Encore une fois le président Sarkozy démontre que sa politique est d'inspiration bien plus étatiste que libérale. Son idée d'imposer aux entreprises le versement à leurs salariés d'une prime indexée sur les dividendes, sort tout droit du catalogue des bonnes intentions dont l'enfer de l'Etat Providence est pavé.
Il s'agit d'une sorte d'ersatz de la règle des trois tiers selon laquelle une entreprise devrait répartir ses bénéfices à parts égales entre les salariés, les actionnaires et l'investissement.
Certes, en apparence, cette mesure est susceptible de donner un coup de pouce au pouvoir d'achat, en ne pesant que sur les royalties des actionnaires. Parfaitement dans la ligne de "la moralisation du capitalisme"... Et moindre mal pour les entreprises dont les versements à ce titre seront exonérés de charges.
Malheureusement le caractère obligatoire de cette initiative et son application uniforme à toutes les entreprises de plus de 50 salariés, en font le type même de fausse bonne idée.
Tout d'abord, parce que la plupart des sociétés gérées avec bon sens distribuent depuis longtemps des primes à leurs employés, souvent basées sur les bénéfices, et modulées en fonction des états de service individuels.
Ce nouveau dispositif, avec sa froide et bureaucratique rigidité, est au mieux inutile. Au pire, il risque de prendre la place des initiatives spontanée, et devenir en raison de son caractère légal, un acquis social systématique qu'il sera bien difficile de refuser, même en temps de vaches maigres.
On peut craindre de toutes manières que se mettent en place chez les plus réfractaires, des stratégies d'évitement : certains chercheront par tous les moyens à masquer les dividendes, d'autres à limiter les embauches en dessous du seuil fatidique de 50 salariés.
Plus généralement, les entreprises françaises, devenues par la force de la loi moins généreuses pour leurs actionnaires, risquent de se trouver dépréciées et donc délaissées par les investisseurs au profit des valeurs étrangères.
A défaut de satisfaire les patrons et les actionnaires, cette disposition plaira-t-elle aux salariés ? Rien n'est moins sûr...
Les syndicats ont vite fait en tout cas, de lui trouver quantité de défauts.
Selon M. Chérèque de la CFDT, il s'agit d'un nouveau "cadeau au patronat" qui va "diviser les salariés", et qui risque de se traduire en raison de la défiscalisation des versements, par "moins d'augmentation de salaires, plus de prime".
Curieusement, en même temps que cette mesure, le gouvernement annonce le gel des salaires des fonctionnaires. N'y a-t-il pas là quelque incohérence ? Surtout lorsque l'on sait que la Fonction Publique souffre précisément, en dépit de volatiles promesses, de l'absence désespérante de primes à l'initiative et au mérite.
Mais le plus grave dans cette affaire, est sans doute l'arsenal administratif qu'elle laisse entrevoir en perspective. Il va falloir encore une fois, contrôler, surveiller, mesurer, évaluer, sanctionner. Toujours plus d'Etat en somme...