Il y a quelques jours à peine, en parcourant les vastes allées du Giardino di Boboli, devant le Palazzio Pitti à Florence, je tombai en arrêt devant une statue. Immédiatement elle me rappella une aquarelle de John Sargent (1856-1925). Je la photographiai pour emporter la trace de cette impression de déjà-vu.
Lorsque de retour d'Italie, je compulse les ouvrages consacrés à ce peintre américain imprégné d'Europe, je retrouve sans hésitation la déesse Cérès couronnée de lauriers et tenant à la main une brassée de céréales.
Détenue par le Brooklyn Museum, cette oeuvre est datée de 1907.
Etonnante et minuscule coïncidence. 1907-2007 : un siècle exactement sépare les deux regards. Tant de tumultes séparent ces instants, tant d'horreurs barbares, tant d'illusions et de vanité. Et pourtant autour de cette silhouette altière, règne une tranquillité inchangée. On entend le pépiement intemporel des oiseaux et la lumière traverse l'ombre des cyprès majestueux avant de frapper le marbre froid sur lequel elle se répand en flaques mobiles d'une blancheur éblouissante.
Devant cette scène, l'oeil de Sargent fut comme un prisme qui décomposa les rayons du soleil en traits multicolores, transformant ces contrastes graciles en une sorte de délicate extase expressionniste. L'éclat de la Renaissance colorant les vestiges du monde antique en quelque sorte...