28 février 2019

Un Prince Disparaît...

Sa silhouette était unique, à la fois classieuse et excentrique, iconique jusqu’à l'outrance mais parfaitement contrôlée, le tout teinté d’auto-dérision (il s’appelait lui-même “logofeld”).
Hormis le blanc et le noir, les couleurs étaient rares dans ses tenues, mais le strict arrangement de ses cheveux disciplinés en un catogan neigeux très XVIIIè, l’extravagant collet monté faisant office d’instrument exquis de supplice, l’écran de fumée de ses lunettes voilant pudiquement son regard, la moue mi-narquoise mi-contrite qu’il affichait en toute circonstance, tout cela lui donnait une dégaine un peu hautaine, dégageant toutefois un charme fou et une belle originalité. L’allure d’un prince en somme, même s’il ne régnait que sur le domaine frivole de la haute couture.


Fou, il ne l’était assurément pas, lui qui sortit Chanel de la désuétude et qui remit la marque sur les rails prestigieux du luxe à la française. Derrière l’image d’un dandy dilettante, il travaillait paraît-il sans cesse, avec un sens aigu de l’observation, un souci obsessionnel du détail et une verve artistique rare à notre époque. Son amour de la beauté l’accaparait sans relâche et il l’exprimait avec une sincérité confondante.

Il était la mode personnifiée, pourtant il semblait totalement intemporel, au dessus des trivialités et des niaiseries du monde. Il fut le mentor d’une marque qui avait acquis sa notoriété en sublimant les signes du classicisme le plus intangible (le double C, le fameux tailleur éponyme, le canotier, le camélia, le sac à main matelassé...). Son boulot, se plaisait-il à répéter c’était “de donner un aspect nouveau à tout ça tous les six mois”. Le moins qu’on puisse dire, est qu’il n’a pas trop mal réussi...
Derrière la froideur distanciée qu’il mettait entre lui et les autres, l’être était sans doute passionnant, cultivant à travers une solitude assumée, un goût pour l’élévation d’âme et un subtil mélange de dédain et de tendresse pour tout ce qui fait la vie.
Participant de l’écume des jours, il se voulait superficiel et léger (sans être c… pour autant, précisait-il), attaché avant tout au renouvellement, ne prenant en somme rien au sérieux sauf le chemin qu’il s’était tracé, sur lequel il était en perpétuel mouvement, considérant que “c’est bien de faire, ce n’est pas intéressant d’avoir fait.”
L’existence relevait pour lui du même principe : sitôt interrompue par la mort, le charme se brise, rien ne sert de se lamenter ou de tenter de prolonger ce qui n’est plus. “Quand c’est fini, c’est fini”. Foin des enterrements, foin des cérémonies, il faut disparaître en toute discrétion, en ne laissant à la surface qu’un aimable souvenir…
On dira pour finir qu’il passa sa vie à sublimer la féminité. On voudrait tant pouvoir admirer ses innombrables dessins, restés à ce jour secrets, par lesquels il en magnifia si subtilement les lignes et les formes. En contribuant à donner un sens à l’éternel féminin, rayonnant, gracieux, changeant, émouvant, mystérieux, il fit cruellement ressortir l'ineffable stupidité de ceux qui voudraient le nier au motif de l’égalité des sexes !

Aujourd’hui qu’il est passé de l’autre côté, l’esprit de Karl Lagerfeld peut avec son accent teuton à couper au couteau, murmurer en anglais, en français ou en allemand, mais à la première personne, les vers que Shelley écrivit pour son ami le poète John Keats, trop tôt disparu : “he hath awakened from the dream of life…”

26 février 2019

L'été précoce des mimosas

Cette belle période ensoleillée en février : c’est mauvais signe.
Il fallait s’y attendre: “Il s’agit d’une douceur anormale qui inquiète certains Parisiens” titrait le quotidien gratuit 20 Minutes. “Certains évoquent une conséquence du réchauffement climatique, d’autres pointent la pollution…”
Soyons juste, selon la même source, il y a des gens plus optimistes : « On revit avec ce beau temps. Nos vies sont tellement stressantes avec du bruit, de la pollution, des trajets incessants que dès qu’il y a du soleil quelques jours, cela rend les gens heureux »
Il n’empêche, avec ces premières chaleurs, et faute d’hirondelles, reviennent tels des oiseaux de mauvais augure, les manchettes sinistres alertant sur les pics de pollution, la fonte des glaciers et même les incendies de forêts en Corse. On est donc bien foutus, il n’y a pas de doute !
Tant pis, pour l’heure profitons de cette météo clémente, et de ce soleil timide qui réchauffe délicieusement nos carcasses et les recharge en calcium au sortir de l’hiver. Cette année la floraison des mimosas est explosive et leur fragrance vivifie l’esprit givré par la morne monotonie des mauvais jours. Il fait presque chaud, même en Bretagne, et je jubile à l’idée de faire des économies de chauffage.
Bref, si tout cela est causé par le changement climatique, le moins qu’on puisse dire est que ses effets ne sont quand même pas tous si mauvais...
La vie est belle !

25 février 2019

l’État dans tous ses états

Que restera-t-il du mouvement des Gilets Jaunes, qui pour l’heure s’étiole et s’étire en longueur au fil des week-ends avec son cortège écœurant de violences et de dégradations ?
Où nous emmène le Grand Débat qu’Emmanuel Macron eut l’idée de lancer dans l’espoir de freiner la révolte populaire ?
Quelles seront les propositions susceptibles d’être retenues pour être inscrites dans le projet présidentiel, en dehors de ce lancinant Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) qui veut tout et rien dire ?
S’agira-t-il d’abaisser la pression fiscale pour tous ?
Dans ce cas sera-t-il possible de diminuer enfin les dépenses de l’État ?
Et si oui, quel consensus pourra-t-il se dégager pour cibler les secteurs où les économies devront s’imposer ?
Beaucoup de questions en somme et à ce jour beaucoup d’incertitudes demeurent alors que le pays s’enfonce dans des querelles idéologiques relevant, soit de lubies égalitaristes, soit de préjugés archaïques.

La France avec son modèle social à bout de souffle, n’a pourtant plus guère de choix si elle veut sortir de l’impasse dans laquelle elle s’est enferrée. Ce système est un des plus redistributif des richesses, un des plus protecteurs qui soit. Pourtant, on n’a jamais autant entendu crier à l’injustice. On n’a jamais vu tant de gens se plaindre des inégalités et affirmer souffrir de la pauvreté.
Il est donc devenu indispensable de redéfinir la notion de service public et de manière plus générale le périmètre des prérogatives de l’État. Celui-ci doit impérativement se réduire, conformément au vœu de Tocqueville, ce qui suppose que les Français comprennent enfin que la maturité d’une société se juge à la capacité de ses citoyens à vivre libres et responsables bien plus qu’à l’emprise de l’État-providence.

Il n’est sans doute pas nécessaire d’annoncer comme certains politiciens maladroits l’ont fait, qu’il faille réduire le nombre de fonctionnaires. Cela ne peut pas être un but en soi mais tout au plus la conséquence d’une meilleure gestion des institutions des services et des entreprises.
Il faut en revanche tordre le cou au mythe de la gratuité des services publics. Toute peine mérite salaire, et les fonctionnaires ne vivent pas plus d’amour et d’eau fraîche que les salariés du privé. Ils ne sont donc pas les derniers à réclamer rétribution pour leur travail.
Les services prétendus gratuits ne se le sont donc qu’en apparence. Ce sont tous les fameux prélèvements obligatoires, charges, impôts et taxes qui les financent. Ainsi, contrairement à une idée très répandue, ni l’éducation ni la santé ne sont gratuites dans notre pays, loin s'en faut.
Au surplus, les prestations fournies par des entreprises assujetties à l’État ne sont pas toutes fournies gracieusement. Sauf erreur, chaque citoyen paie son électricité, son gaz, son eau, ses billets de train, de bus ou de métro…
De l'autre côté, il est devenu très tendance de conchier les grands groupes américains, communément assimilés aux GAFA et de réclamer à grands cris de nouvelles taxes pour sanctionner leurs bénéfices exorbitants. Tout le monde à notre époque utilise Google et beaucoup de gens sont devenus adeptes des réseaux sociaux ou bien d’outils de communication tels les serveurs de messageries électroniques, Skype, Whatsapp... Ont-ils réalisé que dans leur grande majorité, ces applications logicielles sont gratuites ? Ne s’agit-il pas en somme de "services publics" d’un nouveau genre ? A vouloir trop leur en demander, ne risque-t-on pas de tuer la poule aux œufs d’or ?

Selon quel principe immanent, serait-il possible d’affirmer que l’État soit meilleur qu’une entreprise privée pour garantir les services qui n’ont de public que la vocation à être à la disposition de tout un chacun ? Et quelle loi pourrait l’autoriser à s’affranchir de la concurrence en lui conférant un statut intangible de monopole ?
Au fil des ans, les gouvernants, même les plus entichés de socialisme ont bien dû convenir : l’État ne peut pas tout faire.
L’exemple le plus emblématique est Renault, brillante et innovante entreprise à ses débuts, mais spoliée par l’État à son patron Louis Renault à la fin de la seconde guerre mondiale, pour en faire une régie poussive, puis à nouveau privatisée, avec le succès que l’on connaît (fors les mésaventures actuelles de Carlos Ghosn).

Pour peu que l’on accepte ces constats avec pragmatisme, quelques préconisations pourraient être avancées afin de rééquilibrer le rôle de l’État et redonner un peu d’air à la Nation :
-En premier lieu, se garder de jeter l’opprobre sur les fonctionnaires, et tout faire pour préserver leurs émoluments et leurs retraites, voire même les augmenter, au même titre que ceux des salariés du privé. La baisse de la CSG pourrait y parvenir le plus simplement du monde...
-Faire enfin avancer concrètement la réflexion sur la bureaucratie administrative supposée entretenir la forêt de réglementations. Élaguer cette jungle étouffante et tailler dans les agences d’État, qui coûtent au bas mot 50 milliards d’euros par an. Pareillement, veiller à juguler la pléthore des collectivités locales et territoriales, tout en renforçant leur pouvoir dans le cadre d’une subsidiarité bien pensée. Réduire dans le même temps le nombre d’institutions quasi inutiles (Conseil Économique et Social, Défenseur des Droits, Cour des Comptes, Commission Nationale du débat public, Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, CNIL, Hautes Autorités en tous genres : HAS, HALDE,HADOPI, HATVP...)
-Faire maigrir le char de l’État. S’il n’est pas question de toucher au principe éprouvé d’un parlement bi-caméral, il semble indispensable de revoir à la baisse le nombre d’élus. A l’exemple des États-Unis, on pourrait par exemple limiter à 2 par département les sénateurs, ce qui en ferait tout au plus 202 au lieu de 348. Il serait logique de diminuer en proportion l’effectif de l’Assemblée Nationale qui compte à ce jour pas moins de 577 députés (contre 435 aux USA, cinq fois plus peuplés). Il y aurait lieu enfin de resserrer le gouvernement sur ses missions prioritaires et redonner du sens aux ministères, trop nombreux et dont l’intitulé même est souvent des plus abscons.
-Donner plus d’autonomie et de responsabilité à nombre d'institutions publiques : hôpitaux, écoles, collèges, lycées, universités...
-Supprimer le monopole de la Sécurité Sociale (régime général et indépendants) et ouvrir à la concurrence le champ de l’assurance maladie.
-Réformer vraiment le système des retraites en introduisant, à l’instar de presque tous les pays voisins de la France, un étage de capitalisation. ce qui suppose d’encourager l’épargne, a contrario de la politique actuelle.
-Redonner à l’impôt sa fonction : ni punitif, ni redistributif, mis servant le bien commun et proportionnel aux moyens de chacun, répondant au quadruple impératif : assiette large, taux faible, simplicité et stabilité…
En dépit de quelques petites phrases bien senties, du chef de l’État, rien ne permet de supposer qu’on adopte ce type de mesures avant longtemps, hélas...
Illustration: Le Char de l'Etat . Carte Postale

19 février 2019

Fisc encore, fisc toujours

Pour compléter le précédent billet, et puisque le Grand Débat s’apparente de plus en plus à une vraie foire aux taxes, quelques remarques me viennent à l’esprit, doublées de suggestions.
La réflexion peut s’articuler autour d’une double problématique, celle de la pression fiscale d’une part, et celle des dépenses publiques d’autre part. Les deux sont liées, on peut en convenir, et peuvent être ressenties comme étant complémentaires ou bien contradictoires.
On critique souvent les Gilets Jaunes parce qu’ils veulent tout à la fois une diminution de la pression fiscale et une augmentation des services publics. Il est vrai qu’au premier abord, il semble difficile, selon le bon sens populaire, d’exiger le beurre et l’argent du beurre.
Pourtant ce double challenge n’est pas obligatoirement antinomique. Tout dépend de ce qu’on entend par allègement fiscal et par service public.
S’il s’agit comme on l’entend parfois d’exiger la baisse des taxes qu’on paie, tout en réclamant l’augmentation de celles qu’on ne paie pas, c’est pure hypocrisie. S’il faut de l’autre côté entendre le service public comme étant nécessairement l’ensemble des prestations sous contrôle de l’Etat, définies par les démagogues comme étant gratuites, alors c’est évident, tout le monde paiera à un moment ou un autre…
La crainte est donc que le Grand Débat soit largement biaisé et qu’en définitive il finisse par s’enliser dans une impasse bornée par les lieux communs et les chimères idéologiques.

Le prélude à la révolte dite des Gilets Jaunes fut le constat que la cote d’alerte avait été atteinte en matière de prélèvements obligatoires. En cause à n’en pas douter : les hausses incessantes des taxes sur les carburants, au motif de moins en moins crédible de la protection de l’environnement. Également fautive, la nouvelle augmentation de la Cotisation Sociale Généralisée (CSG), prétendument compensée mais de manière inintelligible par les baisses de certaines charges salariales. Enfin, la diminution des aides personnalisées au logement (APL), même dérisoire, fut ressentie comme très agressive sur le pouvoir d’achat.
L’allègement de l’ISF fut dans ce contexte une maladresse insigne. Il vint fort mal à propos, donnant l’impression qu’on prenait au pauvres pour donner aux riches. Quant à la suppression annoncée, puis remise en cause avant d’être à nouveau promise, de la taxe d’habitation, il faut bien dire que personne ne la demandait, et que tout un chacun imagine sans doute à juste titre, qu’il ne s’agit que d’un simple transfert de charges.

Le fait est que la France est désormais devenue championne toute catégorie des impôts, taxes et prélèvements obligatoires. On peut rire des gens qui réclament une harmonisation fiscale européenne. Elle ne pourrait se faire à l’évidence qu’au détriment de l’Etat français…
On est effrayé par exemple par la hausse régulière et irrépressible de la CSG depuis sa création en 1991 par Michel Rocard. Pudiquement qualifiée de cotisation, elle n’est qu’un prélèvement obligatoire de plus, même si elle ne figure pas habituellement au chapitre des impôts. Son taux initialement presque indolore (1,1%) s'est accru au fil des ans pour atteindre grâce à M. Macron le chiffre de 9,2 %, faisant d’elle la deuxième source de ressources piochées dans les poches des contribuables, après la TVA, et loin devant l’impôt sur le revenu. Elle fait rentrer bon mal an 100 milliards d’euros dans les caisses de Bercy. Lorsqu’elle fut mise en oeuvre, le déficit budgétaire de l’Etat était déjà routinier, mais la dette publique n’était “que” de 400 milliards d’euros. Or non seulement ce trou n’a pas été résorbé par ce nouveau prélèvement mais il s’est creusé démesurément pour dépasser aujourd’hui aujourd'hui les 2300 milliards d’euros !
La CSG qui se voulait simple, modeste, et d’assiette large a failli à tous ses objectifs. Elle n’a cessé d’enfler, de se complexifier, et s’est vue pondérée par une kyrielle de dérogations et d’exonérations de plus en plus illisibles. Pire que tout, elle a fait des petits, bâtis sur le même modèle pervers : CRDS de Juppé (1996), CSA de Chirac (2004), puis plus récemment Prélèvement social, contribution additionnelle au prélèvement social (CAPS), prélèvement de solidarité (RSA)...

La preuve est donc faite que l’impôt n’est rien face à la gabegie des gouvernants, régulièrement pointée par la Cour des Comptes, institution sérieuse et vénérable mais dont les rapports accusateurs s’avèrent totalement inutiles…
Aujourd’hui le gouvernement se trouve dans une impasse. Face un déficit qui flambe, à une croissance et un chômage qui végètent, il ne sait plus comment ponctionner le contribuable. Il en est réduit à envisager à nouveau l’alourdissement de la taxe carbone, celle-là même qui provoqua la crise actuelle !
Si la révolte des Gilets Jaunes nous a appris quelque chose c’est qu’on ne peut plus augmenter la fiscalité, et qu’il est devenu impératif de l’atténuer. Le vrai problème est de savoir comment, puis de trouver les moyens d’inverser la courbe des dépenses publiques.

Pour être parlante et efficace, la diminution de la pression fiscale doit être visible par tous. Il aurait été intéressant de supprimer purement et simplement l’Impôt sur le Revenu qui paie à peine les intérêts de la dette mais plus de la moitié des foyers n’y verront que du feu puisqu’ils en sont exonérés. On a vu que la suppression de la taxe d’habitation n’est qu’un leurre, qui de toute manière ne touche qu’une partie des ménages et qui conduit à renforcer encore un peu plus le centralisme bureaucratique tout en déresponsabilisant les “territoires périphériques”.
Il est impératif d’éviter la création de nouvelles niches fiscales dont on voit les effets pervers.
Les seuls impôts qu’il serait envisageable d’alléger sont ceux qui s’exercent indirectement. Il semble difficile de diminuer la TVA ce qui aboutirait certes à augmenter le pouvoir d’achat mais sans doute au bénéfice de produits importés.
Il ne reste donc plus que la CSG… Sa diminution, voire son abolition (notamment celle qui pèse sur l’activité) serait immédiatement perceptible sur les salaires et les pensions de retraite. Elle favoriserait les particuliers mais également les employeurs et après tout, c’est une invention récente dont on a prouvé plus haut qu’elle n’avait amélioré ni le budget de l’Etat, ni le bien-être social.
Il resterait juste à trouver 100 milliards à économiser.

Suite au prochain épisode….
 

07 février 2019

Le Grand Débat : piège ou con-fisc-ation ?

Depuis le lancement de la fameuse pétition de Priscilla Ludovsky le 29 mai 2018, intitulée “Pour une baisse du prix des carburants à la pompe”, beaucoup de barils furent écoulés et un grand tumulte s’est fait dans le pays dans le sillage de la colère d'automobilistes définitivement lassés par l’irrépressible hausse des taxes et le nombre croissant des réglementations et des contraintes.
Où en est-on aujourd’hui ?
Les récriminations ont été entendues en haut lieu et le résultat obtenu est loin d’être négligeable, si l’on s’en tient à l’objectif principal. Certes les taxes n’ont pas vraiment diminué, mais leur hausse s’est arrêtée net.
S’agissant de la loi limitant à 80 km/h la vitesse sur le réseau routier secondaire, elle est sérieusement ébranlée et tout porte à croire qu’elle sera aménagée avec plus de souplesse prochainement à l'échelon départemental.
En prime, le Président de la République a donné des gages de sa bonne volonté, lâchant quelques 10 à 12 milliards d'euros (qu'il n'a pas...) d’aides diverses au pouvoir d’achat. Il a également ouvert un Grand Débat national, auquel il apporte sa contribution personnelle en rencontrant autant qu’il peut, les maires de France.

Ce catalogue de bonnes intentions, a calmé l’agitation confuse qui secoue depuis 3 mois le pays et redoré un peu le blason du Chef de l’État, au moins dans les sondages, mais y a -t-il pour autant grand chose de changé ?
On peut en douter.
De la baisse de la fiscalité qui était le socle initial des revendications, on est passé étrangement à des perspectives haussières tous azimuts.
Sans doute a-t-on assisté progressivement à la récupération politique du mouvement et a-t-on beaucoup trop entendu dans les médias les voix de gauche. Le fait est qu’on a vu rechuter la névrose obsessionnelle typiquement française, de “taxer les riches”, de lutter contre “l’évasion”, “l’optimisation” et la “fraude” fiscales supposées priver l’État de précieuses ressources.
Une fois encore le débat dérape et quitte le champ du pragmatique pour s’enliser dans les lieux communs de l’idéologie. Logiquement on réclame rituellement le retour du bon vieux et inutile impôt de “solidarité” sur la fortune (ISF). C’est l’occasion de souligner une fois encore l’erreur funeste d’Emmanuel Macron qui l’a simplement transformé en Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Ce faisant, il mécontente tout le monde: les ultra-riches qui sauf à n’avoir aucun bien immobilier n’ont guère vu la différence et dont la défiance est sans doute inchangée, et les autres qui croient dur comme fer qu’on a fait à ces derniers un nouveau “cadeau”...

Tout cela serait presque comique, puisqu’en définitive rien ne change sauf les mots.
Le plus grave est ailleurs. Dans ce Grand Débat qui commence, il n’est pas un jour sans qu’on entende de nouvelles propositions pour augmenter directement ou indirectement la pression fiscale et les réglementations biscornues qui pèsent sur les contribuables et sur leur sacro-saint pouvoir d'achat !
La première, déjà entrée en application, est cette mesure dont bizarrement tout le monde se réjouit, consistant à encadrer les promotions commerciales faites par les grandes surfaces. Dégoulinant de bonnes intentions comme d’habitude, elle va se traduire à coup sûr par une augmentation des prix, notamment pour les plus modestes, ceux-là même qui cherchent avec le plus d’assiduité les ristournes et autres rabais. Les commerçants vont en revanche accroître mécaniquement leurs gains, ce d’autant qu’ils auront un boulevard pour promouvoir leur propres marques. Quant aux producteurs, et aux petits commerces, il ne leur restera sans doute que des miettes…
Autre sujet de satisfaction quasi générale, c’est l’imminence annoncée joyeusement par le ministre de l’économie Bruno Lemaire, d'une surtaxe infligée par notre pays aux fameux GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) ! Il semble en effet avoir trouvé le moyen (des plus flous à ce jour...) de s’affranchir de l’Europe et de faire rentrer dès 2019 dans les caisses de l’État quelques mirobolantes recettes supplémentaires... sur le dos des consommateurs ! Qui paiera en effet, si ce n’est eux, encore une fois par l’inévitable hausse des prix qui s’ensuivra ?

A la suite de ces quelques réjouissances, se succèdent des légions d’idées, de propositions, toutes plus innovantes (à condition de faire de la spoliation étatique un dogme).
On a vu par exemple le Think Tank auto-prétendu social-démocrate Terra Nova, suggérer benoîtement d’alourdir massivement la fiscalité pesant sur les successions, déjà l'une des plus lourdes d’Europe, qu'il faudrait si l’on suit ces experts, augmenter de 25% !
Une proposition alternative ou complémentaire serait de rogner les quelques maigres avantages fiscaux qui persistent encore sur les plans d’Assurance Vie. Proposition particulièrement incongrue, au moment où la question va se poser d'introduire un étage de capitalisation dans le système des retraites, comme l'ont fait la plupart des pays voisins.

Pendant ce temps le Président fait son show. Lors de celui qu'il fit à Bourg-de-Péage (le bien nommé…), on a compris qu'il écoutait avec beaucoup d’attention ceux qui recommandent de taxer les plus-values réalisées lors des ventes de résidences principales (Figaro). Il est vrai qu’elles faisaient l’objet d’une exonération, contrairement à celles des résidences secondaires taxées à hauteur de 36% ! Il n’est pas inutile de préciser qu'à ce jour, les droits de mutation (improprement appelés frais de notaire) sont déjà parmi les plus lourds d’Europe...
Les propriétaires de logements, déjà bien assaisonnés par le fisc, risquent de se voir par ailleurs littéralement assommés par la révision en cours du calcul de la taxe foncière (fondé sur la valeur cadastrale, non réévaluée paraît-il depuis les années soixante-dix). Selon les spécialistes, cela pourrait se traduire par des hausses allant jusqu’à 150% à l’horizon 2023.
Pour donner un ordre de grandeur, les recettes des prélèvements "récurrents" opérés en France sur les propriétaires sont cinq fois plus élevées qu'en l'Allemagne.... Et pour nombre de ces derniers, ils attendent toujours la baisse si ce n’est la suppression de la taxe d’habitation, promise par M. Macron, sans se faire beaucoup d’illusions. Ils savent trop bien qu’il ne s’agit que d’un leurre puisque “dans le même temps”, le Président a promis de compenser auprès des communes le manque à gagner “à l’euro près” !


En termes d’imagination fiscale, M. Macron est bien servi par ses ministres. Ils font irrésistiblement penser aux satrapes de Père Ubu, ceux-là mêmes qui actionnaient avec zèle la Pompe à Phynances.
On a vu l'enthousiasme communicatif avec lequel M. Lemaire s’emploie à siphonner le chiffre d'affaires des GAFAM. On sait également combien il s’insurge contre le “dumping fiscal” qui pousse nombre de gens très fortunés à s’exiler hors de France. Il est persuadé le bougre, que la concurrence fiscale est néfaste aux pays qui en profitent ! Mais ses arguments, cherchant à les convaincre que le bonheur est dans l'impôt, sont loin de faire mouche. Il semble n’avoir pas encore compris ce qui est à la portée de tout collégien normalement constitué : à savoir que pour éviter les fuites hors du chaudron fiscal, rien ne sert de colmater ni d'augmenter la pression régnant tout autour. Il suffit de la faire baisser à l’intérieur…
Quant à M. Darmanin, sémillant ministre de l’Action et des Comptes Publics, il s’évertue, chaque jour que Dieu fait, à nous gratifier d'une trouvaille. Parmi les dernières citons celle consistant à baisser le plafond des exonérations relatives aux niches fiscales. Fixé arbitrairement à 10.000€, il permet très artificiellement d’alléger ici ou là un peu la charge pesant sur les contribuables tout en favorisant certains domaines d’activité (les emplois relevant du service à la personne par exemple). Autrement dit la "simplification" qu’il propose ne serait qu’un moyen détourné de relever le niveau de l’imposition, sans pour autant s’attaquer au problème de fond qui est la prolifération de cette jungle invraisemblable dans laquelle on ne compte pas moins moins de 474 niches différentes…
Ce jour même, afin sans doute qu’il n’y ait plus de doute, M. Darmanin annonce fièrement (Le Figaro) que sa proposition permettrait de trouver au bas mot 1 milliard de ressources supplémentaires qui seraient mises à profit pour “adoucir l’entrée dans l’impôt des foyers modestes”. Les malheureux peuvent toujours rêver. La plupart sont déjà exonérés et on sait par expérience que la générosité redistributrice du fisc fait généralement long feu. Même lorsqu’elle est mise en œuvre, elle s’avère inefficace, comme en faisait le constat désabusé M. Macron lui-même dans sa fameuse saillie : “On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les pauvres restent pauvres…” 
Bien que cette provocation lui fut reprochée, à l’évidence elle est fondée. Comme le rappelait les invités de l’émission C dans l’Air du 5/02/19, le modèle social français est l’un des plus redistributifs au monde. L’écart des revenus avant impôt est de 1 à 22. Lorsque la tondeuse fiscale est passée, il n’est plus que de 1 à 5,6 ! Jusqu’où faut-il donc aller dans l'égalisation, sans tomber dans la version la plus aboutie du socialisme qu’est le communisme ?

Alors que le Grand Débat fait rage, tout porte à croire que le pays aura bien du mal à sortir de l’ornière dans laquelle les politiciens l’ont embourbé par leur incurie et leur démagogie. Le Peuple, dont ils se gargarisent à longueur de journées, l’aura une fois de plus dans l’os. Il faut dire qu’il est en partie responsable de ce qui lui arrive puisque nous sommes, qu’on le veuille ou non, en démocratie.
Pour l’heure en tout cas, rien n’est précisé sur le devenir des hausses de taxes soi-disant écologiques sur les carburants, lorsque le moratoire en cours sera parvenu à son terme. Vont-elles reprendre leur rythme insensé en 2021 ?
Rien ne dit non plus s’il sera envisagé de simplifier les réglementations qui empoisonnent de plus en plus le quotidien. On dit qu'un impôt pour être efficace doit être simple, avoir une assiette très large, et un taux faible. En France, c'est clair, on a tout faux !
Quant à espérer la réduction des dépenses publiques, autant se tamponner la rétine avec une patte de cloporte enfarinée...