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18 avril 2007

Intemporalité de la beauté

Il y a quelques jours à peine, en parcourant les vastes allées du Giardino di Boboli, devant le Palazzio Pitti à Florence, je tombai en arrêt devant une statue. Immédiatement elle me rappella une aquarelle de John Sargent (1856-1925). Je la photographiai pour emporter la trace de cette impression de déjà-vu.

Lorsque de retour d'Italie, je compulse les ouvrages consacrés à ce peintre américain imprégné d'Europe, je retrouve sans hésitation la déesse Cérès couronnée de lauriers et tenant à la main une brassée de céréales.

Détenue par le Brooklyn Museum, cette oeuvre est datée de 1907.

Etonnante et minuscule coïncidence. 1907-2007 : un siècle exactement sépare les deux regards. Tant de tumultes séparent ces instants, tant d'horreurs barbares, tant d'illusions et de vanité. Et pourtant autour de cette silhouette altière, règne une tranquillité inchangée. On entend le pépiement intemporel des oiseaux et la lumière traverse l'ombre des cyprès majestueux avant de frapper le marbre froid sur lequel elle se répand en flaques mobiles d'une blancheur éblouissante.

Devant cette scène, l'oeil de Sargent fut comme un prisme qui décomposa les rayons du soleil en traits multicolores, transformant ces contrastes graciles en une sorte de délicate extase expressionniste. L'éclat de la Renaissance colorant les vestiges du monde antique en quelque sorte...

26 février 2007

La lumière et la grâce


Coïncidence, quelques jours après avoir évoqué la peinture de Winslow Homer, je découvre sur les kiosques parisiens l'affiche d'une exposition sise actuellement au Petit Palais, consacrée à John Singer Sargent (1856-1925).
La comparaison s'impose naturellement car cet artiste, contemporain et compatriote de Homer, s'est beaucoup attaché comme ce dernier, à faire très librement chanter la lumière.
Son parcours toutefois le rattache autant à l'Europe qu'aux Etats-Unis, et comme Whistler et Mary Cassat, il est la preuve que l'art d'Amérique prend ses racines sur le vieux continent.
Né à Florence, il fut naturellement inspiré par la méditerranée. L'Italie, mais aussi la Grèce, notamment l'île de Corfou ou encore Majorque aux Baléares.

De son vivant, Sargent fut considéré comme un très grand portraitiste. Il immortalisa brillamment sur la toile deux grands présidents américains: Théodore Roosevelt et Woodrow Wilson. Surtout, il excella dans la représentation de scènes domestiques de la haute société de l'époque. On pourrait dire qu'il rendit en peinture ce que Henry James exprima en littérature : un mélange d'élégance et de distinction d'une précision parfaite mais un peu froide. Le portrait de Lady Agnew of Lochnaw en témoigne. Tout y est soyeux et distingué: le tissu de la robe, celui du fauteuil, la tenture servant de toile de fond, et même la carnation du personnage. Tout est beau et noble, mais un peu distant.


C'est pourquoi je préfère à titre personnel, bien qu'elles ne soient guère nombreuses dans l'exposition actuelle, les aquarelles qu'il peignit dans la dernière partie de sa vie et qui sont illuminées par l'intense lumière du midi.

Il jaillit des jardins et des paysages marins sur lesquels le regard du peintre s'est posé, des brassées de couleurs qui éclatent en formant de superbes feux d'artifice. Dans ces rayons bariolés, vibrent avec sensualité les fruits mûrs dans les arbres, les ombres mobiles sur les murs blancs des maisons, les « grands jets d'eau sveltes parmi les marbres », les reflets fugaces des bateaux mollement enchâssés sur l'eau transparente...
Cet univers gracile est un enchantement pour les yeux tant ses chatoiements signifient de plénitude et de liberté.

Référence : Sargent: Watercolors (Watson-Guptill Famous Artists)

PS : l'expo présente également les oeuvres d'un artiste espagnol Joaquin Sorolla (1863-1923). Le voisinage avec Sargent est naturel : inspiration naturaliste mais colorée, grâce et sensualité post-impressionniste.