haut qu’elle n’avait amélioré ni le budget de l’Etat, ni le bien-être social.
Il resterait juste à trouver 100 milliards à économiser.

Suite au prochain épisode….
 

09 décembre 2018

Récupérations et recyclages

A l‘heure où le mouvement des Gilets Jaunes est guetté par la dislocation entre factions rivales, revendications confuses, radicalisation et saccage anarchique des biens de la nation, beaucoup cherchent comment récupérer les fruits de ce tumulte au goût acre de révolution.

Il y avait évidemment une certaine jubilation à voir ce week-end les bobos, marcheurs “pour le Climat et le beau temps” côtoyer les Gilets Jaunes, vociférant contre les “taxes écolo-carbonées” et revendiquer l’augmentation du “pouvoir d’achat”. Qui récupère qui, c’est bien la question...

Plus sérieusement, parmi les pouvoirs constitués et les fameux corps intermédiaires c’est devenu la course à l’échalote.
A commencer par le Gouvernement naturellement qui tente timidement de faire amende honorable en prodiguant au bon peuple de vagues déclarations en formes d’excuses tout en commençant à céder du terrain sur le plan de la fiscalité. Sa marge de manœuvre est des plus étroites, coincé qu'il est entre l’inflation permanente des dépenses publiques et les rappels incessants aux principes de réalité émanant de la Commission de Bruxelles…
Pour l’heure il s’auto-congratule pour avoir limité les dégâts ce samedi 8 décembre. A quel prix serait-on tenté de dire ! Mobilisation de plus de 80.000 policiers et gendarmes, 1385 interpellations, fermeture de très nombreux commerces dont le chiffre d’affaires plonge. Et si Paris a subi un peu moins de destructions, la province a plus souffert : Toulouse, Nantes, Bordeaux, Saint-Etienne, Marseille, Lyon…

Pour les médias qui couvrent complaisamment les évènements et qui nous inondent à jet continu d’images, les affaires marchent. On pourrait même imaginer qu’elles n’ont pas forcément intérêt à ce que le fleuve rentre trop tôt dans son lit, particulièrement lorsqu’on les entend insister lourdement sur le fait que la mobilisation ne faiblit pas et qu’un acte V se prépare…

Les syndicats paraissent quant à eux "à la ramasse". On ne les a jamais aussi peu entendus lors de manifestations populaires, notamment lorsque le pouvoir d’achat est en jeu. Totalement débordés par la tournure des manifestations, désavoués par les rebelles, souvent déchirés par les luttes de pouvoir aux seins de leurs propres instances, ils se retrouvent sans voix ni revendication...

Quant à l’opposition elle essaie de tirer profit des difficultés dans lesquelles se débat le gouvernement, mais ça part dans tous les sens.
Il faut plaindre le pauvre Edouard Philippe qui a dû se coltiner 28 entretiens avec ces jean-foutres, incapables d’articuler la moindre proposition cohérente.
Non seulement ils font preuve d’une consternante immaturité politique mais également d’une lâcheté insondable, en flattant les plus vils instincts du peuple dont ils se gargarisent le gosier. Aucun ne s’élève un peu au dessus du spectacle des exactions de rues, aucun n’appelle à la responsabilité. Il s’éparpillent en mille critiques et autant de propositions plus ineptes les unes que les autres, le pire étant que tous, peu ou prou, ont une bonne part de responsabilité dans la montée de la colère.
J’ai pour ma part bien apprécié l’intervention de la chroniqueuse Alba Ventura sur RTL le 2 décembre. Elle ne ménagea certes pas le gouvernement en affirmant “qu’il n’avait plus droit à un autre samedi noir” et fustigea les explications hasardeuses du ministre de l’intérieur évoquant “un problème de communication et de pédagogie de la part de l’exécutif.”
Mais derrière son exclamation “ça suffit”, il y en eut pour tout le monde, sans excepter les Gilets Jaunes, car s'exclama-t-elle, "lorsque la manifestation dérape c’est aussi de [leur] responsabilité. Quand on appelle à envahir les Champs-Elysées on joue avec le feu.”
C’est toutefois vers l’opposition qu’elle décocha ses critiques les plus acerbes : “Parmi les opposants, c’est le festival des c… car si le Pouvoir est raide, eux sont particulièrement tordus.”
“ça suffit, François Ruffin vous faites honte à la République en disant que Macron finira comme Kennedy, ce qui est un appel au meurtre à peine voilé.”
“ça suffit Jean-Luc Mélenchon d’applaudir à l’insurrection et d’appeler conjointement avec Marine le Pen à des élections anticipées pour essayer de récupérer les marrons du feu; c’est minable.”
“ça suffit François Hollande vous qui avez été, je crois, Président, qui vous amusez à souffler sur les braises pour vous venger d’Emmanuel Macron et qui regrettez ensuite les violences. Passer de président à pompier pyromane, ce n’est pas très glorieux."
“ça suffit les socialistes qui ont mis en place la taxe carbone et qui donnent des leçons à tout va.”
“ça suffit Laurent Wauquiez d’appeler à un référendum sur les promesses de Macron et sur les taxes au motif que ce n’était pas dans le programme alors que c’était écrit noir sur blanc.”
En définitive, selon madame Ventura, à qui on ne peut donner tort: “aucun n’est à la hauteur de l’enjeu car ils ne sont qu’à la hauteur de leurs egos…”

La palme de l’inconsistance revient me semble-t-il une fois encore à M. Juppé. Constatant ce matin même les dégâts dans la cité dont il a la charge, il se répand en propos lénifiants, minimisant le désastre et déclarant benoîtement que les forces de l’ordre étaient parfaitement dimensionnées et efficaces. Il nous révèle au passage qu’il a assisté en personne à la mise à sac de l'Apple Store qu’il décrit par le menu ! Selon l’usage établi, il fait part de son “émotion” et de son “indignation”, et réclame du président de la république “qu’il tienne un discours fort” et “qu’il annonce des mesures fortes”, sans dire évidemment ce qu’il proposerait à sa place.
Prisonnier de la langue de bois, il n’a en revanche pas un mot pour qualifier ces manifestants qui se réclament de l’anti-capitalisme et n’ont de cesse de s’approprier par la violence ses fruits les plus palpables, et pas un mot sur l’impuissance manifeste de la force publique à protéger les biens publics et privés.
“Ma che coglione !”, s’était exclamé Bonaparte devant Louis XVI pareillement désemparé devant la populace montant à l’assaut des Tuileries.

Devant ces désordres et en pensant à l’ouvrage pré-électoral que M. Macron avait cru bon d’intituler “Révolution”, les mots de Saint-Just reviennent sinistrement: “Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau.”
Mais aussi ceux de Napoléon, sans doute plus empreints de pragmatisme : “Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent…”

03 décembre 2018

En marche vers le chaos

L’horrible spectacle donné par la manifestation parisienne de ce 1er décembre risque de ruiner une bonne partie du crédit accordé au mouvement des Gilets Jaunes, qui secoue le pays depuis quelques semaines.
Cette journée n’est pas moins désastreuse pour le gouvernement, incapable de faire respecter l’ordre public et impuissant même à protéger l’Arc de Triomphe, emblème impérial de la nation. En l’occurrence, la stratégie de bloquer les Champs Élysées par une illusoire ligne Maginot fut un fiasco: tout s’est passé à côté !
S’il y a de quoi être vraiment révolté par ces saccages récurrents commis au nom du peuple, il n’est plus possible de ne pas y voir l’expression d’une crise très grave et la faillite d’un système de gouvernement à la fois démagogique et déconnecté du pays.
Dans cet infernal tohu-bohu, l’incompréhension est totale. D’un côté le Pouvoir reste cramponné à ses taxes et à sa nébuleuse transition écologique à laquelle plus personne ne croit vraiment, de l’autre, les prétendus représentants du mouvement de contestation se répandent en propositions confuses et de plus en plus hasardeuses.
La dernière plateforme en date, ne compte pas moins de 42 revendications dont certaines relèvent d’une naïveté confondante. Par exemple la toute première demandant de manière urgente « zéro SDF ». Ou encore celle qui exige de « déclarer illégitimes les intérêts de la dette » et donc de cesser de les payer. On peut citer également le retour de la retraite à soixante ans, voire à 55 « pour les maçons et les désosseurs », ou encore une multitude de vœux pieux : limitation des loyers, interdiction des délocalisations, création d’emplois pour les chômeurs, plafonnement des salaires à 15.000 euros…
La fin de la hausse sur les carburants n’est plus qu’une ligne au sein de ce fatras.
Autant dire que donner satisfaction ne serait-ce qu’à quelques propositions est devenu mission impossible pour le gouvernement, faute d’avoir réagi assez vite…

Comment réformer de fond en comble le pays dans l’urgence ? Comment réparer les dégâts causés par des années d’incurie ? Comment affronter les réalités plus dures que jamais, mais qu’on n’a cessé d’occulter durant des décennies ?

La priorité des priorités semble à l’évidence d’atténuer la pression fiscale, devenue intolérable. Le minimum minimorum serait bien sûr de mettre un terme à la hausse des taxes sur les carburants, mais cela ne suffira pas hélas et on ne voit pas trop comment aller plus loin dans l’immédiat.
Le Chef de l’Etat a eu la calamiteuse idée de supprimer la taxe d’habitation "pour tous" mais il n’a pas les moyens de ses ambitions. Peu de gens en définitive ont vraiment perçu la petite baisse cette année, et ils devront patienter un an pour en voir peut-être plus. Au surplus, on sait qu’il ne s’agit que d’un trompe-l’œil puisqu’il faudra bien donner aux communes de quoi vivre, donc recourir à la bonne veille mais détestable habitude, qui consiste à donner d'une main ce qu'on va reprendre de l'autre.
L’impôt sur le revenu est devenu quant à lui une absurdité, mais il est impossible d’y toucher. Dans l’absolu on pourrait pourtant le supprimer, si la gestion de l’État était plus saine, car on sait qu’il ne sert qu’à couvrir les fameux intérêts de la dette... Mais on sait aussi qu’à ce jour, moins de la moitié des foyers le paient. Il n’y a plus moyen de l’alourdir et il est illusoire d’envisager son allègement, qui ne satisferait qu’une minorité de Français. Il faut juste souhaiter que sa mutation vers le prélèvement à la source se fasse sans trop de heurts...
Le retour de la composante non immobilière de l’ISF serait imbécile comme l’ont compris tous les pays sauf la France. Il est tout aussi vain d’espérer augmenter l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’optimisation. Le seul moyen de diminuer les fuites dans l’infernale marmite fiscale serait précisément d’en diminuer la pression…

On pourrait envisager, dans le souci d’apaiser sans délai les frustrations, de donner un « coup de pouce » aux salaires et aux retraites, mais cela supposerait de revenir sur la hausse de la CSG, et donc de trouver très rapidement le moyen de faire des économies dans les dépenses publiques.
Tout comme le poids des prélèvements, elles doivent absolument décroître, vu les sommets vertigineux qu’elles ont atteint. L’ennui c’est qu’il s’agit surtout de dépenses structurelles et d’acquis sociaux qu’il n’est jamais populaire de raboter (on l’a vu avec les malheureux 5€ pris sur les APL).
Il est toutefois envisageable de réduire sensiblement le train de vie de l’État. Si la diminution des salaires des ministres n’est qu’une goutte d’eau, des coupes sombres s’imposent dans la gabegie des collectivités territoriales. De même, il serait nécessaire également de désengager l’État d’une foule de missions pour lesquelles il n’est vraiment pas doué.
On peut par exemple tailler sans ménagement dans le bazar invraisemblable des agences étatiques, dont le coût de fonctionnement annuel a été chiffré à plus de 50 milliards d’euros. On se demande par exemple à quoi servent les agences régionales de santé (ARS), si ce n’est à freiner les initiatives par leur monstrueuse inertie. Le Canada qui avait fait la même sottise que nous, les a tout simplement supprimées récemment, pourquoi pas nous ?
Le simple bon sens voudrait qu’on donne enfin un peu plus d’autonomie aux hôpitaux, aux écoles et aux universités. Tout plaide également pour qu’on casse enfin le monopole inepte de l’Assurance Maladie et qu’on revoie avec pragmatisme le panier des soins pris en charge. Mais on est loin de cette responsabilisation des acteurs de la santé quand on voit madame Buzyn annoncer fièrement qu’elle demande désormais à la Sécurité Sociale de rembourser les préservatifs et les consultations médicales que leur prescription exige ! Pareillement, on rêve devant les miroirs aux alouettes du tiers payant généralisé, des lunettes et des soins dentaires gratuits, de la nouvelle mutuelle à 1€ par jour, de l'Aide Médicale d’État (AME) dont le budget 
a augmenté quatre fois plus vite que celui du régime général et avoisine le milliard d'euros, alors qu'il devait se stabiliser en dessous de 100 millions…

Pour nombre d'entreprises, dont celles du secteur public, de nombreuses dépenses pourraient être évitées si les contraintes réglementaires n’étaient pas si lourdes. Les budgets sont plombés par une bureaucratie épouvantable obligeant à faire enfler sans fin les effectifs dévolus aux tâches logistiques.

Les subventions de l’État pourraient également être revues à la baisse. L'absence de crédibilité des syndicats en France faisait en 2004 que 8% de cotisants, ne produisaient que 190 millions d'euros alors que la collecte était de l'ordre d'un milliard dans un petit pays comme la Suède, où 83% des salariés sont syndiqués... En 2016, près de 123 millions d'euros étaient donc versés par L’État au fonds de financement du dialogue social...
Tout aussi choquantes sont les aides à la Presse et à l'Audio-Visuel public qui oscille selon le rapport de la Cour des Comptes de février 2018, entre 580 millions et 1,8 milliards d'euros !
Comment prétendre que cet asservissement financier ne nuise pas à l'indépendance de tous ces organes ?

Sans s’étendre sur le sujet des retraites, pourtant des plus brûlants, si une nouvelle réforme devait être engagée, il serait aberrant qu’elle n’introduise pas enfin un étage de capitalisation, comme presque tous les pays l’ont fait.
Tout ça aurait dû être accompli depuis belle lurette. On reste rêveur lorsqu’on pense que M. Cameron n'avait pas hésité à supprimer 400.000 postes de fonctionnaires au Royaume Uni, dont le taux de chômage est actuellement de 4 %, en dépit des affres du Brexit...

S’agissant de la fameuse transition écologique, il faudrait raisonner sur des données objectives et cesser de mouliner en permanence les crécelles de la fin du monde. Les Gilets Jaunes ont beau jeu de crier que ce qu’ils redoutent surtout, c’est la fin du mois..
S’il n’est pas question de remettre en cause la protection de l’environnement, on se demande tout de même comment on a pu accorder autant d’importance au lobby écologiste. Celui-ci est rongé par les divisions, il est incapable de proposer une politique cohérente, il n’attire pas vraiment les suffrages des électeurs, et toutes ses préconisations finissent invariablement en nouvelles taxations. Bien souvent la subjectivité et l'idéologie prennent le pas sur les données objectives, comme on le voit dans maints débats : sur le glyphosate, sur le gaz de schiste, sur le nucléaire, sur l’huile de palme, sur les abeilles, sur les conservateurs dans l’alimentation etc… C’est bien simple, on dit tout et son contraire, le plus souvent au mépris des évidences. Lorsque les Pouvoirs Publics après nous avoir encouragés à opter pour les véhicules roulant au gazole, affirment tout à coup sans l'ombre d'une preuve tangible que le diesel « tue 50.000 personnes par an », comment les prendre au sérieux ?

S’agissant enfin des institutions, on s’interroge sur la pertinence d’assemblés citoyennes telles qu’elles sont proposées. Surtout si on accompagne cela de la suppression du Sénat, elle aussi réclamée à corps et à cris.
Il est vrai que ce dernier ne sert quasi à rien puisque son pouvoir est insignifiant. Mais l’Amérique nous a bien démontré qu’un parlement bi-caméral est un puissant facteur de démocratie et de stabilité, à condition de veiller à l’équilibre des pouvoirs, et d’éviter la pléthore d’élus (100 sénateurs aux USA pour 380 millions d’habitants contre 348 en France pour 68 millions d’habitants…)
Faire maigrir le Sénat et renforcer ses prérogatives, voilà qui serait donc une perspective plus saine qu’une suppression pure et simple…
Cela n’empêche pas d’instaurer des consultations directes plus fréquentes et sans doute plus proches du terrain comme les Suisses le font avec le système des votations. Cela redonnerait peut-être aux citoyens le sentiment d’exister et d’être acteurs de leur destin, tout en évitant un certain nombre de lois inutiles ou indésirables dont nous sommes submergés…

Mais les Français drogués aux services publics, et à leur pseudo-gratuité, habitués à s’en remettre à l’État pour tout, peuvent-ils accepter de telles transformations ? Ce peuple parfois si courageux et inventif, mais si enclin à la haine de classe, aux utopies et aux révolutions va-t-il une fois encore s’abandonner à ces lubies dévastatrices ? Comment faire le tri entre la voyoucratie la plus débridée à laquelle on ne peut opposer que la fermeté, et la violence désespérée qui demande des réponses concrètes ?
Ce sont les questions auxquelles le gouvernement de M. Macron doit faire face. On peut lui accorder quelques circonstances atténuantes car il hérite comme il le dit, de plusieurs décennies de laisser-aller. Mais depuis 18 mois, force est de constater que la marche en avant qu’il avait promise, est surtout faite de très petits pas et malheureusement de beaucoup de nouvelles taxes...