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06 novembre 2023

L'ONU à nu

On connaissait depuis bien longtemps l'impuissance structurelle, voire l'inertie de l’ONU. Cette assemblée qui portait l’ambition d'une véritable gouvernance mondiale a fait long feu et le rêve initial, des plus louables, s’est hélas transformé en eau de boudin.

Passe encore que cette organisation n’entérine que des vœux pieux et des résolutions sans lendemain, donnant raison au Général de Gaulle lorsqu'il la considérait, non sans mépris, comme un “machin”. Paris ne s’est pas fait en un jour et il en faudra bien plus pour mettre sur pied un gouvernement mondial cher à Kant et à Ernst Jünger.
Mais hélas avec le temps, force est de constater qu’on n’est pas sur la bonne voie. Au lieu de gagner peu à peu en crédibilité et en légitimité, l’ONU dépérit. Elle n’est même plus capable à ce jour d’émettre un discours cohérent, neutre et le plus objectif possible pour tenter d’être à l’unisson d’un concert de nations très hétérogène. Le “machin” inoffensif est devenu une boussole sans repère, et son secrétaire général, le calamiteux Antonio Guterres est un moulin à paroles oiseuses, plus enclin à propager des inepties et des opinions personnelles qu’un minimum de bon sens que sa fonction devrait exiger.
Le conflit opposant Israël au Hamas est une nouvelle occasion de vérifier l’impasse tragique dans laquelle se trouve le projet pharaonique issu de la tragédie de la deuxième guerre mondiale, pour que "plus jamais" de telles horreurs ne se reproduisent.

Sur tous les sujets d’actualité M. Guterres à un avis, s'apparentant à un poncif ou bien une idée reçue conforme à l'esprit du temps, à l'instar de monsieur Prudhomme. C’est généralement moralisateur, opportuniste et inconséquent. Pour un peu, il pourrait faire cause commune avec le pape François…

Sur le COVID il avança cette lapalissade emphatique : « Cette pandémie, c’est du jamais vu !» Sa proposition d'action fut puisée au même tonneau: « Nous devons faire face à la fois à une crise sanitaire historique, à la plus grande calamité économique et aux pertes d’emplois les plus importantes que le monde ait connu depuis la Grande Dépression, ainsi qu’à de nouvelles menaces pesant sur les droits humains. »
Plus récemment, et comme pour faire écho aux rumeurs et prédictions colportées par les médias, M. Guterres s’est ému des graves dangers que fait peser l’Intelligence Artificielle sur le Monde. Du haut de sa chaire, il préconise une réponse “unie, durable et globale”, estimant que l'intelligence artificielle (IA) devrait être basée sur les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies et garantir le plein respect des droits humains…"
Sur le réchauffement climatique, M. Guterres a naturellement un avis. Celui-ci ne fait pas dans la nuance puisque selon lui, nous sommes entrés dans "l’ère de l'ébullition mondiale”, c'est à dire d'un évènement "d'une portée destructrice inouïe". Entre autres prophéties gratuites, il révèle qu'il s'agit "d'une course contre la montre qu’on est en train de perdre". Alea jacta est...
Sur la guerre et sur la course aux armements, monsieur Gutteres a bien sûr un sentiment. Celui-ci n’est guère moins catastrophiste, puisqu’il se fendait en 2022, alors que le conflit russo-ukrainien débutait, d’une alerte sinistre annonçant que “l’humanité n’est qu’à un malentendu de l’anéantissement nucléaire…”
Enfin, en bon socialiste, M. Guterres ne rate jamais une occasion de flétrir le capitalisme. Ainsi, il s’est plu à dénoncer la «cupidité» des grandes entreprises pétrolières et gazières qui réalisent des profits «scandaleux» sur «le dos des plus pauvres» grâce à la crise provoquée par la guerre en Ukraine, appelant les gouvernements à les taxer. Tout est dit…

L’émotion de M. Gutteres est toutefois à géométrie variable. Les atrocités commises le 7 octobre dernier par le Hamas en Israël ne l’ont manifestement pas trop bouleversé. Il ne qualifia pas ces massacres d’actes terroristes, et osa au contraire déclarer qu'il s'agissait d'une attaque qui “n’est pas venue de nulle part”, ce qui est une forme nauseabonde de justification, et “qu’elle fait suite à 56 ans d’occupation”, ce qui est factuellement faux s’agissant précisément de Gaza. Depuis cette date, pas un jour sans qu’il ne se lamente sur les civils gazaouis tués par Tsahal (dont on sait qu’ils ont été sciemment exposés aux bombardements pour servir de bouclier humain par leurs prétendus protecteurs du Hamas). Il fut parmi les premiers à condamner le bombardement de l'hôpital Al-Ahli qu'il attribua naturellement aux israéliens alors qu'il s'agissait à l'évidence d'une roquette tirée par le Hamas sur sa propre population. Sur les agressions incessantes du Hezbollah, sur le sort des malheureux otages en revanche, on ne l’entend guère…

Est-il besoin de souligner que sous l’égide de monsieur Guterres, des experts de l’ONU ont qualifié l'intervention de Tsahal de génocide, et que la présidence du forum social des droits de l'homme a été conférée à l'Iran !
Est-il nécessaire de préciser que depuis 2015, l'ONU a émis 140 résolutions anti-Israël vs 68 contre tous les autres pays (M. Guterres a été nommé secrétaire général de l’ONU en 2016).
Est-il indispensable enfin de dire que depuis 2006 le haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (UNHRC que M. Guterres dirigea de 2005 à 2015) s’est illustré par autant de résolutions contre Israël que pour le reste du monde !
Bref, avec Monsieur Gutteres, l’ONU a perdu toute crédibilité tant elle s'apparente desormais à une officine vouée avant tout à l’hostilité anti-israélienne. Pour le reste, c’est le néant pontifiant dont aucune nation ne semble faire beaucoup de cas. L’ONU est à nu. Pire, elle est à l’os. Il n’en restera bientôt plus rien si ce n’est l’armada de quelque 40.000 fonctionnaires attachés à son seul secrétariat…

09 avril 2022

Adieu Doux Commerce

Le déclenchement du conflit russo-ukrainien fait ressortir de vieux démons qu’on croyait à tout jamais terrassés. Outre les souffrances directes subies dans leur chair par les populations en proie à ce fléau si terriblement humain qu’est la guerre, on voit surgir nombre d'effets collatéraux désastreux.
Le premier d’entre eux est sans doute le coup d’arrêt porté aux échanges internationaux en raison des sanctions économiques de plus en plus nombreuses et sévères qui s’abattent sur Moscou. Elles sont en train de refroidir si ce n’est de geler durablement les relations avec nombre de pays, pour la plupart occidentaux.
Quelle que soit l’issue du conflit sur le terrain, comment et quand pourra-t-on revenir sur ces contraintes, après avoir traité Vladimir Poutine, de “tueur”, de “dictateur”, coupable de “génocides”, de “crimes de guerre atroces”, voire de “crimes contre l’humanité” ?

Pour l’heure, ces actions punitives semblent n’avoir que peu d’effet sur la détermination des Russes à poursuivre leurs menées guerrières. L’Histoire est d’ailleurs là pour apprendre qu’elles n’ont jamais été très efficaces. Le fameux blocus continental organisé du temps de Napoléon Ier pour asphyxier l’Angleterre n’a pas empêché cette dernière de perdurer et même de mettre en échec l’empereur. Plus près de nous, les sanctions qui frappent depuis des lustres Cuba, la Corée du Nord ou l’Iran n’ont en rien atténué l’horreur des régimes visés et les tyrans se sont maintenus envers et contre tout. L’absurdité de ces pénalités infligées au nom de la morale va jusqu’à empêcher nos entreprises de vendre leurs produits au peuple russe, avec lequel on affirme pourtant ne pas être en guerre, et faute de pouvoir atteindre directement le chef du Kremlin, à cibler par malsaine et inutile vengeance son entourage familial. Cette ardeur répressive a même conduit l’Union Européenne à sanctionner ses propres membres comme la Pologne, au motif de “manquement à l’indépendance de la justice”, ou la Hongrie pour “violation des valeurs européennes”... On se demande jusqu’où ira l’escalade accusatrice des censeurs défendant un “Etat de Droit”, aux contours des plus discutables.

En attendant, la guerre continue car on se refuse à prendre les seules mesures capables de l’arrêter, à savoir établir des lignes rouges vraiment infranchissables sous peine de recourir à des représailles militaires proportionnées à celles employées par l’ennemi désigné. Sans une telle détermination, l’Ukraine, parée soudainement de toutes les vertus, et dont on nous dit qu’elle résiste vaillamment au répugnant Goliath russe, risque d’être saignée à blanc. Et l’inaction de ses amis, qui s’agitent en paroles, mais qui restent contemplatifs, sera regrettée et critiquée sans doute avec raison par les juges qui regarderont ces évènements avec le recul.

Contraints de continuer à acheter le gaz russe, faute d’alternative (à l’exception notable de la Lituanie), et quelque peu gênés dans les entournures, les politiciens affirment, après avoir fait le contraire, qu’il faut impérativement diminuer notre dépendance à l'égard de la Russie et d’une manière générale vis-à-vis d’autres pays en matière énergétique et pareillement pour quantité de biens matériels. Après la Russie, la Chine, premier commerçant de la planète, est visée par ces ambitieux objectifs. La réindustrialisation est devenue la chanson à la mode, qui permet à certains discoureurs de faire de belles promesses. D’autres se font les chantres du protectionnisme qui ferme les frontières au commerce, tue la concurrence et l’innovation et fait monter les prix. Dans le même temps, ils se veulent les protecteurs du pouvoir d’achat !

Comme en un rêve, les mots de Montesquieu viennent à l’esprit, rappelant les bienfaits du “doux commerce” : “Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes: si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels…/… C’est presque une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce, et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces” (in L’Esprit des Lois)...

Illustration: Gérard de Lairesse (1641-1711), Allégorie de la liberté du commerce, 1672, Plafond du Palais de la Paix, La Haye

25 mars 2022

Rêves Perdus de Fédérations

Dans son petit mais puissant appel à la paix perpétuelle, le philosophe Immanuel Kant (1724-1804) évoquait la nécessité pour les pays désirant tendre vers cette issue idyllique, de se rassembler derrière le modèle fédératif.
On connaît effectivement la force de cette organisation qui préserve les intérêts de chacun tout en forgeant une solide unité basée sur un dessein commun, lui-même fondé sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et le respect mutuel.
L'Amérique a fait la preuve de l'efficacité et de la stabilité de ce type d'alliance, saluée et magnifiée par Tocqueville. D’autres nations sont régies par des systèmes comparables au sein même de l'Europe, telles l'Allemagne et la Suisse qui ont démontré que le principe était applicable quelle que soit la taille de l'ensemble fédéré, du plus petit au plus gigantesque. A la fin des fins, Kant allait jusqu’à imaginer une gouvernance mondiale reposant sur une fédération de fédérations.
Malheureusement, l’actualité internationale est venue sérieusement doucher les espoirs que faisait entrevoir le sage de Königsberg et les perspectives d’extension du modèle paraissent à l’heure actuelle bien compromises.

Depuis que ses troupes ont envahi l’Ukraine, l’auto-proclamée Fédération de Russie semble plus que jamais éloignée de l’idéal kantien. Né sur les décombres de l’Union Soviétique, cet ensemble en apparence monolithique n’a jamais répondu au schéma fondé sur le libre choix de ses adhérents et le recours à la coercition et même à la guerre pour étendre sa domination fait éclater au grand jour les malfaçons de ses fondations. La crise actuelle anéantit les perspectives d’unité paisible du monde slave. Au surplus, elle menace gravement la paix du reste de la planète.

La Communauté Européenne donne à cette occasion l’impression d’un renforcement de sa cohésion mais les quelques décennies passées ont démontré qu’elle restait hélas elle aussi très loin de ressembler aux états-unis établis outre-atlantique. En dépit d’une convergence économique et d’une monnaie commune, les politiques nationales priment trop souvent sur celles de l’Union. Le Brexit a détaché le Royaume-Uni et le moins qu’on puisse dire est qu’il n’existe guère de grand dessein partagé par les nations restantes. Hormis les belles déclarations d’intention, peu de pays sont désireux d’abandonner une part de leur souveraineté. Emmanuel Macron, qui peut être considéré, au moins en parole, comme un des plus pro-européens des chefs d’État actuels de ce conglomérat peu inspiré n’a jamais osé prononcer le terme de fédération et reste pour son propre pays, très attaché au principe centralisateur, n’accordant aux régions qu’une autonomie symbolique. Il faut reconnaître que d’une manière générale, la doctrine des principaux partis politiques français n’a guère évolué sur le sujet. Elle est cramponnée à la centralisation bureaucratique étatique, et s’arrête au mieux au concept d’Europe des nations, mais sûrement pas à une entité supranationale. Pire, le mythe de "l’indépendance nationale", brandi régulièrement comme un totem, n’a fait qu’isoler la France et la tenir avec arrogance à l’écart des grandes alliances internationales et des échanges commerciaux.

En Asie, la sortie progressive de nombre de pays du communisme pouvait faire rêver à la montée en puissance de l'idée démocratique, à la convergence progressive des systèmes et à l'éclosion du libre échange. La ratification récente par l’Australie et la Nouvelle-Zélande du Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) avec les pays de l’Asie du Sud Est (ASEAN) et la Chine pouvait préfigurer cette aventure. On caressait l’espoir qu’un jour se produise la réunification, dans la paix, des deux Chines (Pékin et Taipeh) ainsi que des deux Corées. Force est de constater que la tendance n’est hélas pas celle-là, la tension ne cessant de croître dans cette partie du monde.

Ailleurs enfin, point d’espérance précise, ni en Afrique, ni en Amérique du Sud hormis quelques accords économiques (ALEAC, ZLEA, MERCOSUR), ni au Proche-Orient. Du côté des deux géants que sont l’Inde et le Pakistan, l’hostilité reste palpable. Même en Amérique du Nord, la montée des communautarismes et l’exacerbation des passions politiques fait craindre que ne se fissure le merveilleux prototype élaboré par les Pères Fondateurs de la République Américaine.

Plus de deux siècles après la mort de Kant, rien ne permet de remettre en cause la beauté et la justesse de sa théorie, même si nombre de peuples n’ont à l’évidence toujours pas acquis la maturité nécessaire pour la mettre en pratique. Est-il encore possible d’imaginer que la fameuse et apodictique devise E Pluribus Unum soit l’avenir de l’humanité ?

14 mars 2022

Guerre des mots, guerre des images

Puisqu’il est affirmé et répété que ni l’OTAN ni aucun pays occidental n’interviendra militairement en aucun cas en Ukraine, il ne reste plus que les ripostes verbales, les sanctions économiques, et autres vœux pieux.
En France, ça commence par les postures présidentielles et avant toute chose, par l’art subtil de manier le langage et les concepts. Pour notre jeune mais jupitérien chef de l’État qui avait avec emphase déclaré la guerre au COVID-19, il ne s’agit plus du tout de cela face à la déferlante armée ravageant l’Ukraine. Le président prend un air martial pour condamner cette invasion et annoncer de terribles sanctions, mais de guerre avec la Russie il n’est surtout pas question !

Le ton est donné. L’Ukraine est devenue le sujet numéro un du moment, mais propice à toutes les interprétations, à toutes les hypothèses et à toutes les manipulations. Le COVID, même en recrudescence, n’intéresse plus guère. La campagne électorale, déjà anémique, est reléguée au rang des faits divers dont l’issue est réglée comme une partition sur du papier à musique. A la télévision les émissions spéciales se succèdent au rythme des combats et à la lumière des analyses d’experts en géostratégie et en poutinologie. Nourris d’informations parcellaires, répétitives jusqu’à l’écœurement, et de provenance souvent douteuse, tout nous porte à prendre position face à ce conflit mettant en scène de manière indiscutable un agresseur et un agressé. S’il n’est évidemment pas question de mettre en doute l’évidence de l’incursion armée moscovite, l’objet est ici de s’interroger sur l’interprétation qu’on en fait.

De réunions au sommet, et d’allocutions solennelles en entretiens plus ou moins confidentiels, on assiste au ballet ininterrompu des chefs d’États, des ministres et des plénipotentiaires et les sanctions et représailles vont bon train. Chaque jour un wagon de nouvelles mesures s’ajoute à celles d’hier, sans que pour l’heure, cela n’entame en rien la froide détermination des troupes russes. Dans le même temps, la charge punitive commence à peser économiquement sur les pays qui en sont les organisateurs, et fait l’objet de débordements discutables jetant le discrédit sur tout ce qui est russe, notamment les chefs d’entreprises, les artistes, les sportifs, et les médias. Au surplus, elle achoppe sur la délicate problématique du pétrole et du gaz. Hormis pour les États-Unis qui ont décrété un embargo symbolique sur leurs dérisoires importations, les affaires continuent envers et contre tout principe moral avec Moscou. Pire, dans le but bassement matériel de diversifier l’offre, le marchandage s'engage avec les réprouvés d’hier, l'Iran, le Qatar, l'Algérie et même avec le Venezuela. Les besoins énergétiques pressants amènent à relativiser le bien et le mal.

Dans ce contexte de tension internationale, la bonne vieille dialectique du bouc émissaire reprend vigueur. Les Russes sont devenus clairement les méchants et la honte échoit à toute personne qui aurait pu se compromettre avec Vladimir Poutine avant le conflit. La chasse aux sorcières est ouverte, très opportune pour le candidat-président de plus en plus largement en tête des sondages.
La thématique des réfugiés fait l’objet d’une récupération politique éhontée, afin de déconsidérer ceux qui réclamaient une maîtrise de l'immigration. L'exode des malheureux fuyant la guerre, dans l’espoir qu’on leur apporte un peu d’aide en attendant de pouvoir retourner chez eux, est assimilé à l'afflux ininterrompu et grandissant des migrants arrivant depuis des décennies en France pour des raisons économiques et sociales, sans projet de retour, et sans aucun souci de troquer leur culture, leurs coutumes ou leur religion pour celle du pays qui les accueille (mal au demeurant). Tout se passe comme si l'on pouvait comparer les malheurs d’une guerre aussi soudaine qu’imprévue avec le basculement civilisationnel qui s’opère sous nos yeux en raison de mouvements migratoires incontrôlés. La bien-pensance est plus sensible hélas au manichéisme qu’aux nuances…
La crise ukrainienne est aussi l’occasion inespérée de faire endosser au dictateur russe tous les maux de la terre. Ainsi, Poutine devient le seul et unique responsable de l’augmentation du prix du gaz et du pétrole, de la flambée des cours des céréales, des difficultés économiques en tous genres, de l’inflation, de l’endettement, de la dégradation du pouvoir d'achat, tous fléaux qui étaient apparus bien avant la conflagration ukrainienne. l’Inénarrable ministre de l'économie en profite même pour annoncer d’un ton grave que les choses vont s’aggraver, qu’il va falloir faire des efforts, que les temps seront de plus en plus durs…
Même si l’État continue de dépenser tant est plus, et réaffirme par la voix d’Emmanuel Macron sa volonté de “protéger les Français”, on ne parle plus du “quoi qu'il en coûte”. A la place, ce dernier propose un “plan de résilience”, en se gargarisant d’un mot-valise insupportable, qui attrape tout mais ne résout rien.
On ressort enfin la rengaine de l’indépendance et de la souveraineté nationales. Comme à leur détestable habitude, les politiciens n’hésitent pas à brûler aujourd’hui ce qu’ils ont adoré hier. On nous avait fait le coup des relocalisations lors de la pénurie de masques au début de la pandémie. Cette fois c’est l’enjeu énergétique qui s’impose. Alors qu’on vient de fermer la centrale de Fessenheim dans le cadre d’un vaste plan de réduction du nucléaire, le Président de la République fait part de sa volonté subite de semer des centrales un peu partout. Comprenne qui pourra... Des programmes s’étalant sur des dizaines d’années et occasionnant des restructurations et des coûts colossaux évoluent ainsi au gré de l’émotion. Aujourd’hui c’est la guerre qui commande, hier c’était l’utopie écologique et le principe de précaution. Va petit mousse où le vent te pousse…

Ce conflit au sein même de l’Europe est l’objet de beaucoup de propagande ou de non dits. Avant tout du côté russe sans nul doute, mais chez nous qu'en est-il ?
On nous montre les désastres occasionnés par les bombardements et l’infortune des populations civiles ne sachant que faire ni où aller, mais comment se faire une idée précise de ce qui se passe ? Durant des jours on nous a montré la fameuse colonne de chars russes s’étalant sur plus de 60 kilomètres sur la route menant à Kiev. On nous a répété que la ville était en passe d'être assiégée, sur le point d’être assaillie, mais on entend également que les troupes de Poutine seraient à l’arrêt forcé par manque du carburant, de nourriture et prises au piège des Ukrainiens qui leur auraient coupé le chemin en faisant sauter les ponts enjambant le Dniepr. Qu’en est-il réellement ?
S’agissant des pertes, le Pentagone les chiffre entre 2 et 4000 hommes au sein des troupes russes. Certaines sources anglaises parlent de 7000 tandis que les Ukrainiens évoquent le nombre de 11000 ennemis tués, chiffrant leurs propres pertes à 1300. Où est la vérité ?
On se révolte naturellement en apprenant qu’une maternité soit l’objet d’un bombardement, mais la nature et le nombre des victimes restent incertains et le Kremlin prétend qu’il s’agissait d’un repaire de nationalistes anti-russes. Qui croire ?
Quant aux objectifs de Vladimir Poutine, ils suscitent supputations et controverses. Lui affirme qu’il n’a aucune ambition territoriale en dehors de l’annexion de la Crimée et aucun projet de renverser le gouvernement en place, mais qu’il veut la démilitarisation de l’Ukraine, sa neutralité, et la reconnaissance de l’indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk. Peu de gens le croient et sont persuadés qu’il nourrit au contraire une ambition beaucoup plus vaste, ouverte à toutes les suppositions. L’alternative est cruciale. S’il dit vrai, il y a fort à parier qu’il ne démordra pas de ses exigences tant qu’elles ne seront pas satisfaites et le conflit est susceptible de perdurer de manière absurde jusqu'à l'asphyxie de l'Ukraine. Ce qu’il demande était en effet quasi acquis de facto avant même le début des hostilités, et aurait pu être ratifié dans le cadre d’une négociation. S’il ment, il est hélas probable que la guerre gagne en violence et s’étende quoi qu'on entreprenne au plan diplomatique. Dans ce cas, l’inertie occidentale, l’absence de détermination et de véritable ligne rouge, risquent comme en 1938 de conduire tôt ou tard à un désastre de grande ampleur.
On a beaucoup glosé sur le terme de dénazification employé par Poutine pour expliquer en partie les motifs de "l’intervention spéciale" en Ukraine. Cette rhétorique est évidemment choquante eu égard aux drames d’un passé pas si lointain, mais dans le même temps on apprend l’existence du bataillon Azov, rattaché à l’armée ukrainienne, qui revendique un féroce ultra-nationalisme anti-russe, arborant des blasons très proches de ceux des horribles cohortes SS. Imagine-t-on en France, un tel bataillon, intégré à la Garde Républicaine ?
Dernière interrogation, si le conflit actuel fait la une ininterrompue de l’actualité depuis plus de 15 jours, pourquoi ne vit-on quasi rien de la guerre dite du Donbass, qui n’est sûrement pas pour rien dans les hostilités actuelles et qui en 2014 fit 13000 victimes, occasionnant le déplacement de 1,5 millions de personnes ?
La manipulation des concepts et des images est telle qu’aujourd’hui même, le parlement ukrainien, qui réclame vainement une zone d’exclusion aérienne et cherche à provoquer une plus grande implication de l’OTAN, se croit autorisé à diffuser via Twitter un photo-montage de Paris sous les bombardements. Elle se termine par ces mots du président Zelensky: "si nous tombons, vous tombez aussi" !
Jusqu’où ira l’intoxication ? Jusqu’où ira cette guerre ?

09 mars 2022

Le Sentiment d'Impuissance

Quoi de plus désespérant que la lugubre litanie ressassant chaque jour en boucle sur toutes les chaînes télévisées, les bombardements et destructions qui frappent l’Ukraine ?
Quoi de plus désespérant que ce concert tragique des nations réunies dans la même impuissance à s’opposer vraiment à la guerre qui fait rage au cœur de l’Europe ?
Quoi de plus désespérant que cette léthargie dans laquelle s’enlisent tous ces peuples, révoltés par la brutalité de l’intervention militaire russe, mais qui n’ont d’autre choix que d’imaginer d'inopérantes et très coûteuses sanctions, tout en reculant devant un embargo sur le pétrole et le gaz, dont beaucoup sont devenus dépendants ?
Quoi de plus désespérant enfin, que cet affrontement fratricide, dont on perçoit de moins en moins les objectifs à mesure que le temps passe ?

Plus le conflit dure, plus il donne l’impression d’une absurde descente aux enfers. Que peut bien espérer Vladimir Poutine au terme d’un conflit de plus en plus meurtrier et dévastateur ? Ruine et désolation seront selon toute probabilité les piteuses conséquences de cette entreprise insensée, même si les troupes russes finissent gagnantes sur le terrain.

Les Ukrainiens se battent avec l’énergie du désespoir, et le drame est qu’en résistant héroïquement, ils poussent leurs adversaires à accroître la violence de leurs coups. Et les appels à l’aide militaire du président Zelensky restent sans réponse. Après Kharkiv, Kherson, Marioupol, verra-t-on Kiev s’effondrer sous les bombes ? Verra-t-on Odessa détruite ? Et puis quoi donc après ? Où peut s’arrêter cette fuite en avant ?
Au point où nous sommes rendus, aucune issue favorable ne paraît envisageable et les Russes ont désormais rassemblé la quasi-totalité du monde contre eux. A défaut de rayonner, la Grande Fédération s’isole de plus en plus, et sera placée durablement au ban des nations, sauf versatilité des opinions et des intérêts...
La question qui risque de se poser de plus en plus est : combien faudra-t-il d’horreurs pour qu’enfin une vraie détermination se fasse jour pour tenter de mettre un coup d’arrêt à ce qui devient de plus en plus intolérable ?
Échéance terrible qu’on voudrait conjurer tant elle fait peser de menaces sur le fragile équilibre de la paix du monde. On sait trop bien que l’homme, dans sa folie guerrière et idéologique, peut faire largement pire que les virus, les catastrophes naturelles et autres calamités climatiques…

Illustration: La chute de Phaéton par Jan Carel Van Eyck

14 août 2021

Adieu Kaboul, adieu Liberté

La capitale afghane n’est pas encore tombée aux mains des Talibans, mais le sort de cette ville et de tout le pays paraît d’ores et déjà scellé. La progression fulgurante des fous de Dieu ne laisse guère de doute quant à leur retour, favorisé par le désengagement américain et l’abandon de tout un peuple par la Communauté Internationale, beaucoup plus préoccupée par le COVID ou le réchauffement climatique...
La faute incombe évidemment également aux Afghans eux-mêmes et à leurs dirigeants, qui se sont montrés incapables de mettre à profit l’aide internationale colossale qui leur a été apportée durant deux décennies pour organiser une société libre, pacifique et démocratique. Tragique constat, hélas prévisible depuis déjà quelques années, et responsabilités multiples...
Ironie du sort, 2021 marque le vingtième anniversaire de l’intervention internationale entreprise à la suite des horribles attentats du World Trade Center.

Malheureusement, vingt années n’ont pas suffi pour éradiquer la vermine obscurantiste qui, telle une armée de termites opiniâtres, revient plus forte et déterminée que jamais. Tous les efforts, toute l'énergie, toutes les vies humaines consacrés à la reconstruction d’un pays en proie à la barbarie ont donc été vains. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il y a fort à craindre que l’Afghanistan retourne à la triste situation qu’il a connue lorsque la charia faisait régner une terreur moyenâgeuse. Il est également probable que ce chaos fasse le lit de nouveaux groupes terroristes.
Dans cette triste histoire, le cortège des nations montre une fois de plus son impuissance désespérante, si ce n'est une vaste indifférence. Pas un mot, pas une résolution, pas un casque bleu en provenance de l'ONU...
Chacun se bat la coulpe au souvenir des horreurs du passé en clamant “qu’on ne verra plus jamais ça”, mais l’histoire a une fâcheuse tendance à se répéter et il s’avère plus que jamais difficile de passer des paroles aux actes. Les plus audacieux se bornent à informer les rebelles qu’ils ne reconnaîtront pas un régime imposé de manière non démocratique ! Le chef de la diplomatie de l’Union Européenne, Josep Borrel prévient les Talibans : “S’ils prennent le pouvoir par la force et rétablissent un émirat islamique.../… ils subiront l’isolement, un manque de soutien international et la perspective d’un conflit continu et d’une instabilité prolongée en Afghanistan.”
Autant pisser dans un violon, face à cette horde conquérante qui n’a que faire de ces veules leçons de morale !

En attendant, on rapatrie avant la catastrophe annoncée, les ressortissants et le personnel diplomatique, à l’instar de ce qui s’était passé dans les années soixante-dix avant la chute de Saïgon, puis de Phnom Penh, puis de Téhéran, etc...
Et l’on plaint par avance avec des larmes de crocodile les populations sacrifiées sur l’autel de la couardise et de l'hypocrisie réunies. On s’attend déjà à voir errer les myriades de réfugiés, les malheureux qui n’auront d’autre espoir que de fuir et d’émigrer. Quant à ceux qui avaient déjà fait le pas et qui se trouvaient en situation irrégulière, la France généreuse annonce “avoir suspendu les expulsions de migrants vers l’Afghanistan”. Belle perspective, et beau résultat…
Comme le déplore avec amertume l’historien Jean-Charles Jauffret "Nous assistons au naufrage d'un pays en nous croisant les bras..."

21 juillet 2021

La Liberté et ses fantômes

Consternant spectacle que celui où l’on voit dans notre pays des excités hurler à la dictature au motif que le gouvernement envisage de mettre en œuvre le fameux pass sanitaire, pour lutter contre la progression du COVID-19 et encourager les réfractaires à se faire vacciner. L’excès des mots atteint en la circonstance des sommets hallucinants.
Même si l’on peut contester la manière très technocratique et hasardeuse de mettre en œuvre ce dispositif, la seule certitude qui s’impose est que ces gens ne savent vraiment pas ce qu’est la Liberté pour en galvauder à ce point la signification. Ils ne mesurent pas les efforts de ceux qui ont tant donné pour qu’elle devienne réalité et ils manifestent une ignorance coupable vis-à-vis de celles et ceux qui n’ont pas la chance comme eux, de vivre dans un monde ouvert.

Au moment même où les médias braquent leurs projecteurs sur ces imbéciles - heureux sans le savoir -, des événements autrement plus graves se déroulent dans le monde, sans qu’on entende beaucoup de voix s’élever contre ces vrais totalitarismes.
Dimanche 11 juillet, des milliers de Cubains ont déferlé aux cris de « Liberté ! », « Nous avons faim » et « A bas la dictature » (Le Monde). On peut les comprendre et éprouver quelque compassion. Cela fait plus de soixante ans qu’ils subissent les effets désastreux de la tyrannie castriste. Pourtant, dès le mardi suivant, quelque 130 personnes étaient emprisonnées ou signalées comme disparues, et l’attention se détourna rapidement du sort de ces malheureux, abandonnés depuis si longtemps à leur triste sort.
A la Havane, force est de constater que le socialisme règne toujours en maître et sa rhétorique odieusement mensongère est plus que jamais à l’œuvre, qualifiant par la bouche de l’actuel président Miguel Diaz-Canel, ces manifestations de “provocations orchestrées par des éléments contre-révolutionnaires, organisés et financés depuis les USA avec des objectifs de déstabilisation..” Au boniment s'ajoute l'ingratitude pour le tandem Biden-Obama qui avait preuve de tant de mansuétude pour les satrapes de La Havane...

En Afghanistan, on assiste au retour massif et brutal des Talibans, à la faveur du désengagement des États-Unis. Ils étaient les derniers à tenter de faire encore rempart aux révolutionnaires islamistes sanguinaires et à protéger les fragiles progrès démocratiques que l’intervention de la Communauté Internationale avait permis de faire.
Ces tristes événements ne suscitent hélas guère plus d’émotion que la mise au pas des dissidents cubains. Face à cette nouvelle déferlante de barbarie, le gouvernement français appelle, sans état d’âme, ses ressortissants à quitter au plus vite le pays. Éternel recommencement. Comment ne pas se remémorer l’abandon tragique du Vietnam, puis du Cambodge, de l’Iran et de tant de pays, devant l’imminence des périls. On se souvient des ambassades prises d’assaut par les réfugiés, les drapeaux amenés en catastrophe, et l’effacement chaotique de tous les symboles de la Liberté...

L’évolution de la situation au Mali procède de la même mécanique. Aujourd’hui le président Macron menace de “stopper Barkhane si le pays s'enfonce dans l'islamisme radical”. N’était-ce pas précisément le motif de l’intervention initiale ?
On se retrouve en définitive prisonniers d’un tragique imbroglio. Pendant qu’on accueillait au titre de l’asile politique, nombre de jeunes gens, qui auraient pu combattre auprès de nos troupes pour offrir à leur pays l’espoir d’une liberté durable, l’hydre totalitaire reconstituait sans cesse ses bras mutilés pour mieux renaître le jour où nous baisserions les nôtres...

Une fois encore, l’absence de consensus et de détermination de la part des instances de régulation internationales, fait la part belle à l’horreur tyrannique. Et pendant que dans le Monde Libre, des minorités vociférantes voient ressurgir à la moindre contrariété le spectre de la Shoah, des peuples entiers continuent de souffrir en silence de la vraie privation de liberté et de toutes sortes d’atrocités infligées par les despotes qui les asservissent en toute impunité...

08 juin 2021

Les Tontons Taxeurs

L’incapacité notoire de nos gouvernements à résoudre les problèmes que leurs administrés rencontrent au quotidien, genre sécurité, éducation ou emploi, est largement compensée par les trésors d’imagination qu’ils déploient en matière de normes et de taxes.
La dernière réunion du G7 en fut une sublime illustration. Sous la belle photo de famille des ministres des finances, les cris de joie soulignaient le caractère paraît-il “historique” du sommet, dont la dernière trouvaille fut une résolution ouvrant la voie à un “impôt minimal de 15% sur les sociétés”.
Notre représentant Bruno Lemaire frétillait de plaisir, saluant le pas de géant accompli et assurant qu’il se battrait lors des négociations à venir, pour que le taux retenu soit “le plus élevé possible”. Avec des trémolos joyeux dans la voix il claironna qu’il s’agissait “d’une mauvaise nouvelle pour les paradis fiscaux”. Le pauvre homme! A l’apogée de sa brillante carrière de technocrate, il donne une fois encore raison au vieux Clemenceau : “La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts….”

Il faut préciser que cet accord fut salué par un consensus quasi unanime. A l’exception des pays qui doivent une bonne partie de leur essor économique et de leur prospérité au faible niveau de leurs taxes, tout le monde ou presque applaudit à cette initiative insane, sortie paraît-il du cerveau quelque peu racorni de daddy Joe Biden. Normal, car les sociétés internationales relèvent du concept fantasmatique qui réjouit les bien-pensants de petite vertu sociale et qui laisse supposer aux péquins moyens qu’ils ne seront pas touchés par cette vague fiscale hautement moralisatrice.
Personne toutefois pour l’heure ne comprend bien comment se concrétisera cet accord, qui a toutes les chances de tourner rapidement à l’usine à gaz, voire de finir en vœu pieu façon accords de Paris sur le climat.
On a beau chercher un peu partout dans la Presse plus ou moins spécialisée, rien de clair n’est avancé quant à la mise en œuvre de cette nouvelle machine à produire de l’argent magique. Au départ, l’idée du président américain était d’imposer davantage les 100 plus grandes et rentables multinationales. On sait d’autre part que l’OCDE souhaite moduler l’impôt des grandes entreprises en fonction des bénéfices réalisés dans chaque pays, indépendamment du lieu du siège (vaste programme…) On peut aussi apprendre qu'à terme, 20% des bénéfices mondiaux devront être répartis différemment quand la marge dépasse 10%, selon une clef de répartition qui doit encore être négociée (Les Echos).

La machinerie sera monstrueusement complexe, c’est à peu près certain. Son efficacité paraît quant à elle beaucoup plus aléatoire. Si par hasard comme chantait Brassens cette pompe à phynances se met en branle, il paraît qu’elle pourrait produire 50 milliards d’euros par an pour l'Europe dont 4 milliards pour la France. Même si c’était vrai, ce ne serait qu’une goutte d’eau face aux dépenses publiques en inflation permanente; peau de zob face aux 424 milliards déversés sur 3 ans par l’État français pour le seul COVID-19 de l’aveu du ministre “chargé des comptes publics”, Olivier Dussopt (Figaro).
Et qui se demande in fine, d’où viendraient ces milliards, si ce n’est, par voie de conséquence, de la poche des consommateurs ? Autrement dit, des hausses de prix qui ne manqueront pas de survenir, dans une période où l’inflation guette. Tout va très bien, madame la Marquise….

10 juillet 2020

Factfulness

Quoi de plus naturel que d’assujettir son opinion aux faits établis plutôt qu’aux suppositions ou aux croyances ? Ce fut en tout cas la thématique que défendit opiniâtrement le médecin suédois Hans Rosling.
Expert en santé publique, conseiller auprès de l’OMS, il parcourut le monde en essayant de propager, preuves et chiffres à l'appui, ce principe qui en apparence tombe sous le sens et qui pourtant a tant de mal à s’imposer en pratique.
Son ouvrage, hélas posthume, intitulé Factfulness, est tout entier consacré à ce sujet. Si le terme se retrouve traduit en factualité, l’éditeur précise en couverture, que derrière le concept, c’est bien de “la saine habitude de fonder son opinion sur les faits” qu’il s’agit.

“Les faits sont têtus” clamait Lénine. Il avait raison le bougre, mais combien fut cruelle cette vérité pour le peuple russe qu’il entraîna dans la barbarie en piétinant cette évidence, et pour tant d’autres qui furent sacrifiés sur l’autel de principes.
Plaute affirmait quant à lui que “les faits parlent d’eux-mêmes”. Pourtant, même à notre époque, avide d’informations et de chiffres, les faits n’ont jamais été aussi méprisés, occultés, interprétés, ou carrément ignorés.
C’est ce que démontre Hans Rosling à l’aide d’un simple questionnaire, soumis à des publics variés, des plus populaires aux plus intellectuels, réputés “sachant”. Treize questions auxquelles n’importe quel individu bien renseigné, et chacun peut l’être aujourd’hui, devrait répondre de manière adéquate. Pour en donner un aperçu, voici 5 exemples:

Ces 20 dernières années, la proportion de la population mondiale vivant dans une extrême pauvreté
A A presque doublé
B Est restée à peu près la même
C A presque diminué de moitié

Comment a évolué le nombre de morts par catastrophe naturelle ces 100 dernières années
A Il a plus que doublé
B Il est resté à peu près stable
C Il a diminué de plus de la moitié

Aujourd’hui, dans quelle proportion les enfants de 1 an sont-ils vacciné contre certaines maladies:
A 20%
B 50%
C 80%

En 1996 les tigres, les pandas géants et les rhinocéros noirs furent classés comme espèces en danger. Combien de ces 3 espèces sont plus particulièrement menacées aujourd’hui:
A Deux
B Une
C Aucune

Combien de personnes dans le monde ont-elles un minimum d’accès à l’électricité
A 20%
B 50%
C 80%

Le test fut révélateur pour la quasi totalité des publics interrogés, et particulièrement édifiant s’agissant des personnes a priori les plus éclairées, exerçant parfois des fonctions politiques de premier ordre.
A chaque fois ou presque l’option la plus dramatique fut choisie par une majorité de gens, et très rarement fut atteinte la proportion de 33% de bonnes réponses, qu’on pourrait attendre comme le fait remarquer malicieusement l’auteur, de chimpanzés répondant au hasard ! Précisons que pour chacune de ces 5 questions, la bonne réponse était la proposition C.


Le fait est que l’opinion la plus répandue actuellement est que le monde va de plus en plus mal, qu’il est rongé par la pauvreté, menacé par les catastrophes naturelles, l’extinction généralisée des espèces animales, la pollution, la déforestation et autres périls marquant manifestement les esprits.Tout cela est largement erroné et le constat n’est pas franchement nouveau. Jean-François Revel y avait consacré un ouvrage très percutant, montrant que les moyens modernes d’information étaient vains face aux idées reçues et aux rumeurs, et plus récemment Steven Pinker s’échinait quant à lui à démontrer que loin de courir à la catastrophe, le monde allait de mieux en mieux (à l’exception de l’Amérique de Trump…).

L’originalité de Rosling est de prendre sur le fait si l’on peut dire, les ignorants qui ont la faiblesse de croire aux préjugés et qui contrairement aux conseils du bon Kant, négligent de vérifier par eux-mêmes la véracité d’affirmations trop souvent sous-tendues par des parti-pris idéologiques. La méthode est assurément efficace et l'on se prend à espérer que l'immense succès de librairie de l'ouvrage soit l'annonce d'un vrai et durable changement dans les mentalités.
On en doute toutefois car les clichés ont la vie dure, et bien que les propos de l'auteur soient clairs, sages et simples , on craint qu'ils ne soient vite oubliés...
Pour conjurer le risque de se tromper trop lourdement, Rosling invite à se méfier des comparaisons et prévisions fondées sur des généralisations hâtives, des moyennes fallacieuses, ou des projections en lignes droites trop simplistes. Il recommande de ne pas chercher systématiquement un bouc émissaire à tout ce qui ne va pas bien. Il conseille ne pas céder à la peur, ou à l’urgence, très souvent mauvaises conseillères. Enfin, il préconise de combattre l’ignorance et de répandre une vision du monde basée sur les faits, ce qu’il juge “enthousiasmant et joyeux” et beaucoup plus conforme à l’évolution en profondeur des choses, qui se fait parfois sous nos yeux sans même qu’on y prête attention. Ainsi, l’Occident, trop certain de sa suprématie et de ses acquis, et quelque peu condescendant vis à vis du reste du monde, ne voit pas que d’autres régions du globe montent en puissance, risquant sous peu de le reléguer au rang des civilisations en voie de décadence...
Selon Socrate il n’est de pire ignorance que celle qui s’ignore. Sommes nous encore capables de nous en rendre compte de manière pragmatique ?

20 mars 2020

Confinement

Ainsi la progression inexorable du coronavirus contraint les dirigeants de la plupart des pays européens, dont la France, à ordonner le confinement généralisé de leur population et à décréter l’état d’urgence sanitaire. Situation terrible et aveu d’échec encore impensable il y a quelques semaines et qui rappelle les plus sombres heures de l’histoire. On peine à comprendre comment on a pu en arriver là. On peine encore à croire que la vie puisse ainsi s’arrêter si brutalement et qu’au tintamarre insouciant du quotidien succède pour un temps indéfini ce mortel silence de plomb.
A travers ce drame on découvre avec stupeur une réalité implacable. Il n’y a plus moyen de la contourner et tout le reste devient tout à coup dérisoire. L’actualité toute entière semble devoir s’engloutir dans ce trou noir qui s’ouvre sous nos yeux.
Il s’agit pourtant d’une maladie bénigne pour 80% des gens atteints et dont 98% guérissent. Mais voilà, si le mal s’étend, les malheureux dont l’évolution sera fatale ou bien qui auront besoin de soins hospitaliers risquent de représenter une vraie catastrophe en matière de santé publique, par leur nombre absolu.
Face à cette épreuve inédite, les pouvoirs publics paraissent quelque peu désemparés. N’ayant de toute évidence pas pris à temps la mesure du fléau, ils sont contraints de courir après et d’ajuster leur stratégie à la va-comme-je-te-pousse au risque de sombrer parfois dans l’incohérence. Les mots sont parfois lourds de conséquence et les revirements incessants n’inspirent guère la confiance.

Quand faut-il croire le Président de la République ? Lorsqu’il affirme gravement le 16 mars que “nous sommes en guerre” et que cela justifie que chacun reste “au moins quinze jours” totalement cloîtré chez lui, ou bien lorsqu’il déclarait cinq jours auparavant de manière un peu grandiloquente qu’on ne renoncerait à rien et surtout pas aux terrasses, aux salles de concert
Faut-il croire M. Blanquer lorsqu’il annonce qu’au moins la moitié de la population française sera contaminée ? La moitié, c’est au bas mot 30 millions de personnes. Avec une mortalité estimée de manière optimiste autour de 1%, cela ferait 300.000 morts ! Même “lissés dans le temps”, il y a de quoi avoir froid dans le dos...
Faut-il croire madame Buzyn qui en janvier estimait que le risque de propagation à partir de Chine était quasi nul et qui maintenant nous affirme qu’elle avait prévu le tsunami qui allait arriver et alerté le gouvernement à son sujet, et qui se lamente aujourd’hui en se demandant si dans 6 mois nous serons encore vivants...

Faut-il croire enfin ceux qui claironnent que cette épidémie signe le retour de l’Etat, la fin du capitalisme et de la mondialisation ?
S’agissant de notre pays, on pourrait au contraire, à l’occasion de cette crise, mettre à nouveau en accusation l’Etat déjà omniprésent, omnipotent, et qui se révèle en la circonstance quasi impotent, dépassé par les évènements à chaque étape de l’épidémie. On pourrait une fois encore mettre en cause les innombrables rouages de la machine technocratique centralisée qui ont mis à mal le système de santé et qui dans les situations critiques freinent sa réactivité. Aujourd’hui le Président de la République promet de déverser des sommes astronomiques pour atténuer les effets probablement désastreux du confinement généralisé sur l’économie. Mais d’où proviendra l’argent puisque les caisses sont à sec ?
Quant à la faillite du système capitaliste annoncée rituellement à chaque crise par les socialistes et apparentés, elle n’est évidemment pas à l’ordre du jour, du moins faut-il l’espérer. Le krach boursier auquel on assiste a été organisé si l’on peut dire, par les Pouvoirs Publics, sous la pression d'un virus. Il ne traduit nullement une crise intrinsèque du système, qui du reste en a connu d’autres, toujours surmontées, c'est d'ailleurs sa force.
S’agissant enfin de la mondialisation, c’est seulement la toile de fond de cette pandémie. Si le tourisme de masse est en train de prendre un sacré coup, probablement durable, la Terre continuera de tourner et le monde continuera d’être ce que le progrès en a fait, à savoir un village planétaire. Le retour au monde cloisonné d’autrefois paraît impensable. Il faudra simplement prendre des mesures plus efficaces pour enrayer précocement ce nouveau type de contagion, rançon de la liberté des échanges. Cela justifie de penser les décisions ensemble et de faire preuve de concertation et de coordination. Le Gouvernement mondial pressenti et souhaité par Kant est plus que jamais d'actualité.
Certains pensent non sans raison mais un peu tard à relocaliser les entreprises. Ils oublient toutefois les causes de l’exode économique, purement conjoncturelles, liées essentiellement au poids des impôts, des taxes et des charges sociales. Si l’on n’y remédie pas de manière pragmatique plus qu’idéologique, il n’y aura pas d’issue nouvelle à cette problématique.

L’Europe, ce conglomérat sans ambition sans dessein, aujourd’hui pointé du doigt comme épicentre du fléau, risque quant à elle, d’exploser définitivement en tant qu’entité. Certains affirment que le mal vient qu’il y a trop d’Europe, et d’autres objectent qu'il n'y en a pas assez. Pour ceux qui pensent qu’on a fait trop de chemin pour revenir au temps des nations, et qui espèrent toujours voir un jour une vraie Fédération, la grande question qui se pose est de savoir si les peuples qui la composent sauront enfin trouver la force d’œuvrer vraiment à un destin supranational en abandonnant certaines prérogatives égocentrées. Pour ne pas donner raison aux adversaires de l'idée européenne, il faudrait aussi que les politiciens comprennent que la démagogie, l’indétermination et les grands principes, peuvent être mortels… Mais le fait est qu’en démocratie, on a les gouvernants qu’on mérite….

14 mars 2020

Un monde pétrifié

A mesure que le coronavirus progresse, l’ambiance prend un tour de plus en plus dramatique. Selon l’OMS il s’agit désormais d’une pandémie. La Presse, quant à elle se livre chaque jour au décompte macabre des victimes, et les titres se font de plus en plus alarmants, pour qualifier un virus “peut-être plus dangereux qu’on ne le pensait”, pour évoquer "le monde entier à l’arrêt" et pour gloser sur le "grand krach boursier", suggérant, non sans délectation pour certains médias de gauche, qu’il prélude à la grande crise économique du capitalisme….
Avec son allocution du jeudi 12 mars, le Président de la République a poussé un peu plus loin encore le tragique de la situation, tout en cherchant à minimiser les conséquences de la catastrophe. Étrange mélange d'onction et de gravité. Bien qu’il se soit montré rassurant en assurant ses concitoyens du soutien total de l’État Providence, le ton a laissé penser qu’on avait franchi un pas de plus. Et ce discours a fait naître une interrogation désagréable: sommes-nous encore en mesure d'enrayer la diffusion du virus, ou bien sommes-nous déjà réduits à courir après ?

Tant que le mal ne concernait réellement que l'Asie, on n’était pas trop inquiet, d’autant plus qu’on laissait entendre que la maladie n'était pas si grave et que les premiers cas sporadiques survenus chez nous étaient en passe d'être maitrisés. A-t-on fait preuve de légèreté, sommes-nous passés à côté de quelque chose pour que tout à coup, l’Europe soit devenue le nouvel épicentre de l’épidémie ?

Sans vouloir jeter d’anathème, étant donné la complexité du problème et la difficulté pour les Pouvoirs Publics de prendre des décisions lourdes de conséquence dans un contexte quelque peu aléatoire, certaines réflexions viennent tout de même à l’esprit. Avant tout concernant l’immixtion de considérations idéologiques dans une problématique purement épidémiologique.
On a entendu par exemple nos plus hauts dirigeants ressasser que le virus se moquait des frontières, qu’il “n’avait pas de passeport”, pour reprendre les mots du chef de l’État. Il s’agit à l’évidence d’une simplification hasardeuse, dictée par la correction politique, car si le virus n’a pas de papier, les porteurs eux en ont. Et la première des précautions eut logiquement été de les contrôler précocement pour éviter, autant que faire se peut, la dissémination de l’agent infectant.
Forte de ses “principes républicains”, la France a rechigné à le faire et ces tout derniers jours encore, la circulation des personnes était parfaitement libre entre l’Italie et notre pays ! On a même laissé passer des cars entiers de tifosi se rendant à un match de football, alors qu’il était plus que probable que le virus se propageait à grande vitesse chez nos voisins transalpins. Résultat, la France fut stupéfaite de voir un nombre croissant de pays, dont les États-Unis, fermer "de manière unilatérale" leurs frontières à ses ressortissants… Elle n’avait pas même pris conscience qu’elle était devenue aux yeux du monde un des foyers brûlants de la contagion !

Autre exemple de propos révélateurs d’une subjectivité néfaste, on a pu entendre il y a quelques jours le ministre de la santé juger “stigmatisant” le qualificatif de “super contaminateur” utilisé par un professeur d’infectiologie pour décrire les patients susceptibles de diffuser abondamment le germe !


On peut également émettre des réserves sur cette fâcheuse tendance qui consiste à penser que notre système de santé est au dessus des autres et que nous n’avons guère de leçon à recevoir de quiconque. On a ainsi observé avec une certaine condescendance ce qui se passait en Chine, puis dans les autres pays d’Asie où le mal s’est rapidement propagé.
On aurait pu pourtant tirer quelque enseignement de ce qui s’y passait et anticiper ce qui allait très probablement nous arriver.
Force aujourd’hui est de constater que nous n’étions pas vraiment prêts à affronter ce fléau.

Lorsque le virus a débarqué, nous avions hélas trop peu de masques, qui furent chichement distribués sur prescription, et trop peu de solutions hydro-alcooliques (SHA). On a d’ailleurs appris à l’occasion, que les pharmacies devaient disposer d’une autorisation du ministère pour confectionner elles-mêmes ces préparations ! Résultat, un vent de folie s’est emparé des foules, accentuant la pénurie et privant sans doute de protection des personnes très exposées. Face à la spéculation, notre inénarrable ministre de l’économie crut bon d’encadrer les prix des SHA. Autant faire un cautère sur une jambe de bois. Ce type de mesure n’améliore évidemment en rien l’approvisionnement, et ne peut qu’accentuer la pénurie ressentie !

Enfin, nous avions trop peu de tests diagnostics et nous avons donc réservé leur prescription aux personnes symptomatiques.


L’observation attentive de certains pays asiatiques nous aurait appris comment avait réagi Taiwan qui à ce jour se pose en modèle (à peine 50 cas recensés et 1 seul décès). Elle a su prendre la mesure du fléau très rapidement. Des contrôles sévères furent mis en place très précocement pour les personnes en provenance de Chine, la sensibilisation de la population fut prompte également et très suivie grâce à l’esprit civique de la population. Le port du masque y est quasi systématique en période d’épidémie, notamment dans les lieux et transports publics. Le pays se souvient du SRAS et a réorganisé son système de santé pour garantir une réactivité maximale.

La Corée du Sud qui fut frappée de plein fouet à partir d’un foyer né au sein d’une congrégation religieuse, a été prise au dépourvu, mais elle a mis en place des actions massives qui ont rapidement porté leurs fruits. Un plan de grande envergure consista à soumettre sans limite la population au test diagnostic, notamment sur les places publiques, les parkings, les gares et les aéroports. Cela permit de mieux circonscrire la propagation du virus en identifiant les porteurs sains ou très peu symptomatiques. Au surplus, cette stratégie a fourni sans doute l’idée la plus juste de la mortalité qui se situe là bas selon les tout derniers chiffrres autour de 0,9% (à pondérer peut-être en fonction de l'âge des patients).

Avec des mesures similaires, le Japon semble également en passe de stopper la progression de la maladie. Quant à la Chine, on connaît la vigueur de sa réponse, malheureusement un peu tardive et sans doute difficile à reproduire au sein d’une démocratie, mais dont l’efficacité est indéniable et qui impose le respect s’agissant de sa capacité à étendre en un temps record le nombre de lits d’hospitalisation dédiés.


Aujourd’hui la France semble avoir pris la mesure de l’ampleur de la crise. Les dernières actions “drastiques” annoncées en urgence aujourd’hui même par le Premier Ministre confirment que nous sommes bien dans une situation “à l’italienne”. Pourtant, on ne prononce le mot “stade 3” que du bout des lèvres. Et tandis qu’on ferme écoles, musées, salles de spectacles, boutiques, cafés et restaurants, tandis qu’on demande impérativement aux gens de rester confinés chez eux, on maintient les transports publics sans imposer ni même conseiller le port du masque. On se limite à la recommandation absurde de tousser dans son coude, et comme si l'on souhaitait favoriser les contacts inter-humains, la RATP et la SNCF annoncent la diminution du trafic... Enfin, on conserve envers et contre toute logique l'échéance des élections municipales qui n’ont aucun caractère d’urgence et qui risquent de se terminer en eau de boudin, si ce n’est en désastre.


Et dans ce monde qui se pétrifie, l’Europe montre une fois encore ses mortelles divisions et son absence de dessein commun. Hormis quelques vœux pieux, aucune coordination n’apparaît et chacun raisonne pour lui. Le gouvernement français se targuait de réquisitionner tous les masques que ses entreprises pouvaient fabriquer, obligeant l’Italie à quémander auprès de la Chine. Cela n’empêche pas notre pays d’en appeler à la solidarité et de réclamer auprès de ceux qui se sont efforcés d’avoir une gestion économe, le droit de s’endetter toujours plus. Ce foutu virus aura-t-il le mérite de faire enfin comprendre la nécessité d’agir avec plus de pragmatisme et moins d’idéologie ?


26 février 2020

Viralité

Viralité: ce terme à la mode dans le microcosme des réseaux sociaux est devenu en quelques semaines le principal sujet de préoccupation de la communauté internationale, et fait désormais la une de tous les journaux. Cette fois c'est au sens propre.
Un nouveau variant de coronavirus dit COVID-19 est en train de faire tache d'huile sur la planète. Il n'a pas les caractéristiques terrifiantes des grandes épidémies d'autrefois, mais il est susceptible de déstabiliser profondément la marche du monde.


La propagation rapide de ce micro-organisme qui se rit des frontières est une manifestation spectaculaire de la mondialisation. C'est une réalité incontournable que nul protectionnisme ne peut espérer endiguer durablement. Mieux vaut imaginer des mesures pragmatiques internes que de tenter d'ériger d'illusoires lignes Maginot.

Dans un tel contexte, les régimes totalitaires “avancés” ont un avantage. Grâce à la centralisation du pouvoir et de tous ses leviers de commande, grâce à l’absence d’opposition, ils ont une capacité sans égale pour confiner les populations, et peuvent mobiliser des moyens importants au service d'une stratégie concentrationnaire comme l'a démontré récemment la Chine.
Les démocraties ont pour elles la réactivité, la puissance scientifique, l'information éclairée des citoyens et l'esprit civique. Malheureusement ces avantages qui devraient être décisifs, ont été érodés par la permissivité, l'irresponsabilité, la démagogie et l'indétermination chronique des pouvoirs publics...

Quoiqu'il en soit, l'évolution de cette nouvelle pandémie risque d'être rapide et diffuse. La maladie a une létalité relativement modeste (probablement inférieure à 2%) ce qui facilite sa propagation. D'autant plus que si sa contagiosité ne semble pas très forte, les personnes contaminées peuvent la transmettre sans manifester eux-mêmes de symptômes.
Il est donc probable, comme le nouveau ministre de la santé l'a annoncé, que notre pays soit prochainement confronté de plein fouet à l'épidémie.
Selon les scénarios quelque peu catastrophistes de certains experts, 40 à 70% de la population mondiale pourrait être touchée, soit jusqu’à 5 milliards de personnes. Ce qui pourrait se traduire par plusieurs dizaines de millions de morts... Par comparaison, la grippe dont les manifestations cliniques ressemblent beaucoup à la maladie due au coronavirus, aussi contagieuse mais avec une létalité dix fois moindre, et pour laquelle on dispose d'un vaccin, est responsable de 10.000 décès par an en moyenne. S'agissant du coronavirus, le sinistre décompte a déjà dépassé largement les 2000 et les foyers sporadiques se multiplient en Europe. Tout est là pour créer un mouvement de panique. On annonce déjà "la" crise économique majeure que les spécialistes attendaient fébrilement depuis des mois, et les médias se plaisent à montrer les pharmacies submergées par la ruée sur les masques FFP2 et les solutions hydro-alcooliques. Tandis que la Bourse dévisse, la spéculation va bon train sur ces expédients, sans doute guère plus efficaces que les mesures de bon sens consistant à éviter embrassades, poignées de mains et autres contacts trop rapprochés...
Nouvelle rassurante, la Chine par laquelle le mal est venu, semble être en passe de réussir à le circonscrire. On se souvient enfin que la fameuse grippe H1N1 qui avait semé en 2009 une belle panique s'était avérée en définitive fort bénigne.
Tout espoir n'est donc pas perdu...

22 août 2019

Le grand barnum du G7

C’est désormais une sorte de rituel des temps modernes. Les “sept pays réputés être les plus grandes puissances avancées du monde” se réunissent en G7 et en grande pompe pour leur symposium annuel. Cette fois c’est Biarritz qui sera l’arène de ces nouveaux jeux du cirque. Comparaison d’ailleurs guère appropriée car le spectacle est un huis clos claquemuré à l’abri des regards. De fait, durant les festivités, la moitié de la ville se transforme en cité interdite pour permettre aux grands de ce monde de deviser en toute tranquillité.
Le peuple des gueux est tenu pour sa part à distance, repoussé jusqu’en Espagne. Il se compose de hordes disparates d’altermondialistes, d’écologistes, d’anti-capitalistes, dont le point commun est une profonde détestation de ce que représentent ces chefs d’états.
Vous dire exactement pourquoi serait une gageure, tant c’est confus, utopique et bourré de contradictions. A travers les slogans éculés et les banderoles mitées, c’est une sorte de désespoir qui s’exprime, véhiculant un nihilisme d’autant plus virulent qu’il n’a rien d’autre à proposer que la chimère “d’un autre monde.”

Pour contenir cette fange gesticulante, les Pouvoirs Publics ont prévu la mobilisation de plus de 13.000 policiers et gendarmes !
On se demande jusqu’où l’on poussera ces coûteuses absurdités. Quel est donc l’intérêt d’un tel spectacle où l’on voit quelques dirigeants s’auto-congratuler à l’intérieur de leur petit club très fermé, tandis que des foules de plus en plus ensauvagées vocifèrent aux portes de leur palais, face aux forces de l’ordre dont le nombre semble inversement proportionnel à la capacité d’empêcher les saccages, les pillages et les destructions, que les médias quant à eux prennent un plaisir évident à filmer, en long en large et en travers.

Il y a quelques années, la Russie fut exclue des ces happy few pour d’obscures raisons. On se demande bien pourquoi elle avait été admise puisqu’elle n’a jamais été une démocratie et qu’elle ne figure qu’en dixième position en termes de PIB. Pourquoi la Chine, guère plus démocratique mais seconde puissance économique mondiale n’eut jamais son ticket d’entrée. Pourquoi l’Inde, septième au palmarès du PIB et authentique démocratie, des plus peuplées qui plus est, n’a jamais été conviée… Et pourquoi cette multitude de petits pavillons européens aux côtés de celui, unique, supposé les rassembler ?
Cette année l’Italie déchirée aura bien de la peine à envoyer un représentant pour poser sur la photo de famille. And then they were six...
Et tout ça pour quoi ? Pour parler d'après ce que nous en dit le ministre de l'intérieur, des inégalités hommes/femmes, de l’avenir du climat et du risque terroriste. La belle affaire qui, a n’en pas douter, va contribuer à l’augmentation du bonheur des nations et à la prospérité de tous...

11 septembre 2011

9/11 : Entre Tristesse et Espoir


Dix ans après le cataclysme qui ébranla la naïve insouciance du monde occidental et frappa cruellement les New-yorkais dans leur chair, force est de constater que les archaïsmes sont restés très présents dans une bonne partie de l'opinion publique.
En Europe et particulièrement en France, le consensus anti-américain est toujours solide, sous le voile d'hypocrisie que l'élection d'Obama a tendu au dessus de cette montagne de mauvaise foi haineuse. Grattez un peu et vous retrouverez tous les poncifs du genre. Par exemple, en lisant les nombreux commentaires au récent billet d'Yvan Rioufol, on peut s'en faire une idée assez précise. La théorie du complot généralisé a encore de nombreux adeptes. Comme celle qui prétend que les Etats-Unis ne peuvent justifier leurs interventions armées que par des mensonges délibérés, ou bien qu'ils n'ont pour objectifs que la poursuite du pétrole ou de sordides considérations mercantiles.
Depuis 2001, le monde a beaucoup changé malgré les dénégations arrogantes et confuses de nombre de songe-creux, arc-boutés sur leurs lubies irresponsables. Il a changé à tel point qu'il est bien difficile d'expliquer l'opiniâtreté avec laquelle ils cultivent envers et contre tout des clichés construits sur la base de rumeurs ou de fantasmes, alors que l'information est disponible en abondance. C'est un grand mystère qui caractérise notre époque, sur lequel s'interrogeait en son temps Jean-François Revel (La Connaissance Inutile). Mais c'est un fait, le grégarisme tient lieu désormais d'attitude, et la reprise en boucle de slogans fait trop souvent office de raisonnement.
Curieusement, pour beaucoup de ces gens, l'incapacité maladive à voir les réalités telles qu'elles sont, n'a d'égale que l'indifférence qu'ils manifestent pour le monde qui les entoure. Pire encore est le mépris quasi systématique pour tout ce qui touche ou se fait à l'étranger, dont la tentation protectionniste est une des navrantes et chauvines formes d'expression.

Le Monde a changé et probablement va changer encore profondément dans les années qui viennent. L'Occident est en train de perdre sa prééminence, c'est un fait. Mais au nom de quoi faudrait-il souhaiter que perdure une situation dans laquelle notre bien-être s'apparentait à une égoïste sinécure, ignorante de la misère dans laquelle végétait, et parfois était littéralement enfermée, une grande partie de la planète ?
Les socialistes de tout poil et les alter-mondialistes, soit disant généreux et altruistes, prétendent que le modèle de la société ouverte capitaliste approfondit les inégalités et propage la pauvreté à travers le monde. Dans le même temps ils s'insurgent contre la concurrence déloyale que les pays émergents imposent aux pays développés.
Ils ne veulent donc pas voir avec leurs yeux de taupes, qu'à l'inverse de leurs refrains, la prospérité est en train de faire irruption dans nombre de pays ayant fait le choix du capitalisme. Ils ne voient pas non plus que le protectionnisme qu'ils réclament à corps et à cris ne ferait que rétablir les affreuses barrières derrière lesquelles tant d'horreurs et d'injustices ont été commises.

Les prosélytes du paradigme "progressiste" se sont trop longtemps accommodés de terribles disparités pour aujourd'hui continuer à donner des leçons d'égalité. Leur inspiration froidement matérialiste a trop montré d'arrogance envers toutes les religions pour accuser l'Amérique, un des pays les plus tolérants, de sectarisme bigot et de fanatisme anti-islamique.

Les tragiques événements de 2001 ont ébranlé le monde. Mais cette orgie insensée de violence a provoqué une brutale et sans doute salvatrice prise de conscience.
La coalition internationale menée par les Etats-Unis a permis de faire des progrès considérables dans la lutte contre le terrorisme qui gangrenait le monde. Elle a qu'on le veuille ou non, instillé un parfum de démocratie dans tout le Moyen-Orient, et même au delà. Et certains commencent manifestement à y prendre goût.
Tout ça est bien fragile et l'actuel bouleversement des grands équilibres économiques n'arrange pas les choses. Mais plus que jamais l'avenir est ouvert. Il dépendra de ce que nous en ferons.

Les récents propos du Président Obama montrent qu'en dépit des difficultés conjoncturelles, l'état d'esprit outre-atlantique n'a pas vraiment changé. C'est encourageant. Il conserve, comme à l'époque de George W. Bush, une bonne dose d'optimisme et de foi, nécessaire pour tirer tous les enseignements d'un drame qui s'éloigne mais dont la trace restera à jamais présente :
"Ceux qui nous ont attaqués le 11 septembre voulaient creuser un fossé entre les Etats-Unis et le reste du monde. Ils ont échoué. En cette dixième commémoration annuelle, nous sommes unis avec nos amis et partenaires dans le souvenir de tous ceux que nous avons perdus dans ce combat. En leur mémoire, nous réaffirmons l'esprit de partenariat et de respect mutuel dont nous avons besoin pour réaliser un monde où chacun vivra dans la dignité, la liberté et la paix" (Le Figaro)

06 juillet 2011

l'ouverture du Monde II

S'agissant du marché de l'emploi, la mondialisation ne doit pas être considérée, comme irrémédiablement néfaste. Si les pays occidentaux traversent des difficultés conjoncturelles, le solde général à l'échelle de la planète est largement positif, eu égard au boom que connaissent nombre de pays émergents.
Il ne s'agit rien de moins que du principe des vases communicants, qui à la faveur de l'ouverture des frontières, s'exerce logiquement au profit de nations capables de fournir en abondance une main d'oeuvre bon marché. Dans cette nouvelle forme de compétition, les pays développés, comme le remarque judicieusement Thomas Friedman, ont tout intérêt à privilégier les emplois hautement qualifiés, et donc un haut niveau d'éducation et de formation professionnelle.
Au lieu de ça, nombre de pays dont la France, semblent s'abandonner à un marasme inquiétant. Le désastre de l'Education Nationale concerne une frange de plus en plus nombreuse de la population qu'elle laisse par une étrange résignation, littéralement à l'abandon. Parallèlement la Recherche et l'Innovation patinent, tant dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la foi dans le mythe de l'Etat omnipotent s'impose, au détriment des initiatives privées.
A ce sujet Friedman évoque ce qu'il appelle un peu bizarrement le coefficient de platitude: "Moins une nation ou une entreprise a de ressources naturelles, plus elle recourt à l'innovation pour survivre". Il faut reconnaître qu'appliqué à la plupart des pays européens qui ne disposent ni de gisements d'emplois facilement mobilisables, ni d'abondantes ressources naturelles, le concept fait mouche...

Comme l'avait prévu Schumpeter (1883-1950) dans ses sombres prévisions concernant le capitalisme, ces phénomènes sont aggravés, par le poids croissant que font peser les acquis sociaux dans les pays riches. Plombés par un droit du travail et des législations de plus en plus contraignants, asphyxiés par des systèmes de taxation étouffants et une dette étatique bientôt incommensurable, leur dynamisme s'essouffle inexorablement. Avec raison Friedman déplore "la sur-réglementation [qui] s'avère néfaste pour les gens qu'elle est censée protéger, et ouvre la porte à la corruption des bureaucrates"
Au lieu de faire preuve de réactivité, la combativité face à la crise paraît s'émousser tandis qu'on sent monter une agressivité contre le reste du Monde. La morosité, voire une certaine tendance à la sinistrose font tache d'huile, attisées par des médias irresponsables. Une bonne partie de la population rechigne à voir fondre certains avantages que des politiciens sans scrupule leur ont présenté depuis des années comme définitifs.
Résultat, tandis que les plus fortunés, mais aussi les jeunes les plus hardis et déterminés préfèrent s'enfuir vers des contrées plus porteuses de perspectives d'avenir, on continue d'entretenir les mythes bien intentionnés des bienfaits d'une immigration incontrôlée, de la retraite à 60 ans, des 35 heures, de l'interdiction de licencier...
De ce point de vue, selon Friedman, les USA gardent encore quelques atouts (jugés paradoxalement avec sévérité en Europe), notamment le fait "qu'aucun pays ne protège mieux la propriété intellectuelle", et "qu'ils disposent d'une des législations les plus souples en matière de droit du travail. Plus il est facile de licencier dans un secteur en déclin, plus il est facile d'embaucher dans un secteur en plein essor..."

Face à la montée des périls Friedman soutient que le discours politique devrait vanter l'effort et le courage plutôt que les remèdes lénifiants et se référer à l'esprit pratique plutôt qu'au catalogue des vœux pieux.
Bien que son pays soit pour l'heure moins touché par les effets indésirables des mesures de "justice sociale" que la plupart des nations européennes, il constate toutefois avec amertume "qu'il y a bien longtemps que les dirigeants américains ne demandent plus aucun sacrifice à la population".
Pire, L'Amérique lui rappelle "le parcours classique de ces familles riches qui commencent à gaspiller leur fortune à la troisième génération" et il la compare à "un homme endormi sur un matelas gonflable qui se vide lentement de son air..."
Au sujet de l'Europe, il évoque le diagnostic inquiétant fait par Steven Pearlstein dans le Washington Post, sur le rideau du capitalisme qui la divise aujourd'hui : "d'un côté, l'espoir, l'optimisme, la liberté et la perspective d'une vie meilleure, de l'autre, la crainte, le pessimisme, une réglementation étouffante et l'impression que le bon vieux temps ne reviendra plus..."
A ceux qui croient encore à l'idéal socialiste, Friedman rappelle au passage que "le communisme excellait dans l'art de rendre tous les hommes également pauvres, alors que le capitalisme rend les hommes inégalement riches".

Il rappelle au passage quelques principes que n'auraient pas désavoués son homonyme Milton Friedman :
Par exemple au sujet des bulles spéculatives, il évoque Bill Gates qui faisait remarquer, que lors de la ruée vers l'or, "la vente de pics, de pioches, de jeans, et de chambres d'hôtel aux chercheurs a rapporté plus que l'or dégagé du sol." D'où il déduit que "les booms et les bulles peuvent être économiquement dangereux, ils peuvent entraîner la ruine de beaucoup de gens, mais ils peuvent aussi accélérer l'innovation." CQFD

Évoquant le pouvoir et la responsabilité souvent sous estimés des citoyens dans les régimes démocratiques, il avertit que "les partisans de la compassion doivent apprendre aux consommateurs que leur pouvoir d'achat est une force politique". Car toujours selon son opinion, "un chef d'entreprise pas plus qu'un délégué syndical ne peut promettre un emploi. Seul le client peut le faire..." Simple réminiscence en somme, du vieil adage qui stipule que "le Client est roi."

Toujours à propos de la responsabilité citoyenne, il introduit assez opportunément la notion de téléchargement vers l'amont qui constitue selon lui une vraie révolution, notamment sur Internet. Souvent négligé ou méprisé par les Pouvoirs Publics ou les Médias classiques usant et abusant de leur position dominante, il rassemble un nombre croissant d'initiatives dont les caractéristiques sont l'ouverture, la liberté et le partage d'informations et de connaissances. On peut citer entre autres, l'encyclopédie Wikipedia, le système d'exploitation Linux, le serveur Apache, les logiciels dits opensource comme la célèbre suite logicielle OpenOffice, et plus généralement les Blogs, les communautés de chercheurs, et bien sûr les réseaux sociaux, qui désormais, "permettent aux gens d'avoir leur mot à dire" et constituent "une sorte de cinquième pouvoir."
Ces outils évoluent à la vitesse de l'éclair et font que de plus en plus souvent, "les amateurs deviennent plus performants que des professionnels". Bien qu'ils ne soient évidemment pas dénués de danger, les bénéfices l'emportent largement notamment en matière de démocratie locale ou "participative", surtout si les responsables politiques parviennent à en tirer profit : "si un maire demandait à ses administrés de photographier chaque nid de poule, vous seriez étonnés par le résultat".

Fustigeant le mouvement anti-mondialisation, Friedman analyse avec justesse les causes qui mènent à cette rancœur destructrice, dont les anathèmes fleurissent un peu partout et dont on entend monter en un concert assourdissant la clameur revancharde.
Il cite notamment la mauvaise conscience suicidaire des sociétés occidentales, la poussée d'arrière-garde de la vieille gauche espérant ressusciter une certaine forme de socialisme, la protestation devant la vitesse des transformations et enfin last but not least, l'anti-américanisme.
Il affirme, à l'inverse des rengaines cent fois rabâchées, que "les pauvres du monde ne détestent pas les riches, contrairement à ce que voudraient faire croire les partis de gauche du monde développé. Ce qu'ils détestent c'est de ne pas pouvoir accéder à la richesse, de ne pas pouvoir rejoindre le monde plat et la classe moyenne."

Dommage qu'en terminant son ouvrage, comme pour rappeler son appartenance à la mouvance progressiste du New York Times, il se croit obligé de se délester d'un couplet puisé au même tonneau de remords et de mauvaise conscience que celui dont il s'est appliqué à dénoncer les effets pervers.
Ainsi, faisant une sorte de clin d'oeil à notre pays, il affirme benoîtement que "la Sécurité Sociale c'est de la bonne graisse à garder".
De même, après avoir vanté le rôle bénéfique des échanges marchands en matière de prospérité et de niveau de vie, il fait le constat désabusé que "le commerce crée des gagnants et des perdants" et qu'il faut donc chercher à mettre en œuvre "des mécanismes de compensation". Il propose même, sans préciser comment la financer, l'instauration d'une étrange "assurance salaire" destinée à combler le manque à gagner enduré lorsque, après avoir perdu son emploi (pour cause de délocalisation, restructuration...) on en retrouve un autre moins lucratif...
Au plan purement politique, bien que s'exprimant la plupart du temps comme un sympathisant du parti républicain, il donne à ses concitoyens le curieux conseil suivant : "Si vous voulez vivre comme un Républicain, votez comme un Démocrate".
Et pis que tout, il se laisse aller à la traditionnelle diatribe anti-Bush.
Après avoir consacré un chapitre aux dangers de l'islamo-fascisme, dénoncé la nature irrationnelle des rumeurs et prétendus complots propagés par l'internet, approuvé l'intervention en Irak en 2003, il prétend tout à coup que les "les USA ont cessé d'exporter l'espoir pour exporter la peur".
Et bien qu'il préconise in fine un programme politique proche de celui de George W. Bush, il lui donne le coup de pied de l'âne en affirmant "qu'il s'est servi des émotions du 11/09 pour imposer son programme concernant la fiscalité, l'environnement, les questions sociales... et divisé les américains entre eux, les a séparés du reste du monde, et coupé l'Amérique de sa propre identité..."

La Terre est Plate, qui part donc d'observations perspicaces pour en déduire un postulat douteux, s'achève en grotesque palinodie. Décidément rien n'est vraiment simple...